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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
IMFBIHERIE CENTRALE DU UISI. — HAHELIH FRERES
REVUE
LANGUES ROMANES
PUBLIÉE
PAR LA SOCIÉTÉ
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES KOMANES
Troisième Série
TOME NEUVIÈME
TOME XXIU DE LA COLLECTION
MONTPELLIER
AU BURBA1I DES PUBLICATIONS
DB LA SOCIËTR
PARIS
MAISONNEUVE ET O
LIDnAinRR-BUITBDRS
25, QUAI VOLTAIRE, 25
H ooca i.xi]im
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
Dialectes Anciens
SUR QUELQUES MANUSCRITS PROVENÇAUX
PERDUS OU ÉGARES
{Suite)
IX.— Vie de Jésus-Christ par saint Israël
Plusieurs auteurs, entre autres dom Rivet {Hist. lût. de la
France, t. VII, p. xlWij, et p. 230), parlent d'une Vie de Jésus-
Christ et d*une Histoire saiWe que saint Israël, chantre de
Téglise du Dorât, mort en I0I4, aurait composées en langue
vulgaire, par conséquent en limousin. La chose n*a rien que
de vraisemblable. Mais les seuls garants qu'on allègue sont
deux auteurs du XVIl" et du X VIII" siècle, CoUin et Blondel.
L'ancienne vie latine de ce saint personnage, publiée par
Labbe [Bibl. nova, t. II, p. 566), ne fait aucune allusion à ces
ouvrages. En existait-il encore quelque copie au commence-
ment du siècle dernier, comme dom Rivet se croit fondé à le
supposer, d'après la manière dont en parlent CoUin et Blon-
deP? On pourrait, dans ce cas, ne pas désespérer de la re-
^ c Touché de Tigaorance des peuples du païs, il fit pour leur instruction,
en langue vulgaire el vers rimes, la vie de J.-C. et même l'histoire de la
Bihle. Le docteur Collin, théologal de Saint Junien au même diocèse, et
TOMB IX DB LA TROISIÈME SÉRIE.— JANVIER 1883. i
167905
6 MANUSCRITS PROVBNQÀUX
trouver, au séminaire de Limoges par exemple, dont la bi«
bliothèque, à ce qu'on m'assu • est riche en documents pré-
cieux, où se cachent peut-êtfv.i d'autres monuments de cett^
ancienne littérature du haut Limousin, première manifesta-
tion de la langue d'oc, dont Boëce et les poésies religieuses du
célèbre ms. de l'abbaye de Saint-Martial * sont, avec quel-
ques fragments en prose, les seuls échantillons que nous con-
naissions aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit,voici les passages de Collin et de Blondel
relatifs à notre sujet. J'en dois la transcription à l'obligeance
de M. Léon Clédat:
« S. Israël, nobilis Marchianus *, praecentor Doratensis Ec-
clesiaB, ofôcialis et major vicarius, ut vocant, Hilduini, seu
Alboini, episc. Lemovicensis, primus praepositus et restitutor
ecclesiaB sœcularis et coUegiatae S. Juniani, vitam et res ges-
tas Christi Salvatoris, métro eleganti vernaculo, scripsit circa
an. 1012. » (Collin, Lemovicini multiplict eruditione illusires {Le-
movicis, 1660, in-12), p. 24).
« Il (saint Israël) mit en cantiques l'histoire sainte depuis la
création du monde jusqu'à l'Ascension de Notre Seigneur,
afin que les paroles, jointes à l'agrément du chant, pussent
servir à l'instruction du peuple qui étoit alors dans une grande
ignorance. » (Blondel, Vies des saints tirées des auteurs origi^
naux; 22 décembre. Paris, 1722.)
Blondel déclare avoir tiré la Vie de saint Israël, j compris
sans doute le passage qui précède, des leçons de l'office de ce
saint et d'un manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève.
M. Blondel, auteur d'un recueil de vies des saints, qui ont fait Tun et l'autre
la vie de ce saint poëte , avoient une connaissance particulière de ses ouvrages,
n paraît môme, par la manière dont ils en parlent, qu'ils existent encore. »
{Hist. lut., t. Vil, p. xlviij.) Plus loin, p. 230, on lit cette note: a Cette his-
toire (celle de J.-C par saint Israël) existe encore, puisqu'elle est citée dans le
nouveau glossaire de Du Gange (t. VI, p. 1603, 1718). Mais on l'y cite avec une
faute énorme, en Tattribuant à un prétendu Isaac, abbé de l'Esterp, qui ne
fut jamais. L'auteur du mémoire aura lu dans le ms. Isaac pour Israël. » Je
ne m'explique pas cette note. A l'endroit visé, sous villania, on trouve seu-
lement des vers français, tirés d'une vie de J.-C. qui, d'après la Table des
auteurs, est anonyme et écrite en 1323.
* No 1139 de la Bibliothèque nationale.
« Marchois, de la Marche limousine.
MANUSCRITS PROVENÇAUX 7
X. — Vieâ. rint Castor
Raymond Bot, évêque d'Apo ^1275-1303), est l'auteur d'une
vie de saint Castor, encore inédite, sur laquelle on peut voir,
dans les Pièces fugitives d'histoire et de littérature, 4® partie,
1704, p. 56, un article anonyme, mais que j'attribuerais vo-
lontiers àRemerville de Saint- Quentin, Aptésien connu pour
s'être occupé avec fruit, à cette époque, de l'histoire de sa
province .
Il résulte d'un passage de cet article, appuyé d'une citation "
de Raymond Bot, qu'il existait du temps de ce prélat, dans les
archives du chapitre d'Apt, une vie de saint Castor en langue
vulgaire, — probablement en provençal, — et en vers.
P. 70. « Un si saint pontificat (celui de saint Castor) obligea
quelques personnes pieuses d'en laisser des mémoires à la
postérité. On écrivit l'histoire du saint en vieux langage du
pais, qu'on appelloit rustica romana. Cette histoire etoit con-
servée dans les archives du chapitre, d'où elle fut tirée et
mise en latin par l'évêque Raymond Bot, qui remplit le siège
de saint Castor depuis l'an 1275 jusques en 1303. Mais il s'oc-
cupa à cet ouvrage avant son exaltation au pontificat et lors-
qu'il n'étoit que chanoine dans l'église d'Apt, comme il nous
l'apprend lui-même Raymond Bot ayant achevé sa tra-
duction lorsqu'il fut élu évêque d'Apt, c'est-à-dire l'an 1275,
il la dédia à un chanoine d'Avignon « Igitur, dit-il, ego
Regimundus, licet indignus, vocatus episcopus,domini patroni
ac predecessoris mei B. Castoris vitam, quam olim gallicano
cotumo simplicitate fratrum minus dilucidatam inveni, sim-
plici stilo breviter enotare curavi, tibi que viro religioso prse-
senti chartula delegavi. »
Les deux mots que j'ai soulignés indiqueraient plutôt, ce
semble, un texte en vers français qu'en vers provençaux. Mais
le lieu où l'ouvrage fut trouvé, et où il avait sans doute été
composé, autorisent à supposer qu'il était bien, comme le dit
l'auteur de l'article de 1704, « dans la langue du pays. »
Notre très-obligeant et savant confrère, M. de Berluc-Pe-
russis, que j'ai consulté au sujet de la vie romane et de la vie
latine de saint Castor, veut bien m'apprendre que l'original de
l'ouvrage de Raymond Bot a disparu en 1793 des archives
MANUSCRITS PROVENÇAUX
capitulaires d'Apt et n'a pas été retrouvé depuis, mais qu'il en
existe une copie àCarpetitlras, parmi les papiers de Mazaugues.
La yie romane s'est«elle seulement perdue à la même époque,
ou avait-elle déjà disparu ? Il y aurait peut être encore, dans
le premier cas, quelque chance de la retrouver.
XI. — Vie et miracles de sainte Rossoline
On lit dans les Acta Sanctorum, p. 490 b du t. II du mois de
juin, l'extrait suivant d'une lettre du chartreux Charles Le
Coulteux, datée de 1662, ou du moins non antérieure à cette
année-là :
« Multa de nostra Rosseiina in vulgus provinciale spargun-
tur qu3e nullam antiquitatis vel certse auctoritatis notam ha-
bent; si excipias rosarum miraculum, a gravibus auctoribus
datum, et corporis oculorumque incorruptionem. Caetera, a
nostris etiam transmissa, suspecta habeat Paternitas vestra.»
Cette sainte, qu'on a confondue quelquefois avec sainte
Douceline, mourut le 17 janvier 1329, dans le monastère des
Chartreuses dé la Celle-Roubaud, au diocèse de Fréjus. A-t-on
conservé quelques-uns des récits auxquels fait allusion le père
Le Coulteux?
XII . — Autres Vies de Saints
Honoré Burle, auteur d'un ouvrage sur les antiquités de la
Provence *, qui n'a pas été imprimé et dont le ms. autogra-
phe est conservé à Aix (Bibl. Mejanes, n® 537), nous apprend
qu'il existait encore de son temps (il mourut en 1692), dans
les bibliothèques de divers monastères de cette province, un
grand nombre de Vies de Sainfs, et il en énumère plusieurs
dont la plupart sont perdues. C'est au livre premier de l'ou-
vrage précité. Voici le passage :
[Fo 67 v*»] «Extant adhuc hujus linguse [sciL provincialis)
magna librorum volumina, tum prosa, tum versibus aut car.
minibus composita et conscripta, gesta ac vitas plurimorum
sanctorum sanctarumque describentia, inter quas numerantur
Vita et miracula sancti Honorati Arelatensis [F° 68 r°] ar-
* Provincix Gallix Narbonerisis alias Braccatœ vulgo Provence exacta
et brevis chorographica descriptio. — Sur l'auteur, omis dans le Diction-
naire de la Provence, voy. Roux-Alphérand, les Rues dCAix, II, 16.
MANUSCRITS PROVENÇAUX 9
chiepiscopi, carminîbus vernaculis scripta, nec non Passio
sancti Stephani Prothomartiris, quœ quotannîs, in sede cathe-
drali et metropolitana divi Salvatoris Aquensis, publiée, die
festo Prothomartiris, decantatur. Legitur etîam Vita sanctae
Rocelinaô, nobilis Villanovensis familise, quse eximia puritate
et sanctitate claruit. Nec tacenda est quse legitur, provinoiali
sermone conscripta, psenitentia miranda cujusdam Anthonii
1 Aquensis, qui in odore sancti tatis decessit Aquis Sex-
tiis; quseduravit perannos septemin quadam spelunca, Sanctae
Domina Angelorumvocitata, quse inter Aquas Sextias et Mas-
siliam sita est. PraBtereo qu» de sanoto Eucherio, uxore ac fi-
liabus ejus extantvernacùlaenarrata, quœ de Lazaro, a mor-
tuis suscitato, Massiliœ episcopo primo, de sanctia Maximino
et Trophimo, Aquensium et Arelatensium archiepiscopis, de
beatis Martha et Magdalena, de corporibus sanctorum soro-
rum Mariarum, de ejus (sic) pedieequa Serrata, de sancto
Mitrio martire, Calidonio, et aliis quam plurimis, quorum mi-
randa miraoula, vernaculo et provinciali sermone, hic et illic
in bibliothecis diversorum cœnobiorum, manu scripta servan-
tar, et aliis quam plurimis quse brevitatis causa silere est.
Tametsi extent varia, ut diximus, volumina pia, non pauca
etiam prophana subsistant de quibus etiam [v°] aliquos recen-
sere licebit. » — J'arrête ici la citation, ce qui suit étant tout
entier tiré de Nostredame.
Des ouvrages mentionnés par Burle, dans le pa sage que je
viens de reproduire, tious possédons encore la Passion (c'est-
à-dire rÉpître farcie) de saint Etienne, la Vie de saint Hono-
rât et celle de saint Trophime, si du moins il s'agit bien là,
d'une part de l'œuvre de Raimond Feraud,de l'autre du poëme
dont Anibert, Millin, Villeneuve, Raynouard et M. Bartsch
ont publié des fragments et dont on connaît aujourd'hui trois
mss.
Les Vies de sainte Magdeleine et de sainte Marthe sont peut-
être les mêmes que celles que Nostredame a mentionnées *, et
dont il attribue la rédaction au frère Rostang de Brignolle.
C'est peut-être aussi à la Vie de sainte Roceline (ou Rossoline)
* Même blanc dans le ms.
« Les Vies des,, poètes provemaux, p. 256. Cf. ci-dessus, article VIL
10 MAKUSORITS PROVENÇAUX
dont parle Honoré Burle, que fait allusion le passage du P.
LeCoulteux, cité dans Tarticle précédent. Quant au bienheu-
reux Antoine d'Aix, à saint Eucher, saint Mitre, saint Lazare,
saint Maximin, aux saintes Maries, à leur servante Serrata
{Sara) et à Calidoine (Cidoine, Cedon), Taveugle-né de l'Évan-
gile, que la légende leur donne pour compagnon, je ne con-
nais, sur l'existence d'ouvrages en provençal ancien qui les
concernent, d'autre témoignage que celui de Burle.
XIII . — Manuscrit de V auteur de la Leandreide
Il existe un poëme italien du XIV® ou du commencement
du XV» siècle*, intitulé la Leandreide ou, mieux, Leandrheride
(les Amours d'Héro et de Léandre), dans un chant * duquel
Arnaut de Mareuil, à la prière de Dante, qui l'appelle son
frère ^ présente à l'auteur, après s'être fait connaître à lui;
un grand nombre de poëte^ provençaux dont il est accom-
pagné *. Parmi ces poètes, il y en a deux dont nous ne possé-
dons plus rien et dont le nom ne figure aujourd'hui dans au-
cun ms.: ce sont Giraut de Calmonyer ^ et Père de Bonifaci".
* Le ms. dont Quadrio s'est servi assigne à l'ouvrage la date de 1425.
M . Grion croit qu'il faut lire 1375. Voy . délie Rime volgare, trattato di
Antonio da Tempo (Bologna, 1869), p. 344.
2 Ce chant, que l'auteur, à l'exemple de Dante lui-même et de Fazio degli
Uberti, a écrit en provençal, a été publié isolément en 1857 d'après deux mss.
par M. E. Teza, à la suite d'un mémoire de M.- Cicogna. C'est ce qu'a bien
voulu m'apprendre M. U.-A. Canello, à l'obligeance duquel je dois une copie
du texte provençal, avec une analyse sommaire du poëme, qui ne m'était connu
que par le peu qu'en disent Quadrio et Tiraboschi.
3 Questo mio fraiello.
■* Il n'en nomme que quarante-trois; mais il dit à la fin qu'il y en a d'autres
« que dir aras non vol ma ienga », ce qui montre bien que l'auteur de la
Leandreide en a connu un plus grand nombre. Il est à noter que dans l'énu-
mération d'Arnaut ne figurent pas plusieurs des plus anciens troubadours,
tels que le comte de Poitiers, Marcabru, Peire d'Auvergne, malgré leur célé-
brité, et que les plus récents, comme G. Riquier, y font absolument défaut.
* Variante: Chalmonier, La finale ier est assurée parla rime.
6 On connaissait déjà celui-ci, mais seulement par Nostredame (Pierre de
Bonifaciis, p. 245), qui ne saurait être à lui seul, en aucun cas, un garan
suffisant. Grâce à la confirmation apportée par la Leandreide^ on peut main-
tenant tenir pour certain, tout au moins, qu'il a existé en effet un poëte pro*
vençal de ce nom.
MANUSCRITS PROVENÇAUX 11
Cela suffit à établir que Tantenr de la Leandreide a eu à sa
disposition un ou plusieurs mss., sinon plus amples absolu-
ment, partiellement du moins plus riches que ceux qui nous
restent. Mais rien n'oblige à supposer qu'ils fussent différents
de ceux qu'utilisèrent plus tard, soit Equicola, soit Velutello,
et dont je parlerai tout à l'heure.
Les autres troubadours énumérés dans la Leandreide sont
tous connus d'ailleurs ; mais deux ou trois ne le sont que par
une ou deux pièces seulement, conservées par un très-petit
nombre de mss. ou même par un seul. Tels sont:
Guilerm de Biarz,
Guillêrm d'Anduza,
Peyre da Pomarol.
Je suppose que ce dernier est le même que le Pomairol
(sans prénom) dont il j a dans le ms. Mac-Carthj une tenson
avec Guionet, qui se trouvait aussi dans le chansonnier de
Bernart Amoros. Voy. Bartsch, Grundn'ss, 373, et H. Suchier,
il Canzoniere p7wenzale di Ckeltenham, dans la Rivista di fil.
rom, II, 172.
XIV.-- Manuscrits de Mario Equicola
Mario Equicola, l'auteur du Libre dinatura d'Amure (1525),
a eu à sa disposition (on ne sait s'il en était le possesseur) un
ou plusieurs chansonniers provençaux plus riches en biogra-
phies de troubadours que ceux qui nous ont été conservés.
J'ai eu récemment l'occasion de faire remarquer * que parmi
ces biographies devait se trouver celle de Raimbaut d'Orange,
et une notice sur G. de Borneil, dont 11 n'y avait trace nulle
part ailleurs que dans le livre d'Ëquicola, et dont M. Constans
a heureusement découvert à Cheltenham l'original provençal.
Il devait y avoir aussi une vie d'Aimeric de Peguillan plus
complète que celle que nous connaissons parles mss. actuelle-
ment existants. Equicola en a extrait un renseignement pré-
cieux, qui ne se trouve plus aujourd'hui que chez lui ou chez
les écrivains qui le lui ont emprunté ^. C'est le suivant :
* Voy. Keme, XIX, 269, 276.
> Pv exemple chez Papon (Voyage de Provence^ II, 340).
\t MAN08CRIT8 PROVBNÇAUX
(S Naimeric d« Peguillar {sic dans rédition {Venise^ 15B4)
que j'ai sous les jeux et que je transcris fidèlement, p. 339)
amô Donna Maria moglier del re Pier di Ragona, et ingan-
nato dalei, amô Donna Bndia de Lisla, sorella del Conte di To-
losa. »
Sur cette Endia, voy. dom Vaissete, qui la nomme Indie,
t. VI, pp. 192 et 555 de la nouvelle édition de V Histoire de
Languedoc,
La biographie de Pierre d'Auvergne contenait, dans le ms.
d'Equicola, un trait qui est propre à celle de Giraut de Bor-
neil, dans tous les mss. aujourd'hui connus. C'est celui-ci
(p. 340): «par la quai cosa fu ohiamato mastro delli altri trova-
dori. » A moins qu'Equicola, écriyant de mémoire, n'ait con-
fondu ici les deux notices, qui, dans ce qui précède immédia-
tement, se ressemblent beaucoup. C'est l'hypothèse qui me
paraît la plus admissible.
Une confusion analogue a dû être commise en ce qui con-
cerne Arnaut Daniel, « ancora esso di Meruelles » , dit Equi-
cola, induit sans doute en erreur par ces mots de la biogra-
phie provençale du troubadour de Ribérac : « Amautz Daniels
si fo d'aquela encontrada don fo n'Arnautz de Maruelh. »
Equicola mentionne encore, mais sans nous en apprendre
sur aucun d'eux plus qu'on n'en sait par les mss. qui nous
restent, un certain nombre d'autres troubadours. Ce sont :
Bernart de Ventadour, Arnaut de Mareuil, Raimbaut de Va-
queiras, Peire Rogier, Folquet de Marseille, Bernart de Cor-
nil, Jaufre Rudel, Guilhem del Baus, Albert de Malaspina,
Sordel et Peire Vidal.
Ce qu'il dit de Bernart de Cornil n'implique paâ nécessai*
rement la connaissance d'une antre notice que celle de R. de
Durfort,dans laquelle il est parlé du premier de ces deux per-
sonnages et de la dame qu'il aima. Mais la mention spéciale
qu'en fait Equicola, qui omet tant de troubadours plus con-
nus, permet de supposer que son ms. renfermait une biogra-
phie de Bernard de Cornil et probablement aussi, dans ce cas,
quelques pièces de lui.
Après avoir énuméré les troubadours dont j'ai cité les
noms, Equicola fait un tableau d'ensemble de la poésie amou-
reuse des troubadours, dont les traits sont tous empruntés,
MAMtJBCItlTg PROVENÇAUX 13
indisiinotemeat, à des chansons de ces derniers. Beaacoup de
ces traits se laissent assez facilement reconnaître, et Ton
pourrait sans trop de peine dresser la liste des chansons qui
les ont fournis*; mais il paraît impossible de discerner — s'il
y en a — ceux qu'Equicola a tirés de pièces aujourd'hui per-
dues.
XV. — Manuscrit de Velutello
Le manuscrit dont Velutello a tiré les notices , sur divers
troubadours qu'il a insérées dans son commentaire sur Pé-
trarque, publié pour la première fois en 1525, ne peut être
identifié ni avec aucun de ceux qui nous restent, ni avec celui
d'Equicola. S'il avait, en effet, en commun avec ce dernier
et avec le second chansonnier de Cheltenham, la biographie
deRaimbaud d'Orange», les biographies de Giraud deBorneil,
de Folquet de Marseille, de Bernart de Ventadour, d'Aime-
ric de Peguillain, de Gaucelm Faidit, et probablement aussi
la plupart des autres, s'y trouvaient dans un texte moins dé-
veloppé que celui de ces deux derniers mss., ou du moins
que celui de l'un ou celui de l'autre, selon les cas, puisque le
ms. d'Equicola, malgré ses rapports étroits avec le chanson-
nier de Cheltenham, en devait néanmoins différer assez no-
tablement. Le ms. de Velutello contenait peut-être un plus
grand nombre de biographies que le ms. 5232 du Vatican ;
mais il devait appartenir à la même classe, je veux dire à
celle des mss. qui nous ont conservé les biographies des trou-
badours dans leur forme la plus ancienne et la plus brève.
Celui d'Equicola, au contraire, appartenait probablement à la
seconde classe de ces mss., celle dont font partie les n**' 1749
et 22543 de notre B. N., et où les biographies se présentent,
soit sous une forme plus développée, soit accompagnées des
* Aux renseignements fournis par le Libro di natura d'Amore, il en faut
joindre un que fournit YHistoire de Mantoue dn même auteur. On y voit
qu'Equicola connaissait la tenson de Sordel et de Peire Guilhem, En Sordet e
queus es semblan, laquelle nous a été conservée par quatre mss., et qu'il
rapporte tout entière. Je ne sais b'il y fait allusion à d'autres pièces de Sordel.
V Histoire de Mantoue ne se trouve dans aucune des bibliothèques à ma
portée, et je ne connais le détail que je viens de rapporter que par Biaise de
Yi^en^TQ {Commentaires de César, édit. de 1602, p. 273).
« Vov. la ftwwe, XIX, 270.
14 MANUSCRITS PROYBNÇAUX
rasos d'un plus ou moins grand nombre des pièces des trou-
badours auxquelles elles sont consacrées.
XVI. — Manttscrit de Benedetto Varchi
On lit dans VErcolano de Benedetto Varchi (f 1565), édit.
de Florence, 1730, p. 211: « lo ho in un libre provenzalmente
scritto moite vite di poeti provenzali, e la prima è quella di
Giraldo chiamato di Bornello, .... laquai vita io tradussi gia
in volgare florentine, avendo animo di seguitare di tradurre
tutte Taltre, il che poi non mi venue fatto, ancorache sieno
molto brevi » Suit la traduction en question de la vie de
Giraud de Borneil,
Parmi les mss. qui contiennent des vies de troubadours, il
n'y en a que trois dans lesquels la vie de Giraud de Borneil
est la première : ce sont les mss. 1592 et 22543 de la Biblio-
thèque nationale et le ms. 2814 de la bibiothéque Riccardi
à Florence, que Ton sait être la copie incomplète du chan-
sonnier de Bernart Amoros. Il est impossible, pour plusieurs
raisons, que le recueil de Varchi fût notre mss. 22543 ; il
est d'autre part à peu près certain qu'il n'était ni l'un des
deux autres ni l'original du dernier'. Ce serait donc là encore
un ms. dont il faudrait déplorer la perte. Mais était-ce bien un
ms.? Varchi dit simplement « un libre », et Crescimbeni, dans
une note de sa traduction de Nostredame', semble croire qu'il
s'agit d'un livre imprimé. Se référant, en effet, au passage
même de VErcolano que je viens de rapporter, après avoir dit
que Varchi a aveva appresso di se un libre in lingua provenzale
di vite di quel poeti assai brevi », il ajoute: « Questo libre è
impresso e l'abbiamo veduto anche noi. » Crescimbeni parle
encore ailleurs ( Vie d Anselme (= Gaucelm) Faidit, note vu)
du livre en question : a La mentovata vita citata dall' Ubaldini
l'abbiamo veduta anche noi nel codice 3204 délia Vaticana.
ê
e l'abbiamo altresi veduta impressa in lingua provenzale in-
sieme con altre. » Devant des affirmations si positives, il pa-
* Il existe à la bibliothèque Laurentienne, à Florence, un chansonnier pro-
vençal (n® xc-26) qui a appartenu à Benedetto Varchi ; mais il ne cqntient
pas de biographies.
s Giraldo di Bornello j annotaz m, p. 107 de l'édit. de Home, 1722.
MANUSCRITS PROVBMÇâUX 15
rsJt difficile de ne pas croire que Crescimbeni avait vu, en
effet, un recueil imprimé de vies des troubadours en proven-
çal. Voilà un imprimé dont la découverte ne causerait guère
moins de joie à un provençaliste bibliophile que celle d'un
manuscrit. Mais en reste-t-il quelque part un exemplaire ?
• XVn, — Mantiscrits provençaux de Francesco Redi
Les précieuses notes jointes par Redi à son Bacco in Tos"
cana nous apprennent que ce savant personnage possédait en
propre, entre autres mss.:
1^ Une Storia délia Bibbia in lingua provenzale;
2o Un Glossario provenzale ;
3® Un chansonnier provençal.
I. Le premier de ces mss. était catalan, et non purement
provençal, comme le prouvent les deux exemples que Redi en
a tirés, p. 182 et 183 \ et dont le second a été reproduit par
Raynouard, Lex. rom., II, 81 b, sous renquallos. Le texte qu'il
renfermait devait être le même, sauf quelques variantes, que
celui qu'a publié M. Amer, soua le titre de Genesi de scriptura*,
dans la Biblioteca catalana de M. Aguilô y Fuster, et dont on
possède aussi une version provençale et une version gasconne,
publiées Tune et l'autre par MM. Lespy et Raymond (voy.
Revue, XI, 206, et XII, 291). Le ms. de Redi doit-il être iden-
tifié avec celui du même ouvrage, dans la même langue, que
possède la Bibliothèque laurentienne et que M. Mussaâa men-
tionne dans une note (p. 5) de son édition des Sept Sages en
vers catalans? C'est ce que je ne saurais dire. Redi qualifie
son ms. d'(( antichissimo », ce qui, à la vérité, d'un texte ca-
talan, est fait pour surprendre. M. Mussafia dit que le ms.
de Florence est, selon quelques-uns, du commencement du
XV" siècle; selon d'autres, du XIV® siècle.
II. Le Glossario provenzale est ainsi mentionné dans V In-
dice degliautori citati, p. 214: a Glossario provenzale, ma-
* Je cite, ici et partout, d'après l'édition de Naples, 1778, t. 3, des Opère di
Francesco Redi,
s Les passages cités par Redi se retrouvent chez M. Amer, p. 32, 1. 4-6, et
p. 44, 1. 5-7.
16 mânubcsots provençaux
nuseritto di Francesco Redi, 73, 178 (lis. 78). » Voici les deux
seules citations qui en sont, ou du moins qui sont données
comme en étant tirées *:
P. 73, sur le v. 22 de la p. 8, à propos du mot druda : « Glos-
mrio provenzale, testo a penna di Francesco Redi : Druiz, dilec-
tus, amans fidelis. •
P. 78, sur le v. 40 de la p. 8, à propos du mot forbite:
« Glossar. provenz, F. Redi: Forbir, tergere, mundum facere. »
Sait-on ce qu'est devenu ce glossaire provençal de Fran-
cesco Redi ?
Outre le glossaire en question, Redi a utilisé encore la
liste de verbes et le dictionnaire de rimes qui font partie du
Donat provençal, ainsi que le petit vocabulaire provençal-
italien qui suit cet ouvrage dans le ms. 42-41 de la Lauren-
tienne (B de M. Stengel), le seul qu'il paraisse avoir connu.
Il désigne ce dernier vocabulaire, dans son Indice, p. 219, de
la manière suivante : • Onomastico provenzale, testo a penna délia
Ubreria di sanLorenzof>, et il en cite un article, p. 182: a For-
nir, dar quel che bisogna. » Cf. Stengel, p. 90 a.
Il donne ailleurs, p, 184, comme tiré du même Onomastico
provenzale, Tarticle suivant : « Bufar, buccis inflatis insufflare, »
Mais c'est sans doute par méprise. Il est à croire que c'est
de son propre glossaire qu'il l'a extrait. Ce n'est pas du
Donat provençal, car lui-même, au même endroit, cite ce der-
nier ouvrage (sous le nom de Gramatica provenzale]^ en le
distinguant de V Onomastico. Voici du reste le passage entier:
« P. 23, V. 30. Sbufja, Nella Gramat. provenz.: Bufar, ore insu-
fflare^. Onomast, provenz,: Bufar, buccis inflatis insufflare. Rima-
rio provenzale : Buf, id est insufjflatio^ , »
III. Le chansonnier provençal de Redi ne peut être iden-
tifié avec aucun de ceux que l'on possède aujourd'hui. Est-il
irrévocablement perdu ? On voudrait espérer que non, car il
contenait, peut-être en grand nombre, des pièces uniques, et
quelques unes même de troubadours dont le nom ne figure
* On verra plus loin qu'il y en a peut-être une troisième.
2 Cf. Stengel, Die beiden altesten provenz. Grammatiken, p. 29 a,
« /6îd.,p. 58 b.
aujourd'hui dans aucun autre. Je relèverai ici soigneusement
tout ce que les citations de Redi nous en apprennent.
Il ne devait pas contenir de biographies. En effet, Redi qui
cite souvent des vies de troubadours, d'après le ms. 41-42 de
la Laurentienne (P de M. Bartsch), n'en cite jamais aucune
d'après le sien. Les poëtes désignés comme ûgurant sont les
suivants :
1. Aimeric de Belenoi,
2. Bernart de Ventadorn,
3. Comtesse de Die ou de Digne,
4. Elias de Barjol,
5. Gausbert de Poicibot,
6. Jaufre de T^olosa,
7. Perdigon,
8. Pons de Capdoil,
9. Raimbaud de Yaqueiras,
10. Le roi Richard,
11. Savaric de Mauleon.
A ces noms il faut peut-être ajouter celui de Rugetto da
Lucca, poète mentionné p. 104, sans indication de source
(non plus qu'à V Indice)^ parmi les Italiens qui ont composé en
provençal, et qui ne (se trouve cité nulle part ailleurs, si ce
n'est dans Crescimbeni, qui ne le connaissait, comme nous,
que par Redi.
Je vais reproduire, en suivant, comme dans la liste précé-
dente, Tordre alphabétique, tout ce qui est rapporté par Redi,
d'après son ms., de chacun des poëtes qui la composent.
1. AiMERiG DE Belenoi.
P. 129. « Naimeric de Bellenoi, manuscritto Redi :
Onta eu n'ai gazanhat, e gran despit. »
2. Bernart de Vbntadorn.
L'article de ce poète, dans V Indice, est ainsi conçu: « Ber-
naldo del Ventadorn, poeta provenzale. Teste a penna délia
libreria di san Lorenzo e di Prancesco Redi. 68 {lis, Q6). 106. d
Il paraît clair, d'après cela, que c'est l'exemple rapporté à la
p. 106 qui est tiré du ms. de Redi ; ce qui est confirmé par
]8 MAlïUSCRlTS PROVENÇAUX
ce fait que le premier se retrouve, en effet, identiquement
dans le chansonnier de la Laurentienne dont Redi a fait usage,
c'est-à-dire le n® xli-42, au',f<> 18 yo (deuxième couplet de A/a
non vei lusir soleil).
P. 106: n Bemardo del Ventadom o del Veniadom, nel fine
d'una sua gobola.
Sonet and a Madompna
Qe es de luenck, e clam merce . »
3. La Comtesse de Die^
P. 78 : c( La contessa de Dia o de Digno:
El seu drutz
Avinen gai e forbitz. »
Yoj.Jaufre de Tolosa.
4. Elias db Barjol.
P. 125 : <c Elia dî Berzoli, manuscritto Francesco Redi :
Ara pose eu estar alegres e joios
Que Baccli adolza medesin mi mal . »
5. Gausbert de Poicibot*.
P. 103: iiPuggibot:
En cbantan de una stampida
Goblas de bellas faissos. »
6. Jauprb de Tolosa 5.
Redi, seul, nous a conservé le nom de ce poëte. C'est sans
doute dans son ms. qu'il l'avait trouvé, bien qu'il ne le dise
expressément nulle part *.
P. 32 : « Giuffre di Tolosa, poeta provenzale :
< L'Indice, sous ce nom, ne renvoie à d'autre ms. que celui de Redi.
« Indice (p. 222): « Puggibot, poeta provenzale, testo a penna di Francesco
Redi, 103. »
* Manque dans V Indice.
♦ Gela résulte d'ailleurs, implicitement, de ce que VIndice, à l'article de la
Comtesse de Die, renvoie à la p. 105, où il est question, en même temps que
d'elle, de Jaufre de Tolosa, en citant seulement le « manuscritto di Francesco
Redi.»
MANUSCRITS PROVBHQltlX 19
Weiilb'el sang del racin
Cal cor pUtz en ioi eo rire, h
P. 81 : • Giuffredi di Tolosa, nella serventeae ch' ei fece par
amore d'Alisa damigella di Valogne, disse moite YOlte piatat
in vece di pielal:
A Madompua eenes piatat
Nuec, e diaeu clam mercé. »
P. 105 : n Giuffrè di Tolosa appella sonetto una certa fllas-
trocca di versi, che arrivano al numéro di trenta sei, indirri-
zataper risposta ad un simil sonetto âeW^tContessadi Digno, o
corne altri dicono di Dût, pur anch' ella poetessa provenzale :
Ben aja votre sonet
Qe areu autre farai,
Mais non auB si perfet
Dir si con le darai,
E de leuDck en cantaa
Qer moBtrar el meu afan :
Dompna en plane, e aoepir, ec. »
7. Perdioon' .
P. 194 : a Perdicone, poeta provenzale :
Vaivasaor rie, et poderoa,
Ke tien ries, et bos ameis, »
8. Pons de Capdoil*.
P. 99, à propos de motlo: < Ed è voce lasciata in Toscana
da'rijnatoriprovenzali. Pons de Capdoill:
E'I mot keu cant ei no es gai, e poli, »
9. Raimbaod de Vaqueiras * .
P. 73 : « Rambaldo de Vacheras:
* Vwilh ?
* Indice (p. 220): » Perdicione, poeta proveniale. Teato a pet
cescoRedi. 194. »
* Indice (p. 221): t Pons de Capdoil, poêla proveniale. Teste
FraocescoRedi, 99. >
* Indice (p. 222): " Rambaldo de Vaolieras, poêla proveoiale.
della Libreria di San Loreoïo, el di Franceaco Redi. 66, 73, > A
ms. de ( San Lorenio » est eiprossément cité.
liai drutz honr^t, et pretzan
Per la amansa
En benenansa
Inz el cor port honestat. »
10. Le Roi Richard.
P. 103 : « // re Biccardo, manuscritto Redi :
Coblas a teira faire adreitamen
Pof vos oillz enten dompna gentiiz . »
11. Savaric db Mauleon*.
P. 100 : a Salvarico di Malleone inglese, poeta provenzale
che é quello stesso mentovato da Guiglieimo Britone nel poema
délia Filippide con nome di Savaricm Malleo, e 'da Matteo
Parisio, e da Matteo Vestmônasteriense Savaricus de Mallo
Leone, e da Rigordo Savaricus de Malo Leone:
Doussament fai motz, e sos
Ab amorr qne m'a vencut. »»
Je n'ai pu retrouver aucune des citations précédentes dans
les poésies qui nous ont été conservées sous le nom des trou-
badours auxquels Redi les attribue. Sont-elles donc tirées de
pièces aujourd'hui inconnues ? Je ne me hasarderais pas à
l'affirmer de toutes ; mais le fait paraît certain de plusieurs,
tout au moins de celles do la comtesse de Die et de Jaufre de
Toulouse.
Le nom même de ce dernier troubadour ne se trouve nulle
part ailleurs que chez Redi, qui heureusement nous donne
plus de détails &ur lui que sur aucun autre. Quant à la com-
tesse de Die, avec laquelle Jaufre échangea des vers, je suis
porté à croire que ce n'est pas la même que la trop tendre
amie de Raimbaut d'Orange, et qu'il faut l'identifier avec celle
dont Barberino parle dans les gloses latines de ses Documenti
d'Amore * et dans son Reggimento di donna* , laquelle dut vi-
1 Indice (p. 223): « Salvarioo di Malleone, poeta provenzale. Maauscritto
diFr. Redi. 100.»
2 Jahrbuch fur rom, lit,, XJ, 54*55.
3 Êdit. Baadi di Vesme, p. 247, et peat-ôtre aussi p. 169, où il est question
d'une comtesse d'Erdia.
MÀi^ÛSCfeWS PROVENÇAUX $1
vre une cinquantaine d'années au moins après l'autre *. Nos-
tredame, pour le dire en passant, n'aurait donc pas eu tort
d'en compter deux.
On aura remarqué que Redi appelle aussi la comtesse en
question Contessa di Digno{pi^, 78, 105). Ubaldini, dans son
édition des Documenti d'amore, mentionne également la « con-
tessa di Dia o vero di Digho », qui est l'ancienne, d'après le
ms.(( di monsignor Gio.Battista Scannarola, vescovo di Sido-
nia. ))0r ce ms., que Ton possède encore (c'est le n® xlvi-29 de
la bibliothèque Barberini)^ ne donne, si j'en crois M. Bartsch
[Jakrbuch, XI, 35), à la célèbre trouveresse d'autre nom que
celui de comtessa de Dia. Il y a donc lieu de supposer que
c'était aussi le seul nom que portât, dans le ms. de Redi, celle
dont il est ici question, et que Redi et Ubaldini^ ont emprunté
* Barberino, parlant d*un chevalier trop soigneux de sa personne, qui fut
pour cela blâmé de la comtesse de Die, et qui se corrigea, ajoute : « Et vidi
eum postea mirabiliter ordinatum », ce qui eût été impossible, s'il s'agissait
ici de la « Sapho provençale », Barberino étant né en 1264.
2 Ubaldini, dans le copieux glossaire (Tavola délie voci...) qu'il a joint à
son édition (la seule qu'on possède) des Documenti d'amore de Barberino
(Rome, 1640), mentionne plusieurs mss. provençaux et leur emprunte des
exemples. Mais tous ces mss. ont été identifiés et existent encore. Il n'en est
pas de même malheureusement de ceux, du moins de plusieurs de ceux que
Barberino lui-même avait eus à sa disposition, et dont des extraits assez nom-
breux ont passé, soit en substance, soit plus ou moins librement traduits,
soit même transcrits littéralement, dans le Reggimento di donna, dans les
Documenti damore et dans les gloses latines, déjà mentionnées, de ce der-
nier ouvrage. M. Bartsch a publié des fragments très-intéressants de ces
gloses dans le Jahrbuch fur rom. Lit., XI, 43-59. Je me borne à y renvoyer
le lecteur, en remarquant seulement que l'anecdote rapportée p. 49 (f. 34 v.
du ms.) se trouve aussi dans les Conti di antichi cavalieri, recueil de nou-
velles d'origine provençale ou française en grande partie, ainsi que dans le
commentaire de Benvenuto da Imola sur le chant xxviii de VEnfer de Dante,
et que, p . 53, 1. 4-5, il ne s*agit pas d'un « Folchet, dominus Naumerichi »
(cf. p. 58, 1.24), mais d'un Folquet (différent de ceux que nous connaissons?)
qui raconte d'un certain Aimeric l'anecdote rapportée en cet endroit. J'ajou-
terai qu'aux noms nouveaux d'auteurs provençaux qui nous sont révélés par
-les gloses en question, M. Bartsch aurait pu joindre celui de Giovanni di
Bransilva,qu'Ubaldini avait déjà fait connaître, d'après les mêmes gloses, sous
le mot scudiere de sa tavola. Voici l'article. Il paraît en résulter que ce Gio-
vanni di Bransilva avait écrit une sorte d'ensenhamen de la donzela, dans le
genre de celui d'Arnaut de Marsan.
< Scudiere. Sino a certa età in quella stagione, per rendersi atti alla caval-
22 MANUSCRITS PROVENÇAUX
Tun et l'autre leur o fo vero) di Digno au premier traducteu
italien de Nostredame, Giovanni Giudici, qui a changé en con-
tessa di Digno (pp. 48-50) la comtesse de Die de l'original.
Les vers cités par Redi comme étant de Savaric de Mau-
léon (p. 100) et du roi Richard (p. 103) ne se trouvent certai-
nement, dans aucun ms. aujourd'hui connu, sous le nom de ces
troubadours. La vérification en est facile, en raison du petit
nombre des pièces qui sont attribuées à chacun d'eux. Mais
il se pourrait, comme pour Aimeric de Peguilain et les autres,
que les pièces d'où ces vers sont tirés figurassent dans les
mss. qui nous restent avec des attributions autres que dans
celui de Redi.
XVIII. — Chansonnier du comte de Sault
Je ne mentionne ici ce célèbre chansonnier que pour mé-
moire, en ayant fait l'objet d'une étude particulière qu'on
pourra lire avant peu dans mon édition de Jean de Nostre-
dame, en ce moment sous presse. Il suffira d'avertir que l'iden-
tification proposée par M. Bartsch, et aujourd'hui, à ce qu'il
semble, généralement acceptée, du chansonnier de Sault avec
l'original du ms. 2814 delà bibliothèque Riccardi à Florence,
est démontrée impossible par les documents sur lesquels s'ap-
puie surtout mon étude.
ce.
(A suivre.)
leria servivano 1 oobili giovanetti ai cavalieri, corne si raccoglie dalle chiose
de* Documenti del nostro autore. Ne le giovanette don^elle erano eseoti da
ciô, essendo, corne egli stesso dice per Tautorità di Giovanoi di Bransilva,
scrittore provenzale, convenevole che stessero a servire altre doone sino ail'
età di dieci anni compiti. »
ËIBLIOGRAPHIE
L'Escriveta, traduite en dialecte macédo-roumain [avec une version fran-
çaise] par T. Iliescu. Munpeliie, tipografîaD . GroUie si fiu-su, 1882 ; in-8o,
8 pages. ^
Quoique la poésie populaire des campagnes du midi de la France
ne soit plus dédaignée par les classes lettrées, on n'a pas encore songé
à former le recueil littéraire de ses productions les meilleures et à les
rendre ainsi accessibles à la généralité des lecteurs. Le public res-
treint des érudits, des romanistes et des curieux, est donc aujourd'hui
le seul qui puisse apprécier la délicatesse et l'élévation morale qui s'y
rencontrent souvent.
La plus belle et la plus touchante de ces poésies est, à notre avis,
celle que Ton nomme en Provence Flurança, en Languedoc VEacri-
veta, en Catalogne Arciaa, parfois aussi VEscrivana, Nous irions même
plus loin, et, si l'on voulait bien nous passer cet éloge, peut-être inexact
et ambitieux, nous verrions en elle quelque chose d'équivalent à la
chanson nationale de ces trois régions de la langue d'oe. Elle reflète,
d'ailleurs, un côté de la vie des populations du littoral français de la
Méditerranée qui, jusqu'à une époque relativement récente, virent les
pirates arabes, turcs et ensuite barbaresques, faire ça et là de brus-
ques descentes, piller les villages ou les fermes isolées, et enlever de
préférence les jeunes filles, qui alimentaient les marchés d'esclaves
de l'Afrique ou de la Turquie i.
1.
^ La piraterie musulmane sur les côtes méditerranéennes de la France for-
merait la matière d'un livre qui toucherait à bien des points de Thistoire po-
litique, littéraire et religieuse du Midi.
Dans son Catalogus episcoporum magalonensium, récemment édité par
M. A. Germain (Mémoires de la Société archéologique de Montpellier,
t. VII, p. 442-852), l'évêque de Maguelone, Arnaud de Verdale, confondant
Charles Martel avec Charlemagne, dit : «Les Sarrasins, qui alors sillonnaient la
mer de leurs pirateries, pénétraient par les graux du littoral jusqu'à Vîle de
Maguelone^ et là dévastaient les localités du voisinage. Charles tes en chassa.
Les habitations et même l'église de Maguelone furent mises hors de service,
de peur que les Sarrasins ne s'y abritassent. » (P. 485.)
Un édit de Louis XI, qui porte la date de 1467, constate également des des-
centes de pirates sur le littoral de Frontignan : « Mais pour ce que les pirates ,
larrons de mer, quy souventes fois foisoient et font descentes sur les dicts voi-
sinages, prenoient les laboureurs cultivants les dictes terres, les emmen oient,
rançonnoient et faisoient plusieurs maulx et dommages, les dicts habitants quy
depuis ont esté, voulant obvier aux dicts inconvéniens, ont cessé de plus I4
24 BEBLIOaRÀPHIB
On trouve enfin, en certaines parties de ce chant, des inspirations
que la poésie la plus élevée ne mépriserait pas, depuis le souvenir
donné par l'Escriveta prisonnière à sa terre natale, cette terre si éloi-
gnée
Que lous aucels que vouloun — podoun pas ne venî,
Sounque las giroundèlas — que van per tout païs,
jusque la colère du Maure, lorsqu'on lui enlève, avec la jeune fille qui
devait être un jour la femme de son fils, deux chevaux qui font fré-
mir la terre sous leurs pieds et de For jaune en si grande quantité que
Ton pourrait en dorer la mer :
Lous chivals que m'emmènes — la terra fan frémi,
L'or jaune que m'emportes — la mar fariè lusî. . .
bourer les dictes terres et du tout abandonné le labourage d'icelles, etc. »
{Notes sur Frontignan, pour servir à son histoire, par Achille Munier,
2« éditioii. Montpellier, Coulet, 1872 ; in-8o, p. 187.)
L*^époque moderne ne fut pas plus épargnée que ne l'avait été le moyen âge :
«La première des lettres de saint Vincent (de Paul), dit M. Tamizey de Lar-
TO({\ï% (Revue de Gascogne, i, XXIII, p. 140), écrite d'Avignon, le 24 juillet
1607, à son protecteur, « M. de Commet, advocat en la cour présidiale d'Acqs,
à Acqs », est peut-être, au point de vue profane, la plus intéressante de tout
le recueil. Le saint y raconte (p. I-IO) comment, dans un voyage par mer de
Marseille àNarbonne, il fut pris par des pirates turcs, vendu à un pêcheur, puis
à un alchimiste, enfin à un renégat qu'il convertit et avec lequel il rentra en
France. Le récit détentes ces aventures, qui commencent à Toulouse, où une
bonne vieille femme avait fait un testament en faveur du futur fondateur de
la Mission, et qui finissent à Aigues-xMorles, où le petit esquif qui le portait
arriva le 28 juin 1607, ne manque pas de ce que l'on a nommé la verve gas-
conne. S. Vincent y décrit d'une façon naïve et pittoresque sa course à la
poursuite du mauvais garnement qui lui enlevait trois ou quatre cents écus,
la vente du cheval de louage qu'il avait pris à Toulouse pour attraper le ga-
landy le coup de flèche reçu des corsaires, qui, dit-il, « me servira d'horloge
tout le reste de ma vie », les occupations auxquelles se livrait le vieux méde-
cin spagirique dont il était l'esclave, et qui remployait à entretenir le feu
continuellement allumé dans dix ou douze fourneaux, les conséquences heu-
reuses qu'eut pour son nouveau maître et pour lui le chant du psaume Super
, flumina babylonis, etc. »
L'établissement des Trinitaires de MontpeUier consacrait un tiers de ses
ressources à la charité hospitalière, et le second tiers au rachat des chrétiens
prisonniers chez les infidèles.» Les Trinitaires, dit M. Germain {Mémoires de
la Société archéologique de Montpellier, IV, 531) subvenaient à ces deux
sortes de besoins par des quêtes, dont ils partageaient le privilège avec leurs
. émules les moines de Notre-Dame-de-la-Merci Quand ils avaient ainsi
amassé line somme suffisante, ilé partaient les uns et les autres pour les pays
barbaresques, puis revenaient escortés de ceux de leurs frères en Jésus-Christ
BlBUOaRA.PHJB 1^
Oçtte pièoe a été publiée en languedocien danfi les Poésies popu-
laires de M. Atger*, en provençal des Alpes par M. Damage Arbaud^,
en catalan par MM . Milâ y FontaiMilB ^ et Pelay Briz ^, en français,
mais avec nn vers vellave, par M. V. jSmith dans les VieiUe^ Chansons
du Velay et du Fore» ^. Une version en dialecte de Montpellier a été
qu ils avaient pu racheter. Leur retour tenait à la fois de la procession et du
triomphe, car leur passage à travers -les villes donnait lieu à dé pieuses et pa-
triotiques manifestations. En 1674 encore, la population de Montpellier fêtait,
consuls en tété, Tarrivée de cinquante-six Français arrachés par les religieux
de la Merci d*eatre les mains des musulmans dAfriquè.La délivrance de cha-
cun d'eux avait coûté, chiffre moyen, sept cei)ts livres. Le procès-verbal ou
certificat que signèrent à cette occasion nos consuls (Arm. dorée, liasse ZZZ,
no 9) contient le non;, l'âge et Toriçine des personnes rachetées de la sorte,
avec l'indication du maître qui les a vendues. »
" Ai -je besoin de rappefer, quoiqu'elle ne se rattache pas directement au midi
de la France, la captivité de Regnard, fait prisonnier avec un Provençal et sa
femme, pendant qu'ils allaient dé Civita-Vecchia à Toulon sur une frégate an-
glaise. L'auteur du Joueur a raconté, dans une nouvelle de style et d'allure
romanesque, quelques-uns des incidents de Ba captivité. La personne dont il
était épris y est nommée Elvire, et son mari de Prade. Laharpe {Cours de
littérature, VI, 20) ajoute que la captivité de Regnard resta trçs-rigoureuse ,'
jusqu'à ce que sa famille « lui fit toucher une somme de douze mille livres qui
servit à payer sa rançon, celle de son valet de chambre et de la Provençale. Ils
revinrent à Marseille et de Marseille à Paris. Pour comblé de' bonheur, ils ap-
prirent la mort de De Prade, qui était demeuré à Alger chez un autre patron.
Rien ne s'opposait plus à leur union, et ils croyaient, après tant de traverses,
toucher au moment le plus heureux de leur vie, lorsque de Prade, que l'ou
croyait mort, reparut tout à coup avec deux religieux mathurins qui l'avaient
racheté. Cette dernière révolution renversa toutes les espérances de Regnard,
•qui, pour se distraire de ses chagrins, se remit à voyager. »
^ Montpellier, Impr. cent, du Midi, 1875; in-S», p. 41.
3 Chants populaires de la Provence; Aix, Makaire, 1864; t. U, p. 73.
3 Romancerillo catalan, 2e édition, p. 158.
^ Cants populars catalans, t. ni, p. 61.
^ Paris, 1878, p. 15 (Extrait de la Romania). Les versions françaises de
cette pièce sont assez nombreuses. Il en existe également en langage du Mont-
ferrat, en espagnol et en bas-breton ; mais la nature du sujet et sa diffusion
sur le littoral français de la Méditerranée montrent que Ton doit chercher
là seulement son pays d'origine. Une particularité signalée à M. Damase Ar-
baud (t. II, 79) par M. Germain, le savant historien de Montpellier, mériterait
d'ôtre vérifiée ou, tout au moins, connue dans ses détails. Nous la reprodui-
sons ici, en souhaitant qu elle suggère à quelque érudit catalan une étude
complémentaire sur les versions de VEscriveta :
• « Le nom de VEscriveta est historique, et une maîtresse de pension dé Mont-
pellier m'a affirmé avoir eu pour élève, il y a quelques années, une héritière
26 BIBLTOORAPmB
insérée, en outre, il y a quelques mois, dans Vlhu àe Poacas per Van-
nada 1882 * ; et la Maintenance languedocienne dn Félihrige, qui, de-
puis plusieurs années, essaye de remettre en honneur les poésies popu-
laires méridionales, décida qu^elle serait chantée le 7 mai 1882, c^est-
à-dire le jour où elle recevait au château de Clapiers le grand poëte
de la Roumanie, M. V. Alecsandri. Un tirage à part en avait été préparé
pour être offert aux adhérents de la f élihrée ^, au moment même où
M, Joseph Dupin devait l'interpréter.
Un philologue roumain, que sa modestie nous interdit de nommer,
eut alors Tidée de faire traduire cette version en dialecte de Crusova
(Macédoine), par un jeune homme de cette ville qui l'avait accom-
pagné à Montpellier, et de distribuer l'imitation en même temps que
l'original .
M. Tascu nîescu, — tel est le nom de l'auteur ', — s'acquitta fort
bien de cette tâche. Il roumanisa les détails de la version languedo-
cienne, transforma lou Mbrou sarrasin en sultan des Turcs de Maroc,
substitua le nom de Dince (Constance) à celui de VEscriveta, appela
Daf ce la servante de Dince, et confia l'impression de son manuscrit à
MM. GroUier, lesquels eurent à peine quarante-huit heures devant
eux pour trouver les combinaisons typographiques nécessaires à la fi-
guration de quelques-unes des^lettres qui sont particulières au roumain
de ce nom, la fille du marquis Escrivay de Monistrol, que ma femme, élevée
dans la même pension, a parfaitement connue, et dont la famille habite Bar-
celone. Le marquis Escrivay de Monistrol, qui avait pris part aux mouvements
politiques de TEspagne en faveur de don Carlos, s'était alors retiré à Mont-
pellier, et il avait choisi cette ville de préférence à toute autre, parce que,
disait-il, il s'y trouvait attiré par de vieilles traditions domestiques, le château
de VEscriveta, dont il se vantait de descendre, ayant été situé aux environs de
Montpellier, dans le voisinage de Mireval ; et le marquis Escrivay de Monistrol
indiquait, comme marquant l'emplacement de ce manoir,' une ancienne tour,
qui se voit encore efTectivement sur la droite de ce village, non loin de la
mer et dans une position assez élevée. Mais il faut, en général, se méfier de
généalogies qui prétendent remonter si haut. »
* Mount-peliè, Empremariè centrala dan Miejour, 1882; in-8o, p. 88-90.
* La Cansou de /'^^^crtvf^a; Montpellier, Imprimerie centrale du Midi,
[1882]; in-12, 4 pages.
« VÀlbum macédo-roumain a publié de lui, p. 102, une note intitulée Pir-
pirunele sau Paparudele in Macedonia, Elle contient une petite pièce po-
pulaire macédo-roumaine accompagnée de sa traduction en roumain du Da-
nube.
Un Abecedarù sau manu ilu de silabismu pentru diatectul macedo-ro-
mânu (sub-dialectul de Crusova) vient d'être imprimé à Bucarest (Thiel et
WeSss), par M. Uiescu; in-i6, 48 pages.
BIBLIOGRAPHIE] 27
et au macédo-roumain (d, s et t cédilles, m * et n tildes). En dépit
de ces difficultés, MM . GroUier terminèrent cette impression à leur
honneur, et les personnes qui se pressaient le? mai sur les magnifiques
terrasses du château de Clapiers purent lire, en même temps que VEs-
criveta montpelliéraîne, Ascàparea ait Dince di mânile Turçesci (la
Délivrance de Dince des mains des Turcs), qui constitue le premier
texte macédo-roumain imprimé en Languedoc et très-probablement en
France *. Ceux que cette publication intéressait n'ont pas été peu surpris
de constater que le dialecte dont il s'agit se rapprochait aussi étroite-
ment du latin que Tensemble des autres langues romanes de T Europe.
Ils ont également constaté en lui une saveur archaïque qid tient peut-
être à l'absence de cette culture littéraire, scientifique et politique, qui
fait que les périodiques de Paris, de Madrid et de Rome, semblent
parfois, malgré la différence de leurs idiomes, rédigés dans une langue
unique. Le charme de quelques-unes des formules poétiques que ren-
ferment les vers de M. Iliescu fut aussi très-apprécié : Dince est <cla
fleur du monde ]d; son mari u va à la batailles (à la guerre); après <c sept
années de jours », il revient auprès d'elle et, ne la trouvant pas, prend
la résolution de la chercher tant « qu'il aura du souffle ï> dans son
corps ; « le sourire de la bouche de Dince » ne cesse point à partir du
moment où son mari la retrouve. A un point de vue plus local, on
remarqua que les termes suivants étaient les mêmes en m ontpelliérain
et en macédo-roumain : cap (tête), casa (maison), el (lui), erà (il était) ,
ieu (moi), mai (plus), luna (lune), tac tac (toc-toc), bruit que l'on fait
^ Cette forme de Vm n'existe pas dans Talphabet roumain du Dauube.
' Le langage de Crusova est parmi les variétés macédo-roumaiDes celle que
Ton connaît aujourd'hui le mieux. La première part de mérite en revient à
M. Vaugeliu Petrescu, qui a donné en 1880 un curieux spécimen de son
idiome dans le Mostre de dialectul macedo-românu , Partea /. Basmul eu
fet fimmosu, Bucarest, Socecu, 1880; in-8o, 48 pages.
Postérieurement à cette publication, M. Petrescu a publié dans V Album
macédo-roumain, p. 99, une très-jolie pièce populaire : Sétea a gionelui (la
Soif du jeune homme), qui est suivie d'intéressantes notes de prononciation
locale.
On trouve enfin, dans une revue hebdomadaire qui paraît à Bucarest, chez
MM. Graeve et QAt(Frat%Ha intru Dreptate)^ et qui est rédigée à la fois en
macédo-roumain et en grec moderne, divers textes littéraires crusovains.
La page 16 du tome I (no du 29 mars 1880), renferme une poésie de M. Iliescu :
Caire Romani, et la page 120 du même volume (26 juillet 1880), une autre
poésie par MM. Petrescu : Romànul iubit de ua fêta gréca. Cette publica-
tion échappe, dans sa partie politique, à la compétence des philologues, mais
on y rencontre une foulé d'indications du plus grand intérêt sur les popula-
tions roumaines de la Turquie d'Europe et de la Grèce.
^8 BIBLIOORAPHIS
en heurtant la porte d'une maison, etc. Le languedocien, le proven-
çal, et le gascon surtout, placent un a au-devant de certains substantifs,
de certains verbes, et Ton dit encore à Montpellier €u>oumençament
(conamencement), agkm (gland du chêne), ahica (espèce d'olivej,
aproufità (profiter), aussi communément que coumefngament^ glan^ luca
et proufità, JjAscàparea ali Dince met im a devant le verbe r£re; leu
nu ^mï arîd di Une (Je ne me ris pas de toi) devant le verbe laisser :
86 *Uî créscà uà alàssÔ (et il la laissa grandir) et devant le mot mer
(amare)*; le béarnais substitue une aspiration à Vf des mots Jils,
femme, etc. ; il en est de même du macédo-roumain de Crusova dans
hilliû (fils); le v latin de vox est représenté par un b dans bbçe(Yoixy,
Le gione (jeune homme) rappelle le jouve d'une partie du domaine de
la langue d'oc*.
Dernière particularité, enfin, la monnaie d'or est désignée en ma-
cédo-roumain par le terme de jaunets : Galbine scularo (Ils prirent les
jaunets). Un paysan bas-languedocien Aurait dit: E t'esculleroun lous
rousaets couma se pot pas mai (Et ils écuellèrent les jaunets comme on
ne peut mieux) .
Le macédo-roumain est si peu connu, que nous n'hésitons pas à
transcrire ici un fragment assez considérable de la poésie de M. I.:
* La Soif du Jeune Homme (Album macédo-roumain, p. 99) contient une
forme semblable]: Mine'ni escù Arumdna {moi je suis Roumaine).
On en trouvera de bien plus nombreuses dans le Mostre de dialectul ma-
cedo^omânu de M . Petrescu, dont la préface et les notes seront utilement
consultées parles romanistes.
2 Le provençal, qui conserve le v latin, qui lui ramène, en outre, beaucoup
de b (Cf. le verbe avé (avoir)), a cependant, lui aussi, quelques mots où le b
se substitue au v; tel est à Nimes le cas de bouide (vide), si j'en crois un
sonnet de M; Louis Bard :
Se sabiès quinte bouide as cava dins ma vido,
0 mort ! me plagniriès
(Lou Cacho-fià, Annuàri prouvençau pèr l'an de gràci 1882 ; Avignon,
Durand; in-i2, p. 75.)
■ A propos de màse, vieille femme, rapproché de la qualification langue-
docienne mos dans la deuxième édition du poëme de M. I., nous citerons e
passage suivant de Tabbé Favre {GEuvres, II. 384):
Ulissa, de fort bona graça,
Das dos maos arrapa una tassa,
A tout lou mounde n'en fai gaud.
Marcha, bruca, n'en versa un pau,
A mos d'Areta la présenta.
29
Marîlara Dincea înica, s'di inusutèta lliei '.
Toti gioni-lli uX cllimara < lilicea lumi-llier.
Di raultu înica Dincea s*minuta ci erà,
Se *si lôga duvaleta .s*, se'nvèsca ru scia.
Barbat->su, gione tiner.si muitu musutic,
Adaûa-dt dimnèta V sç dusse la batic.
LudT* îsr fôcira niimpta, si marta diparto,
S'a lumi-llier liiice sS'llf crésca uâ alassdJ.
Dupo sôpte ani" de dîlle a casa *si se turnÔ
10 — < Tacl tac! > batù pi use, — < MuJliéro,
15
20
turno.
mbij* disfaî >
Mumâ-sa îlli" se spuse: — < Dincea nu iéste aûà,
> Am pitricut' ua 'ntre apa, jVi'ar se vhiûâ'> 'lli dîçea,
Nessâ Turci-lir ini ua luaral > — <Si iu uâdu8sira?>
— < Nu sciu, n'uâ vidui, ma, cum uii spusira,
> Cin' sprëçi" de dîlle calle, si pote m^\ diparte,
> Ua luarâ s'uâ tricura d'amare înaparte ! >
— «Va 'mf fac una caiche subtîré ca pergam
> Si va s'me duc 8*ua caftu, tu trup sufflit pîn*am.
> S*allag amarea tôta, loc-lu a tutulor,
> S'uâ ved nica *nâ ôra, i cama ghine s'raor I >
£1, de acea minuta^ tu caiche intro.
Si sôpte 2XL\ de dille. tu amareimno,
SMusse tu multe locun, si multi întrebo*,
iVla di îa vôr-'nu n*aflos' çi-va nu invito*
* On prononce lli comme 17 mouillé français ou le gli italien.
* L'habitude de ne pas faire précéder du mot di le nom des jours de la se-
maine se maintient encore dans le Vivarais. On y dit lus (lundi), mars
(mardi), mecres (mercredi). Voyez sur ce point, de Sauvages, Dict. lang.~fr.,
II, 46. Il en est de même en Ronergue.
3 Ce vh se prononce comme le y du grec moderne. Et, puisque nous sommes
à noter les points de contact ^u macédo-roumain et du provençal, signalons
les formes provençales vespa et guespa (guêpe), lat. vespa. En Languedoc, la
mutation inverse se montre dans Augustus, qui a formé agoust et avoust.
^ Raymond Féraud, dans la Vida de sant Honorât, emploie le verbe in-
^«•yar (interroger, questionner) et le substantif interva, question, demande.
Entervà existe encore, si je ne me trompe, dans le languedocien de Colo-
gaac (Gard). Comme bien d'autres, malheureusement, cette épave linguistique
ne tardera pas à disparaître.
s Le philologue roumain dont j*ai parlé tout à Theure me fait obligeamment
remarquer que le mot uà, que l'on prononce d'une seule émission de voix, en
appuyant bien plus sur Vu que sur Va, est quelquefois, par une licence fami-
lière à la poésie populaire macédo-roumaine, compté pour deux syllabes ; on
entendfalors Vu et puis Va. Voyez deux exemples du premier cas, vers 73
et 78 du poème, et deux du second, vers 75 et 76.
Voici la traduction française de la citation qui précède :
30 BIBLIOGRAPHIB
En se reportant au passage correspondant de VEacriveta montpel-
lîéraîne (Ibu de Pasccut de 1882, p-89), le lecteur verra que M. I. a
presque suivi vers par vers une poésie qui, nous n'hésitons pas à
le répéter, est une des meilleures de la littérature populaire du bas
Languedoc :
Maridoun rEscriveta — la flou de tout pais (bis),
La maridoun tant jouina — que se sap pas vesti.
SouD orne vai en guerra — par la quità grandi.
Lou dilus fan la noça, — lou dimàs es partit.
Au bout de set annadas, — s'entournet au pais.
— « Pau ! pan ! » pica la porta. — « Mouliè, veni doubri . »
Sa maire se fai veire : — « Escrîveta es p' aici ;
L'aven mandada à l'aiga, -— a pas sajut veni;
Lous Môrous nous Tan presa, — lous Môrous sarrasins. »
— « Ounte Tan eamenada? » — « Cent legas lion d*aici . »
— « Farai fa 'na barqueta, — touta emb de pergam fin,
E ieu l'anarai querre — quand saupriei de mouri l »
«Ils marièrent la petite Dincea (Constance), et [à cause] de sa beauté, — tous
les jeunes [gens] l'appelèrent c la fleur du monde, j» - Dincea était si petite et
si menue (jeune), — qu'elle ne savait ni lier sa coiffe ni s'habiller.— Son mari,
jeune homme fort beau, — le lendemain matin, s'en alla à la guerre {lit. à la
bataille) . —Lundi ils firent les noces, — et mardi il s'éloigna, — et « la fleur du
monde », il la laissa grandir.
Après sept ans (lit. sept années de jours), il retourna à la maison.- « Toc!
Toc ! » il frappa sur la porte . — « Ma femme, ouvre I » — Sa mère se montra
(lit. s*exposa): « Dincea n'est pas ici -, — je l'ai envoyée à l'eau, et elle ne vien-
» dra plus », elle lui dit. — « Les Turcs me la prirent !» — < Et où la con-
duisirent-ils ?» — « Je ne sais, je ne l'ai pas vue ; mais, d'après ce qu'on m'a
» dit,— [c'est à] quinze jours de chemin, et peut-être encore plus loin. — Ils
» la prirent et la [firent] passer de l'autre côté de la mer. »
tt Je vais me faire une barque mince (lit, subtile) comme du parchemin, —
» et je vais aller la chercher, tant que j'aurai du souffle (l'âme) dans mon
» corps ! — courir toute la mer et tous les endroits, — la voir encore une fois,
» ou [sinon] mourir plutôt.» — Lui, depuis ce moment, entra dans la barque,
— et [durant] sept ans (Ht. sept années de jours) il alla sur la mer.— Il s'en
alla dans beaucoup de pays, et il interrogea beaucoup (de personnes), — mais
il ne découvrit ni n'apprit rien. »
La substance de quelques-unes des notes que Ton vient de lire a pris place
dans la seconde édition de la poésie deM.Uiescu, qui vient de paraître chez
MM.Grollier: VEscriveta, poésie populaire languedocienne, traduite en dia-
lecte macédo-roumain, in-8o, 32 pages, et qui a été distribuée à tous les
mainteneurs du Félibrige en Languedoc. On trouvera dans ce tirage, qui té-
moigne d'une quadruple collaboration, un essai de bibliographie et deux textes
de YEscriveta, ainsi que des notes sur la phonétique macédo- roumaine et le
vocabulaire de YAscàparea ali Dince.
BiBLIOàRÂPHIB 31
Restet set ans sus Taïga ^ — sans res veîre veni.
Dans un travail fait Tan dernier, nous eûmes l'occasion d!étudier le
rôle de la Roumanie dans la littérature actuelle du midi de la France.
Quoique le présent compte rendu ait pour but de signaler seulement
certains côtés de VAscapàrea ali Dince, on reconnaîtra que l'œuvre de
M. I. est, par son mérite poétique aussi bien que son intérêt dialectal,
un témoignage notable de l'utilité dés relations établies entre les f éli-
bres méridionaux et la littérature de l'Orient roumain ^.
A. ROQXJB-rEBRIEB.
Ausgaben and Abhandlnngen ans dem Gebiete der romanische Phi-
lologie verofTenlicht von E. Stengel. Marburg, 1882, iQ-8o.
C'est la suite et le complément de la partie déjà signalée par la
Revue des L rom., t. XXI, p. 254. Elle contient un glossaire tout à
fait complet des textes français les plus anciens, depuis les Serments
jusques et y compris VEpitre farcie de saint Etienne de Tours. L'au-
teur y joint un tableau des rimes et diverses observations grammati-
cales et glossologiques. C'est un travail consciencieux, utile et facile
^ Dans ce vers, comme dans le vers suivant de la même poésie :
Segueroun pas à Taiga — . que s'ausiguet un crid,
aiga semble avoir le sens de mer.
Cette acception n'a pas été relevée, quoique Honnorat remarque, Dict.
prov.-fr., 1, 62, que le substantif aiga (eau) se traduit aussi par rivière, fleuve,
pluie, humeur liquide, etc.
En roumain, apa signifie eau, comme aussi rivière et fleuve.
Observation complémentaire : le début de ÏEscriveta s'apparente de très-
près à celui de la Pourcheireto (Damase Arbaud, Chants populaires de la
Provence, I, p. 91) :
N'es Guilhem de Beauvoire — que se voou maridar,
La prend tant jouveneto, — se saup pas courdelare
Au bout de cinq semanos — à la guerr* es anat.
A sa doDo de mero — la val recoumandar-
Le commencement du Pastis [Ihid., II, 69) rappelle encore VEscriveta:
N'en maridoun Françoise (bis\
Tant jouino M ant donna 'n marit
Qu'elo lou sablé pas sarvir.
' La citation des vint-quatre vers de M. I. est faite d'après la deuxième édi-
tion de VEscriveta, dont le texte diffère de la première sur quelques points
insignifiants. Notre citation doit cependant être corrigée çà et là: Vers 9,
lisez Dupa au lieu de Dupo, et 21, lel au lieu de El.
3^ Brauoaa^HiA
à consulter. J'aurais cependant quelques critiques à faire en ce qui
concerne certaines leçons de la Passion et du Saint Léger, Il est pro-
bable que M. Stengel n'avait point lu Tarticle que j'avais publié dans
la Revue des langues romanes, 2e série, t. I, p. 5 à 23, sur une nouvelle
révision de ces deux poëmes. Quoiqu'il y ait plus d'une erreur dans
les observations que j'émettais alors, M. St. aurait pu cependant y
glaner quelques remarques utiles. Je les consigne ici même pour plus
de commodité.
M. St. imprime benlemçnt (Pas«., 130) et mante(n)lz (Pass., 43).
Pourquoi la seconde orthographe ne serait-elle pas aussi valable que
la première ? Voir, pour les formes modernes analogues conservées
dans les patois languedocien et limousin, ma note sur les strophes
33,2.
Pass , 155, M. St. lit « ne no ss' usted. » Je persiste à croire qu'il
faut lire <r ne no s eusted d = non se *suhstavit. Cf. ma note sur ce
vers.
Pa^s,, 270, M. St. lit : « Mais [chi l'Jawa sort an gitad. » Je croyais
avoir suffisamment prouvé, par un exemple emprunté à Grégoire de
Tours, qu'il fallait conserver la leçon du ms. en la complétant:
Mais à t;[e]ra sort an gitad.
Pûws. 398. M. St. imprime custo(de)s, ce qui veut dire qu'il con-
sidère la leçon du ms. comme fautive. J'ai prouvé à ce propos que la
forme bas-latine authentique custoda, avec le sens de gardien, justi-
fiait pleinement la forme romane custode .
Pass . 505, M. St. semble considérer fenimunz comme l'équivalent
de finement. C'est bien un composé de finis et de mundus analogue à
terremot = terrae motus.
Léger, 203. M. St. ne garde roors qu'avec doute. Peut-être aurait-
il moins hésité s'il avait connu les observations que j'ai faites à ce
sujet.
A. B.
Altfranzosische Bibliothek, herausgegeben von D' Wendelin Foerster. —
Dritter Band. Octavian, altfranzosischer Roman, herausgegeben von
Karl VollmoUer.— Heilbronn, Gebr. Henninger, 1883; in-8», xix-160 p.
Roman d'aventures d'un peu plus de 5370 vers octosyllabiques . Ce
n'est pas une œuvre d'art, tant s'en faut. L'auteur a recours aux pro-
cédés les plus simples et les plus expéditif s pour mettre en scène ses
personnages et arriver au dénoûment. Nul souci de la vraisemblance.
Un ou deux thèmes qui ont déjà servi sous des noms difierents for-
ment la base de son récit et le dispensent des frais d'invention. Son
BIBI.IO0RAPaiS d3
orthographe et ses rimes sont également incorrectes. Joignez à cela
de nombt-euses distractions de copiste . On comprend que, dans de
telles conditions, l'éditeur, M. KarlVoUmoUer, n'ait modifié son texte
que dans les cas d'absolae nécessité et lui ait laissé son incorrection,
qui est voulue, puisqu'elle est imputable à l'auteur .lui-même.
Le ms. qui nous Pa conservé (Rodléienne d'Oxford) date de la fin du
XlIIà ou du commencement du XIV® siècle.
L'édition de M. K. V . comprend une introduction, où sont étudiées
la langue et la métrique de ce poème, le texte, de nombreuses remar-
ques et un glossaire, le tout rédigé avec soin.
V. 11. Je substituerais qui kne. — V. 602, 503. Je lirais :
Et dl reapondent a esvrous : — « Por vendre la \l^ aportons nous »,
au lieu de:
Et cil respondent: « A estrous^ — Por ve/nâ/re le aportons nous, »
V.667, 668. Je lis:
Oes com Diex veult avoier (non avoir) — Ses gent, com il les veult
aidier (non aidoir),
V, 715. Je lis : Por Dieu leisses me (non moi) alerporeuc,
V. 1050. <siAhi!» dist-il com(e) fau musart. Il est inutile de corri-
gerfait, que donne le ms., et il faut lire : v.Ahi », dist-il a com fait
musarti »
V. 1147. Lui deniers, corrigez li deniers.
V. 1288. France ne pouvant rimer avec tans = tempus, il faut lire
Frans.
V. 1342. Effacer la virgule après aprester.
V. 1477. Se Diex nos faut, lisez : Se Diex nos saut,
V. 1666. molt garree, lisez esgarree, et supprimez molt,
V. 2000. Ne plus que [sel ce fust un tors. Lisez : Ne plus que sefust
une tors = turris. — V. 2516. Nenil, dist-il, Diex me puet sauver. Je
liTsia Nenil, se Diex me puist sauver. — V. 2755, 3857, 3889, 3944.
Au lieu de en onde, je lirais en non De = in nomen Dei, — V. 3377.
Conoîstries; ve[i]e8 au lieu de vees. — V. 3440. Bien voit qu'il ne [le]
puet sofrir. Je lirais les au lieu de le. — V . 3469, 3470. Feri Florent
le chevalier Que sa lance fist \tot\ briser. Lisez : [Tan<] que sa lance fist
briser. — V. 3610. Que il ne trenche hors et hors. Je lirais ens et hors,
V. 3705. Les grans os e8m[e]utes sont. Il faut ou esmeues, quadrisyl-
labe, ou esmutes, trisyllabe.
— Fûnfter Band Lyoner Yzopet altfranzosische Ubersetzung des xiii. Jah-
runderts,., herausgegeben von Wendelin Foerster. 1882, XLiv-i66 p.
M. W. Foerster a joint à ce recueil de fables, écrites en dialecte
franc-comtois, le texte latin (^Anonymus Neveleti)y dont le texte ro-
U BIBLlOaiUPHlA
man n'est que la traduction libre. L'introduction contient tous les
renseignements bibliographiques, littéraires et philologiques, afférents
au sujet. De nombreuses remarques faisant suite au texte et un glos-
saire contenant les formes remarquables complètent cette savante et
utile publication.
V. 1067. mainte mal est mal à propos rapproché de maint du y. 837.
— V. 1317 f sue, qui estréquivalent du latiuwJeraeA toi garde sa sue
toute = Nam servat uhera plena tibi », vient de '*' sûga === ^^i^ka ap .
Du Gange, forme que nous retrouvons dans le composé aanguisuga.
La forme romane prouve que 8uga devait avoir, outre sa signification
active, « celle quitette», la signification neutre passive, « ce qu'on tette,
tettine. » — V. 1507. Li premiers mesfait esHmer, lisez mes fait (mes =
cibus), — V. 2711-13. Mettez un point après plainne, supprimez le point
après soverainne et mettez une virgule après Lofert dur,
.A. B.
Franzosisches oz. Inaugural Dissertation von Philipp Rosmaon.
Erlangen, 1882, 38 pages.
La double origine de la diphthongue o£ (to oi = o + % ; 2o ei == 6,
ï) est appuyée d'exemples nombreux. Cet historique est complété par
d'autres exemples qui permettent de suivre de siècle en siècle la ten-
dance qu'avait l'ancienne langue à confondre en un son conmiun les
diphthongues o», ei, ai, tendance qui nous a valu d'assez singulières
contradictions d'orthographe et de prononciation ; cf., par exemple,
François ei français, monnaie et proie. — Voici quelques observations
de détail. P. 6. Glace, face, espace, se dérivent de "glada, *facia,
«pafo'a, plutôt que de glacies, fades, spatium, P. 7. Vouiquoi peritiare,
pei'cer, lorsque nous avons Tétymologie proposée par Diez, pertusiare
(de pertusum), qui a ^pu donner periuiser et percer, le second formé
directement de pertusiare, le premier dérivé du substantif pertuis f
Pertusiare peut en effet se décomposer en pe/rtu + sia/re^ d'où, d'après
la loi de Darmesteter, j?er/ + ser := percer. — P. 9. Adhauhare aurait
pu donner *aho&r, qui n'existe pas, et même aboyer, en supposant *acf-
hauhiare (forme qui d'ailleurs aurait plutôt produit àboger)^ mais n'a
pu donner abaier, doublet de aboyer. Il faut donc revenir à mon
étymologie adbadare, *adbadiare, retrouvée, il y a peu de temps, par
M. Foerster. — P. 27. *Oupidat ne peut donner convoite.
A. B.
filBUOORàPHlB 35
Aid et Mirabel und Elie de saint Gille zwei altfranzosiscke Helden-
gedichte, mit Ânmerkungen und Glossar und einetn Anhang die Fragmente
des mittelniederlandischen Aiol^ herausgegeben von Prof. Dr. J. Verdam in
Amsterdam zum ersten mal herausgegeben von Dr. Wendelin Foerster. —
Heiibronn, 1882, lvi-629 pages.
Commencée en 1876, cette importante publication a paru en trois
fascicules séparés :1e premier comprenant le texte de VAiol; le second,
celui de VElie de Saint Gille; le troisième, les Variantes, les Remar-
ques, le Glossaire et le Fragment de YAiol, écrit en néerlandais du
moyen âge. Nous y retrouvons la science vaste et sûre dont M. Foers-
ter a déjà donné tant de preuves . Son travail, complet de tout point,
utile en même temps aux écoliers et aux maîtres, est indispensable
à quiconque veut étudier d*un peu près les deux poëmes d^Aiol et
d'Elie de Saint Gille.
Suivent les observations que j'ai faites en lisant les Remarques qui
forment le fond du troisième fascicule.
517 Sovent l'avoit forbie et ressuee.
Comme l'assonnance n'est pas en ié, il faut rejeter re-sucare que
propose M. Foerster. Je proposerais à la place re-swtore, littéralement
« recoudre » et par extension « raccommoder », sens qui conviendrait
ici :
747 Hautement li escrie.
On pourrait aussi lire ri escrie = illum ibi exquiritat. Eacrier
q.qu'im était la tournure habituelle dans l'ancienne langue.
194 Que je puisse mon père encore aidier
Et r«;i>rfe?' ma mère qu'en a mestier .
Eevigdera. le sens de « secourir, reconforter. » Il faut donc le rat-
tacher k*revividare plutôt qu'à re«îw7are. D'ailleurs, le provençal re-
visdat = ranimé, ressuscité, que cite Raynouard, ne permet guère, au
moins pour le sens, de songer à re-visitare,
3376 Bêlement vint armés sor Tempereor.
Le vers a une syllabe de trop. M. F. se demande, mais avec doute,
si l'on ne pourrait pas supprimer simplement sur, et comprendre vint
Vempereor = venii ad imperatorem. Je comprends le doute de M . F . ,
mais je crois pourtant que cette correction est encore la meilleure.
4497. Fieus a putain, parjures, fel de menti I
Lisez fel, de menti = Deum menUtua* Cf. 857 .
4601. Pour la correction de la rime qui est en ié, nient devrait être
monosyllabe. Je proposerais donc de lire:
Et se il. nel veut faire, [ce] ne li celés nient.
Quand il est dissyllabe, ni-ent rime ou assonne avec le groupe ent,
qui ne connaît pas la mouillure. Cf. 357 > nient, laidement, faitemen^,
etc., etc.
36 BIBLIOaRAPHlE
5125. H est probable que ce vers de dix syllabes ,
Nous vous jurons sor sains .x. fois u quinze
en comptait douze dans l'original. Il suffit pour rétablir cette mesure
de lire foïea =foiée8, au lieu de fois, comme plus haut au v. 5094 :
Ja nous jurons sor sains .y. foies u dis,
où M. F. n'a pas hésité à pratiquer cette correction.
6586 Le caperon sorhauce et si Ta enclinié.
Enclinié, pour encline, doit se dériver de *in-cliniare, doublet sup-
posable avec i intercalaire de inclinare. Cf. targier == ^tardiaref à côté
de tarder, = tardare,
8094 Et la senescaudie de tout vostre roion .
Eegionem, dont parle M . F . , n'ayant pu donner que quelque chose
comme rison, ne se prête guère à un rapprochement avec roion =
royaume.
8181 Ne )or daignierent, tant par furent dispers.
■ Je dériverais, comme M. F., dispers, despers, d'une forme dispersus,
mais je le rattacherais à disperdere et non à dispergere. Attribution
que favorise le sens « qui a perdn la tête, éperdu. » Cedispersus se-
rait un doublet analogique de perditus, comme en italien perso =
*persu8 est celui de perduto = *perdutu8, perditus.
9093 A haute vois s'escrie li quivers de mal engre.
Je supposerais que engre dérive d'une forme *ingenum, primitif
analogique de ingenium. Le sens conviendrait on ne peut mieux, quant
à l'isophonie de g'n = gr, cf. YiTgre= YÏTginem,
10084 Que Juis travellierent
En regard de cette forme Juis, où Vs n'étant pas flexionnelle ne
peut qu'être étymologique et correspond ici à un v latin, Judœi, *Ju-
dœvi (comme le propose justement M. F.) = Juis, Judœa, *Judœva,
sssJuise, il aurait été bon de citer les formes semblables: antis = anti-
qvum (Elle, 672) et aniisses =^ aniiqvas, mentionnées plus loin par
M. F.
y. 10^9 Je yousplevispar foi et jur sainte Marie,
Puis que parti de vous, a feme n*oc compaignie.
M. F., sans proposer de correction, observe que le vers a une
syllabe de trop. M* Tobler ajoute : « peut-être faut-il lire aillors n^oc
compaignie, ou bien encore fems fCai acointie. » Je crois qu'il suffit de
déplacer la préposition a et de dire n'oo feme a compaignie.
A. B.
PÉRIODIQUES
Romania, 42-43. — P. 177. A. Thomas, Extraits des archives du
Vatican pour servir à Vhistoire littéraire, IV. Philippe de Vitri. V .
Gace de laBigne.YL Pierre BersvÀre (suite). — P. 188. A Morel-Fatio,
Proverbes Hmés deRamon Lull, — P. 203. A. Thomas, la Versification
de la chirurgie provençale de Raimon d Avignon, M. A. Thomas fait
cette fois le dépouillement complet des vers de Raymond*Avignon.
Il les groupe par séries d'exemples et arrive, en ce qui concerne nos
trois théories difEérentes, la sienne, la mienne et ceUe de MM. G. Paris
et P. Meyer, aux conclusions suivantes :
1* Contre la théorie de M. A. Thomas, 3 exemples;
2^ Contre la théorie de M. Boucherie, 13 exemples;
3o Contre la théorie de la Eomania, 50 exemples environ.
Disons tout d'abord que, la théorie de M.Thomas étant la plus élas-
tique, est par cela même moins exposée que les autres à rencontrer des
exceptions, et que, celle de la. Romania étant, au contraire, la plus res-
trictive des trois, doit en rencontrer un bien plus grand nombre.
Cependant, comme il s'agit ici, non pas d'établir seulement des ap-
proximations, mais d'arriver à la certitude absolue, peu importe en
définitive que tel ou tel système soit plus ou moins probable. Il faut,
pour être admis à l'exclusion des autres, qu'il ne tolère aucune excep-
tion. Or M. A. Thomas, quoique le mieux partagé en apparence, re-
connaît que les trois exemples qui lui sont contraires sont bien au-
thentiques et ne donnent lieu à aucune correction ou modification.
Voilà donc son systèmamis à l'écart, non sans faire d'ailleurs une re-
traite des plus honorables.
En procédant avec cette rigueur, il semble que je prépare mon
propre suicide, puisque j'ai affaire à des adversaires plus nombreux .
Si la théorie de M. A. Thomas n'a pu tenir contre trois, que pourra
faire la mienne contre treize? Et pourtant, avec tout l'entêtement
d'un Galilée en train de découvrir la rotation de la terre, je persiste
dans ma première opinion : E pur si muove ;oixi, la césure obligatoire
est toujours au huitième pied, même dans ces treize vers où cette
huitième syllabe est atone, attendu que ces mêmes vers peuvent tous,
sans exception et très-facilement, retrouver la bonne cadence qu'ils
ont dû perdre par la faute du copiste.
Il suffit pour cela de ce qu'on peut appeler un minimum de cor-
rection, d'un simple déplacement de mots. Et nous sommes d'autant
plus autorisés à pratiquer ces restitutions anodines, qui changent seu-
3
38
PERIÛDUIDBSS
lement Tallure de la phrase, que le copiste a commis de bien autres
fautes et bien plus nombreuses. Ajoutons enfin, à sa décharge, que
ce vers, qui était probablement nouveau pour lui comme il Test au-
jourd'hui pour nous, n'a pas un rhythme aussi sensible que les autres
grands vers, la césure n'étant guère qu'accentuelle et n'impliquant
pas un repos nettement appréciable, comme par exemple dans le dé-
casyllabe coupé au quatrième ou au sixième pied, et dans le dodéca-
syllabe coupé au sixième. H en résultait que le copiste, croyant n'avoir
à se préoccuper que de la rime et de la numération des syllabes,
pouvait être tenté de ramener^aux habitudes de la syntaxe usuelle, de
la syntaxe de la prose, les inversions et les tournures qui s'en éloi-
gnaient, n devait d'autant plus facilement glisser sur cette pente,
que ces corrections à demi inconscientes pouvaient se faire en quel-
que sorte toutes seules, sans altérer la forme des mots et par un sim-
ple déplacement. C'est aussi l'avis de M. Chabaneau, à qui j'ai soumis
le tableau ci-après, où se trouvent reproduits les treize vers cités par
M. A. Th., chacun d'eux accompagné de ce que je suppose avoir été
le vers primitif.
Plas vos auzir qu'eu vos diga
Plas vos auzir qu*eu diga vos
Un meu amie que m'en prega
Un meu amie que preya m'en
Ades pero si pot traire
Ades pero si traire pot
Quant es le carns mas creguda
Qumit mas creguda es le carns
Mas tu d'aquest bon emplastre
Mas d'aquest bon emplastre tu
Ab aquest vin veti, fraire,
Ab aquest vin, fraire, veti
Ad aquest obs es mecina
Ad aquest obs mecina es
Sus en son col es d'espasa
Sus en son col d'espasa es
Et en toz faitz sias savis
Et sias savis en toz faitz
E tu li fai bon emplastre
E bon emplastre tu li fai
Fai li foment d'erbes mollas
D'erbes mollas fai li foment
• m'cD tension.
- m'entension.
■ per gran amor.
■ per gran amor.
ab dos canons.
ab dos canons,
que per rason.
que per rason.
Tabeuraras.
l*abeuraras,
con 0 faras.
con 0 faras.
ben covinens.
ben covinens.
tan for feritz.
• tan fort feritz.
e ben arditz.
e ben arditz.
de pes naval.
de pes naval.
no siafais.
notsia fais.
PERIODIQUES 39
Tan que un conc de fust puscas — intrepausar.
Tant que puscas un conc de fust — intrepausar,
E levai tant que 11 costa ' — gent s'en adreis.
E levai tant que gent H cas — ta s'en adreis,
A ces treize vers, qui, si on les acceptait tels que nous les a tran-
scrits le copiste, porteraient le coup mortel à ma théorie, M. A. Tho-
mas en ajoute quatre autres, qui selon lui me seraient également con-
traires :
N" 8. Et mit les sus — quel pôlvera — la fay fugir.
Rogiers nou yorns — la pôlvera — vermeya met.
No 13. E fran l'os gent — la on premeiraméntz — si frais.
Sel os torcen — suau e temorosamén.
Moi aussi je regarde ces quatre vers comme tout à fait authentiques,
et je ne songç nullement cette fois à mettre le copiste en cause, par la
raison toute simple qu'ils ne constituent pas une objection à mon sys-
tème . En efEet, dans les deux premiers, nous avons, grâce à Taccent
secondaire du proparoxyton pôlvera, accent qui porte sur la dernière
syllabe ra, la césure oxytone au huitième pied . Il ne peut y avoir de
doute à cet égard; car, si Fauteur empruntait au latin, contrairement
auxvraies tendances du provençal, des proparaxytons qui avaient con-
servé toute leur valeur originelle, cène pouvait être qu'en les soumet-
tant aux mêmes règles que leurs correspondants subissaient dans la
versification latine liturgique, c'est-à-dire en comptant leur syllabe
finale comme oxytone. M. G. Paris a déjà eu l'occasion de signaler
l'équivalence de la finale des proparoxytons latins et de notre finale
masculine. D'ailleurs, on en rencontre des exemples certains en rime
dans des vers octosyllabiques, lesquels sont justement d'origine iam-
bique conome ceux qui nous occupent en ce moment {Passion du
Christ, Albéric de Besançon), Or, si la finale des proparoxytons pou-
vait être considérée conmie oxytone à la fin des vers, combien plus
encore devait-elle avoir cette valeur dans Tintérieur du vers et à la
césure ?
D'ailleurs, M. A. Thomas, tout le premier, semble venir à résipis-
cence, puisqu'il dit plus loin (p. 211) que, dans des vers commençant
conmie celui-ci :
Lsi pôlvera dels aCTrodils,
« le mot étant proparoxyton, la quatrième syllabe peut être considérée
comme ayant un accent secondaire ; de sorte que ces vers ne s'écar-
tent pas beaucoup de la coupe oxytone régulière . »
Et comme, une fois qu'il est entré dans le bon chemin, un esprit
droit ne sait plus revenir sur ses pas, M. A. Thomas continue pom* moi
40 pâRIODIQUfiS
l'argumentation, et constate que des formes telles que delivramentz,
prernevrameniz, « peuvent être considérées à la rigueur comme sépa-
rables », délivra mentz, premeira mentz, ce qui procure la césure cher-
chée. Sous le bénéfice de ces deux observations, qui me sont d'autant
plus favorables qu'elles émanent de mon contradicteur lui-même, je
me crois donc fondé à dire que les quatre exemples de surcroît qu'il
cite contre moi n'ont pas la portée qu'il leur supposait d'abord .
Des polysyllabes comme temorosamen ne contrarient pas non plus
mon système, attendu que nous trouvons dans ce mot, de par la loi
de l'accent binaire, trois accents : lo celui de la fin ou accent princi-
pal ; 2° et 3° les deux accents secondaires prétoniques osa, témor.
Pour osa (iimorôsamente), il ne saurait y avoir de doute. Quant à té-
mor, il ne peut y en avoir davantage, comme le prouvent à la fois les
habitudes de la versification latine liturgique, qui, en pareil cas, aurait
compté temor pour un trochée, et la règle de M. Darmesteter, d'après
lequelle les syllabes prétoniques sont traitées comme si elles appar-
tenaient à un mot indépendant. Or le dissyllabe temor aurait eu l'ac-
cent sur la première, d'où l'obligation, pour la forme romane corres-
pondante, de garder l'accent à la même place.
M. A. Thomas considère comme des enclitiques, inséparables du
mot auquel ils s'appuient, les monosyllabes tels que en, 8a,,si,per,
sas, etc., ce qui^ dans certains cas, empêcherait la césure (p. 208, 209) .
Cette opinion, si elle était fondée, augmenterait encore la liste des
citations qui nous sont contraires, à moi et à la Romania, mais ce n'est
qu'une pure hypothèse, contre laquelle on pourrait citer des exemples
empruntés même à des vers où la césure est autrement sensible que
dans ceux-ci. Je n'ignore pas que la manière de voir de M. A. Tho-
mas est aussi celle de M. G. Paris, qui a déjà fait une observation
analogue dans son compte rendu de l'édition du S. AubanàQ M. At-
kinson. Mais, je le répète, ce n'est après tout qu'une conjecture, que
les faits, au moins les faits anciens, ne justifient pas pleinement.
Pour que ma théorie fût réellement inacceptable, il faudrait ren-
contrer dans le dernier des trois tronçons quadrisyllabiques des po-
lysyllabes dont la finale oxytone formerait le neuvième pied, ou un
trissyllabe paroxyton dont l'atone finale formerait le dixième, comme
seraient par exemple :
1® Vers avec polysyllabe oxyton formant le huitième et le neuvième
pied :
Segnors, a vos que est compa — nyon et amie
E vos, amie, plas vos m'enten — cion ausir ?
Nostra mecina es covi — nens ad aqaestè
Es la polvera des affro — dits bona fort,
PSmODlQUBS 41
2o Vers avec trîssyllabe paroxyton^ dont Tatone finale forme le
dixième pied :
Tant que ses content una plu ' — meta s'en pel.
E per razon quant es mas cre — guda la carns.
Âd aquest obs es nostra me — cina ben fort.
Sus en son col, et tan fort aies ^- posa feritz.
Or M. A. Thomas, dans la statistique qull a faite avec tant de
soin, n'en cite pas un seul qui soit fait sur ce modèle.
A cette probabilité je crois devoir en joindre une autre : je veux
parler d'un nouvel exemple de dodécasyllabes coupés au huitième
pied, exemple emprunté à la lyrique populaire, comme je l'ai déjà
fait dans le précédent article. On me pardonnera d'insister sur ces
rapprochements, mais ils sont d'autant plus nécessaires que la démons-
tration est plus difficile et les moyens d'information plus rares.
lo Quand la berger' s'en va-t-au champ — toujours filant,
Sa quenouillette à son côté, — fuseau d'argent,
2o Son bel amant s'en va-t-après — toujours disant :
ft N'allons-nous pas nous marier ? — Belle, ol est temps »
3o — « Retire-toi, vilain galant, — tu m'y déplais.
Je t'aim'rais beaucoup mieux au loin — qu' non pas auprès . » .
4o — « Que t'ai-je fait, ma douce ami', — que j' t'y déplais?
Que t'aim'rais mieux m'y voir au loin — qu' non pas auprès î »
(J. Bujeaud, Ch. et Chans, pop., I, 225.)
En ' résumé :
La théorie de M. A. Thomas, « césure oxytone obligatoire au qua-
trième ou au sixième pied », a contre elle au moins trois exemples cer-
tains (n° 14), reconnus par lui-même comme tels.
La théorie de MM. G. Paris et P. Meyer, « trois tronçons de quatre
syllabes avec césure bien tranchée », a contre elle, en ce qui concerne
le quatrième pied, les sept vers du n** 4, le vers du n° 6, le vers du
no 11, le V. 1534 du n» 12, et, si la correction que je propose plus loin
est bonne, le v. 1337 (p. 207), en tout au moins dix vers, M. A.
Thomas dit une cinquantaine ; mais je ne vois guère sur quoi il ap-
puie cette affirmation, qui me paraît exagérée.
Ma théorie, « césure obligatoire, enjambante ou non, au huitième
pied ; facultative, mais très-fréquente, au quatrième pied », n'a contre
elle aucun exemple, si l'on reconnaît le bien-fondé de mes observa-
tions relativement aux dix-sept vers que M. A. Thomas m'oppose.
Somme toute, nous ne différons que par des nuances et nous som-
mes d'accord sur l'essentiel, c'est-à-dire en ce qui concerne l'allure
iambique du vers et sa division très-fréquente, sinon constante, en
trois tronçons de quatre syllabes.
\
42 PÉRIODIQUES
Quelle est Torigine de ce vers si singulier ? Je n'hésite plus, depuis
que M. A. Thomas a fait observer que la finale de chaque vers est in-
variablement oxytone, à y, voir l'imitation provençale du sénaire iam-
bique latin . C'est la même succession de dipodies, un véritable décal-
que de ce que les Grecs appelaient trimètre iamhique. Mais il diffère
en un point essentiel de son modèle latin, en ce qu'il n'a jamais
^'équivalent de la césure du sixième pied. D'où]vient cela? D'où vient
aussi que, tout en conservant la césure latine du quatrième pied ou
césure penthémimère, il ne l'emploie pas de préférence comme fai-
sait le latin, et la subordonne à celle du huitième pied, à cette césure
inconnue de son modèle latin et qui, pour lui, au contraire, est seule
obligatoire? Je ne le sais. Peut-être faut-il attribuer cette particula-
rité à l'influence de l'octosyllabe, si usité dans la poésie latine liturgi-
que et plus encore dans la poésie romane, octosyllabe iambique qui
représente exactement les deux premières dipodies ou deux premiers
tiers du sénaire. Dans tous les cas, le sénaire latin ne favorisait pas
cette tendance, puisque, au moins deux fois sur trois, les mots qui for-
maient le quatrième et le cinquième pied (= syllabes 7, 8, 9, 10 du
dodécasyllabe de Raimon d'Avignon) se refusaient à toute césure,
comme on peut le voir par ces vers de Phèdre:
Frenumqne solvit prisf mwm — licenii^ .
Arcem tyrannus occupât — Pisistratus
Omne insuetis onus et c« — pissent queri
Ranœ vagantes liberis — paluàibus
Qui dissolutos mores — vi compescerei
Parvum tigillum missum quod — subito vadi
Motu sonoque ierruit — pavidum genus
Quod quum inquinassent omne con — tumelia.
(Livre I, fable 2.)
Quoi qu'il en soit de cette particularité, je veux parler de la pré-
dominance de la césure du huitième pied dans le vers de Raimon
d'Avignon: qu'elle soit due à l'influence de l'octosyllabe de nos trou-
vères et de nos troubadours, ou qu'elle provienne d'une autre cause,
elle n'en paraît pas moins certaine.
H va sans dire que toutes les explications que je viens de donner
tournent au profit, si elles sont justes, non-seulement de ma théorie,
mais encore de celle de MM. G Paris et P. Meyer. Aussi, par esprit
de solidarité scientifique, ai- je voulu appliquer aux dix exceptions quj
contredisent leur système les mêmes procédés de restitution que j'ai
employés pour les treize vers que M. A. Thomas m'opposait. Mais
cette fois les résultats ne sont pas aussi concluants, et la césure du
quatrième pied, moins heureuse que sa sœur' du huitième, ne sort pas,
PERIODIQUES 43
comme celle-ci, complètement victorieuse de Tépreuve, car sept vers
sur dix se refusent obstinément à ce traitement orthopédique, à ce
modeste déplacement de mots qui me permet de tenir pour nuls et
non avenus les témoignages invoqués contre moi.
Voici d'abord les vers qui se prêtent à restitution . Il n'y en a mal-
heureusement que trois :
Quan vol ésser — ne assemblar — metges complitz.
Quan mi mémbra — gran paor ai — per caritat.
Que la pôlvera — meta sus — e sera bon.
qu'on peut tout aussi bien lire, en leur rendant la césure du quatrième
pied :
Quan esser vol — ne assemblar — metges complitz.
Quan membra mi — gran paor ai — per caritat.
Que meta sus — la polvera — e sera bon .
Voici maintenant les sept réfractaires :
Peneténsa — communion — tôt sens temor.
De las télas — ne t'eji diray — au ira rayson. .
Freolésa — si sent a pauc — ha de vertul.
E travélla — ardidament — ses tôt esglay.
Mas per fôrza — m'ave a dir — ço qu'a desus.
0 per fmba — quan non si sana per rason.
De sotz ]a.forcéla del pietz — ti fai trasar.
C'est là, on peut le remarquer, comme la contre-épreuve de la res-
titution semblable que j'ai opérée sur les treize vers qui semblaient
tout d'abord devoir détruire mon hypothèse .
M. A . Th. signale une autre particularité de ce texte, laquelle n'a
qu'un rapport indirect avec la question principale que je viens de trai-
ter, à savoir l'emploi intermittent du vers décasyllabique à césure,
soit oxytone, soit enjambante, placée ad libitum au quatrième ou au
sixième pied, plus souvent au quatrième. H y insiste et ajoute « qu'une
étude attentive lui a montre que ces vers ne proviennent pas d'omis-
sions du scribe, mais ont été écrits intentionnellement par l'auteur. »
Ici encore, malgré toute la confiance que méritent les affirmations de
M. A. Th., je ne puis m'empêcher d'avoir des doutes. Car, outre que
ce serait là une particularité à peu prçs unique en son genre, ce qui
tout d'abord doit la rendre suspecte, il faut bien se souvenir aussi
que notre copiste a commis assez d'erreurs pour qu'on ne se croie
pas obligé de regarder comme de bon aloi tout ce qui est tombé de
sa plume . Mais, jusqu'à nouvel ordre, toute discussion à ce sujet est
impossible ou pour le moins prématurée . H faut avoir tout le poëme
sous les yeux et pouvoir comparer chacun des décasyllabes dissi-
dents avec les dodécasyllabes qui précèdent ou qui suivent. Réser-
44 m^ODIODBS
vons donc Ja question jusqu'au jour où M. A. Th. aura publié eu son
entier la Chirurgie versifiée de Raimon d* Avignon .
P. 200. Le copiste s'est corrigé, non pas tant pour rétablir une cé-
sure oxytone que pour éviter une amphibologie. Car sus, placé après
le verbe patisa et devant le substantif det (doigt), paraît à première
lecture jouer le rôle de préposition et régir le substantif dont il est
suivi, tandis que, placé avant le verbe, il ne peut qu'être adverbe et ne
prête à aucun iquiproquo .
P. 207. Observons en passant que trois sur cinq des vers que M. A.
Thomas, et avec raison, écarte de la liste des témoins authentiques,
se prêtent à des corrections assez faciles, dont une surtout paraît as*
surée:
D'aqiiel[a] polvera vermeyla ti sai dir.
Il n'est pas inutile de remarquer que ce vers ainsi lu constitue un
exemple de plus contre la théorie de M . A. Thomas, puisqu'il n'a de
césure oxytone ni au quatrième ni au huitième pied.
Voici comment je lirais les deux autres, en prenant E superflu du
second vers pour le reporter au premier :
[E]aquel enguens de eaux vi — va lo garis,
L'enguen blanc val a pustulas — e les delis.
P. 213. P. Meyer, Étude sur les manuscrits du roman d'Alexandre.
M. P. M. déclare que « l'objet du présent travafl est : 1<» de déterminer,
autant que faire se peut, l'individualité de chaque branche dans l'en-
semble du roman d'Alexandre ; 2° de faire connaître un épisode jus-
qu'à présent inédit de ce roman ; 3° de décrire les mss. ou fragments
de mss» de V Alexandre qui nous sont parvenus. « Cet épisode est le
voyage d'Alexandre au paradis. Faute d'impression, p. 219, ch. ii, 1. 3,
4. Lisez : « Tous les mss . qui renferment le voyage au paradis ren-
ferment aussi la guerre contre le duc Melcis. » — P. 237, v. 304, sem-
blés, lisez semble, — P. 238, v. 335 et 370, et laidire et blasmer. Je
préférerais, pour éviter toute confusion avec lç>idir, séparer les deux
composants lai (laid) dire, — P. 333. A. Morel-Fatio, Souhaits de
bienvenue adressés à Ferdinand le Catholique par un poëte barcelonais
en 1 473 . — P. 357. J. Cornu, Vida de Eufrosina, de Maria Egipcia,
Traité de dévotion (Extraits)» textes portugais du XIV* siècle. —
P. 391. C. Nigra, Versions piémontaises de la chanson populaire de
Renaud. — P. 399. Mélanges: 1** La Prononciation de B. en latin
(G. P. ); 2® Sur la Date et la Patrie de la Chanson de Rolland (G. P.).
M. G. P. combat l'opinion de M. Suchier, qui croit que le Rolland
n'est pas antérieur au XII® siècle et qu'il est d'origine normande En
ce qui concerne le second point, j'avoue n'être pas encore fixé. Quant
au premier, je partage la manière de voir de M. G. P., qui assigne à
PBBSpDIQ^ES 45
ce poëme la date du Xle dècle. Aux probabilités historiques et autres
dont il étaye son opinion, j'en joindrais encore une, à savoir l'emploi
normal de la triple répétition, quand l'auteur veut attirer l'attention
de l'auditeur sur un fait important (par exemple, les deux discus-
sions de Rolland et d'Olivier, etc.)- Ce procédé, à ma connaissance, ne
reparaît plus après le Rolland et le Pèlerinage de Charlemagne, où on
l'y remarque une fois . Les chansons de geste postérieures à Eolland ,
même les plus anciennes, m'ont paru n'employer en pareil cas que la
double et non plus la triple répétition. 3° Sur la Chronique de Wei-
henstephan (G. P.). 4** Les Légendes de Gandelon ou Ganelon (Henri
Camot) . Curieuse coïncidence. Le général Bourmont, qui avait trahi
Napoléon pendant les Cent Jours, est assimilé, dans une légende po-
pulaire, à Gknelon, et trahit, non plus Napoléon, mais Charlemagne.
b^ Fleurer (J. Cornu). 6° La Farce du Cuvier et unproverhe norwégien
(Kr. Nyrop). 1^ Aganau (L . Constans) . 8o Xa Femme avisée, conte
mentonnis (E.-B. Andrews). 9° Vernissez vos femmes, conte de Vais,
Ardèche (E. Rolland). — P. 418. Comptes rendus. Franz Eyssenhardt,
Rœmisch und Romanisch (G. P.) Très-défavorable. — R. Dozy, jRe-
cherches sur l'histoire et la littérature de l'Espagne pendant le moyen
âge (G. P.). Article étendu. Favorable. — Adolfo Bartoli, Crestomazia
délia poesia italiana (J. Ulrich). — TuUio Ronconi, VAmore in Ber-
nardo di Ventadom ed in Ghiido Cavalcanti (A. Thomiis). — A . -E . Nor-
denskiold, le Livre de Marco Polo, fac-similé d'un ms. du XlVe siècle
conservé à la bibl. royale de Stockholm (Gaston Raynaud). — Salvador
Sanpere y Miquel, Un estudi de toponomastica catalana (Alfred Morel-
Fatio). Défavorable. — P. A3S, Périodiques. M. P* M. relève une très-
forte distraction qui m'a échappé en voulant corriger un passage
déjà corrigé du Pèlerinage de Charlemagne à Jérusalem, « Il n'y a
là, sans doute, ajoute- t-il obligeamment, qu'une de ces étonnantes
inadvertances auxquelles M. B . est sujet, bien que je ne m'explique
point comment elle a pu se produire. y> Puisque M. P. M. paraît y
tenir, je vais lui expliquer la chose. — Le premier éditeur, M. F.
Michel, avait lu et imprimé cuningles, forme que le second éditeur,
M. Koschwitz, a reproduite également, mais en note et en l'accompa-
gnant d'un point d'interrogation. Entraîné par la rédaction, hélas !
toujours trop rapide, de mon compte rendu sommaire, je négligeai de
jeter les yeux sur le passage correspondant du texte rectifié, et je
crus que M. Koschwitz acceptait, quoique avec doute, la leçon de son
devancier. Inde prima mali labes, de là une première correction, cu-
vingles = *convincula, que j'insérai dans ledit compte rendu. Quelque
temps après, la f ormç jugulœ, que je rencontrai dans Du Cange, me
révéla la bonne étymologie cunjugles, et je me hâtai non-seulement
4Ô PBRIODiqf0Ë8
de me corriger moi-même, ce qui était mon devoir, et de corrigerM. F. *
Michel, ce qui était mon droit, mais aussi de corriger M . Koschwitz,
sur lequel je n*avais aucune prise, puisqu'il avait trouvé la bonne
étymologie avant moi et du premier coup . C'est, comme on le voit,
une distraction bien caractérisée, une inadvertance, comme le dit M. P.
M., lequel, je l'espère, voudra dorénavant n'y voir que cela et pas au-
tre chose. — Ma confession est faite, et au grand complet, puisqu'il
n'y manque pas même l'acte de contrition final. Maintenant M. P. M.
me permettra-t-il de lui adresser une demande d'explications, demande
analogue à celle qu'il a bien voulu me poser ? Voici ce dont il s'agit :
d&ns IsiRomania, b? 34, p. 197, il a reproché à M. Chabaneau« d'avoir
fait entrer, au moins au point de vue linguistique, Nontron dans le bas
Limousin. » C'était une erreur, non de. M. Chabaneau, mais de M. P.
Meyer, erreur que M. C. se contenta de rectifier en renvoyant M . P. M.
à la page 2 de sa Grammaire limousine, et sans ajouter « qu'il n'y
avait là sans doute qu'une de ces étonnantes inadvertances auxquelles
M. P. M. est sujet. » Après cela, M. P. M. n'avait plus, semble-t-il,
son erreur étant bien et dûment constatée, qu'à la reconnaître, en y
joignant même un petit bout d'excuses pour celui qu'elle visait, et
dont elle tendait à diminuer l'autorité philologique d'une manière bien
plus sérieuse que mon quiproquo celle de M. Koschwitz. Autrement
ceux des abonnés ou des lecteurs de la Bom^nia qui ne lisent pas notre
compte rendu de ce recueil devront toujours croire que le propre au-
teur de la Grammaire limousine, né à Nontron même, et qui a pris le
dialecte de cette localité comme base principale de son étude, que
M . Chabaneau, en un mot, avait oublié, ou n'avait jamais su, que sa
ville natale faisait partie du Périgord et non du bas Limousin. Eh
bien ! cette rectification, pourtant si nécessaire, se fait toujours atten-
dre. D'où cela vient-il ? Car moi non plus « je ne m'explique point
[non pas conmient cette erreur, mais] comment ce retard a pu se pro-
duire. »
A propos du compte rendu que j'ai donné de son travail sur «To
fermé en français», M. G. P. m'objecte que la discussion dans laquelle
je me suis engagé « porte complètement en l'air. » Car, ajoute-t-il,
<c j'ai dit expressément que, dans cet article, je ne m'occupe que du
français moderne, et que je remonterai ensuite à l'ancien français. »
Encore une de ces « étonnantes .inadvertances auxquelles je suis
sujet», me suis-je dit toiit d'abord. Et déjà je préparais mélancoli-
quement, mais courageusement, un second mea culpa, aussi explicite
que celui que je devais à M. Koschwitz; mais, en me relisant et reli-
sant M. G. P., j'ai vu que cette fois j'étais sans péché. En effet,
c'est à bon escient et de toute nécessité que j'ai étudié à fond ce point
PERIODIQUES 47
si important, la prononciation de Vo fermé en ancien français, puis-
que, mes explications une fois admises, on rend compte à la fois et des
particularités de l'ancienne rime et des prononciations divergentes,
comme amour, labour, pelouse, etc., qu*on remarque dans la langue
actuelle. D'ailleurs j'ai eu soin d'insister là-dessus et d'expliquer im-
plicitement pourquoi j'y insistais. «Voilà, disais-je, en parlant de la
double prononciation ea et ow = 5 latin en v. français, voilà ce qu'il
importé de savoir et ce que M. G. P. aurait dû, suivant moi, s'efforcer
d'éclaircir dès le début.» Et cette petite dissertation, tout en empiétant,
mais en empiétant forcément, sur l'argumentation détaillée qu'annonce
M. G. P., était cependant à sa place, même à ne considérer la question
que conmae il l'avait posée, puisque lui-même avait pris parti en ce
qui concernait la prononciation eu,ou= ô latin en v. français. Car, à
propos de la forme actuellement divergente amour, il disait qu'elle
s'était prononcée d'abord am>eur, comme les analogues sueur, chaleur,
honneur = sudôrem, calôrem, honôrem, et « qu'elle avait cependant
de très-bonne heure quitté ce groupe pour se joindre à celui des mots
en our, comme tour, jour, estour (p. 40). » D'où la conclusion que,
pour M. G. P., les dérivés de ô latin se prononçaient, en v. français,
eu, conmie aujourd'hui, et cela dès l'origine, puisque omowr lui-même
avait dû d'abord passer par cette prononciation commune avant d'ar-
river, quoique de très-bonne heure cependant, à la prononciation eu
qui est encore la prononciation actuelle. Or, cette conclusion n'étant
pas la mienne, je devais la combattre immédiatement, sans attendre
qu'elle fût étayée de toutes ses prémisses. C'est ce que j'ai fait, et avec
d'autant moins d'hésitation que, suivant moi, je le répète, M. G. P.
aurait dû tout d'abord traiter cette question in extenso. Si j'ai cité et
rapproché un certain nombre de faits, c'était pour appuyer mon opi-
nion, et non parce que je supposais que M. G. P. pût les ignorer, ce
qui n'est venu et ne viendra à l'esprit de personne.
M. G. Paris avait dit (Bom^nia, n°« 37 et 38, p. 299) : « Gamier de
Pont-Sainte-Maxence, et Chrestien de Troyes, confondent ces deux
formes out et eit. »>A quoi j'ai objecté que ni l'un ni l'autre n'avaient, à
ma connaissance, employé à la rime l'imparfait en out ou ot. Au lieu
d'accepter simplement cette observation, qui est certainement fondée,
M. G. P. répond : « M. Boucherie croit que j'ai eu une distraction, ou
qu'il a mal compris, parce que je dis (Rom., X, 299) que Garnier de
P. -Sainte-Maxence confond les imparfaits en abat et ceux en ébat;
qu'il relise la Vie de' S, Thomas. i> J'ai relu la Vie de S. Thomas, et il
se trouve que, comme je l'avais dit, les imparfaits en out, ot, n'y fi-
gurent jamais à la rime. Il est vrai que des imparfaits tels que plei-
dout, clamout, etc. . . ., se rencontrent dans Tintérieur des vers, mais
48 PBBKHHQUBS
ils sont imputables au copiste anglo-normand, et on ne peut en con-
clure que Garnier confondait les imparfaits en out, ot, avec les im-
parfaits en eit, n n*y a donc là qu'un malentendu, sur lequel il m'aura
suffi d'appeler de nouveau l'attention de mon savant contradicteur
pour le faire cesser.
A propos de notre discussion sur l'étymologie de effirayer, M. P. M.
me prend de nouveau à partie : « M. Boucherie, qui parait avoir pour
la polémique plus de goût que d'aptitttde C«*c), se livre à l'encontre do
la Romania à des discussions dans lesquelles nous ne pourrions le sui-
vre 9an8 perdre un temps et un espace que nous pouvons mieux em-
ployer {sic). Montrons toutefois, par un échantillon, quelle est la portée
générale de ces discussions. » Puis il relève à ma charge une nouvelle
« inadvertance rt, qu'il qualifie cette fois non plus d'« étonnante», mais
d' «étrange. » Rassurez- vous, lecteur, la révélation sera moins fou-
droyante que vous ne le pensez, car tout ce grand fracas d'exécuteur
des hautes œuvres de la critique aboutit à ceci, que j'ai supposé à V*ex-
fridare, qu'il me citait, un prototype latin *eX'fTigdare, eafiigidare,
à la place du germanique frid, proposé pour la première fois par
M . G . Paris, à qui l'on doit cette étymologie . Fort bien . Je suis cou-
pable, je le reconnais, coupable d'inexactitude, mais coupable surtout
d'avoir été incomplètement renseigné. Si, faute d'un poteau indicateur,
je prends à droite au lieu de prendre à gauche, suis-je seul responsa-
ble de mon erreur? Or c'est précisément ce qui m'est arrivé. Car il est
à remarquer que ce frid, que M. P. M. me jette de si bon cœur aux
jambes, n'a été cité qu'après coup par M. P. M. et même par M. G.
Paris. La Romania,Y 11,121, à laquelle on me renvoie, porte simple-
ment ceci : «Ce verbe esfreder a donc ei (de Vï allemand) aux formes
accentuées seulement. » Et c'est tout. De frid pas la moindre trace.
Quant à cet î allemand, dont il était fait mention d'une manière si
vague, et qui venait là sans être amené par rien, je ne savais à quoi le
rattacher. Aussi, devant cette absence presque complète d'informa-
tions, j'avais cru et dû croire que ce b.-latin 6a?-/rMfare représentait la
déformation d'un type latinj qui, dans ce cas, ne pouvait être que ex-
frigidare, étant donné surtout la forme provençale esfreidar, qui n'a
rien à voir avec/nW . Il n'y a donc pas lieu de crier si fort à l'inad-
vertance, quand nous sommes trois à en partager la responsabilité.
Ajoutons que c'est peut-être aussi par suite de cette insuffisance d'in-
dications que M . Foerster a repris à son compte tout récemment l'éty-
mologie germanique de ce mot, revendiquée aujourd'hui par M. G. Paris
{Romania, XII, 444). Ajoutons encore que M. P. M., si dur aux distrac-
tions d'autrui, en laisse échapper une,
Jaste retour, Monsieur, des choses d'ici-bas !
et cela précisément dans ce même passage où il me traite avec la sé-
vérité d'un nouvel Orbilius. « M. Boucherie, dit-il^ oublie que je n'avais
fait, en citant monaé, conraé, paonier, que lui fournir les renseigne-
ments qu'il demandait. »
Erreur. M. P. Meyer «oublie » que ce n'étaient pas là les renseigne-
ments demandés, attendu que, dans aucun de ces mots, a plus voyelle
ne correspond à îd latin . Il aurait fallu, pour répondre véritablement
à ma demande, présenter des formes comme faeil, yaeir, etc., = ff-
delem, videre. En effet, il ne suffirait pas de dire que é latin avait
pour la phonétique romane la même valeur que ï, l'un et l'autre pro-
duiaant également et ou oi dans la langue d'oui ; car, en ce qui con-
cerne la particularité dont nous parlons (substitution de a à ei), c'est
e latin (long ou bref), bien plus que î, qui paraît s'être prêté à cette
évolution, principalement devant les dentales. L'analogie, invoquée
en passant par M. P. M , n'a rien à faire ici, puisque ce changement
de e latin en a roman a lieu aussi bien pour e bref (paunier, raemant
= pedonarium, redimentem) que pour e' long. Or on sait que la pho-
nétique romane n'assimile pas cet e bref au groupe é, ï. Si je relève
cette distraction de M. P. M., ce n'est pas que je la compare à celle
dont je me suis rendu coupable à l'égard de M. Koschwitz ni à l'er-
reur autrement mémorable que lui-même a commise aux dépens de
Nontron et de l'auteur de la Grammaire limousine ; mais c'est pour lui
prouver par son propre exemple que nous sommes tous sujets aux dis-
tractions, surtout aux petites distractions, et, que dès lors il est plus
simple et plus sûr d'appeler ces choses-là par leur vrai nom, au lieu
de s'ingénier à choisir, pour en parler, les mots les plus désagréables
et les épithètes les plus tapageuses. Il faudrait laisser, une bonne fois,
au vestiaire toute cette friperie pédantesque du magisttr d'autrefois,
qui exagérait ses effets de voix et d'épithètes, pour imprimer une sa-
lutaire frayeur dans l'âme des bambins qui l'écoutaient. — M. P. M.
termine en ces termes son compte rendu de la Revue des langues ro-
manes, « A propos du dernier numéro de lo. Romaniat MM. Bou-
cherie et Clédat répondent de leur mieux à certaines observations cri-
tiques de ma part. Tout ce que je crois devoir dire de ces prétendues
réponses, c'est qu'elles ne pèchent pas moins par le fond que par la
forme. » — Le lecteur n'a sans doute pas oublié que M. P. Meyer, qui
d'ailleurs n'avait peut-être pas bien conscience de ce qu'il faisait,
s'était permis de nous attribuer, à moi et à M . Chabaneau, un acte
peu délicat. Je dus lui opposer un démenti formel. Voilà sa réponse.
Au lecteur d'apprécier ce qu'elle vaut, tant « pour le fond que pour
la forme. » Quant à moi, je n'ai rien à retirer de mon démenti, —
P . 453 . Chronique .
A. BOUCHEBIE,
50 V:éRlOmQgJÉB
Le Nouvelliste des Gharentes, littéraire, scientifique^ arl^'
tique, commercial et d'annonces. — Ce journal, qui paraissait à Pons
(Charente- Inférieure) tous les samedis, et qui a cessé d'exister à partir
de janvier 1883, était, contrairement à ce qui se passe pour la plupart
des périodiques de petite localité, beaucoup plus artistique et littéraire
que commercial ou politique. A cet égard, il continuait le Courrier
de rOuestfdont nous avons déjà eu Toccasion de parler, et que ses in-
fortunes postales ont condamné à une mort prématurée. Il le conti-
nuait si bien qu'on rencontre, presque dans chaque numéro, des échan-
tillons excellents et dûment authentiques de la langue et de la litté-
rature populaires de la Saintonge . Ainsi nous remarquons, et cela dès
les premiers numéros , plusieurs chansons patoises avec leur notation
musicale et un commentaire détaillé pour chacune d'elles : n® 1, la
Mariaude; no 6, Noua étions trois filles; no7, Voici la Saint- Jean. Le
gentil chapelet a continué de s'égrener dans ceux qui ont suivi, et la
liste serait longue des morceaux à citer qui peuvent intéresser les amis
studieux ou simplement curieux de la littérature populaire. Qu'on joi-
gne à cela nombre d'articles humouristiques — en fort bon français, —
assaisonnés de sel saintongeais (les salines de la Saintonge sont en
grande réputation), et l'on comprendra que nous regrettions vivement
la disparition inattendue du Nouvelliste des Charentes.
J'oubliais de rappeler à nos lecteurs que le directeur du Nouvelliste
était M. Pierre Lagarenhe, notre collaborateur d'hier et de demain, le
maître en gai- savoir de notre moderne Saintonge.
A. B.
CHRONIQUE
Communications faites dans les séances de la Société. —
4 décembre 1 882 . — Serenada de M . Vergnes ; las Quatre Sasous, de
M. Gautier; la Heste naou daoubillatge, poésie écrite en gascon des
Hautes-Pyrénées, par M. Lay, instituteur à Oursbelille ; suite du
travail de M. Durand (de Gros) sur quelques points de la philologie
rouergate.
Le Bureau de la Société des langues romanes pour Tannée 1883 est
composé conmie il suit :
Président, M. Ferdinand Castets, doyen de la Faculté des lettres;
vice -président, M. Alphonse Roque-Ferrier ; secrétaire, M. A. Bou-
cherie; trésorier, M. Louis Lambert.
» ♦
Le Concours philologique et littéraire de la Société des langues ro-
manes aura lieu le dimanche de la Pentecôte, 13 mai prochain.
Il sera présidé par un Bureau d'honneur ainsi composé :
Présidents: MM. Frédéric Mistral, G. Paris, membre de l'Institut.
Vice-présidents : MM . Milà y Fontanals, professeur à l'Université
de Barcelone; Ernest Monaci, professeur à l'Université de Rome;
âenri de Bornier, l'auteur de la Fille de Roland; Arsène Darmes-
teter, professeur à la Faculté des lettres de Paris.
La cinquième Cour d'amour organisée par la Maintenance de Lan-
guedoc aura lieu le lendemain, 14 mai, lundi de la Pentecôte.
Notre confrère, M. Jules Pagézy, ancien député, ancien sénateur
de l'Hérault, est mort à la fin du mois de décembre 1882. C'était un
homme d'une instruction très- variée et très-étendue, et qui s'occupait
particulièrement de toutes les études qui pouvaient intéresser son
pays natal.
Le même mois est mort à Barcelone l'habile directeur de la Illus-
tracio catalana, M. Sanpons y Carbô, qui avait su faire de ce recueil un
modèle du genre.
Nous apprenons également avec regret la mort de notre confrèrç
M. Gauthier-Descottes, notaire à Arles-sur-Rhône (Bouches-du-Bhône).
PROGRAMME
du Concours philologique et littéraife qui doit avoir lieu à Montpellier
au mois de mai 1883.
Philologie
Seront décernés :
1° Un prix de 300 fr. à la meilleure étude sur le patois, ou langage
5^ dH^ONIQOË
populaire, d*une localité déterminée du midi de la France (coUectîoii
de chansons, contes, proverbes, devinettes, comparaisons populaires).
Ces textes devront être reproduits exactement, c'est-à-dire sans rien
changer à la lan^edu peuple, et tous traduits en français. On y join-
dra la conjugaison des verbes chanter, finir, mourir, prendre, avoir,
être, aller, pouvoir. Indiquer les autres localités, connues de l'auteur,
où se parlerait le même idiome populaire ;
Observation. — Ce prix est exclusivement réservé aux institutrices
ou instituteurs primaires.
2® Un prix de 500 fr. au meilleur travail de philologie romane
ayant pour base des textes qui soient antérieurs au XV* siècle, et
qui appartiennent à la langue d'oc ou à la langue d'oil. Rentrent dans
cette catégorie les publications de textes et les études d'histoire litté-
raire ;
S^ Un prix consistant en un objet d'art de la valeur de 200 fr.,
au meilleur travail philologique ayant pour objet un idiome po-
pulaire néo-latin : Belgique, Suisse, France, Espagne, Portugal, Italie,
Roumanie, Amérique. Cette étude devra s'appuyer sur un choix de
textes (chants, contes, proverbes, légendes, etc.). Y joindre la géo-
graphie du dialecte étudié.
Littérature
Des prix seront décernés :
4° et 5° Aux deux meilleures poésies, à quelque genre qu'elles ap-
partiennent ;
6** Au meilleur ouvrage en prose (contes, nouvelles, romans) ;
7<» A la meilleure composition scénique en vers ou en prose .
Ces prix consisteront en 4 médailles d'or, chacune de la valeur de
100 fr., 2 médailles de vermeil, 5 médailles d'argent.
Avis aux concurrents. — Tous les ouvrages qui concourront pour le
second ou le troisième prix de philologie devront être écrits dans une
langue néo-latine ; tous ceux qui concourront pour l'un des quatre
prix purement littéraires (no*4, 5, 6, 7) devront être écrits dans un des
dialectes, soit du midi de la France, soit de la Catalogne ou des îles
Baléares ou des provinces de Valence et d' Alicante .
Les travaux envoyés devront être inédits. Toutefois le deuxième et
le troisième prix de philologie pourront être accordés à des ouvrages
ayant paru depuis le 1«' janvier 1882 et n'ayant concouru nulle part.
Les manuscjits ne seront pas rendus . Ils devront porter une épigra-
phe qui sera répétée sur l'enveloppe du billet cacheté contenant le
nom et l'indication du domicile de l'auteur.
• Les ouvrages destinés au concours doivent être adressés franco à
M. A. Boucherie, secrétaire de la Société des langues romanes, avant le
1<* avril 1883, dernier délai, et en triple exemplaire, s'ils sont im-
primés.
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin
Dialectes Anciens
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX EN LANGUE
. D'OC DU XIP SIÈCLE
NOTES (Suite)
B. — Sermons. — Deuxième série
Cette deuxième série ne comprend qu'un seul cahier de quatre
feuilles doubles, d'un format un peu moindre, quant à la largeur seu-
lement, que les précédents, et qui devait probablement, dans le prin-
cipe, en contenir une de plus, dont la dernière moitié (fo 10) était
occupée par la fin de notre sermon B XII, et peut-être par un autre
entier, et dont la première (fo 1) devait l'être par deux sermons, com-
plets tous les deux, se rapportant à deux des fêtes qui précèdent
le Carême. L'économie du recueil, si, comme je le pense aujourd'hui, le
douzième sermon (voir ci-après les notes qui le concernent) doit être
attribué au jour de la Toussaint, n'autorise pas à supposer qu'il nous
manque plus d'un feuillet simple avant, comme après, ce qui nous
reste.
I. — 1-3. Hebr, ix, 11 (épitre du dimanche de la Passion).
7. «sel. » Ms. dels, — 11. « venc ges. » Ms. vengues, avec un c
en interligne après Vn, — 13. « aizo. » D'une l, d'abord écrite, on pa-
raît avoir fait un z, sans effacer la partie supérieure de 1'/, devenue
inutile. Peut-être est-ce aiso qu'on a voulu écrire; mais 1'^, dans ce
cas, n'aurait pas de crochet.
17. 11 paraît ici manquer quelque chose, peut-être seulement nos-
tres après le premier los ,
19. Ms. liiouzeu, — 19-20. Cî.Joan, vin, 48,52. Le sermonnaire
pensait en même temps à Math, xi, 19 et xiii, 55 : u Ecce homo to-
rax et potator vini, publicanorum et peccatorum amicus Nonne
hic est fabri filius * ? »
• Jeau Beleth {Divin.offic, Explication cap. cxlix) détourne ainsi heureuse-
TeUB IX DB LA TROISièHB SÉRIE.— FÉVRIER 1883 4
54 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
II*. — [-2,MaUh, XXI, 1-2 (évangile du dimanche des Rameaux).
La citation est faite d'après le bréviaire (septième leçon de Toffice de
ce jour) et non d'après le texte évangélique, où, au lieu de mittens
. . ,ait, il y a tune misit. , . dicens eis. — « mittens. »Ms. mittéts,
3. « Lucas. »I1 faudrait Mattheus, Cf. d'ailleurs Luc, xix, 29seq.
— « evangelista. » Ms. eugloritas.
5. «dos. wMs. .11". — 8. Matth, xxi, 3. — 10.«lan. »Ms. la. On
pourrait donc aussi lire lam, qui peut-être serait préférable ,
15-16. Matth. XXI, 9. Cf. la note sur A XIV, 14.
17. « Per Betfage predicadors. » Bethphage est donné ordi-
nairement dans les sermons du moyen âge comme signifiant, non pas
seulement les prédicateurs, mais les prêtres en général, c'est-à-dire
l'Eglise. Haymon (Migne, CXVIII, 353) : « Bethphage interpretatur
domus buccœ vel maxillarum 2, ea de causa quoniam sacerdotes in
templo Domini per octonos dies vicem suse administrationis explentes,
completo divine mysterio, nocte ad eumdem viculum succedebant, et
hostias et sacrificia quae in die a populo accipiebant, nocte ibi consu-
mebant et comedebant. Vel certe ideo domus huccx vel maxillarum
interpretatur quia sacerdotes ibidem legem Domini corde meditaban-
tur et ore ruminabant. . , Spiritualiter Bethphage significat Ecclesiam
primitivam. Et bene Bethphage vicus in monte positus dicitur, quia
omnis Ecclesia Christi in monte consistit, hoc est in Christo. » Saint
Pierre Damien (Migne CXLIV, 544): « Bethphage interpretatur do-
mus buccœ et est intellectus sacerdotum, per quam designatur con-
fessio. »
17-18. « permontem Oliveti » Cf. Bede (t. V, p. 183): « Quis
enim non videt quod mons Oliveti fructiferam designet sanctœ Ec-
clesiœ celsitudinem quam Dominus semper inhabitare delectatur.
Quia videlicet mons ille non infructuosas habere arbores et sylvam
sterilem sed olivas gignere solebat, quibus ad repellendas noctium
umbras lumen alitur, solvuntur infirmitates, et requies lassis tri-
buitur. »
18. « per la asina^ entendem los Juzeus, etc.» Voy. la note sur A
•
ment de son sens propre cette expression de fllius fabri : « et re vera filius
fiabri fuit, non illius nazaraeni, sed fabri qui fabricatus est Auroram et Solem.»
*Cf. A XIV.
*Cf. St Jérôme: « Bethphage domus orls vallium, vel domus buccœ. Quidam
putantdomum maxillarum vocare . » De là rinterprétation suivante, qu'on lit
dans un des sermons piémontais publiés par M. Fœrster, et que j'ai déjà eu
l'occasion de citer: « Et sigûifîca sancta Ecclesia, in qua cotidie corpus Christi
manducatur et fidelium ore ipse Deus assidue collaudatur. » (Serm. xxn, 10.)
3 Notoas en passant que de cette ânesse, figure du peuple juif, qui servit de
SERMONS ET PRéCBPTBS RELIGIEUX 55
XIV, 8, et Cf. le Spicilegium Solesmense, III, 12. — « los. » Ms.
nos. Cf. l'inverse B V, 24.
21. Joan, 11,6.-23-24. Matth, xxi, 4-5. Cf. Zach, ix, 9.
III*. — 1-2. Joan, XVIII, 1 (évangile du Vendredi Saint).
4. Ms. senacicû. — 6. Ms. om.^ Ms. ludas, ^10.«e co. »De
ego, écrit d*âbord, on paraît avoir voulu faire ou eco, comme j'ai lu,
en exponctuant, en dessous seulement, le g, ou peut-être eqo. Dans
le premier cas, le point se confond avec la queue du g ; dans le se-
cond, on a oublié d'en effacer la panse inférieure.
17. Ms. espinaz. — 20. Corr. [é\ semblant ? ou suppr. e à la ligne
suivante?
26. Psalm, ci, 7. — 28. « es.» Ms. et (le signe de la conjonction).
29. « es. »Ms. ety en toutes lettres. — 32. « e cant. » Ms. el cant.
35. Ms.pelpellica.'^Je n'ai pu trouver la source de ce que dit ici
notre sermonnaire concernant le nycticoraxou la chouette' et ses rap-
ports avec le pélican. Le premier de ces oiseaux a d'ailleurs été con-
sidéré comme symbole d'idées très-différentes. Voy. les textes re-
cueillis dans le Spicilegium Solesmense, II, 506: « Nyoticorax, vir
sanctus, infidelibus despicabilis » (Meliton); « noctua mens fallax »
(Raban Maur); « significat diabolum » (Thomas de Cantimpré)^, etc.
monture à Jésus Christ, une des églises de Gennes, Santa Maria di Castello,
conservait encore la queue, au siècle dernier, dans une châsse d'argent. De-
puis 1797, on ne sait ce qu'est devenue cette relique, dont Giordano Bruno
écrivait en 1576: « Cosi ho visto io li religiosi di Castello in Genova, mostrar
per brève tempo e far baciar la velata coda, dicendo: « Non toccate, baciate.
» Questa è la santa reliquia di quella benedetta asina, che fu fatta degna di
» portar il nostro Dio dal monte Oliveto a Jerosolima. Adoratela, baciatela
» porgete limosina. Centuplum accipietis et vitam œteimam possidebitis , »
*Déjà publié par M. Paul Meyer (Recueil, 42).
â Or vos diron del nicorace,
Fresaie a non en dreit romanz,
dit Guillaume de Normandie. Mais les Bestiaires appellent aussi cet oiseau
noctua,
3 Au contraire, Hugue de St-Victor : « mystice nycticorax Christum signifi-
cat. » (de Bestiis, T, 33.) — Il n'aurait pas fallu demander d'éclaircissement sur
ce sujet au cardinal de Forbin Janson. On raconte de ce prélat, plus connu
comme diplomate, l'anecdote suivante (Bouche, Essai sur l'histoire de Pro-
vence, 367): « Louis XIV lisoit un jour devant lui ce pseaurae de David où
il est dit: sicut nicticorax indomicilio; ce prince, ne sachant pas ce que
signifioit le mot nicticorax, en demanda l'explication au cardinal, qui en-
lendoit très-peu le latin : « Sire, dit-il, c'étoit un valet de chambre du roi
David. »
S6 SERMONS ET PRÉCEPTES RELIGIEUX
Quant au pélican, il est unanimement regardé comme la figure du
Christ: « Pelicanus, Christus in passione », dit Meliton (Spic. So-
lesm., II, 505). Dans le Physiologus latin publié par le père Cahier
{Mél, d'arch,, II, 137), dans les Bestiaires français de Philippe de
Than, de Guillaume de Normandie, de Gervaise, de Richard de Four-
nival, c'est le pélican lui-même qui tue ses petits, après avoir été
frappé par eux, et ceci est d'accord, sauf quant au dernier point,
avec ce que disent sur ce sujet Epiphane et Isidore (XII, 7). Hugue
de Saint- Victor (de Bestiis), Brunetto Latini et le bestiaire provençal
publié par M. B artsch (Proi? . Lesebuch) suivent la même tradition.
Dans le Physiologus grec publié par dom Pitra (Spic, Solesm., III,
343), après une légende tout à fait conforme à celle du Physiologus
latin, en vient une seconde moins différente de celle que notre ser-
monnaire a reproduite. Là, comme dans notre sermon, le nid du pé-
lican est bien regardé comme la figure du paradis ; mais c'est le
serpent et non la chouette qui, par son haleine empestée, fait mourir
les petits du pélican*. La substitution delà chouette au serpent n'est
point pourtant une invention de notre sermonnaire, car on trouve une
autre allusion à cette variété de la légende dans une chanson de
Thibault IV, comte de Champagne (édit. Tarbé, p. 119):
Diex est ainsi comme le pélicans
Qui fait son nit el plus hault arbre sus
Et li mauvais oiseau[s] qui vieut de jus
Ses oiseillons ocist, tant es puans.
36. Mb. lausell sagnifio. Faute évidente: cela ne pourrait s'en-
tendre que des petits du pélican, et c'est le pélican lui-même qui sym-
bolise Jésus-Christ.
IV^. —1-2. I Corinth. v. 7 (épître du jour de Pâques). — 12.
« Lucas. » Il faudrait Marcs (xvi, 1-7), de qui est pris l'évangile de
« Il en est de même dans un autre Physiologus grec, plus récent, en vers
politiques, publié par M. Legrand dans le septième annuaire (1873) deTAsso-
ciatibn pour rencouragement des études grecques, avec une étude prélimi-
naire de M. Gidel. On s'étonne que MM. Legrand et Gidel n'aient pas connu
la publication de dom Pitra, antérieure à la leur de près de vingt ans, et pour
laq lelle le savant bénédictin, outre les trois mss. dont ils se sont servis, en
avait encore utilisé trois autres. — « A serpentibus pelecanorum filios occidi
auctor est », dit Denis Petau dans ses notes sur saint Epiphane, « Hierony-
mus sive Epistolx ad Praesidium auctor. » Ce dernier dit en effet :« Pellecani,
cum sues a serpente filios occisos mortuos inveniunt, lugent, et se et sua la-
tera percutiunt, et sanguine excusso ad corpora mortuorum, sic reviviscunt . »
(T. V, 148, de l'édition des Bénédictins.)
« Cf. A XV.
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 57
ce jour, et que notre récit reproduit presque mot pour mot. Cf. d'ail-
leurs Luc, xxnr, 1-6.
22. Ms. nom, en toutes lettres, avec un tilde sur Yo, — « veirio. »
Corr. veirau f
22-24. « Be fo razos. . . » Cette idée, qu'on a déjà vue dans le sermon
correspondant de la première série, a été souvent exprimée par les
prédicateurs du moyen âge. Je citerai seulement saint Grégoire le
Grand (t. 1, 1549): « Ecce humani generis culpaibi absciditur unde
processit. Quia enim in paradiso mulier viro propinavit mortem, a
sépulcre mulier viris annuntiat vitam ; et dicta sui vivificatoris narrât
quœ mortiferi serpentis verba narraverat. Ac si humano generi non
verbis Dominus, sed rébus dicat : De qua manu vobis illatus est potus
mortis, de ipsa suscipite poculum vitse.»
24. « Sain Peire » Cf . , entre autres, Bédé (t. VII, 6, m die
sancto Paschœ) : u Quœrendum est nobis cur, nominatis discipulis,
Petrus designatur ex nomine. Sed si hune angélus nominatim non
exprimeret, qui magistrum negaverat, venire inter discipulos non au-
deret. Yocatur ergo ex nomine, ne desesperaret ex negatione. »
V. — 1. Hahac, m, 11. Cité ici d'après l'ancienne yev^ion itala, La
Vulgate dit seulement: « Sol et luna steteinint in habitaculo suo. »
St Grégoire le Grand, dans son homélie sur la même fête, c'est-à-dire
sur l'Ascension, cite aussi ce passage, selon la même version que no-
tre sermon: « De hac ascensionis gloria etiam Habacuc ait : « Elevatus
est sol et luna stetit in ordine suo .
4. « dia. » Ms. dai, qui paraît avoir été formé de dut. Le copiste,
reconnaissant son erreur et voulant la corriger, aura réuni par en
haut les deux premiers jambages, au lieu des deux derniers.
7,Psalm. xxviii, 6.
8-9. « Nostre Seiner correc » Saint Grégoire, dans l'homélie
précitée, indique en ces termes les étapes successives de cette course:
« Hinc ejusdem Ecclesiae voce per Salomonem dicitur: Ecce iste ve-
nit saliens in montibus Veniendo quippe ad redemtionem nostram,
quosdam, ut ita dixerim, saltus dédit. Vultis, fratres carissimi, ipsos
ejus saltus cognoscere? De cœlo venit in uterum, de utero venit in
praesepe, depraesepe venit in crucerii. De cruce venit in sepulcrum,
de sépulcre rediit in cœlum. » Honoiius d'Autun, qui iiorissait au
commencement du Xll» siècle, dans l'homélie sur l'Ascension, qui fait
partie de l'espèce de guide ou manuel du prédicateur composé par
lui, sous le titre de Spéculum Ecclesiœ, ajoute deux étapes à celle
de S . Grégoire : « .... de cruce in sepulchrum, inde in haratri pro-
fundum, de baratro in mundum, inde transiliit in cœlum . »
10. Joan, XX, 17 (répons de l'office de l'Ascension). — 14-15. Act.
\
58 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
apost. I, 9 (antienne de l'office de TAscension). -^ 15. Ms. poiêt, —
17. Psalm. XVII, 11.
20-22. « Zo es lo filz de Deu » Grégoire le Grand (loc. cit.):
« Quis enim solis nomine nisi Dominus, et quse lunse nomine nisi Ec-
clesia designatur? » Cf. Meliton et saint Eucher: « Sol, Christus ;
luna, Ecclesia»; Pierre de Riga:
Ad se luna trahit a solis luce nitorem
Sic habet a Christo solum sua sponsa decorem.
(Spicil. Solesm., II, 60, 65, 67; UI, 405.)
21. (( al amena. » Vm, dans le ms., a un jambage de trop. — 24,
« en cel. wMs. ne cel. — « nos. wMs. los.
Vn. — 1-3. Joan, xiv, 23-24 (évangile de la Pentecôte). Il y a
sermones meos non servat dans la Vulgate. — 2. Ms. apud deum,
5. Ms. amavo garavo. Même confusion du pluriel et du singulier
dans le sermon correspondant de A (I, 4-5). — 6. Ms. esttara. —
9-10. Ms. eelaquela. — ll.« serps los.» M.a , serspoh {la, seconde et la
troisième s en interligne) . Sur ces serpents et leur symbolique, voyez
ci-dessus la note sur A I, 9. J'ajouterai ici que l'aspic, puisque c'est
de l'aspic qu'il s'agit, bien que notre auteur, moins précis que celui de
A 1, ne le nomme pas, a été considéré aussi comme la figure, non
plus du pécheur qui veut rester sourd à la voix de Dieu, mais au con-
traire de l'homme pieux qui résiste aux séductions du monde. C'est
ce qu'on voit, par exemple, dans le traité des Vices et des Vertus,
composé en 1279, pour le roi Philippe le Hardi, par le frère Laurent,
confesseur de ce prince. Je cite la traduction provençale (B . N.ms.fr.
1745, f. 104 r.):<c Una serpen[s] es que es apellada aspis, et es de tal
natura que, cant hom lo vol encantar, clau la .i» . de sas aurelhas am
la terra e l'autra am sa choa. Aquesta serpen[s] nos essenha .i. mot
gran sen, so es que non escotem lo encantador, so es lo lauzenguier
ni lo messorguier ni los afflatadors, que encanton soven los grans
homes del setgle. May s qui al yssampli d'aquest serpen tança sas
aurelhas, la .i» . de la terra e la autra de sa- coha, ell non ha garda
de esser encantatz ni per dyable ni per malvayza lenga. Aquell clau
la .1». aurelha am de terra que pessa que de terra es et en terra tor-
nara, e qui pensa sa pauretat e ssa vileza e sa enfermetat dont ell se
deu humiliar e menesprezar. L'autra aurelha clau am la coha qui
remembra sa mort am pahor del juzizi de Dieu e de las penas eter-
nals. Qui enayssi clau sas aurelhas non au pas volontiers paraulas
que devon a Dieu desplazer et en ayssi es hom tempratz e mezuratz
en auzir et escotar. » 11 semblerait, d'après une chanson publiée par
Muller et Wolflf (Egeria, raccoUa di poésie italiane popolari, p. 37)
» Cf. A I. Déjà publié par M. Paul Meyer (Jahrbuch, Vfl, 78).
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 59
que la poésie populaire connaît aussi, du moins en Italie, la légende
de Taspic:
« Xo non l'intendo,
Son quai aspide sorda a' canti sui. »
Mais cette chanson est-elle bien réellement populaire ?
16. Ma -dicx. Psalm, xxxvi, 35. — 17. .^ côte. « Sic, M. Paul
Meyer suppose comte de complus, ce qui à la rigueur pourrait être.
Ce n'est pourtant pas l'idée de vanité dans les habillements et ajus-
tements mondains, c'est celle d'orgueil que le sermonnaire a dû vou-
loir rendre. Peut-être manque-t-il ici quelques mots et faudrait-il lire
com te ou c'om, te, — « no. » Ms. nol, — « loc. » 11 semble, à bien exa-
miner le ms., que de loc on ait voulu faire lue. J'avais cru d'abord le
contraire,
18. Luc, VI, 24. Il y sidivitibus dans la Vulgate. — \9,Isai, v,8:
«Vse qui conjungitis domum ad domum. » — 20. Psalm. xxxviii, 7:
a Thésaurisât et ignorât cui congregabit ea. » — 22. Ms. altal, — 27.
Ms. permanera ab. — 27. Peut-être vaudrait-il mieux écrire :. .ab
lui. [_Qui] sine fine vivit. , .
VII *, — 1 . Luc. I, 57 (évangile de la Nativité de saint Jean-Bap-
tiste).
2. « que. » Ms. qui (en abrégé). — 3. <c e las estorias. » Voyez
Luc. I, 5seq. — 5. Ms. avia.
11. « l'effant. » Il y a plutôt lefant dans le ms. On avait d'abord, à
ce qu'il semble, écrit leuat, dont on a fait lefiât, sans effacer le second
jambage de Vu, mais sans le prolonger.
12. « [maire]. » Suppléé ici d'après Luc, i, 60 : « et respondens ma-
ter ejus, dixit. »
13-14. « conoisensa. » Contresens. L'évangile dit cognationem
{Luc. I, 61), que notre auteur aura confondu avec cognitionem, —
Suppl. orne après avia^f
15. « quai. » Ms. quel, en abrégé. — 17. Luc, i, 68. -r-Ms. re-
dempciones, — 19. « e vezi. >» Ms. enuezo. Ci , Luc i, 58 et 65.
20. « so es. ))Ms. sols, à ce qu'il semble. VI, si c'en est bien une,
est bouclée.
21. Cf. Meliton (Spic, Solesm,, III, 306): « Joannes, Domini gra-
tia »; saint Jérôme (II, 65): « Joannes, cui est gratia, vel Domini
gratia. »
22. Luc, I, 14. — 24. Ms. sanhz,
25-26. « et abanz. . . . e dis. » Tout ce passage est en renvoi, à la
* Cf. A II. — ' Cf. Maurice de Sully (Boucherie, op. cit., 195): a Mes en tôt
ton parenté n'a home de cest nom. »
60 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
marge, dans lems. C'est probablement le retour de que nostre seiner
qui aura causé l'omission. Mais, en la réparant, le copiste a précisé-
ment oublié de répéter ces trois mots, que j'ai rétablis entre crochets.
Peut-être y a-t-il eu seulement erreur de sa part dans l'indication du
point de suture, et faut-il lire, sans rien suppléer : « abans fo anun-
ciatz et abanz predicanz ; abanz mori, abanz fo en efem e dis que
Nostre Seiner era vengutz. . . »
26. «fo enefern. «Voyez l'évangile de Nicodème, chap. xxi (Tis-
chendorf, p. 426) et cf. ci-dessus la note sur A II, 25.-26. Ms.
plobel,
VHP. — I. Act. apost, XII, 1 (épitre de la Saint-Pierre).
2. «que. » Ms. qui en abrégé. — 4. Ms. gleisâ.
5. « et essegrenir e Tangels. . . » C'est ainsi que j'avais lu d'abord,
et telle est la leçon qui se présente en effet la première, et qui
m'avait paru, examinant le ms. à plusieurs reprises, absolument sûre.
Je ne pouvais voir qu'un verbe, dont je n'avais malheureusement pas
d'autre exemple, dans cet essegrenir, et je cherchais à me persuader,
sans trop y réussir, que l'origine devait s'en trouver dans eœsecer-
nere. Je faisais fausse route. Le ms. , examiné de nouveau et vu sans
doute sous un meilleur jour, m'a cette fois livré son secret: c'e&tet
essegrentre Vangels qu'il faut lire, bien que l'e soit isolé et sensible-
ment distant de l'r auquel il convient de le rattacher.
8. La suite du récit, qui jusqu'ici n'a fait que reproduire, en l'abré-
geant, celui des Actes des Apôtres, se fonde exclusivement sur les
textes apocryphes relatifs à saint Pierre et à saint Paul, et particu-
lièrement sur les Acta Pétri et Pauliei le pseudo-Marcellus. Cf. ci-
dessus, sur A III, 1-2, et la note au bas de la page.
12. <(los. » Ms. les,
17. Notre sermonnaire intei*vertit ici les rôles des deux apôtres.
C*est saint Paul qui, dans tous les textes où ces paroles sont rappor-
tées, les adresse à saint Pierre. Voici la version du pseudo-Marcellus
(Fabricius, I, 649) : « Cumquc elevasset caput Paulus lacrymis plé-
num etvidisset Simonem volantem, sic ait: u Petre, quid cessas?
Perfice quod cœpisti. » Cf. Acta Pétri et Pauli, chez Tischendorf,
p. 32. Ce détail manque dans le pseudo-Abdias . — 18. « comensas. »
On préférerait as comensat. Cf. cœpisti dans le pseudo-Marcellus.
26. « en un poz. » Ce détail ne se trouve dans aucun des textes
plus haut cités. Le plus ancien auteur qui en fasse mention est, pa-
rait-il, saint Grégoire. Mais il ne le met pas, comme le fait ou semble
le faire notre auteur, au compte des bourreaux des apôtres. Il ne
* Cf. Â m et les notes afférentes à ce dernier sermon.
8BRM0NS ET PRECEPTES RELIGIEUX 61
parie pM non plus expressément de puits (du moinsMans le texte
imprimé que je connais); mais le mot se ti'ouve {in puteo) dans la
Légende dorée, ainsi que dans les Annales de Baronius et dans les
Aeta sancti Pétri d'^milius Sanctorius, réédités par les Bollandistes ^.
Saint Grégoire place révènement « eo tempore quo passi sunt », ce
que Sanctorius interprète « eo ipso anno seu récurrente festi anni-
versaria die », sans plus de précision. La Légende dorée le met au
temps du pape saint Corneille (f 252) . Voici le récit de ce dernier
ouvrage: « Tempore sancti Cornelii pape, Greci fidèles, apostolorum
corpora furati, eadem asportabant. Sed demones in idolis habitantes
divina coacti virtute clamabant : « Viri romani, succurrite, quia dii
vestri auferuntur. Quapropter, fidelibus intelligentibus de Apostolis,
gentilibus vero de suis diis, multitude adunata fidelium et infidelium
illos persequitur. Unde Greci timentes apud Cathacumbas apostolo-
rum corpora in puteam projecerunt ; sed a fidelibus inde post modum
sunt extracta. » (Édit. de Lyon, 1504, f> 90 a. )
IX^. ^ 1-2. Antienne de Toffice de T Assomption. 11 y a dans le
Bréviaire romain : laudantes benedicunt . — in celum est répété dans
le ms. — Ms. algels,
7 . « escripturas. » 11 s'agit du livre apocryphe de Transitu beatœ
J/artVipVtr^rmw, déjà mentionné dans les notes sur A IV, auxquelles le
lecteur est prié de se reporter. — Remarquons seulement ici au sujet
de la manne dont parle notre sermonnaire, que la même chose a été
racontée du tombeau de saint Jean Pévangéliste: « Posteavero inventa
est fovea illa plena nihil aliud in se habens nisi manna quam usque
hodie gignit locus ipse. . . » (Mellitus, de Passione S. Joannis apos-
toliy dans Fabricius, Codea? apocr, novi Testamenti, II, 623). Cf. le
Pseudo-Abdias, ibid,, I, 589. D'après d'autres auteurs, auxquels
saint Augustin fait allusion dans un passage ^ cité par Fabricius
• Cf. Bosio, Rama sotteranea, 1. III, cap. xm: c Sotto l'istesso altare (qui
est au milieu des Catacombes), al piano del pavimento è ua pertugio quadrato
a modo di pozzo, dove giacquero li corpi de' gloriosi prencipi degli apostoli
Pietro e Paolo per qualche tempo, quando vi furono gittati da' Greci che gli
avevano robati , come riferisce Gregorio Magno ...»
2 Cf. A IV.
3 « Cul placet.. ...asserat apostolum Joannem vivere, atque in illo sepul-
cbro ejus quod est apud Ëphesum dormire eum potius quam mortuum jacere
contendat. Assumât in argumentum quod illic terra sensim scatere et quasi
ebullire perhibeatur, atque hoc ejus anhelitu fieri Et eum mortuus pu-
t&retur, sepultum fuisse dormientem, et donec Cbristus veniat, sic mauere
suamque vitam scaturigine pulveris indicare : qui pulvis creditur ut ab imo ad
superficiem tumuli ascendat flatu quiescentis impelli. » — Dans les Acta apo-
62 SBRMONS ET PRECEPTES REIJOIBUX
(ibid.) et par Tischendorf (^cto àpocrgphà, lxxiv), c'est de la terre
que Ton voyait sortir du tombeau de saint Jean, ce qui rappelle la
« terre blanche » dont, d'après le sermon de notre première série
correspondant à celui-ci, le sépulcre de la Sainte Vierge fut trouvé
rempli. 11 paraît à propos de citer ici un fragment d'un sermon de
Fulbert, évêque de Chartres (■{- 1028), dont je reparlerai à l'article sui-
vant, et où il est question à la fois du sépulcre de saint Jean et de
celui de Marie : « Hic {se, Joannes) ministravit ei post passionem et
resurrectionem et ascensionem Domini in finem. Fuit autem sepulta
Sanctissima in valle Josaphat, ubi est sedificata ecclesia in honorem
ejus, et sanctus Joannes sepultus est Ëpheso. Post vero cum religiosi
Christiani reliquias matiis ejus, videlicet Dômini, respicere vellent,
sepulcrum vacuum invenerunt ; sed et in sepulcro beati Joannis respi-
centes non invenerunt nisi manna. Crédit itaque christiana pietas quia
Christus Deus, Dei filius, matrem suam gloriose ressuscitaverit et
exaltaverit super cœlos, et quod beatus Joannes, virgo et evangelista,
qui ei ministravit in terra, gloriamejusparticipare mereaturin cœlo. »
On voit qu'il n'est ici question de manne que dans le tombeau de saint
Jean ; mais on s'explique en même temps sans peine, en raison de la
relation étroite des deux personnages et des deux légendes, qu'on ait
pu prêter à l'une quelque trait de l'autre. D'après l'opinion commune,
la Sainte Vierge serait, elle aussi, morte à Ephèse .
11. Ms. aquela grans. Corrigé d'après le passage correspondant
de A IV (aquella charn), — 12. Ms. duberg, — 13. « ele. » Peut-être
vaudrait-il mieux écrire en deux mots e le.
15. CanU iii, 6: « Qu8b est ista quae ascendit perdesertum sicut
virgula fumi ex aromatibus?»
X*. — 1-2. Antienne et répons de l'office de la Nativité delà
Vierge.
3. Ms. laststorias, — Sur les sources de ce sermon, voyez les no-
tes de A V. J'ajouterai ici qu'Honorius d'Autun a puisé, non moins
abondamment que notre auteur, aux mêmes sources, pour la composi-
tion d'un sermon ( de Nativitate S. Mariœ ) qui fait partie de son
Spéculum Ecclesiœ, Mais, à l'inverse de ce dernier, il entre dans plus
de détails sur les circonstances de la vie de Marie (son séjour au
crypha, publiés par Tischendorf (p. 276), c'est une fontaine qu'on voit sour-
dre du tombeau du saint, et l'on n'y trouve plus que ses sandales : « è^Oovreç
ouv im T>îv aupiov aùrôv ftsv où;^ eupov, à^>à rà o-av^a).ia «utoû -/.at
(SpÛOVCTaV T>JV TDjyiQV.))
* Cf. A V. Déjà publié par M. Paul Meyer (Jahrbuch, VU, 81).
f
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 63
temple^ son mariage) que sur celles qui ont précédé sa naissance * .
Fulbert, évêque de Chartres, plus réservé qu'Honorius, s'exprimait
ainsi, un siècle environ auparavant, dans un sermon pour la même
fête (Migne, CXL, 320) : « Hac itaque die peculiariter in Ecclesia re-
citandus esse videtur ille liber, qui de ortu ejus et vita scriptus inve-
niebatur, si non judicassent eum Patres in ter apocrypha numeran-
dum . At, quoniam magnis ac sapientibus viris ita visum est, nos alia
quaedam, sed non aliéna legentes, ecclesiasticum morem debitis offi-
ciis exsequamur. » Il s'en tient, en conséquence, aux Prophètes et à
rÉvangile. Mais dans un second sermon [ibid. 324), remarquable par
sa simplicité, et qui n'est qu'une histoire abrégée de la Sainte Vierge,
depuis sa naissance jusqu'à sa mort, — celui-là même dont j'ai rap-
porté un fragment dans les notes de B IX, — il emprunte, plus discrè-
tement à la vérité qu'Honorius, la plupart des détaik de son récit aux
apocryphes.
7. Les trois mots avio estât essems sont placés, dans le ms., par
une interversion évidemment fautive, avant et Anna sa moiller. —
Ms. .VII. tans.
11. «qu'en ac. » Ms. que anc. Cf. plus haut B VI, 11, serspols
pour serps los, — 13. « so niu. » Ms. zo niu,
18. « E molt temen. » Cf. : « qui ciim ad ejus visionem turbaretur,
angélus qui ei apparuerat «timorem ejus compescuit, dicens : noli ti-
mere. » (De Nativitate Mariœ, cap. m, dans Tischendorf, p. 114.)
19. « edës. » Sic, Le passage correspondant du pseudo-Mathieu
(Tischendorf, p. 61): « abierunt simul Joachim et Anna » suggère la
correction essems. Mais la place de cet adverbe serait mieux après
maire. J'ai aussi pensé à e demei. Cela s'accorderait un peu mieux,
quant à l'âge de Marie, avec le récit des apocryphes : « cumque trium
annorum circulus volveretur » (de Nat, Mar., cap. vi ; Tischendorf,
p. 116); « dum autem tertio anno perlactasset eam » (pseudo-Matth.,
cap. IV, ibid.yij^, 61.).
< Je rapporterai de ce sermon un passage, sans correspondant dans le nôtre,
qui a Irait à l'institution de la fête de la Nativité de la Vierge : « Hujus nalalis
olim minime agebatur, sed hoc modo institutus traditur. Quidam de sanctis
audiebat singulis annis hac nocte dulcem armonyam in cœlis personare et
quasi choros angelorum festum celebrare. Qui cum a Dec precibus inquireret
curhœc non alio tempore nisi illa nocte audiret, dictum est illi ea nocte mundo
esse genitam Dei genitricem, et ob hoc illam noctem angelisesse celebrem.
A quo dum hoc publicatur, sancitum est ut etiam hominibus natalis ejus sol-
lemnis habeatur. » (Migne, Pair. lat. CLXXII, 999.) Guillaume Durand (liv. VU,
chap. xxvm) et Jean Beleth (chap. cxlix; font, sans plus de précision chro-
nologique, le même récit.
64 SBRMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
21. Ms. altrels, faute qui aura pu être proToquée par altars, qui
suit et précède.
28. « quarn. » Ms. quen (qn, avec le signe de Ve sur le q).
XI. — 1-3. Apocal, I, 1-2 (épître de la Saint-Michel). — Ms. mi-
gnificavit. Le rubricateur a fait une ilf au lieu d'une S,
8. « per[det se] una pars. wMs. puna (le p barré). — }AB,praquela
avec le p barré, c'est-à-dire perraquela,
10. « sio. ))Ms. sia. — 12. « Michael prsepositus paradisi. . , » (An-
tienne et verset de l'office de la Saint-Michel.)
13. « es apelaz. . . » On avait écrit d'abord esp. De la panse du p,
sans en effacer la queue, on a fait un a, et on a continué. . pelaz.Teut-
être le scribe songeait-il à espel=^ signifie. Cf. 1. 14, où il a écrit,
sans se corriger, espelaz,
13. « ut Deus. » C'est par Quis ut Deus et non pas seulement par
ut Deus que les écrivains ecclésiastiques interprètent le nom de Mi-
chel . « Michael namque Quis ut Deus ? Gabriel autem fortitudo Dei,
Raphaël autem dicitur Medicina Dei. » (Saint Grégoire le Grand,
cinquième leçon de l'office de la Saint-Michel). Saint Jérôme, t. II,
p.67: <c Gabriel, confortavit me Deus, aut fortitudo Dei, vel vir
meus. » P . 84 : « Michael, quis ut Deus ? » Rien sur Raphaël. Cf. Me-
liton {Spic. Solesm., m, SOI) et Isidore, OW^., Vil, v, où l'interpré-
tation de chacun de ces noms est suivie d'une courte explication. Je
transcris l'article de saint Michel: » Michael interpretatur Quis ut
Deus? Quando enim aliquid in mundo mirse virtutis fit, hic archange-
lus mittitur. Et ex ipso opère nomen est ejus : quia nemo valet facere
quod facere prsevalet Deus . » — « e lue • » Ms . élue .
14. « e guida los fizels. » Antienne de l'office de la Saint-Michel :
« Archangele Michael, constitui te principem super omnes animas
suscipiendas. » Répons du même office :« Venit Michael archangelus...
cui tradidit Deus animas sanctorum ut perducat eas in paradisum
exultationis . » Cf., dans les apocryphes, car il n'y a rien de pareil
dans les livres canoniques .* « Dominus autem tenens manum Adae tra-
didit Michaeli archangelo, et omnes sancti sequebantur Michaelem
archangelum, et in troduxit omnes in paradisi gratiam gloriosam . »
{Ev,Nicodemi, Tischendorf, 404.) Et encore : « Tune salvator. .jussit
Michaeli archangelo ut animam Sanctse Marise deferret. » (Transitus
Mariœ, Tischendorf, 135.) Ce rôle de psychopompe que saint Michel
avait ainsi, chez les Gré co- Romains, devenus chrétiens, hérité de
leur Hermès, et auquel la littérature du moyen âge renferme des
allusions nombreuses (voy. par exemple. Chanson de Roland, v. 2394;
Flamenca, 7393; Guerre de Navarre, 541), était aussi attribué par
les Juifs à cet archange. On peut voir là-dessus une note de Thilo
SBRMONS ET PREOEPTES RELIGIEUX 65
sur le passage plus haut cité de VEvangile de Nicodème, laquelle est
rapportée dans le Dictionnaire des apocryphes de Migne, I, 1134.
Cf. ibid, I, 1040, une note de M. Maury sur le même sujet.
16. « covida. »0n peut lire également coinda, qui n'offrirait aucun
sens, ou à la rigueur coiuda. Corr. covia (= fr. convoie, guide) ou
ajudaf Cf. les textes cités tout à Theure, et, de plus, pour l'idée de
secours : « Michael veni (venit) in adjutorium populo Dei : stetit in
auxilium pro animabus justis » (antienne et répons de l'office de la
Saint-Michel); « Sancte Michael, défende nos inpraelio ut non pereamus
in tremendo judicio. » (Messe de la Saint-Michel). — Ms. miquelz,
17. « donanz. » Ms. donalz,
XII. — 1. Joan, I epist, iv, 16, Ce texte fait partie de l'épître
du premier dimanche après la Pentecôte ; mais le passage de la Ge-
nèse, rappelé au commencement du sermon, se lit le lundi après le
dimanche de la Sbptuagésime . Du reste, au lieu d'être un sermon de
rfever5i5, comme je l'ai supposé dans l'introduction, celui-ci doit être
plutôt un sermon pour le jour de la Toussaint, et il viendrait ainsi
parfaitement à son rang. C'est la dernière phrase qui en reste qui me
suggère cette hypothèse. Cf. les extraits suivants d'Honorius d'Au-
iMn, Spéculum Ecclesiœ,de omnibus sanctis {Migne, CLXXIl, 1013-
1018). « Dehinc justum est ut homines angelorum concivjs hodie
hymnis efferamus ... Ex quibus in primis séries patriarcharum laudi-
bus recolatur, de quorum semine Christus propagatur Post hos
sunt nobis prophetse rememorandi , qui futura Christi mysteria
quasi prsesentia prsenunciaverunt. . . .Nunc novae gratise praedicatores,
Ecclesiaram principes, apostolos scilicet et evangelistas. . . .Post hos
martyrum esta nobis laudandus chorus. . .Exinde lucemas Ecclesiae,
scilicet confessores Horum laudibus conjungitur monachorum et
hereaiitarum cœtus. . . .Hinc dignum est ut melos candidulis virgini-
bus aptemus. . .Harum laudibus viduœ associantur. . . Jam nunc con-
jugatis. . . cum his laudem prosequamur pœnitentes. . . .Horum lau-
dibus omnes fidèles subjungamus. , .Hii omnes ut varii flores hortum
Dei ornaverunt. . .» Voir aussi le sermon de Maurice de Sully pour la
môme solennité (Boucherie, le Dialecte poitevin au XlIIe siècle,
205-207).
3. « escrih es. » Voy. Gen, ii, 9 seq. — « ortz. » Ms. orenz. Cf.
ligne 12.
7-9. Cf. S. Ambroise, de Paradiso,C3Li^, i:« Ipse ergo [Deus] plan-
ta vit paradis um, dequo dicit Sapientia: Omnis plantatio quam non
plantavit pater meus eradicabitur {Matth, v, 13). Bona angelorum
plantatio, bona sanctorum. Ergo paradisus est plurima ligna habens,
66 SERMONS ET PRECEPTES RRLIGIEUX
sed ligna fructifera, ligna plena succi atque virtutis, .... ligna semper
florentia viriditate meritorum ...»
10. « e i fez. » Le ms, porte clairement eisez, que j'ai cru devoir
corriger, bien que le sens de ce qui suit m'échappe. — 11. «muiase. »
Sic, ou mieux t nuiase, car le premier jambage est séparé du reste .
Est-ce un if Est-ce le chiffre i? Mais, dans ce dernier cas, il faudrait
un point à la suite. On pourrait lire aussi c mnase. Je ne sais, du
reste, rien tirer qui m'offre un sens de l'une ni de l'autre leçon.
11. « molz. » J'avais mal lu : c'est malz qu'il y a dans le ms,, peut-
être nialz on inalz. Dans ce dernier cas, il faudrait rattacher ces cinq
lettres à ce qui précède immédiatement, c'est-à-dire à nuiase, et lire
nuia (ou nina) seinalz. On pourrait encore songer à corriger nualz .
Mais tout cela ne rendrait pas la phrase plus claire. Outre que le pas-
sage est corrompu, il doit y avoir aussi quelque lacune. — « del an-
gels. » C'est deus qu'il faut lire au lieu de del; Vs finale, trop pro-
longée, se confond avec le signe abréviatif représentant eu, ce qui
lui donne un faux air d7 et avait causé mon erreur.
15. Ms. linag tes nasc,-^ 15-16. « devinero. » Ms. donero, en
toutes lettres. — 16, « enquarnament, » Ms. enquantament (qua et
men en abrégé).
17. Ms. apostolz,.. dicipolz,
19. « De mal. . . » Ici finit avec le fo 34 du ms. ce qui reste de la
seconde série de nos sermons .
Additions et Corrections
Depuis l'impression du texte et de la première série de ces notes,
j'ai revu le ms. 3548 b, et la collation attentive que j'ai faite de ma
copie m'a donné lieu d'y reconnaître un certain nombre d'erreurs de
transcription et deux ou trois omissions . Je les relève toutes, même
les plus légères, dans V errata^ ci-après, où je corrige en même temps
quelques fautes d'impression et auquel je joins un certain nombre de
rectifications et d'additions à mes notes.
Introduction, p. 109, 1. 4 du bas. Suppr. « à partir de A Vil . »
Sermons. Première série.— 1. 23. Lis. e quis. — 36. esperital.=s
II. 6 . apparec . — 16 . e . — 22 . mrexit. — 23 . antrelz . — 24 . Joan . —
27. pre[g]uem . =111 , 12. Mettre la seconde virgule après adoranz ou
* Je ne relève pas dans cet eiTata les fautes déjà corrigées dans les précé-
dents numéros de la Revue.
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 67
la supprimer avec la première. — 22. quo N. S. — 25. 8ener.=s IV.
17. [dextris]. =V. 25. meravila. ^ VI. 2. aisi. — 15. et, sans cro-
chets.— 20. aujo. — 27. sinifia. = VIII. lO.d'aquellas. = IX.6.
naisio. — 15-16. fo app[e]llaz. — 24. aisi. — 27. superflue[n]ta[t]. — 35. e
pausa. — 37. e. — 40. aquest. =X. 14. e...e. — 15. e queUagues-
son demest. —15-16. sacrifiqueson. — 21. fedeso.» XI. 6. a. —
12. menzonga. — 13 (premier mot de la ligne), vertat. — 24. e co-
ratge . = XII .11. columbas . = XIII . 23 . tais es dejunz . = XIV .18.
via [et] Veritas et vita, — 26. FEvangelista. = XVI. 17. a la croz. —
31. recepiam (m*, recepram). = XVII. 4. et. — 5. apelam levam.
Del peccat Adam. . . — 6. Mettre une virgule après pies et une autre
après ^Mrgrawa. — 15. et non ubergui. — 17. eisement. — 19. surexit,
= XVIII. 7. sanz Lucas. — 45. et avion. — li doi disciple. — 47.
dels seus essemples e de las suas escripturas, e nos. ... — 63. Crist.
Sermons. Deuxième série. — I. 2 . manu factum . — 3. creacio-
nis, — 7. et dels cabritz. — 18. avetz. = II. 10. vestimenz. — 25. pro-
"" fecia. = III. 10. baijar. — 11. saludet. . . . baijar. =IV. 7. gracia.
= V. 1. est. — 5. a son. —17. et volavit. — 19. E per. = VI. 8.
secundum similitudinem , — 13. ter[r]a. — 22. Esperitz. — 27. secula
seculorum,=: VII. 15-16. que Joan auria num, et aqui. — 17. Suppr.
noster, — 21. Tangels. — 22. molh orne. — 30. Ajouter Amen, =
VIII. 5-6. et essegrentrel'angels. — 8. e venc. — 12. et. ^18. per-
•quet tarzas. — 20. pois. — 22. meseson. = IX. 1. assumpta. — 4.
per quel. — 5. qu'aqueill. — 14. [s]tella, =X. 20. consdumes. — 31.
est,= XI. 3. Christi, — 6. Joans granz. — 7. primieira. — 9. et
apelet. — 10. sio se[i]. — 12. p[re]box. — 13. apelaz.ssXII. ll.malz...
Deus angels. — 18. els.
Préceptes religieux. — I. 8. enogxios. = IV. 4. comandament.
— 5. que om. — 7. que om. — 18. sancta, — 34. bestiasni laschau-
sas que. .. = V. 9. Egleija. =VI. l.tozom. — 2. so es adir bona.
— 4. aiso. — 9. pot veer.— 13. aqesta. — 18. nasqet.J — 30. sancta
Egleisa . — 33 . aqùesta . = VII . 12 . aisi . — 14 . sufrises . — 26 . com-
passio . — 33 . prêt e lauvamens . — 39 . descordables .
A. — Sermons. Première série (additions aux notes)
1.4. « evangelica. » Le ms. porte très-distinctement euglica, avec
le signe abréviatif ordinaire attaché à 17. Faut-il corriger evange-
lîsta, ou conserver evangelica, tout insolite que soit cette forme ?
J'en rencontre im autre exemple dans un document forézien de 1322
68 SBEMONS BT PRBCPiPTBS RBLiaiBUX
(Gras, Dict du pat. forézien, p. xvii); mais il se pourrait que là,
comme dans notre sermon, cette forme evangelica fût simplement le
résultat d'une erreur de copie et provînt d'une abréviation mal lue.
Ce qui autorise cette hypothèse, c'est le fait suivant, que mon excellent
collègue, M. Max Bonnet, a bien voulu me signaler, et qui n'est sans
doute pas isolé . Dans un ms . de la Legenda aurea que possède la bi-
bliothèque de rÉcole de médecine de Montpellier, n^ 381, au fol. 32 v*,
le mot evangelista est écrit, contrairement à Tusage ordinaire, eungW»,
avec les signes abréviatif s que l'on connaît et que notre imprimerie
ne peut reproduire . Qu'on suppose le même mot écrit de la sorte dans
le ms. qu'a reproduit le copiste de notre sermon, on s'expliquera sans
peine qu'ayant mal lu le t, il l'ait rendu par c et qu'il ait placé les deux
dernières lettres à l'alignement des autres, si même elles n'y étaient
pas déjà dans l'original . Je me sentirais porté, par suite, à corriger
evangelista^ malgré l'exemple forézien déjà cité, et qui, vu l'âge du
docupient où il se trouve, se prêterait encore mieux que celui de notre
sermon à l'explication que je propose .
7. « amo. » Telle est bien la leçon dums. Mais on pourrait aussi,
à la rigueur, lire auio (aujo), et cela conviendrait mieux pour le sens.
Cf. ligne 19.
II. 2. « Domini. » Ms. d.d. (Domini Dei ?) Il n'y a que Bomini
dans le Bréviaire. — 26. Ms. preuem et non preiiem que j'avais lu
d'abord. = III. 10. « sanctus. » Ms. es, avec un tilde sur 1'^ et sans'
point à la suite. ^ IV. 11. Il y a dans le ms., entre les mots genitrix
et super, exprimés l'un et l'autre en abrégé, deux l barrées d'un
même trait et suivies d'un point. = V. 6. Ms. annua. — 17. Ms.
0 sesn deus, Vo, si c'en est un, est incomplètement formé. I^e se-
cond s parait avoir été développé d'un i ou du premier jambage d'une
m. Il n'y a ni point après sesn, ni aucun signe abréviatif au-dessus.
— 28. Ms. diz, —23. Ms . e nr, avec un tilde sur ïr. = VI. 3. « cu-
bertz. » Ms. cultz (l'haste de 1'^ barrée) .= VIII. 1 . Ms . euuangelio."^
7. « quant.» Ms. quaite, non quante,-^!! . Ms. egredietur. — 21.
« ve tu. »Ms. valu, non i?aiM.= IX. 40. Ms. nol venra. — 48. Sup-
primer cette note. Il y a sûrement amaz dans le ms.
X. 21 . — Ms. mqes ou nsqes ou nlqes ou tnqes ou mqes, avec un
tilde sur le q . Faut-il lire ni que es f II y aurait alors une lacune
avant ces trois mots, qui commencent la ligne, merqes, que j'ai ad-
mis dans mon texte, est dans tous les cas une lecture extrêmement
douteuse, et je n'en suis point satisfait. Cf. Exod, xii, 7, 13 et 22.
22. Ici se termine le folio 21 du ms. et le premier cahier de notre
recueil. Ce cahier, composé actuellement de trois feuillets doubles, en
SERMONS ET PRÉCEPTES RELIGIEUX 69
avait peut-être quatre dans le principe, et ce serait, dans ce cas, la
seconde moitié du feuillet perdu qui contenait la fin de notre dixième
sermon. Le feuillet simple suivant, qui appartient au deuxième cahier,
a été coupé. Mais on voit clairement par ce qui en reste que ce n'est
pas là que devait se trouver la fin de ce sermon. En effet, la marge
laissée par le ciseau qui l'a tranché est assez large pour que, s'il y
avait eu de l'écriture, elle en conservât, soit au recto, soit surtout au
verso, quelques traces, et on n'y en aperçoit aucune.
Outre ce feuillet simple, coupé à dessein, notre deuxième cahier a
perdu aussi probablement, comme le premier, un feuillet double, sur
la première partie duquel devait se trouver le commencement de notre
sermon XI, sans compter peut-être un autre entier avant celui-là. Si
Ton était sûr qu'il en fût ainsi, il y aurait lieu d'attribuer l'interver-
sion, que j'ai supposée plus haut (Introduction, p. iv), de la première
et de la quatrième des divisions de A, non pas au copiste, comme je
croyais pouvoir et devoir le faire, avant d'avoir remarqué la particu-
larité que je viens de signaler, et qu'un nouvel et récent examen du
manuscrit m'a fait reconnaître, mais simplement au relieur, qui aurait
transposé les deux cahiers, pour mettre en tête celui au commencîement
duquel il voyait le début d'un sermon. Dans l'hypothèse que je pro-
pose ici, il y aurait eu primitivement entre le dernier feuillet actuel du
deuxième cahier et le premier feuillet actuel du premier cahier, rétablis
chacun à sa place légitime, deux feuillets de plus, soit quatre pages,
que l'on peut, avec beaucoup de vraisemblance, supposer avoir été rem-
plis par deux sermons au moins, l'un pour les Rogations ou Litanies,
l'autre pour l'Ascension. Cf., à l'appui de cette hypothèse, notre
deuxième recueil (B), où existe un sermon sur cette dernière fête (le
cinquième), qui n'a pas de correspondant dans A, contrairement à ce
qui a lieu pour les cinq suivants. Quant aux deux feuillets qui, tou-
jours dans la même hypothèse, auraient été le premier du deuxième
cahier actuel, devenu le premier, et le dernier du premier cahier ac-
tuel, devenu le second, c'est-à-dire les folios l et 16 du recueil, ils
devaient contenir, celui-ci la fin de notre sermon X et peut-être un
autre en entier, celui-là le commencement de notre sermon XI, qu'il
faudrait rapporter à l'Avent (cf. la note suivante), et sans doute un
autre encore avant celui-là, qui aurait été le premier du recueil .
XI. — 1. Les paroles d'isaïe par lesquelles commence ce fragment
se lisent à l'office du Mercredi Saint; le reste fait allusion à un autre
passage du même prophète qui forme deux leçons du jeudi après le
premier dimanche de l'Avent. Il est fort possible que notre sermon
se rapportât à cette première partie de l'année liturgique. Il faudrait
dans ce cas le détacher de la division A^ (voir l'Introduction, p. 108)
et en faire le premier delà division A'*. Cf. la note précédente.
70 MANUSCRITS PROVENÇAUX
XII. — 18. « aizo. ))Ms. alzo. — 19. Ms. quanc, — 30. Ms. clam.
= XIII. — 4. M3. dis. — 11-12. « a vos. » Supp. la note. Le d de
ad est exponctué. =XIV. — 29. Ms. ahalsa. = XV. — 17. Ms.
poiro. —28. Ms. nostri. =XVI. 4. Ms. en eroz.. — 18. Ms*. adem-
plit de. — 19. Ms. diz. = XVII. 3. Ms. aapostolus, non aup. Le
premier a termine une ligne. = XVIII. 22. « espavente[t] nos. » On
avait d'abord écrit espaventer; puis de IV on a fait une n, qui est la
première lettre de nos . Cela montre qu'il ne faut pas songer à corri-
ger espaventero nos, puisque le copiste, en train d'écrire lui-même
espaventero, s'est repris. — 27. Ms. donques. — 34. Ms. deparstes.
— 57. Les deux lettres (^d.d.) qui suivent elemosinam dans le.ms.
sont probablement pour dicit Dominus. J'aurais dû les laisser dans
le texte. — A la note sur la ligne 58, qui est erronée, substituez
celle-ci : « dicit. » Ms . die, sans point ni signe abréviatif . Peut-être
eût-il mieux valu corriger diz.
(A suivre.) C. C.
SUR QUELQUES MANUSCRITS PROVENÇAUX
PERDUS OU ÉGARÉS
{Suite)
XIX.— Chansonnier de ChasteuiUGallaup .
11 y a lieu d'espérer que ce chansonnier n'est pas définitive-
ment perdu. Du moins peut-on en suivre la trace jusqu'en 1816.
A cette date, ainsi qu'il résulte de la mention qu'en fait Raj-
nouard, au 1. 1, p. 140, du Choix des poésies des troubadours, il
était en la possession de M. Fauris de S. Vincens. C'était,
comme nous l'apprend Pierre de Chasteuil Gallaup*, p. 22 de
son Discours sur les Arcs triomphaux dressés en la ville d'Aix
(Aix, 1701), une copie d'un chansonnier de la bibliothèque du
Louvre, aujourd'hui perdu, et qui n'a, à ma connaissance, ja-
mais été décrit ni même mentionné ailleurs.
J'extrais de l'ouvrage précité tout ce qu'il nous apprend du
contenu de ce ms.
* Sur ce personnage et sur sa famille, voy. Essays de littérature (170ii),
p. iii; id. (1703), p. 363; Supplément des Essays de littérature (Paris,
1703), pp. 1-46-156; Rouard, Notice sur la Bibliothèque d*Aix, pp. 277-279,
et surtout Roux Alphéran, les Rues d*Aix, I, 163-169.
MANUSCRITS PROVENÇAUX 71
P. 20. « Ils (les troubadours) agitoient dans leurs tençons
des questions d'amours et les disputes amoureuses des cheva
liers et des dames, dans lesquelles ils introduisoient en forme
[p. 21] de dialogue deux ou trois poètes, l'un desquels propo-
soit la question, et sur les diverses opinions des uns et des
autres, et après avoir déduit les raisons qu'ils avoient pour
soutenir leur cause, ils convenoient de les faire juger par les
grands seigneurs et par les dames de la cour de nos princes,
qu'ils choisissoient eux-mêmes pour juger, auxquels ils re-
mettoient la décision de leurs différends. C'est ce que j'ai jus-
tifié par la lecture des tençons de nos troubadours, ceux qui
en ont écrit avant moi n'ayant pas assés expliqué la chose, . . .
et ce n'est que par la lecture d'un ms. qu'Hubert de Gallaup,
avocat général en ce parlement (d'Aix), mon frère, fit tran-
scrire sur celuy qui est dans la bibliothèque du Louvre, con-
tenant la vie et les œuvres de nos troubadours provençaux,
que je découvre l'origine et l'établissement de ce parlement
d'amour, qui est le sujet que j'expose en cet arc.
» La première tençon qui se trouve dans ce ms. est une dis-
pute entre trois troubadours qui sont Fn Savane de Mauleon,
EnGamselinFaiditSy eiEn Ugo de laBaccalairia. (Suitl'analyse
de cette tencon*.)
» • . . . [p. 23] Dans la tençon qui suit, le comte de Foix est
seul choisi pour juge*, et dans presque toutes les autres, les
seigneurs et les dames sont indifféremment choisis pour le
jugement de la question proposée par les troubadours ; et, à
la vérité, on trouve en ces sortes de poésies que, dans la ru-
desse du langage et dans l'ignorance du siècle, on ne man-
quait pas toutefois d'esprit ni de politesse, ainsi qu'on l'ob-
servera dans les deux autres sujets de tençons que je mets
pour éçlaircir entièrement la matière. En l'une, il est proposé
si une dame qui avoit pris des présens d'un chevalier pour le
don d'amoureuse mercy, pour me servir de leurs termes, et
* C'est la pièce Gaucelm très jocs enamoratz, qui a été publiée plusieurs
fois et qu'on trouve dans presque tous les chansonaiers*provençaux.
* C'est probablement la tenson Gaucelm Faydit, de dos amies corals, où
le second interlocuteur est Aimeric de Peguillan, et dont le jugement est remis
au seul comte de Foix. Cette tenson, qui nous a été conservée dans un grand
nombre de mss., a été publiée plusieurs fois. Voy. BartsehjGn/nrfms^lO, 28.
72 MANUSCRITS PROVENÇAUX
si le galant qui avait fait de semblables présents n'avoient pas
commis l'un et l'autre de simonie en amour ; l'un soutenoit
que les dons d'amour sont spirituels, qu'ils ne pouvoient ni
ne dévoient être achetez ni vendus, que toute sorte de pactes
lucratifs en cette matière étoient simoniaques ; qu'ainsi tant
le chevalier que la dame étant convaincus de ce crime avoient
encouru la peine d'excommunication en amour. L'autre ré-
pondoit, au contraire, qu'il n'y avoit point de spiritualité en
ce fait, que tout y étoit corporel, réel et sensuel ; et que par
ainsi il n'y avoit pas lieu de simonie ; et que même dans le
mariage on se faisoit des dons mutuels autorisez par la loy et
par la coutume. Concluoit à ce que son collègue fût déclaré
non recevable en une semblable demande, en laquelle le seul
procureur général d'amour étoit partie légitime ^
» En l'autre, qui étoit survenue entre Alfonse, roy d'Ara-
gon et Giraud de Bourneuil, en laquelle on agite s'il est meil-
leur pour une dame d'être aimée de son prince ou d'un gen-
tilhomme, le roy soutient qu'il n'y a point de proportion et de
choix à faire sur un pareil sujet ^.w
P. 28. Il s'agit de Martial d' Auvergne et de ses Arre&ia
amorum: « Il est certain que ces arrests ont été. pris la plu-
part dans les ouvrages de nos troubadours. Il étoit d'un. temps
voisin de la cessation de notre poésie et d'un païs qui avoit
donné beaucoup de poètes à la Provence, et particulièrement
Giraud de Borneil, dit Maestre dels trobadors, qui étoit de la
même ville et qui vivoitun siècle avant luy.Et c'est sans doute
• La tenson ici analysée était-elle un des unica du ms. du Louvre? Je ne
ne sais pas la retrouver parmi, celles qui ont été publiées ; j'ai pourtant comme
un vague souvenir d'en avoir lu une sur le même sujet.
2 C'est la tenson Bew plairia senher rets (Bartsch, 242, 22 et 32^, 1). On
remarquera l'attribution formelle qu'en fait Chasteuil, sans doute d'après sou
ms., à Alfonse II. M. Bartsch la donne à Pierre II, je ne sais d'après quelle
autorité. Le ms. de Modène et ceux de Paris disent seulement lo rei d'Ara^
gon, M. Bartsch mentionne, outre ceux-ci, le ms. 2909 de Florence. Mais
c'est peut-être par erreur, car on ne trouve pas notre tenson dans la table de
ce ms. publiée dans ÏArchiv de Herrig, 33, 413. — On possède une tenson
française entre Andreu de Paris et un « roi d'Aragon », que Y on a supposé
également être Pierre II. Voy. Archtv, XLIÎ, 329, où cette tenson est im-
primée, d'après le chansonnier de Berne, qui seul l'a conservée.
MANUSCRITS PROVENÇAUX 73
des ouvrages de ce poëte qu'il avoit pris ces arrests qui fureut
reçus avec tant d'applaudissements. .. »
De la courte citation provençale faite dans ce passage, il
résulte clairement que Chasteuil Gallaup connaissait la bio-
graphie provençale de Giraud de Borneil, laquelle se trouvait
sans doute dans son ms. 11 se trompe du reste, induit proba-
blement en erreur par Lacroix du Maine, en faisant de Mar-
tial d'Auvergne, né k Paris, un compatriote de Giraud de
Borneil, qui florissoit, en outre, non pas cent ans, mais trois
cents ans avant lui.
P. 32. « N'Azaiais 3e Porcairagues. . .étoit du voisinage de
la ville de Montpellier, et étoit très sçavante en poésie; elle
étoit amoureuse de Guy Guereiat, frère de Guillaume de Mont-
pellier, pour lequel elle avoit composé plusieurs belles chan-
sons. ))
Ici Chasteuil Gallaup ne cite pas son ms.; mais comme
Nostre Dame, qu'il ne fait ordinairement que répéter ou am-
plifier, quand il n'ajoute pas quelque invention nouvelle à
celles de ce dernier, ne mentionne nulle part Azalais de Por-
cairagues, il paraît évident que Chasteuil a pris cette notice
dans sonms. Elle est d'ailleurs identique à celle que le ms.854
de la B. N. nous a conservée et qui a été plusieurs fois publiée
dans l'original.
P. 34. « Pons de Merindol, gentilhomme de cette province
(c'est-à-dire de Provence), est le quatrième qui est peint au
bas de ce tableau, et, bien que Nostradamus ne Tait point
connu pour poëte, il l'étoit toutefois, et voicy de quelle ma-
nière en parle mon ms.:
a Pons Merindol si fo un gentil castelans de Proença, soi-
gner de Merindol que es en riba de Durença, valens cavaliers,
lares, bon guerriers, ben avinens, et bon trobador. Enamoret
se de na Castelosa gentil donna d'Alvergne, que era en la
cort de la reina Beatrix de Proença, que lo amet e fet de lui
mantas bonas cansos ; era la donna moût gaia, moût ensei-
gnada et moût bella. »
Cette notice et le nom même de Pons de Merindol ne se
trouvent nulle part ailleurs. Il est probable qu'au moins une
pièce de ce troubadour devait la suivre dans le ms. du Louvre.
Quant à Castelosa, on possède de cette dame trois chansons,
74 MANUSCRITS PROVENÇAUX
et sa biographie nous a été conservée, mais celui qu'elle aimait
j est nommé Arman de Breon.
P. 36. « Il étoit juste. . .de rapporter un arrêt de cette cour
(la prétendue Cour d'amour), rendu contre une célèbre co-
quette. Elle étoit accusée d'avoir vendu les dons d'amour à un
galand qui l'en prioit depuis quelque temps, d'avoir fait con-
sumer tout le bien de ce pauvre amant à des dépenses inu-
tiles, et qu'après l'avoir ainsi épuisé, elle ne Tavoit plus voulu
reconnaître .... Je tais le nom de cette dame aussi bien que
celui du galand, à l'exemple du compilateur des arrests^bien
que j'aj trouvé dans mon manuscrit que la dame étoit belle et
jeune, d'un nom et d'une qualité à ne devoir pas commettre
une semblable faute. »
Après son Discours sur les Arcs triomphaux, Pierre de Chas-
teuil Gallaup publia, sous le voile de l'anonjme, pour répondre
aux critiques dont cet ouvrage avait été l'objet de la part de
Pierre Joseph de Haitze, une brochure ayant pour titre Ré-
flexions sur le libelle intitulé Lettre critique de Sextus le Salien
à Euxénus le Marseillois (Cologne [Aix], 1702), d'un passage
de laquelle (p. 34) résulte avec évidence qu'il connaissait le
sirventes du moine de Montaudon, Pois Peire (TAlvernke a can-
tal, Venueg du même : Fort nienoia si l'auses dir'^, et la biogra-
phie provençale de Folquet de Marseille, dont il rapporte
même un fragment ^. Il est extrêmement probable qu'il avait
trouvé le tout dans le ms. de son frère.
Voilà tout ce que nous apprend, ou nous permet de deviner,
du chansonnier du Louvre, le Discours de Chasteuil Gallaup
* Martial d'Auvergne, dans ses Arresta amorum, dont c'est le trentième. II
semble, par ce qui suit, que le ms. du Louvre contenait une tenson sur le
même sujet. Je ne sais pas la retrouver parmi celles que nous possédons encore.
2 II résulte du même passage que Pierre de Chasteuil avait reconnu l'iden-
tité, d'ailleurs de soi assez évidente, du moine de Montaudon et du prétendu
moine de Montmajour. « Voici, dit-il, le Monge de Montaudon que les Nos-
Iradamus ont connu sous le nom de Monge de Montmajour, dit lou flagel
dus troubadours. »
3 Le voici, tel qu'il le donne :« Et avenc qu'aquella donna moric et en Bar-
rail lou marit d'ella et seignor de lui, que tan li fasia d'onor el bons coms
Reimond de Toulousa el bons reys Ricard el reys Amphos d'Aragon, don el
pyr tristcssa abandonnet lo mon et se rendet à Torde de Cisteous. »
MANUSCRITS PROVENÇAUX 75
sur les Arcs de triomphe et ses Réflexions sur la lettre de Sextus
le Salien.
C'est peut-être à ce même chansonnier du Louvre qu'il
convient d'appliquer, plutôt qu'au n** 854 actuel de la B. N.,
comme l'a cru J. Bauquier, le passage suivant d'une lettre de
la Bastie à Mazaugues, datée du 23 février 1737 {Revue des
l. r.j XVIII, 187). La Bastie vient de parler « des manuscrits
du Roy», parmi lesquels a il y en a cinq de nos Troubadours »,
et il ajoute ;« Le plus ancien de touts ces manuscrits est celuy
duquel M. de Chastueil Gallaup avoit fait la copie que vous
avés ; je l'aj vu et parcouru ; c'est un in-folio en velin, très-
bien écrit et très-bien conservé, dont ce que nous appelons
les lettres grises sont enluminées de figures en miniature. »
Cette description conviendrait parfaitement, comme l'a re-
marqué Bauquier, au ms. 854 de la B. N. Mais la Bastie parle
de cinq manuscrits des troubadours, c'est-à-dire, je suppose,
de chansonniers seulement. Or la Bibliothèque du roi n'en
possédait alors, sauf erreur de ma part, que quatre, les nu-
méros actuels 854, 856, 1592 et 1749. Le cinquième pouvait
bien être celui du Louvre, qui était aussi un « manuscrit du
Roy. » Dans ce cas, il aurait différé fort peu, quant à la con-
dition et à l'apparence extérieure, du n* 8225 de la Bibliothè*
que du roi, qui est notre 854 actuel.
Sainte-Palaye avait dû faire des extraits du chansonnier
du Louvre; mais on n'en trouve aucun parmi les copies qu'il
a laissées et qui sont conservées à la bibliothèque de l'Arsenal.
Il y a malheureusement une lacune dans la série des recueils
de ces copies. Celui qui devait être coté F manque. On passe
brusquement dans le volume dont il aurait fait partie (B. 1. fr.
55, t. IV) de E, qui correspond au n** 7698 de la Bibliothèque du
roi (aujourd'hui B. N. 1749), à G, qui est un extrait du chan-
sonnier d'Urfé (aujourd'hui B. N. 22543). Les recueils A C D
renferment les copies des autres chansonniers de la Biblio-
thèque du roi ; B, celles d'un ms. de Lancelot, qui était lui-
même la copie d'un manuscrit de Mazaugues, provenant
de Peiresc (aujourd'hui à Oxford). C'est-à-dire que A B C D
E G sont les copies respectives, partielles bien entendu pour
la plupart, de tous les chansonniers provençaux qui existaient
à Paris vers l'année 1736, excepté celui du Louvre. Aussi me
MANUSCRITS PROVENÇAUX
parait-il extrêmement probable que c'est dans F que devaient
se trouver les extraits de ce dernier*. Nous aurions dans ce cas
vraiment joué de malheur en perdant ainsi, de toutes les la-
borieuses transcriptions de Sainte-Pal aye, justement la seule
qui aurait aujourd'hui du prix pour nous.
XX. — Manuscrits deJlf"® Lheritierde Villadon,
On a attribué à Richard Cœur-de-Lion, avec assez peu de
vraisemblance, à mon avis, une pièce, ou du moins la moi-
tié d'une pièce provençale, de laquelle on rapporte douze vers
qui peuvent être ou un couplet d'une chanson, ou un frag-
ment d'un « breu » à rimes plates. Je n'ai su trouver ces vers
dans aucun des recueils de poésies provençales que nous
possédons. L'auteur qui les a publiés le premier, M'^' L'Hé-
ritier de Villadon ^, prétend les avoir trouvés dans deux mss.,
l'un intitulé : Chronique et fabliaux de la composition de Ri-
chardy roy d^ Angleterre y recueillis tout de nouvel et conjoints en-
semblement par le labour de Jehan de Sorels, Van 1308; l'autre,
« d'un auteur anonyme qui se trouve très-conforme dans les
faits qu'il rapporte du roy Richard, avec ce qu'en a écrit le
roy lui-même dans le ms. de Jean Sorels. » « Fauchet, dit-
elle, qui a écrit si doctement des antiquités françoises, quoi
qu'il fasse mention de la chanson en langue provençale que
Blondel et le roy d'Angleterre avoient faite à eux deux, ne
rapporte point cette célèbre chanson, ce que fait la chronique
composée par le roy Richard et le manuscrit de l'auteur ano-
nyme. »
Voici ces vers :
* Après G, de H à X inclus, viennent les copies des mss. d'Italie, parmi
lesquelles est intercalée {S ) celle du ms. de Caumont (aujourd'hui B. N.
15211), qui dut n'être faite qu'après le premier voyage de Sainte-Palaye en
Italie.
2 Dans la préface du petit roman intitulé la Tour ténébreuse et les Jours
lumineux, contes anglois. Paris, Barbin, 1705, d'après Tarbé. L'édition que
j'ai sous les yeux est d'Amsterdam, 1708. Sur l'auteur, voy. dans la Bibl. des
romans; t. 2 de juillet 1776, une courte notice, qui suit un extrait du roman
précité. C'est là que j'ai pris le nom que je lui donne. Tarbé l'appelle M'i« Lhe-
ritier deValandon.
MANUSCRITS PROTBMÇAUX 77
GbanBon en langue provençale dont le commencement eet de Blondel
et la fin du roy Richard.
Donna vostra boutas
E las bellas faissos
Els bels oils amoros
Ek gens cors ben taillats
Don sîeu empresenats
De vostra amor que im lia.
Si bel trop affansia
Ja de vos non partrai
Que major honor ai
Sol en votre deman
Que sautra des beisan
Tôt can de vos volria.
Ces douze vers, qui expriment un des lieux communs les
plus ordinaires de la poésie amoureuse des troubadours, ont
passé du roman de la Tour ténébreuse dans la BibL du Poitou
de Dreux du Radier, I, 289 ; dans V Histoire des Croisades de
Mills (trad. franc., II, 388), et enfin dans l'appendice de l'édi-
tion de Blondel de Neele, donnée en 1862 par Tarbé, qui dé-
clare les avoir tirés de ce dernier ouvrage.
M"" Lheritier cite, immédiatement après, cinq vers d'une
chanson a en ancien langage françois, appelé langage roman»,
de Blondel de Nesie, et donne ensuite le sirventes de Richard
Ja nuls hom près, dans sa forme provençale, quoiqu'elle le
prétende écrit aussi u en langage roman. » Ce sirventes n'a là
que quatre couplets et une tornade, les mêmes que dans Ray-
nouard. Mais il y a entre les deux textes trop de différences
pour qu'ils puissent provenir d'une même source. Celui de
M^*« Lheritier concorde, sauf l'absence de la seconde tornade,
l'omission d'un vers au second couplet, quelques variantes
de graphie et des fautes évidentes de lecture ou d'impres-
sion, avec le ms. 12472 de laB. N., don^ celui de Raynouard
s'écarte au contraire sensiblement *. Si ce n'est pas de ce ms.
i Raynouard ne connaissait pas le ms. 12472 quapd il publia le sirventes de
Richard. D'où a-t-il tiré son texte? S'il faut s'en rapporter à M. Bartscli,
Grundriss, 420, 2, cette pièce ne se trouve aujourd'hui que dans trois mss.
provençaux, et le n* 12472 de la B. N. est le seul de ces trois où elle n'ait
que les quatre couplets que Raynouard lui donne.
78 MANUSCRITS PROVENÇAUX
que provient le texte de M"eLhéritier, c'est certainement d'un
ms. de la même famille. Ce texte a été reproduit par Tarbé^
avec celui de Raynouard, non sans quelques inexactitudes,
pp. 115-117 des Œuvres de Blondel de Neele.
XX. — Manziscrits utilisés par Achard.
Le Dictionnaire de la Provence et du Cornue' Fienamm (Marseille,
1785-7), publié par une « société de gens de lettres », dont le
principal fut François Achard, mort en 1809, est loin de mé-
riter partout une entière confiance. Il peut étre^utile néan-
moins de relever les quelques mentions ou extraits de mss.
qu'on y trouve. Ces mentions, malheureusement, de même que
les citations, manquent toujours de précision, en sorte qu'il
est impossible de savoir si les mss. vus par Achard ou ses
collaborateurs sont différents de ceux que nous connaissons
par d'autres témoignages.
T. III, p. X du discours préliminaire, à propos des trouba-
dours : a II semble qu'après les vies de ces poètes, données de-
puis peu par M. l'abbé Millot, d'après les recherches de M. de
Sainte-Palaye, la matière doit être entièrement épuisée ; nous
avons cependant trouvé des anecdotes curieuses et peu con-
nues dans des mss. anciens qu'on a bien voulu nous commu-
niquer. » C'est dans la Dissertation sur les troubadours^ qui oc-
cupe les pages 350-401 du t. IV, et dont Nostredame a en
majeure partie fourni la matière, — ce qui indique assez le cas
qu'on en doit faire, — que les mss. en question ont été utilisés.
Je vais suivre, dans l'ordre même du volume, tous les articles
auxquels ils ont fourni, ou peuvent paraître avoir fourni quel-
que chose .
P. 352. Elyas de Barjols. En note : a M. l'abbé Millot et
après lui M. Papon le disent natif de Payols en Agenois. Nos
manuscrits nous assurent le contraire. » D'où nous devons
conclure que ces mss. ne renfermaient pas la biographie du
poète. On y voyait seulement son nom en tête de ses poésies.
P. 358. Folquet d/e*i/ar5e27/e. Achard rapporte en entier le
^ Je néglige ce qui, étant donné d'ailleurs sans indication de source, me
paraît avoir été extrait de Millot ou de Papon.
MANUSCRITS PROVENÇAUX ?»
cantique Vers dieus elvostre nom e de santa Maria. Mais il peut
l'avoir pris dans Catel, qui Ta publié le premier, d'après son
ms. (aujourd'hui B. N. 856). Alafin de l'article, p. 361, après
avoir mentionné diverses poésies de Folquet, l'auteur ajoute :
<( On lisoit ces pièces avec les poëmes de cent vingt poëtes
provençaux dans un manuscrit qui appartenoit à M. de Case-
neuve, au rapport deRuffj '. Nous en avons un sous les yeux,
très-é tendu. »
P. 362. Cadenet. A la suite d'une traduction assez exacte de
la biographie provençale de ce troubadour, Achard met en
note : «( C'est la traduction littérale de nos manuscrits. »
La biographie de Cadenet ne se trouve aujourd'hui que
dans cinq mss., dont deux à cette époque étaient à Paris,
deux autres à Rome, et le dernier à Milan.
P. 375. ikDurandy tailleur de Paernas, manque dans nos
manuscrits, d
P. 379. Note a. On y rapporte, sans indication de source,
le sirventes de Richard Cœur-de-Lion, Ja nuls hom près, tel
que Raynouard le donna plus tard, je veux dire seulement
sans les deux derniers couplets et la seconde tornade, car il
y a entre les deux textes des difTérences qui excluent Thypo-
thése d'une source commune*.
P. 385. « Pierre de Chateauneuf, de Molegés, gentilhomme"
d'Arles. . . , consacra la plupart de ses vers à Jeanne de Por-
cellet, et composa un poëme à la gloire de Beatrix, comtesse
de Provence. C'est là ce que nous indique un vieux manu-
scrit sur les anciennes familles de Provence. »
Une nous est rien resté de ce troubadour, qui figurait dans
le chansonnier de Bernart Amoros, et dont la biographie se
trouve parmi les Vies, plus ou moins fabuleuses, de Jean de
Nostredame, p. 142. Ce dernier ne dit rien, non plus que son
1 C'est le même que celui de Catel.
2 Celui d^Achard reproduit assez exactement, sauf la seconde tornade omise,
la leçon du ms. 12472 de la B. N . , qui, en 1785, était en Provence et qu' Achard
dès lors, a pu connaître. Je noterai à cette occasion qu'il existe à la biblio-
thèque de CB.v^eniTd,s (Additions aux mss. de Peiresc, n^ 10) une copie mo-
derne (XVlI'-XVIIIe siècle?) du sirventes de Richard, qui, comme chez Ray-
nouard, Achard et M"« Lhéritier, n'a que quatre couplets et une tornade. Elle
a dû être prise, comme celles d' Achard et de M"e Lhéritier, sur un ms. très-
semblable au no 12472, sinon sur celui-là même.
80 MANUSCRITS PROVENÇAUX
neveu César, de Jeanne de Porcellet, bien qu'Achard. pré tende,
par suite de je ne sais quelle méprise, que « Nostradamus
dit que Pierre n'adressa des poésies à Béatrix que pour mas-
quer ses amours avec Jeanne de Porcellet. » Il n'y a rien de
tel chez aucun des deux Nostredame* Achard a peut-être con-
fondu ici P. de Chateauneuf avec Hugues de « Santcyre », de
qui les Nostredame racontent, en effet, quelque chose de pa-
reil ; mais le nom de la dame n'est pas le même.
P. 393. Pierre de Ruere, Après avoir racoïité la vie de ce
poëte, telle que la rapporte Nostredame, Achard ajoute : « Un
manuscrit Sur les Troubadours, qui mérite quelque confiance,
fait mention d'un P. Ruère, qui débita ses vers avec tant d'élé-
gance, devant une société de campagne, qu'il mérita les plus
généreux effets de la reconnaissance des seigneurs qu'il ve-
nait d'amuser. Si c'est le même poëte, Nostradamus «t ceux
qui l'ont suivi ont inventé une fable, et le déguisement de pè-
lerin n'est qu'un conte fait à plaisir. »
P. 397. Bernard Rascas Ai hn. cour du pape attiroit à Avignon
les gens d'esprit. Bernard y fit des vers en l'honneur de Mar-
guerite de Villeneuve. » Et en note : « Nostradamus dit que
Rascas fit des chansons qu'il adressa à Constance d'Astraud. »
Si les précédentes assertions d' Achard méritent confiance,
il en résulte :
I^ Qu'il a eu à sa disposition au moins deux chansonniers
provençaux, autres que ceux que nous possédons aujourd'hui
(peut-être celui de Perussis et celui de Chasteuil-Gallaup *);
20 Que ces chansonniers contenaient deis biographies, parmi
lesquelles celle de Cadenet ;
3° Que ces chansonniers contenaient des poésies d'Elias de
Barjols, sans la biographie de ce troubadour, et qu'il ne s'y
trouvait rien de Durand de Pernes ;
4° Qu'outre ces chansonniers, il a eu connaissance d'autres
mss., attestant l'existence des troubadours Pierre de Chateau-
neuf, P. Ruere, Bernard Rascas, et donnant sur leur compte
quelques détails biographiques.
{A suivre.) C. C.
^ Il aurait pu aussi avoir connaissance, comme je Tai déjà remarqué, du ms.
B. N. 12472, qui était alors en Provence. Je ne sais si celui de Caumont (auj.
B. N. 15211], en était déjà sorti. Ces mss. ne contiennent pas de biographies.
Dialectes Modernes
GLOSSAIRE DES COMPARAISONS POPULA.IRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
(Suite)
Quatre. — Abé d'esprit çoumo. quatre'; — manja e beure
coumo quatre. — Disgraciât coumo quatre iôus. — Fa
lou diable-à-quatre coumo toutis aben fait mainatges. —
S'i fa coumo quatre chabals.
QuiLHAT. — Quilhat coumo un apasserat^ sus la brauco; —
coumo un santi-belli ; — coumo un agach de fourtalesso ;
— coumo uno tourre sus un mourrel ; — coumo un couo-
blanc sus uno turro; — coumo un flouroun sus Tanco;
— coumo un poul de cluquiè. — Quilhat sus sous cambils
coumo un piulant ou un bemat-pescaire ; — sus la punto
das pèds coumo un mèstre de danso. — Quilhat coumo
un parel d'estanalhos sus un gous.
Rabastinat. — Rabastinat coumo Tourtalessio après la,ja-
lado ; — coumo uno pèl de mèrlusso pa^sadP^.P^^.c^i^''
bous.
Rabustb. — Ral)uste coumo un b.arbascle ; — coumo un car-
don d'asç. — Rabuste e sensé coumo d'ausino.
Rapit. — Raôt coumo un pansaril; — coumo uno pruno-per-
digoulo ; — coun;io uno bouto de porc ; — coumo uno bri-
goulo-de-coutiu ; — coumo un clèsc d'anougo ; — coumo
un agragnou jalat; — coumo uno poumo-rèineto ; —
coumo uno figo escrito ou bisalhado. — Bisatge S0c e. ra-
fit coumo lou d'uno bièlho menino.
Raqoustant. — Ragoustant coumo uno quèisso de becasso ou
de perdigal ; — coumo Tesquinal d'un counselhè ou le-
braudou.
PER TRUPARIÈ:
Ragoustant coumo de pa calhol ou de racet. - Ragous-
82 COMPARAISONS POPULAIRES
tant coumo un tufet de pel dins de moungetos ; —
coumo de bi picat oundrat de clabèls de girofle (mous-
cos).
Raja. — Raja coumo un tinèl azagadou ; — coumo uno bu-
gado ; — coumo uno fount; — coumo un escouladou; —
coumo uno semai dessauclado ; — coumo un paniè sans
tioul. — La fount rajo coumo per un fiai ou fial-à-fial ; —
rajo coumo la cambo ; — coumo uno barro de prèsso, à
pleno canèlo.
SB dits:
Quand lou nas rajo, lou tioul suso pas.
Rajent, bagnat ou TREMPAT coumo uuo soupo ; — coumo un
tirou ; — coumo uno espoungo ; — coumo un canich pes-
cat al risent ou al rabech d'uno ribièro.
Ramat. — Ramat coumo un aubre en pleno sabo ; — coumo
uno carrièro lou jour dal Corpus ; — coumo uno cougo de
reinard.
Rambouiat. — Rambouiat coumo un petaire ; — coumo un
gous, à cops de pèds. — Rambouiat coumo lou Crist de
Caïfo à Pilato.
Rampa. — Rampa coumo un bèr de terro ; — coumo un gous
assibadat.
Rampant. — Rampant coumo uno bise de bigno ; — coumo
uno courrejolo.
Range, — Rance coumo de subre-lard de cinq ans ; — coumo
uno bièlho coudeno ; — coumo uno bièlho cranco.
Rancountra. — Se rancountra pertout coumo un creanciè ;
— coumo lou ^Gloria Patri.
Rapide. — Rapide coumo lou bent ; — coumo uno flècho ; —
coumo un telegrafo.
Rare. — Rare coumo un merle blanc ; — coumo la giroundèlo
en plen ibèr.
Rascagnut. — Rascagnut coumo uno cardo ; — coumo un es-
quinal de sanglié. — Rascagnut coumo de papiè de bèire ;
— coumo de pèl de chagrin ; — coumo un roui de garric ;
— coumo uno clabelado.
Rasclat. — Rasclat coumo un porc dins la mait; — coumo un
rabe ; — coumo un nap.
COMPARAISONS POPULAIRES 83
Rasounâ. — Rasouna coumo un tambour bagnat ou crebat;-—
coumo uno groulho ; — coumo un esclop debatat ou de-
gransoulat ; — coumo un tusto-brandos ; — coumo un
sans-éime.
Raspa. — Raspa coumo uno limo nobo.
Raspat. — Raspat coumo la bragueto d'un poustilhou ; — coumo
las ancos de Pilato.
Raspignous ou raspilhous coumo uno cardo ; — coumo un
carrai ; ^ coumo un airis de castagno.
Rat. — Dégourdit coumo un rat de graniè. — Gus coumo un
rat de glèiso. — Pudent coumo un rat mort. — Estre à
Taise coumo un rat dins la palho. — Un rat gros coumo
un lapin; — coumo un esclop.
SB dits:
' A boun rat, boun gat.
Rata. — Rata coumo un fusil roubilhous ; — coumo uno alu-
meto sans soulpre. — Ràtat coumo un foc d'artifici ensat-
jat de la bèlho. — Sabourous coumo un croustet de pa
ratât. — S'entend à-n-acô coumo un porc à rata.
SB dits:
Quand s'agits de faire boumbanço,
Rato pas per bourra sa panso.
Rauc. — Rauc coumo uno graulo ; — coumo un pourgo-moust ;
— coumo un auc ; — coumo un sarjant da très serbicis.
Rebalat.— Rebalat coumo lou Crist, de Judas à Pilato.
Rebeca. — Se rebeca coumo un poul-Mahoun ; — coumo un
gous moussegat à Tanco ; — coumo un singe qu'a la
cougo marcado am' un esclop.
Rebelhat. — Rebelhat coumo un gat que sentits la chasso dal
fouet.
Reberta. — Se reberta ou se sembla coumo dos goutos d'aigo ;
— coumo dous bessous ; — coumo uno poumo partido en
dous. — Se dounoun d'aires coumo s'èroun fraires.
Rebertegat. — Rebertegat coumo un alhet ;— coumo un catét
de quinze ans; — coumo al temps de sas premières
amours.
Rbbès. — Faire tout al rebès coumo 's mounges d'Antibos.
S4 COMPARAISONS POPULATRIBS
Rebipat. — Rebifat conmo un gous fol ; — coumo un gat-faï
encoutaeguit per un gous.
RbbouiA. — Reboull coumo uno amo damnado ; — coumo las
pèiros.
ReboumbI. — Reboumbi coumo uno paumo ; — coumo un gat
toumbat d'un graniè.
Regapiut ou rbcebut à brasses-alandats, coumo Tannado de
las grosses amellos. — Rcçapiut coumo un Dius ; — coumo
un prince ; — coumo un amie de cor ou de Toustal ; —
coumo un etsiiat.
PER TRUFARIÈ :
Reçapiut coumo un pesoulhous ; — coumo un bièl rou-
gnous ; — coumo un gous dins un joc de quilhos ou
dins uno glèiso almoument dal sermou; — coumo
Pierre-pas-digus : sans i dire « Bestio, que fas aqui ? »
— Reçapiut amistousomen coumo un uchè ou un gar-
nisàri.
Rbcatat. — Recatat coumo un arcèli ou coumo un muscle ; —
coumo un cagarau dins sa cauquilho; — coumo un armito
dins sa cabano ; — coumo un rat dins un fourmatge ; —
coumo un pouletou joust Talo de la clouco.
Recauquilhat. — Recauquilhat coumo un coupèu ; — conmo
un tiro-bourro ; — coumo uno parpilhoto de gabach; —
coumo uno maneto ou bîrouneto de gabèl; — coumo uno
pèl de merlusso sus la grilho.
RECITAT. — Récitât coumo lou pater ; — coumo las litanies.
Reclus. — Reclus coumo un armito ; — coumo un prison nié
d*estat.
Reculous. — Ana de reculons coumo un courdiè ; — coumo
las escarabissos.
Redound. — Redound coumo un boulet de canou ; — coumo
uno bolo de palama ; — coumo un càssi ;— coumo un pèse
ou ceserou ; — coumo uno bocho ; — coumo un panet de
santRoch; — coumo un 0.
Reboula. — Redoula coumo uno pipo ; — coumo uno bolo ;—
coumo un ibrougno.
Redoutât. — Redoutât coumo lou foc; — coumo la pèsto ; —
coumo lous jandarmos ; — coumo lou bourrèu ; — coumo
OOMPÀRAISONS POPULAIRES S5
lou n'* 13 à taulo ; — coumo lou n° 1 al tiratge dal sort.
Refaudit. — Refaudit coumo uiio marmoto ; — coumo uno
missaro ; — coumo un poulet dins Tiôu; — coumo un
gourgoul dins uno fabo ; — coumo lou bèr-de-sedo dins
soun coucounet.
Represcant. — Refrescant coumo uno pècho foundento ; —
coume un aigat de Sant-Jan.
Regagna. — Regagna las dents coumo un gous-fol ou coumo
un gous rancugnat ; — coumo un carsi fouissat dins la
poursigoulo ; — coumo uno ièno brullado al tioul. — Re-
gagnât coumo un gous que rousègo 'n os.
Regala. — S'en regala conmo d'uno fougasso à Tôli ou à la
padeno ; — coumo d'un bèire de bi quèit ou de cartagèno.
Regard. — Regard doucet coumo lou d'uno filheto ; — sebère
coumo lou d'un jutge criminel. — Regard dur e fred coumo
uno lamo d'aciè.
Regarda. — Regarda coumo un escoumenjat; — coumo un
inoucent. *— Se regarda coumo dous gousses de faianço.
— Regarda, la bouco alandado, coumo un coulhasso. —
Me regardo coumo se m'abio pas jamai bist ou coumo s'i
debiô d'argent.
Réglât. — Réglât coumo un relotge ; — coumo un papiè de
musico; — coumo se deu.
Rbguinna. — Reguinna coumo un biôu joust Tagulhado ; —
coumo un chabal oumbriu joust lous cops d'esperou ;
— coumo un ase picat per uno brumo de fouissoulous.
Regussat ou arregussat coumo un bouché quand sanno. —
S'arregussa jusquos à la cinto coumo uno gourdimando.
RÈi. — Urous. . . . countent coumo un rèi. — Biure. . . . èstre
pla coumo un rei. — Quand proumet quicon, es coumo se
lou rei abio parlât.
se dits:
Souhèt de rei : filho e goujat.
Reinard. — Fi. .. .rusat coumo unreinard. — Fugi om landa
coumo un reinard dabant un lioun. — Fusa de la pus
fino coumo un reinard qu'a lous lebriès al tafanàri. —
Bergougnous coumo un reinard prés per uno galino.
6
86^ COMPARAISONS POPULAIRES
SE dits:
— Lou reinard amago sa cougo.
— Loa pus û reinard
Trobo pus finard.
Rejouissbnt. — Rejouissent coumo Talleluia de Pascos ; —
coumo un soulel d'ibèr; — coumo Testibet de Sant-Marti ;
— coumo lou jour de carnabal ; — coumo un batisat ; —
coumo un foc de Sant-Jan, quand se fa la rodo al tour.
REJomT ou GAI coumo un pinsou ; — coumo un airetiè ; —
coumo s*abi6 capitat un bilhet de loutariè de cent milo
francs.
Rejunit ou rbjunt coumo un oustalet d'une noubèlo mari-
dado ; — coumo la fardo dins lou cabinet ; — coumo lou
pa dins lou tiradou; — • coumo lou blad dins lou graniè.
— Rejunt coumo un estuch d'agulhos; — coumo las gra-
nos d'uno milgrano; — coumo las quèissos d'une anougo;
— coumo lous amellous d'uno pigno ; — coumo une huitro
dins sa cauquilho ; — coumo uno tartugo dins sa cabano
raiado.
Rblotoe. — S'acourda coumo lous relotges ou las mostros :
sus bint, cap la mémo ouro. — Ana al pouce coumo lou
relotge de la bilo .
Rememouriat. — Rememouriat coumo un creanciè.
Remena. —Remena lou tioul coumo las cigales; — coumo las
fennos al pesquiè; — coumo lou fournie quand pougnègo.
— Se remena coumo l'argent biu ; — coumo un diable es-
parsounat ou dins un aigo-signadiè. — Se remena coumo
un brullat. — Remeno remenaras coumo s'abio agut un
cent de piuses à las cars. — Remena ou branla pas mai
qu'une estatuo ou uno borno.
SB dits:
Qui se couche sans soupa,
Toute la nèit se remeno.
Rena. — Rena coumo un porc; — coumo uno carrèlo mal un-
chado ; — coumo uno rode de cègno ; — coumo un goua
qu'i dostoun un os. •— Rena coumo las tripes d'un afa-
minât.
COMPARAISONS POPUtAIRBS ^7
SB dits:
Es coumo lous gats, qu'en mai manjoun en mai rènoun.
Rbnboa* — Renega coumo un carretiè ; — coumo un marin
engrabat; — coumo un uganaut ; — coumo un descrestia-
nat ; — coumo un abandonnât de Dius e de toutis lous
sants dal Paradis.
Rbng.— Tene soun reng coumo las arencados ; —coumo toute
filho brabeto.
Rbngos. — Alignats sus dos rengos coumo un four de cebos;
— coumo lous pénitents à la proucessiu; — coumo un bol
de cols-berds ou canards salbatges.
Renoumat. — Renoumat coumo Barrabas dins la Passiu.
Renous. — Renous coumo uno gato-borgno ; — coumo uno
gousso quand i dostoun lous cagnots; — coumo un carri
mal graissât.
Rbsclanti ou restounïi coumo uno mitralhado ;— coumo uno
trounadisso ; — coumo cent pétards de mino ; — coumo
uno canounado.
Resoulout. — Resoulgut coumo Bartolo ; — coumo un mique-
let; — coumo un sacre-moun-amo.
PEB TRUFARIÈ:
Resoulgut e gai coumo uno fedo toundudo de fresc.
Respectable. — Respectable coumo lous pelses blancs ; —
coumo la dernière paraulo d'un agounisant; — coumo un
estandart curbelat de mitralho.
Rbsplenbbnt.— Resplendent coumo uno illuminaciu ; — coumo
Testèlo dal matis ; — coumo un leba de soulel en pleno
mar; — coumo la capo dal cèl tachado d'estèlos.
Rbspoundre. — Respoundre coumo un mut : à cops de caps.
— Respound coumo s'i parlaboun pas. — Respound tou-
jour: « Pour nous », coumo à las litanies.
SB dits:
— Lou clergue respound coumo Tabat canto.
— Cal respound, page.
Rbtira. — Se retira coumo las poulos : à quatre ouros dal bès^
pre. •— Se retira ou se rejuni coumo un oagarau dins sa
88 * COMPARAISONS POPULAIRES
clèsco ; — coumo un gril dins soun trauquet. — Se retira
coumo de car de fedo.
Rette. — Rette coumo un paissèl ; — coumo un pal ; — coumo
un fustet ; — coumo un fusil. — Rette coumo un cung ; —
coumo un caunil; ^— coumo un panicaut; — coumo un
salcissot ; — coumo un pargam; — coumo un coumpas; —
coumo un cierge pascal]; — coumo un garrou de gabre ;
— coumo de tolo ; — coumo un caulet-flôri ; — coumo un
pifre ;— .coumo damo Justice. — Rette coumo uno cougo
de baco que se casse las mouscos.^* Se tene r^tte sus sa s
cambos coumo uno crabo que pisso.-*Se tene rette coumo
s'en abio 'n pal pel tioul. — Rette e mut coumo uno es-
tatuo. — > Rette e palle coumo un suzàri.
SB DITS :
— Lou que deu rés, qu'a tout pagat,
Pot marcha rette boutonnât.
— Ten-te rette e pla moucat.
Riche. — Riche coumo la mar ; — coumo un Cresus ; - coumo
un juslou ; -«-coumo un ramplaçaM.
SE dits:
— Cal es riche es ounourat,
Cal es paure es mespresat.
— Se sios riche, dinno dous cops nou, douno dous
cops.
— Es riche qui pot, urous qui gap, satge qui bol.
RuGO-RAGo. — Estre en rigo-rago amé quaucun, coumo Ten-
clumi e lou martel.
RiGou. — De rigou coumo un cop de capèl à soun superiur ;
-i« coumo un coustume nègre per un enterromen.
Rima. -^Rima coumo un tentât.
t»BR TRUFARIÈ:
Aoorimo coumo cebos amé rasins. — «Rimoun ensemble
ou s'acordoun coumo gat e gous.
RiRB. — Rire coumo un fat ; — coumo uno asclo pernado ; —
coumo un boussut ; — coumo un aselat ou dessauclat ; —
coumo uno amargasso ;— coumo uno bougneto ; — coumo
COMPARAISONS POPULAIUBS S9
uno dignairolo ; — coumo uno pocho descouifdurado ; —
coumo un foutrai. — Rire à tout esclat coumo uno fdnno
qu'a de poulidos dents ; — coumo un ase dins soun brès.
— Rire dal bout de las dents coumo uno bièlho idolo. —
Rire coumo s'on abi^ tout soun boun sen.
SE DITS :
— Filho que rits plourara lèu.
— Lou que rits toujour
Troumpo nèit e jour.
— Fa rire de chi^ que passo pas las dents.
RiSENT. — Risent coumo un cèl d'azur; — coumo un fiai d'aigo
claro; — coumo un jour agoustenc ; — coumo un esclai-
rissol de cèl après la tempèsto ; — coumo lou soulelbet
quand trauco la brumo. — Risent e fresc coumo unoflour
noubèlo. — Risent o countent coumo s'abio cent milo
francs à la pocho, que deguèssoun pas rés en digus.
RocoLORO. — Estre coumo las gens de Rocoloro : qui toco l'un,
toco l'autre.
RoBOULS. — A rodouls coumo las agassos : de blanc e de nè-
gre.
RotTBiLHOus. — Roubilhous coumo uno biélho sarralho.
RoucouLEJA. — Roucouleja coumo dous tourtourèls } — coumo
do us nôbis.
RotTDA. — Rouda coumo uno baudufo ; — coumo un fus. —
Rouda coumo un mouli de bent ; — coumo uno raflo ; —
coumo un porc malaut; — coumo un perdut ; — coumo
uno amo en peno.— Rouda la patantèino coumo un desu-
brat.
RouPLA. — Ronfla coumo un fouet de poustilbou;— coumo un
chabal espaurugat ou mal estacat.
RouoB. — Rouge coumo un flascou ; — coumo un carbou de
foc ; — coumo uno cresto de poul ; — coumo uno mèco
de piot ;— coumo de sang de bièu ; — coumo un tapo-tioul
granat ; — coumo uno caloto de cardinal ; — coumo l'es-
carlato ; — coumo un berret de Catala ; — coumo un
guindoul ; — coumo uno rouzèlo ; — coumo uno trougno
d'ibrougnasso ; — coumo de poumetos à dous closses; —
coumo uno bièlho pebrino per grano ; — coumo de cou-
90 COMPARAISONS POPULAIRES
lindrou ; — coumo une escarabisso ; — coumo uno roso
d'estiu. — Rouge-sannous coumo un bouché. — Roujo
saDguinèlo coumo uno ûour de milgraniè.— - Rouginas
coumo de bol ou de sanguine.
PER trufarib:
Rouge coumo de sang de nap. — Rougi de bergougno
coumo un plat d'estam.
RouLLAT. — Roullat coumo un porto-mantoul ; — coumo un
paro-plèjo ; — coumo uno trousse de palho ; — coumo
un capèl d'aubergnas.
RouNCA. — Rounca coumo un canou ; — coumo un tuièu
d'orgue.
Round. — Round coumo un pipot ; — coumo uno pèl de tam-
bour; — coumo un palet ; — coumo un curbèl; — coumo
. un iôu ; — coumo la luno pleno ; — coumo un fourmatge.
RouNDiNA. — Roundina coumo un gous que bel dintra gat en
cousine.
RouNFLA. — Rounfla coumo un troumbono ; — coumo uno bau-
dufo oulandeso. — Rounflant coumo un orgue de cate-
dralo; — coumo uno fusilhado.
RouPiLHA. — Roupilha coumo un paure ; — coumo uno mis-
sarro.
Rous. — Rous coumo un fiai d'or ; — coumo uno bresco
d'abelho ; — coumo un castagnou ; — coumo un baisol de
pa ; — coumo un perot Sant-Janenc ; — coumo un milhas-
sou ; — coumo uno croustade que sourtits dal four ; —
coumo uno coco de Limons ; — coumo un brout de gi-
nèsto ; — coumo un louidor; — coumo un bèire de bi
quèit; — coumo uno liasse de gimbeletos; — coumo uno
espigo presto à sega. — Rous e lusent coumo un pourquet
roustit.
RousEGA. — Rousega coumo uno arno ; — coumo un rat ; —
coumo un gous ; — coumo un chancre ; — coumo lou rou-
bil ; — coumo un gourgoul dins uno fabo. — Rousega de
calhaus coumo lou bièl Saturne.
RousELiN. — Rouselin coumo de coural ; — coumo uno caroto.
RoDSSEGA, TRiGoussA OU REBALA coumo uuo carrauguado ; —
coumo un rosse. — Trigoussa la groulho coumo un aca-»
baire arroubinat.
COMPARAISONS POPULAIRES 91
RoussBNCo. — Roussenco coumo uno abelano ; — coumo uno
amello que regagno dinsla clèsco.
RousTiT. — Roustit coumo un pèd de mil. — Roustit e flambât
coumo un poulet à Faste.
RouzENT. — Rouzent coumo de founto que rajo ; — coumo un
carbou de foc ; — coumo un carrai que petounejo e belu-
guejo d'estèlos.
RusAT. — Rusât coumo un rèinard ; — coumo un gabach ; —
coumo un Aubergnas ; — coumo uno masco.
SB dits:
^ — A rusât, rusât e mièch.
— Es beritable pa-signat
D*afina qui se dits rusât.
Ruscous. -^ Ruscous coumo uno bièlho ausino ; — coumo uno
pipo de mièch pam de rauso ; — coumo un mourre que
se labo quand plôu.
Russi. — Russi coumo un cardou-d'ase ; — coumo la michanto
erbo ; — coumo lous agragnousses.
SB DITS :
Tout i russits : déu èstre crebat, ou a fait pacho amé lou
diable.
Saba ou batrb coumo un quèr; — coumo un gous.
Sabat. — Fa lou Sabat coumo las mascos.
Sabatiâ. — Mal caussat coumo un sabatiè.
, SE dits:
Sabatiè, isà toun mestiè ou plègo ta boutigo.
Sabbnt ou sapient coumo un libre ; — coumo un ome d'escri-
tôri ; — coumo un mèstre d^escolo.
SB dits:
— Bal mai sabé, qu^abé ;
Mes se Ton sap e Ton a,
Ac6 pot pas derrenga.
— La sapienço es un aubre qu*a per racino lou counten*
tomen, e per fruto, lou repaus.
n
92 COMPARAISONS P0PULA1BS6
— La sapienço a que loua ignourenls per enemios.
Sacrât. — Sacrât coumo un abesque ; — coumo la boulountat
d'un agounisant.
Sacreja. — Sacreja coumo un poussedat ; — coumo un dam-
nât ; ~ coumo un abandonnât de Dius.
Sacs. — Soun coumo de sacs de carbouniè : l'un gasto Tautre.
Sadoul. — Sadoul coumo un porc ; — coumo un pesoul ; —
coumo un Alemand ; — coumo s'abio manjat uno baco;
— coumo uno gribo qu'a picat de rasins.
SB DITS :
— Pijous sadouls, bessos amargantos.
— A l'ase sadoul, lou blat i^ es besso.
Sagan. — Fa lou sagan coumo las brèissos ; — coumo d'e^-
coulans en bacancos.
Sal. — Granat coumo de sal. — San coumo la sal. — De pe-
souls coumo de gras de sal. — Fana coumo las fedos à la
sal.
Salât. — Salât coumo la braso ; — coumo d'alum ; — coiimo
de sal-mourro ; — coumo uno alencado ranço ;— -coumo de
cansalado ; — coumo d'aigo de mar ou coumo la mar.
SB dits:
La saladuro
Demande bagnaduro.
Salba ou sauba. — Se sauba coumo un reinard, la cougo
entre mitan las cambos ; — coumo un capou bagnat.
Salle ou salop coumo un Espagnolas ; — coumo un Poulacre;
— coumo uno penche; — coumo un pijou^è ; — coumo un
jouquiè de galinos. — Sallo à repi^^rto, tout uno pâ-
rouèsso. * T
San. — San coumo une amello bessouno ; — coumo la sal.
SE DITS :
l'a rés de san, de moural e de digne, coumo lou trabal
das camps.
Sanna. — Sanna quaucun coumo un poulet ; — coumo un
porc ; — coumo un agnèl.
Sant-Gauchè, — Aisit ou adreit coumo sant Grauchè.
COMPARàlSONS POPULAIRESS 9i
Sardo. — Planiè coumo uno sardo. -'S'i beire clar caumo uno
sardo quèito.
Sargoutit ou BRA.NDOULHAT coumo un pruniè ; — coumo un
sao de quitanços.
Sarjant. — Jura coumo un bièl sarjant.
Sarra.— Sarra coumo un estoc ; — coumo d'estanalhos ; —
coumo de mourralhos ; — coumo un cranc. — Sarra coumo
Ton aimo.— Estre sarrats coumo d'anchoios; — coumo de
picarèls.— Estoumac sarrat coumo une pigno. — De cops
de pungs sarrats coumo la plèjo.
SE dits:
— Sarro bren, escampo farino.
— Te cal pas trop sarra d'aquel qu'es mai que tu.
Satoe. — Satge coumo un image ; — coumo un santiroulet ;
— coumo Tabelho.
SE DITS :
Lous pus satges entrabucoun sept cops per jour.
Sauclat. — Sauclat d'anèls coumo un barralet ; — coumo uno
tressairolo.
Sauprb ou sabê lou lati coumo un eapela. — Sap ac6 sul bout
dal det coumo lou Pater ; — coumo la crouès ; — coumo
lou B, A, BA.
Sause. — Derruscat coumo un sause.— Curât coumo un sause.
— Dessaba coumo un sause.
Sauta. — Sauta coumo un arlequin ; — coumo un Bascou ; —
coumo un Biarnès ; — coumo un gat magre ; — coumo un
esquirol ; — coumo un pourginèlo ; *- coumo uno paumo.
— Sauta coumo se Ton abiô marcat d'ourtigos; — coumo
un crabit sus l'èrbo. — Sauta lest coumo un lapin. —
Sauta 'n bramant coumo un taure blassat. — Sauta e
courri coumo un derratat. — Sautilha coumo uno margot:
cougo relebado e bèc en l'aire.
Sec. — Sec coumo d'amadou ; — coumo uno escaleto ; —
coumo un cremal ; — coumo un os ; — coumo un broc ;
— coumo un pansaril ; — coumo un rastèl ; — coumo un
luquet ; -^ coumo un croustet ; — coumo un estèlou ; —
• coumo un desc ; — coumo un clèsc ; -^ coumo un ciure ;
94 GOMPÀRÀISONB POPULAIRBS
coumo un castagnou ; — coumo un os de sepio ; — ooumo
un clos de dato ; — coamo un picarèl fumai ; — coumo uno
alencado ; — coumo un brusc ;— coumo d'ibôri ; — coumo
un espargoul de bosc ; — coumo un floc de conpèus ;
— coumo uno canèlo ; — coumo un paissèl ; — coumo
un lebrîè ; — coumo un arenc ; — coumo un gratèu ;
— coumo uno cambo de milhasso ; — coumo un couca*
Pli; — coumo de brago; — coumo un curbelet.— De pa
sec coumo uno bano de marra. — Sec coumo uno toumio ;
— coumo Tamo de Judas. — Sec ou eissut coumo una
bresco espremido.
Sbgui. — Se gui coumo un gousset ; — coumo Toumbro. — Se
segui coumo lous gras d'un cliipelet ; — coumo lous fer-
radats d^aigo dins uno bruDadisso ou incendlo ; — coumo
las bèlos d'un mouli ;— coumo lous canards ;— coumo lous
moutous; — coumo lous jours; — coumo lous amoureu-
ses ; — coumo lous aucèls quand s'acouploun.
SB dits:
Jours se seguissoun pas à pas,
Mes lous jours se ressembloun pas.
Sbour ou soulidb coumo T roc de Fouis ; — coumo la tourre
d'Escalos; — coumo Paissèl dal mounde. — Acô 's segur
coumo un e un fan dous ; — coumo etsisti ; — coumo Ta
'n Dius amount ; -— coumo me cal mouri *n jour ; — coumo
ei cinq dets à la ma.
«
PBR TRUFARIB :
Segur coumo uno proumesso d'aboucat ; — coumo las
tramblasouB ; — coumo uno giroueto.
Sbit. — Sèit coumo un pacha. — - Sèit à chabal coumo uno
mounino sus un camèl.
Sembla. — Se sembla coumo dos goutos d'aigo ; — coumo uno
poumo partido ; — coumo las félhos d'un aubre ;—> coumo
dous bessous.
PBR trufârib:
Se sembla coumo lou conçut amë Tagasso ; — coumo un
ase semble un palama.
J
COMPARAISONS POPULAIRES 05
Sbmenat. — Semenat coamo las estelos al cèl. -— Semenat
espés coumo las floars ou Tèrbo de la prado.
SB dits:
Al Paradis recoultaras
Go qu'aça-bal semenaras.
Sen. — A de sen coumo uno grando personne ; — coumo un
satge de la Grèço.
PBR TRUFARIÂ:
Abé de sen coumo un grapaud de plumo ; — coumo un
ase de safra al tioul.
SB dits:
— Lou sen pot pas boni abant Tatge.
— A toutis lous sens; à despart lou bon.
Sbnse. — Sensé coumo de car d'ausino ; — coumo un dia-
mant.
Sbnti ou pressenti lou dangé coumo un ogre la car fresco.
Sbbga. — Serca quicon coumo uno espillo menudo. — Serca
coumo un gous qu'a perdut soun mèstre.— Serca coumo
à fabos quèitos.
SB dits:
— Tal sèrco la fedo que trobo lou loup.
— Cal serco e trobo, perd pas tout soun temps.
Sbrious. — Serious coumo un papo; — coumo un jutge ; —
coumo un gat que pisso per la braso. — Tene soun se-
rious coumo un ase quand on Testrilho.
Set. — A lou mal de las berdoulaigos : a toujour set.
SiAU. — Siau coumo Taigo claro ; — coumo lou desèrt. — Ba
fa tout siau coumo uno gato quand loufo.
Sicrétous. — Sicrètous coumo un mut ; — coumo uno pèiro
de toumbo ; — coumo lou clôt.
PBR trufarib:
Sicrètous coumo un perruquiè ; — coumo un coula de
cimbouls ; — coumo un cop de canou.
Singe. — Adrèit ou aisit coumo un singe de sa cougo. — Ma-
lecious coumo un bièl singe. -^ Aisit de toute ma, coumo
96 G0MPÀRAIB0N8 POPULAIRES
lou singe. — Faire coumô lou singe : traire Ions marrouns
dal foc amé la pato dalgat.
SiNOLAT. — Singlat coumo un capucin. — Singlat coumo un
bardot.
Simple. — Simple coumo la nature ; — coumo bounjour ; —
coumo la couloumbo ; — coumo un bièl fermiè dal Bèrri.
Sobre. — Sobre coumo un camèl;. — coumo un jutge; —
coumo un Arabo ; — coumo un armito.
SoM. — Une som coumo un ploumb.-^ Une som sereno coumo
lo d'un efantou à la teto.
Sot.— Sot coumo un paniè sans tioul ; ' — coumo uno banasto.
— Resta sot coumo un palet.
Sou. — Fa toujour qu'un sou coumo la campano. — Ba tou-
jour soun sou coumo lou tic-tac d'un mouli.
Sôu. — Brabe coumo un sôu. — Poulit coumo un sôu.
SouBBNi. ^ Se soubeni coumo s'èro iér.— M'en souben coumo
de ço qu'èi fait bèi.
PER trufarib:
Mé souben d'acô coumo de ma première camiso ou das
premièris souliés que me carguèri.
Souco. — Mut coumo uno souco. — Bèstio coumo uno souco.
Ruscous ...... gambèrle mal escarpit coumo uno
souco.
SB DITS :
— Es pla lèdo la souco (de bigno):
Mes qun fruit per la bouco !
SouEGNAT. — Souègnat coumo un poulet; — coumo un trésor.
— Souègnous coumo un enfirmiè ; — coumo uno sor de
caritat.
SouFRi. — Soufri coumo un damnât ; — coumo un poussedat ;
— coumo un galérien. — Soufri las bibos, las pèiros, lou
martiri.
SE dits:
— Soufrissi, tant que siosenclumi;
Tnstaras quand saras martel.
— Cal soufri
COMPARAISONS POPULAIRES 97
Per parbeni,
E endura-
Fer dura.
SouL, — Tout soûl coumo un armito ;-« coumo un prisounié ;
— coumo un abandonnât.
SouLiAs.— De souliès grandasses coumo de barialos ; — coumo
de barcos ; — pesants coumo un parel d'esclops ; — fer-
rats coumo uno porto de jaulo. — Sejautade quicon
coumo das premièris souliès qu'on se carguèt.
SouMBRE. — Soumbre coumo la nèit ; — coumo uno brumo que
porto la grello ; — coumo un temps plèjous.
SouPLB. — Souple coumo un gant ; -^ coumo un debas de
sedo ; — coumo uno mitèno ; — coumo de caouchouc.
Sourd. — Sourd coumo uno beoasso ; -^ coumo un toupl ; —
coumo uno porto; -* coumo la boto d'un jandarmo;
—coumo un alaire. — Orida tusta coumo un sourda-
gno.
SousTREJA. — Soustreja coumo un carretiè ; — coumo unbièl
mariniè.
SuEBELHAT. — Surbolhat coumo lou lait sulfoc ; — coumo un
fol-estacadou ; — coumo un reclus.
SuZA. — Suza coumo un gigot à Taste ; — coumo un gourg ;
— coumo un alcarazas de terralho ; — eoumo un miol que
ben de la ûèro. — Suza sang e aigo coumo un Bcce*Omo.
SE PITS :
-— Lou soulel de Mountalba,
Lous bartasses fa suza.
A. MiR.
{A suivre.)
VARIÉTÉS
Une nouvbllb conjecture concernant Guilhaume vu
On lit dans le curieux livre d*Etienne de Bourbon, Tractatus de
diversis materiis prœdicabilibus, Tanecdote suivante^:
« Audivi quod quidam cornes Pictaviensis experiri voluit qui status
essetin hominibus delicacior; et, cum transfigurasset habitum suudq,
et diverses status bominum expertus fuisset, mores, status et socie-
tates diversorum bominum, rediit ad pristinum statum, dicens quod
delicatissima essetvita mercatorum in nundinis, qui intranttabemas,
in quibus inveniunt promptas et paratas quas volunt delicias, nisi
unum obsisteret, scilicet finalis ratio quam babent reddere de omni-
bus sumptibus factis, et solvere omnia et minuta plene que ante ex-
penderunt^. »
Je serais bien trompé si le comte de Poitiers dont il s'agit ici
n'était Guillaume VII, le troubadour. Je n'en vois aucun auquel
on puisse^ avec autant de vraisemblance, attribuer une idée pareille,
qu'à celui qui « anet lonc temps per lo mon » et qui dut, dans ses
courses aventureuses, se déguiser souvent de diverses façons, comme
le Joufroi du roman français, en qui j'ai cru aussi le reconnaître.
C. C.
Le chevalier Raimbaud et la comtesse de Flandres
On Ht dans une des gloses des Documenti d'amore de Barberino
(Jahrbuch, XI, 48): « Refert Miraval provincialis quod crudelis mortis
^ Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil inédit
d'Etienne de Bourbon, publiés par A. Lecoy de la Marche ( Paris, 1877),
p. 411.
• C'est cette idée qui a produit le quart d*heure de Rabelais . (Note de
Téditeur). — On trouve cette même idée exprimée dans la cobla anonyme ci*
après, que nous a conservée le chansonnier JVIac-Carthy, et qui vient d'être pu-
bliée par M. H. Suchier avec les autres unica inédits de ce ms., dans ses
Denkmaeler prov. Literatur, précieux recueil dont nous rendrons compte
incessamment :
Molt m'agrada trobar d'invern ostage,
£1 bon foc clar el vin fort e douz sia,
E m'agrada bel 'osta qui cundeia,
Ë bels mantiis e pan blanc per usage,
E m'agrada çarn de bou e perdis,
E gras capons et ocas m'abellls,
£ agradam, can ven a la partida,
Non far raxon, et es ben far complida.
BIBLIOGRAPHIE 99
quam intulit olim cornes Flandrie in dominum Raembaud militem
saam, causa fait quoddam suspirium quod ille miles emisit dum ser-
viret eidem, présente domina comitissa ; et de hoc scripta [sunt] ali-
qua in libro Florum novellarum * sepius allegato . »
Cette allusion se rapporte -t-elle à un fait réel ou seulement à un
roman? Je ne saurais le dire, mais je penche pour le roman. Quoi
qu'il en soit, il y a peut-être lieu de croire que c'est à la même aven-
ture qu'ont trait les passages ci-après de deux autres troubadours. (La
pièce de Miraval, nouvelle ou chanson, que cite Barberino, est mal-
heureusement perdue.)
1. Sordel {GedicMe, IV, p. 98):
Bel {lis. Del ?) cavaler me plai qe per amor
Moric Tautrer en Flandres, car iraman
En seran trop miellz crezut derenan
Per las donas qels tenon en error.
Ben volgra fos ab lui morta s*amia,
Pois gascuna cho qe no cre creiria,
Qe on plus fan los fins amanz languir,
Plus van tarzan zo qe degran complir.
2. G. de S. Didier {Los grieus désirs, Werke, II, 56):
E tuit li pro ques volon far grazir
Fan los bels dos lai on plus an sabor,
E breus respos es loncs jois en amor,
Per que domna non deu sod joi fenir,
Con fes Elis, lacomtessade Flandres s.
C. C.
BIBLIOGRAPHIE
Geschichte det Snfflzes — olus in deo romanischen Sprachen mit beson-
derer Beriicksichtigung desVulgar-und Mittellateios. — naugural-Disserta-
tion... von Max Mirisch. Bonn, 38 pages.
Tableau comparatif des formes romanes dérivées de t3rpes latins
ou bas-latins (réels ou fictifs) en olus. Ce travail, quoique suffisam-
* Sur ce recueil de nouvelles, composé par Barberino, et qui est perdu,
voy. A. d'Ancona, le Fonti del Novellino, dans la Romania, II, p. 405 et
suivantes.
• M. Birch Hirschfeld veut voir dans ces derniers vers une allusion au ro-
man du Chevalier au Cygne. Mais il n'y a aucun rapport, ni dans les noms,
ni dans Tidée. 1** La comtesse de Flandres, dans le Chevalier au Cygne, s'ap-
pelle Béatrix; 2* c'est pour avoir transgressé les ordres de son mari, Helias
de riUe-Forte, et non pour avoir trop fait languir un amant, qu'elle met fin à
son propre bonheur.
• 4
» •
100 cbrqi^iquë:
meot complet, pourrait recevoir encore quelques ajouts, au moins en
ce qui concerne le français, par exemple, virole, latin viriola, baatde-
rôle, pèterole (patois de Saintonge), fumeirole, barioler, fignoler, fla-
geolet, pour */ageolet de faba, *fabia, */abiolus, *fabioletttui.Oh8er¥one
en passant que Tétymologie officielle phaseolus ne vaut rien, cette
forme ne pouvant produire que faisol. M. Mirisch aurait encore pu
amplifier son travail en observant que le suffixe olus se substituait
toujours au suffixe ulu9 après les voyelles e ou i, n^altemant avec
lui qu'après la semi- voyelle v (servolus, servulus) et ses équivalents b,
p, et que ces voyelles e ou i (c'était tout un à l'hiatus) pouvaient tou-
jours se supposer pour les formes diminutives intermédiaires, les-
quelles aboutissaient alors aux finales en ius, ia, ium ou em^ ea,
eum:
faba, *fabia (ou *fabea), *fabiolu8 (ou *fabeoltig),^=^ Fajol (nom pro-
pre), caper (= *caprus), * caprins (ou *capreu8), capreolus, = che-
vreuil.
hispanus *hi8paniu8 (ou *hi8paneu8) , *hi8paniolu8, ^ espagnol,
A. B.
CHRONIQUE
Communications faites dans les séances de la Société. —
10 janvier 1883. — Bonur de famiho, sextine provençale par M. Rett-
ner ; le Dialogue de l'ombre de Vabbé de Nant et de 8on valet Antoine,
édition de M. le docteur Mazel.
24 janvier. — Proverbes et comparaisons en patois du haut Age-
genais; lePopiZ/on, pièce de poésie en patois du moyen Agenais (com-
munication de M. Séré, instituteur en retraite à S.-Caprais-de-Lerm
(Lot-et-Garonne)).
7 février. — Noël moitié fiançais, moitié béarnais, communiqué par
M"® Mathieu, sœur Cécile, institutrice communale à Colombiers (Allier).
— Particularités de versiJBcation relevées dans une pièce de Robert
Ruffi sur la Peste de Marseille en 1580 (communication de M. Bou-
cherie) .
* *
Concours philologique et LinÉRAiRE du 13 mai 1883. — A Foc-
casion du centenaire de Favre, le célèbre poète languedocien, ui^e des
deux médailles de vermeil sera décernée à la meilleure pièce de poésie
composée en son honneur. Elle pourra être écrite en français ou dans
Tun des idiomes populaires du midi de la France ou en catalan .
«
M. A. Darmesteter vient d'être nommé titulaire de la chaire de
vieux français à la Faculté des lettres de Paris. Nous dirons, avec le
Rappel, qu'on ne pouvait faire un meilleur choix.
. •
CHRONIQUB 101
Notre confrère, M. Emile Levy vient de recevoir la a venia legendi »
à l'Université de Fribourg, en Brisgau. Il commencera son cours après
les vacances de Pâques, par l'histoire littéraire de la Provence .
« «
Les Jeux Floraux de Paris, organisés par la Société des Félibres,
comprendront, cette année, un concours littéraire et un concours ar-
tistique comportant deux sections (1^ dessin, 2© musique).
La distribution solennelle des récompenses aura lieu à la fête an-
nuelle de Sceaux, en mai prochain .
CONCOURS LITTÉRAIRE
A. — Prix dvL Ministre de Tins traction pnbliqae
A la meilleure étude en prose française ou en langue d'oc sur ce
«ujet:
LES PEÉCURSBURS DBS FÉLIBRES AU XIX« SIÈCLE
(1800-1865)
B. —Prix: une médaille de vermeil,
A la meilleure ode en langue d'oc sur ce sujet :
CLÉMENCE ISAURE
C. — Prix : une médaille de vermeil,
A la meilleure poésie en langue d'oc sur ce sujet :
FÉLICIEN DAVID
Z>. — Prix : une médaille d'argent,
A la meilleure chanson en langue d'oc sur ce sujet :
LE MELON DE CAVAILLON
Prix Florian
Offert par la viUe de Sceaux
Une médaille de vermeil,
A la meilleure poésie en langue française sur ce sujet:
FLORIAN
La poésie classée la première sera lue sur le tombeau de Florian
par l'un des acteurs des théâtres nationaux.— Une médaille d'argent
sera attribuée au lauréat classé en deuxième ligne.
N.'B. — Les divers dialectes romans du midi de la France pour-
ront être employés par les concurrents .
Avis concernant les trois concours . — Des médailles d'argent
et de bronze supplémentaires et des mentions honorables pourront être
accordées, suivant l'importance des concours .
Délais et mode d'envoi. — Les envois relatifs au concours littéraire
•et au concours musical devront être faits franco avant le 20 avril,
terme de rigueur, à M. Jasmin fils, président de la Société, 20, passage
Tivoli, à Paris.
Les envois concernant le concours de dessin devront être faits /ranco
avant le 15 mai, terme de rigueur, à M. Amy, vice-président de la So-
-ciété, 12, rue du Moulin-de-Beurre, à Paris.
Aucun ouvrage ne devra être signé . A tout envoi pour chacun des
trois concours sera annexé un pli cacheté, contenant les nom, pré-
102 CHRONIQUB
noms, adresse du concurrent, avec une devise qui sera répétée au do?
de l'œuvre.
*
La Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales
ouvre un concours littéraire pour Tannée 1883. Voici quelles seront
les récompenses distribuées :
I.Un prix: Histoire locale du Boussillon.
II. Un prix: Archéologie locale : Monographie d'un monument.
m. Un prix: Poésie française sur un sujet traitant du Boussillon
historique ou pittoresque.
IV. Un prix: Poésie française (sujet facultatif).
V. Un prix: Poésie catalane : genre lyrique.
VI. Un prix: Poésie catalane: genre humoristique.
Les pièces devront être adressées, avant le !«' août 1883, au secré-
taire, M . Gustave Gazes, rue Eglise-la- Real, no 1 bis, à Perpignan, et
porter bien exactement le nom et l'adresse de l'auteur.
♦ •
Nous avons le regret d'annoncer à nos lecteurs la mort de notre
confrère M. le docteur François Barthès, chirurgien en chef de l'hô-
pital St- Charles, à Cette.
* «
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ
Par M. le docteur Obédénare :
Mostre de dialectul macedo-romanu de Vangeliu Petrescu (Cruso-
vean). Partea I Basmul, eu Fet-frumosu-Bucuresci, editura librâriei
Socecu et comp. 7, Calea Victoriei, 1880 ; in-8o, 47 pages.
Par M. Henri de la Combe:
Lo Grande Cobolcado ol proufit dés paourés (ourgonisado pèr lo classe
oubrieiro de Sént-Offriquo), 13 juin 1880, par Louisou de lo Patto-
Négro, 4 pages.
Par M. Clair Gleizes:
BecueUsde noël s provençaux, par Nicolas Saboly. Nouvelle édition.
Avignon, imprimerie et librairie de L. Aubanel, 1846; in-12, 176 p.
Les Buines de l'abbaye de Montmajour, d'Arles, par l'abbé J.-N.
Trichaud. Arles, typographie et lithographie Dumas et Dayre, 1861 ;
in-8°, 32 pages.
Almanach de Provence, par Alexandre Gueidon, 6e année, 1860.
Marseille, in-8o, 63 pages.
La Galino, historiette provençale, par Marins Bourrely (1®' novem-
bre 1866). Marseille, 3 pages.
Au Troubaire de VEcd (extrait de journal).
Vivo la Souquo, suivi de la Frumo à barbo.
1 820. Missien à Marsiho. Jesus-Christ siegué loouza eternelamen
(affiche).
Le Père Gérard, Gazette nationale des communes, n° 102.
Lou Poueto cassaire ; lou Passeroun et seis Enf ans ; Epitro à un
ami ; leia Batos et lou Flascou. Coup d'œil sur l'Europe (manuscrit) .
L'Echo des Muses (2e année, n® 10). Place du Marché, Draguignan^
In-8o, 7 pages.
La Croix du mont Sainte- Victoire, cantique. Aix, 1872, 4 pages.
Cristoou et Fresquiere, ou la Queue de l'âne arrachée, comédie en un
acte et en vers provençaux. Marseille, in-S®, 16 pages.
CHRONIQUE 103
La Réunion patriotique, comédie en un acte et en vers français et
provençaux, par Etienne Pélabon, représentée le 13 juin 1796. Tou-
lon, chez Castex, libraire, 1782 ; in-8o, 24 pages.
Ville de Marseille, Programme des fêtes de charité des 12, 13 et
14 avril 1868; in-8o, 16 pages.
Discours prononcé à la distribution des prix, le 23 août 1878, par
Tabbé Marbot. Aix, in-8°, 36 pages .
Noels provençaux et français, ou Cantiques sur la Naissance du Sau-
veur. Carpentras, imprimerie de L. Devillario, petit in-8'>, 128 pag.
*
LIVRES REÇUS PAR LA REVUE
Sammlung franzoesischer Neudrucke herausgegeben von KarlVoU-
moUer.
3 . Robert Garnier. Les Tragédies . . . herausgegeben von Wendelin
Foerster. Erster Band: Porcie, Cornelie, M. Antoine. — Heilbronn,
Gkbr. Henninger, 1882; in-S», xviii-214 pages.
4a Robert Garnier. Les Tragédies. Zweiter Band: Hippolyte, La
Troade, 168 pages.
5. Robert Garnier. Les Tragédies. Dritter Band: Antigène, les
Juifves, 172 pages*
Louis Astruc. La Marsiheso, pouèmo dramatique prouvençau en
3 ate. Avec traduction française. Marseille, librairie Laffitte. Avignon,
J . Roumanille, libraire, 1882 ; in-8o 141 pages.
Resefia de los estudios clàsicos de las letras espanolas en Francia,
discurso pronunciado en el paraninfo de la Universitad de Madrid,
el dia 24 de mayode 1881, par J.-G. Magnabal. Madrid, 1881;in-8o,
14 pages.
Aperçu sur l'étude classique des lettres espagnoles en France, etc.
(traduction de Topuscule précité).
*
AVIS A MM. LES INSTITUTEURS
Le secrétaire a l'honneur de prévenir ceux de MM . les Instituteurs
qui reçoivent la. Revue des langues romanes qu'il tient à leur disposition
weî{/* exemplaires du Questionnaire pour servir à recueillir les traditions,
les coutumes et les légendes populaires (16 pages), de M. Paul Sébillot.
Ces exemplaires seront prêtés pour un mois à chacun de ceux qui se
seront fait inscrire parmi les neuf premiers .
*
PROGRAMME
du Concours philologique et littéraire qui doit avoir lieu à Montpellier
au mois de mai 1883
Philologie
Seront décernés :
1» Un prix de 300 f r. à la meilleure étude sur le patois, ou langage
populaire, d'une localité déterminée du midi de la. France (collection
de chansons, contes, proverbes, devinettes, comparaisons populaires).
Ces textes devront être reproduits exactement, c'est-à-dire sans rien
changer à la langue du peuple, et tous traduits en fiançais. On y join-
dra la conjugaison des verbes chanter, finir, mourir, prendre, avoir.
l(k CHRONIQUE
être, aller, pouvoir. Indiquer les autres localités, connues de Tauteur,
où se parlerait le même idiome populaire;
Observation, — Ce prix est exclusivement réservé aux institutrices
ou instituteurs primaires.
2® Un prix de 500 fr. au meilleur travail de philologie romane
nyant pour base des textes qui soient antérieurs au XV« siècle, et
qui appartiennent à la langue d'oc ou à la langue d'oil. Rentrent dans
cette catégorie les publications de textes et les études d'histoire litté-
raire ;
3° Un prix consistant en un objet d'art de la valeur de 200 fr.,
au meilleur tiavail philologique ayant pour objet un idiome po-
pulaire néo-latin : Belgique, Suisse, France, Espagne, Portugal, Italie,
Roumanie, Amérique. Cette étude devra s'appuyer sur un choix de
textes (chants, contes, proverbes, légendes, etc.). Y joindre la géo-
graphie du dialecte étudié.
Littérature
Des prix seront décernés :
4® et 5° Aux deux meilleures poésies, à quelque genre qu'elles ap-
partiennent ; •
6** Au meilleur ouvrage en prose (contes, nouvelles, romans) ;
7® A la meilleure composition scénique en vers ou en prose.
Ces prix consisteront en 4 médailles d'or, chacune de la valeur de
100 fr., 2 médailles de vermeil, 6 médailles d'argent.
Avis aux concurrents. — Tous les ouvrages qui concourront pour le
second ou le troisième prix de philologie devront être écrits dans une
langue néo-latine ; tous ceux qui concourront pour l'un des quatre
prix purement littéraires (no"4, 6, 6, 7) devront être écrits dans un des
dialectes, soit du midi de la France, soit de la Catalogne ou des îles
Baléares ou des provinces de Valence et d'Alicante.
Les travaux envoyés devront être inédits. Toutefois le deuxième et
le troisième prix de philologie pourront être accordés à des ouvrages
ayant paru depuis le 1«' janvier 1882 et n'ayant concouru nulle part.
Les manuscrits ne seront pas rendus . Ils devront porter une épigra-
phe qui sera répétée sur l'enveloppe du billet cacheté contenant le
nom et Tindication du domicile de l'auteur.
Les ouvrages destinés au concours doivent être adressés franco à
M. A. Boucherie, secrétaire de la Société des langues romanes, avant le
1*"^ avril 1883, dernier délai, et en triple exemplaire, s'ils sont im-
primés .
Erratum du no de janvier 1883
P. 51, 1. 2, 4 décembre, lisez: 21 décembre.
Le Gérant responsable: Ernest Hamelin.
J
Dialectes 'Anciens
SAINTE MARIE MADELEINE
DANS LA LITTÉRATURE PROVENÇALE
a
Je me propose de recueillir ici tout ce que je connais de textes pro-
vençaux, inédits ou déjà publiés, depuis les origines de la langue jus-
ques et y compris le XVI* siècle, concernant la grande sainte dont
rhistoire est si intimement liée à celle de Jésus, et à laquelle une lé~
gende, que l'Eglise romaine, malgré les objections de la critique, n*a
pas repoussée*, attribue, en même temps qu'à Marthe, à Lazare et à
Maximin, leur compagnon, l'évangélisation de la Provence. Je don-
nerai en appendice la bibliographie des ouvrages, sur le même sujet,
dont j 'ai pu avoir connaissance ou seulement me procurer les titres,
et qui ont été composés :
1® En provençal, depuis le commencement du XVII® siècle ;
2° En catalan ancien et moderne.
I
Vie de sainte Marie Madeleine
EXTRAITE d'une TRADUCTION PROVENÇALE DE LA « LEGENDA AUREA ))
Le ms . , encore complètement inédit, dont ce premier article est
extrait, est le n°9759(anc. suppl.1050) du fonds français de la Biblio-
thèque nationale .
Ce ms. renferme la seule version provençale qui me soit connue de
la Légende dorée. Les autres mss., contenant une version en langue
d'oc du célèbre ouvrage de Voragine, sont catalans. L'un d'eux est à
Paris : c'est le n® 127 du fonds espagnol de la B. N. J'en ai publié
un extrait, ici même *, il y a quelques années. Les autres sont en Es-
pag^e. Voy. Torres Amat, Diccionario, p. 701 (cf. le Suplemento de
* Voy., dans \e Bréviaire romam, roffice de sainte Marthe (29 juillet),
leçons IV, vet VI.
2 T. XIII, p. 209, Vie de sainte Anastasie.
Tome ix de la troisième série. — a^ars 1883.
106 SAINTS MARIE MADELEINE
CorminaSyp. 305-306); Balagaer y Merino, Revue des l. r., XIX, 56;
Jahrbuch fur rom. und engl. I$iteratur, IV, 56 et 57.
La comparaison du texte des deux mss. de Paris, le provençal et
le catalan, montre immédiatement entre eux la plus grande affinité.
On remarque, dès le début de la vie de sainte Madeleine, qu'ils pré-
sentent les mêmes contre-sens et les mêmes lacunes : d*où la consé-
quence qu'ils doivent dériver d'un même original. Cet original était-
il provençal ou catalan? Je crois pouvoir affirmer qu'il était catalan .
Le texte de notre ms. 9759, tout provençal qu'il est ou qu'il veut être,
ofire eu efibt, à qui l'examine même sommairement, assez de resabios
de catalan pour que le doute ne me semble pas possible. On trouvera
dans les notes le détail de ces catalanismes .
Je dois la copie du text& que je publie à l'obligeance de M. L. Con-
stans, M. Gaston Raynaud a bien voulu en revoir quelques passages
sur le ms. et les comparer au texte catalan, dont il m'a envoyé aussi
divers extraits. Je les prie l'un et l'autre d'agréer l'expression de ma
gratitude.
Je me sers, pour la comparaison avec le texte latin, de l'édition de
Lyon, 1504, de \ai.Legenda aurea, où la vie de sainte Madeleine occupe
les folios 207è à 209c.
[po 179 V® b] INTERPRETA CIO DE SANTA. MARIA
•MAGDALENA.
Maria vol dire de las mars [mar, o] iUuminaritz, o illumi-
nada. Per aquestz .m. noms son entendudas. m. partz bonas
que ela elegic a ssi : so es part de penitencia e part de con-
templacio e part de celestial gloria. De laquai tersa part es
5 entendut aysso que Nostre Senhor dis qu'aquela elegic a si la
plus nobla part, que no sera tolta d'ela. La premieyra part no
er tolta d'ela per raso de fi, que es enseguiment de benau-
ransa, ni la n* part per raso de continuacio, car la contem-
placio de la via es continuada am la contemplacio de la [pa-
10 tria, ni la tersa part per raso] de la sua perdurabletat.
En quant doncas elec nobla part [de penitencia], es dicha
de las mars mar [180 roa], per so com aqui hac gran amar-
gor, que es manifest per so coma tantas lagremas gitec que
los pes del Senhor Jhesu Christ ne lavec.
15 E[n] quant ela elec nobla part de contemplacio, es dicha
SAINTE MARIE MADELEINE 107
illuminadojra, per so coma aqui receubec lum del quai en
après ela illumina los autres.
E[n] quant elec noble part de la celestial gloria, es dicha
illuminada, [per so coma aora es illuminada] de lum de per-
20 ûecha conojssensa en pessa, e foc illuminada per lum de dar-
dât en lo cors.
Magdalena vol dire en quasi stant colpabla, o Magdalena
vol dire garnida o gran. Per de que es demostrat quai foc ela
[enansde la sua conversacio,qualenla sua conversacio e quai
25 après la sua conversacio. Car enans de la sua conversacio foc
ela] estant colpable per obligacio a pena perdurabla. Ffoc en
la conversacio garnida per armadura depenitencia. Aytans de
peccatz coma ela fec, aytans de sacrificis fec a Dieu. Apres
la sua conversacio, ffoc granda per gran'abundancia de gra
30 cia, car la bon abundavon los deffalhimens sobre abunda la
gracia.
LA VIDA DE SANTA MARIA MAGDALENA.
Maria Magdalena es ajssi appellada per lo castel de Mag-
dalo ; e foc filha de nobles parens, so es de linatge real. Lo
seu pajre avia nom Ciri e la sua mayre Eucaria era appellada.
35 Era santa Maria Magdalena eretiejra del castel Magdalo,
(b) e santa Marta de Betania, e sant Lazer de una gran par-
tida de Jherusalem. Lo castel de Magdalo es prop de Genes-
tar, a dos milers, e de Betania. Lasquals possessios entre ssi
departiron en aytal maniejra que santa Maria Magdalena ac
40 Magdalo, per que foc appelada Magdalena, e sant Lazer hac la
part de Jherusalem, e santa Martha ac Betania. E donc coma
la Maria Magdalena fos mot dalicada de son cors e sant Lazer
cavalgues, e santa Martha governava las partidas de sa sor e
de son frajre, e donava al frayre e a la sor e a las compa-
45 nhias so que mestiers lor era. Apres lo pojament de Nostre
Senhor Jesu Christ, els venderon totas las lors causas e pau-
seron lo pretz als pes dels apostois. E donc coma santa Maria
Magdalena habundes en riquesas, per la sua belesa,ela.seguic
la sua voluntat, per que foc appelada peccadoyra e perdec lo
50 nom que avia. Ë donc coma Jesu Christ presiques en aquel loc
e en autres, per la voluntat de Dieu, ela s'en anec a la casa
108 SAINTE MARIE MADELEINE
d'en Symon Lebros, la hon prèsicava Jesu Christ. Mas no s*au-
sava pausar entre los justes, per que se pausec dareyre los
pes de Jesu Christ. En laquai ela lava los pes [de] Jesu Christ
55 am las suas lagremas [V a] e los li esuga am los sens pels. E
pueys ela li honch los pes el seu cap am mot noble enguen
e plus noble que pot atrobar, per so coma las gens de la terra
usavon d'enguens, per la calor de[l] solelh, e se bayavon so-
ven. E donc coma en Symeon se pessec que, se Jesu Christ
60 fos propheta, que no se jequira tocar a la fenna peccadoyra,
Jesu Christ lo repres e perdonec los peccatz a la Maria Mag-
dalena. Aquesta es doncz aquela santa Maria Magdalena a
laquai Jesu Christ donec tans benfatz, e li mostréc motz se-
nhals d'amor, car d'ela gitec .[vi]i. demoni[s] e Tases en sa
65 amor, e la fec mot Ua familiar esahosta, e vole que fos la
procuradoyra sua en lo cami, e el la scusa mot humialment
davant los Farisieus que disseron que ela non era neda, e la
scusa a la sua sor que disia que era mot ociosa, e la escusa a
, Judas que dis que era degastadoyra. E quant la vie plorar
70 de son germa Lazer, Jesu Christ se plorec. Per amor de la
quai Jesu Christ resuscitec Lazer, lo seu frayre, que avia ja-
gutmort en lovas .nn. dias; e per amor d'ela sana la sua sor
santa Martha de la corrensa de l[aj sanch que avia perduda
.VII. ans. [b] Per merit de la quai, Marcella, sor de la sua
75 sirventa, dis que benaurat era lo ventre que l'avia portât. Se-
gon que [dis] sant Ambros, aquela foc Martha, e aquela foc
sirventa d'ela, e aquesta foc aquela que lavec los pes del Sen-
hor am las lagremas, e am los pels los li esuguec e amb en-
guens los li vugnec. Laquai en temps de gracia fec premiey-
80 rament penitensa, e elegic la mais nobla part, e sient als pes
del Senhor ausiclas suas paraulas, e vugnec lo cap del Senhor
ab unguens precioses ; dison alcus que foc crisma ; e foc en la
passio de Jesu Christ missatgera e apparelhec los enguens am
que vole honhier lo seu cors ; laquai nos vole partir d'el ni del
85 monument, se be s'en part[ir]on los autres dexeples ; a laquai
apparec premieyrament Jesu Christ après la resurrectio e la
fec messatgieyra dels apostols.
En lo temps de Tascentio de Jesu Christ, .xiiii. ans après
la passio de Jesu Christ, coma los Juzieus ja aguesson mort
90 sant Steve els autres dexebles aguesson gitatz de la terra de
SAINTS MARIB MADBLEINB 109
Judeâ, los dexebles s'en aneron en diveî^as régions, e aqui
els presiqueron la paraula de Dieu. Era en aquel dia am los
apostols sant Maximi, que era .i. dels .lxx. ii. [181 r** a] de-
xebles de Jesu Christ, alqual comandava sant Peyre santa
^5 Maria Magdalena, e en aquel scampament, sant Maximi e
santa Maria Magdalena e sant Lazer e santa Martha e na
Marcella, lor sirventa, e sant Cedoni, que era nat orb e foc
per Jesu Christ illuminât, totz ensemps àm motz d'autres gi-
tatz totz en unabarcha ses vêla e ses rems e pa e vi, ariberon
100 a Mansela. En lo quai loc, coma noj trobessôn qui los albre-
gues, e els se pauseren en un portxe comu a totas gens. E
donc coma santa Maria Magdalena vigues lo poble venir al
port, per so que sacreffiquesson a la ydola que aqui era,
santa Maria ana envas els, e am sas bêlas paraulas ela los
105 fasia partir de las erros de las ydolas, e presicava los forment
Jesu Christ, per que foron totz meravilhatz de la sua belesa
e del seu saber e de las suas paraulas. Apres aysso venc aqui
lo pri[n]cep de Proensa am la sua molher, per so que sacref-
fiquesson a las ydolas e que aguesson enfans ; als quais dis
110 santa Maria Magdalena, presican Jesu Christ, que no sacre-
fiquesson a la« ydolas. E alcus dias passas, apparec santa
Maria Magdalena a la molher del prencip, disent en visio :
a Digas a ton marit per quai raso [b] jequis los sans de Dieu
morir de fam e de set e de frech, e vos autres sias richs e
115 abunda[n]tz en tantas de riquezas. Sapias que mal t'en penra,
si no dises tost a ton marit quels fassa be. » Lasquals paraulas
no vole dire ela a son marit ; per que santa Maria apparec
tost al prencip en vesio, mot terreblament, disent : a Ho mal-
vathome, per quai raso, coma tu sias sadol, no dones a man-
120 giar als paures de Dieu, ni per que los laissas périr per fam
ni per set? Tu jaus en ton palays en ton lieg en bons draps,
be calent, e els son sens hostal, e moron de frech e de fam e
de set. Sapiatz que no scaparetz ayssi, enamio, per so coma tu
as perlongat tant que no as fach be. » En aysso ela s'esvalic,
125 Per quai visio la sua molher espaordida se desperta, e dis al
seu marit : « Senhor meu, as tu vista aquesta visio que ieu
hyey vista? » El marit li dis : « hoc. » Recomptar[on] la .i. al
altre so que era stat, per que lo marit dis : « Dona, qu'en fa-
rem ? )> E la dona dis : « Melhor causa es que nos fassam tôt so
110 8AIMTB MARIE MADELEINE
130 que ela vol que se vinem en la ira del senhor que ela presîca. n
Per que li doneron Tostal els feseron lor ops de totas causas.
E ayssi santa Maria Magdalena [V° à] presicava, el dich pren-
cip li dis : « Cugias te tu si poyras deffendre aquela fe que tu
presiquas? ».^E ela dis li: a leu soy apparelhada de deffendre
135 la fe de Jesu Christ am miracles e am presicatios de sant Pey re
nostre [maistre], que es aRoma.» E manten[en]tlo prencip li
dis :« Véc te que nos em apparelhatz de benesir als teus dieus,
si .tu nos acabas que agiam filh am lo teu dieu. » E adonc S^'^
M* lor autregiec e preguec Dieus per els que lor dones filh.
140 Per [que] ladona conceubec. En après lo prencip vole anar a
sant Peyre, per so que saubes la fe que S** M* Magdalena [pre-
sicava] si era veraja fe. Al quai dis la sua molher : « leu pre-
gui, Senhor, que no von anetz ses mi. » El prencip li dis t «No
fariej, Dona, que vos seretz prens, e en lamar ha grans pe-
145 rilhs, per que demoretz en la casa, e pessaretz de las nostras
fasendas. » Mas coma ela no volgues demorar, santa Magda-
lena los pausalo senhal de la crotz en los muscles, per so quel
antic enemic nols pogues moure en res ni enpachar lo cami.
Per que els se meseron en una nau am mots de bes, e totas
150 las autras causas que avian els jequiron en garda de S** [b]
W^ Magdalena. E quant agron anat .i. dia per la mar e una
nuech, la mar s'enfla per tempestat, ayssi que foron totz tre-
balhatz, en tant que la dona hac Tenfan que porta va, e man-
tenent ela moric. El enfan plorava e palpée las popas de la
155 mayre sua. E donc coma no agues que manjar, lo payre foc
trebalhat per amor de la mayre e del filh e dis :« Hoy hoy me l
E que fariey? Caytiu I filh deysiyaves; e ara as perduda la
mayre el filh. » Els marinies disseron : « Gitem aquest cors
en la mar, davant que periscam totz, car aytan coma nos lo
160 tengam, la tempesta no cessara. » E ayssi coma els prenian
lo cors per gitar en la mar, lo prencip lor dis : <( Speratz nos
veiam se ela es viva o si per dolor se fos esmortida. » E ayssi
coma els stavon en aquestas paraulas, un mu[n]t lor apparec
en la mar, per que disseron : «Mot [val mais] que nos lo gitem
165 en aquel loc que sel gitavam en la mar. » E ayssi els pauseron
ela el enfant envolcatz en un mantel en aquel mu[n]t. E ayssi
coma lo prencip los pausava aqui, el dis : a 0 Maria Magda-
lena, per quai raso yes tu venguda a Mansela a la mia per-
i
8AINTB MARlB MADELEINE 111
dicio? que per la tua amonestatio soj ieu en aquelh perîlh, e
X*70 ma molher es [182 r® a] morta e mon filh. Velat asi; a Dieu
e a tu la comandi,ajssi coma te comandiej las autras causas ;
agias merce d'ela per so que no perisca Tenfant nat. » Ecobrit
la am lo mantel e la jaqui en aquel loc, e pogia s'en en la
nau. E quant foc vengut a sent Peyre, e sant Peyre lo vie
175 que portava lo senhal de la crotz, e el li demandée qui era ni
don venia. El prencip li recomptée tôt lo seu fach per orde, e
sant Pejre li dis : a Patz sia am tU; ben sias vengut, bon cos-
selh as, tu no sias irat si la tua molher dorm, ni sel seu âlh
se pausa amb ela ; car poderos es Dieus que dona tôt so que
180 pot tolre, e pueys que o ren, e pot la tua tristor en gaug tor-
nar. » En après sant Peyre menée lo prencip en Jherusalem e
en totz locz bon presiquet Jesu ni bon fec miracles, e al loc
bon sofiric passio e la bon s'en pojec al[s] cels. E coma fos
per sant Peyre ensenbat en la fe, per spasi be per .n. ans, el
185 se mes en la nau per tornar en sa terra. E ayssi coma el anava
per la mar, Dieus volent, els vengron al loc bon avia pausada
la sua molher am Tenfant ; e atanseron âe, e quant foc de
prop, el vie Tenfant que jugava am peyre- [A] -tas. E ayssi
coma el lo vole penre, Tenfant lifùgic e anec mètre [se] sotz
190 lo mantel de sa mayre bon era cuberta, e près la popa a po-
par ayssi coma solia ; e quant aysso vie lo prencip, el dis : « 0
Maria Magdalena, e coma me séria be près si la mia molher
resuscitaval Ieu cresi certament que tu que as noyrit Tenfant
potz ela resuscitar, set vols. » E aquestas paraulas dichas, la
195 sua molher se leva ses tôt mal, disent: « De gran merit es,
S^*^ Maria Magdalena ; benezecta sias tu, que me as donat so
que volia e m'as de mort resuscitada ! » Dis lo prencip : « Mo-
lher mia, yes viva ? » Ela respos : « Sapias, senhor, que hoc ;
viva [son], e son anada e stada en totz aquels locz hon tu yes
200 stat am sant Peyre, e aqui m'a tota hora acompanbada S**
Maria Magdalena, » Apres aysso els s'en torneron en la nau
e vengueron a Mansella. E aqui els atroberon sant Maximi
e S'* Maria Magdalena am los seus disciples presicant. E pan-
sant se am los seus, els li reco[m]pteron tôt so que esdeven-
205 gut lor era, e receberon babtisme ; e sopde els destruyron los
temples de las ydolas, e faseron aqui motas gleyas, e feseron
[V* a] avesque de la ciutat de Mancella sant Lazer. En après
112 SAINTB MARIB MADBLBINB
els vengron en la ciatat d'Àchs, en la quai convertiron tôt lo
poble ; e aqui [faseron] avesque sant Maximi. E S^* Maria Mag-
210 dalena s'en anec per ermitatge en une balma que 11 aminis-
treron los angels. E ela stec aqui per spasi de .xxx. [ans] non
conoguda. En loqual loc no hj [avia] ajgua ni erba ni albres,
per que foc manifest que Dieus 11 doneo a mangiar e la acom-
panhec alegrament cascun dia. E en .vii. horas del dia era
215 leva[da] enTajreper los angels, en tant que ela ausia los cans
dels angels claramentcantans. E ajssi cascun dia ela era ale-
grada per Dieus e per los angels.
Ffoc a. capela que estava en ermitatge prop de la .xii. le-
gas. Vie un dia en quai manie jra los angels venian, ni coma
220 la levayon en Vajre, ni coma la tornayon cantan en son loc.
E coma lo capela yolgues anar en aquel loc, quant foc prop
del loc, no poc anar ; per que s'en tornec, per que conoc que
Dieus no yolia que el hjanes. E nominat lo nom de Dieu, el
dis : a leu te conjuri per Dieu que, si tu yes home o autra
225 creatura en aquesta balma, que me respondas e que me digas
[b] yeritat. » Pef que S** Maria Magdalena li respos, disent :
« Veyne costa mi e poyras saber yeritat de so que desiras. »
E quant foc prop d'ela, ela li dis : « Menbra te que dis en Tayan-
geli d'aquela Maria peccadojra que leyec los pes al Senhor am
230 las lagremas e am los pels los li esuguec, per que Dieus li per-
donec sospeccatz ? d El capela li respos disent : a Ben soy mem-
brat, he a be .xxx. ans despueys que ayssi foc. » — « Hieu soj
aquela, que hyey ayssi estât per .xxx. ans, que no byey vist
home carnal sino los angels del mieu senhor, quem donec
235 aquel gaug que tu as yist. E car es a mi reyelat que ieu devi
morir, yay tost a sant Maximi, digas [li] que en lo dia del di-
menge el intre en lo oratorii tôt sol, c'aqui me atrobara, que
los angels m'i auran menada près Jesu Christ. » E mantenent lo
capela s'en anec a sant Maximi, e recompta li tôt soquela dona
240 li ayia dich. Per que sant Maximi am gram gaug fec gracias
a Dieu. E en aquel dia, en aquela hora, el intrec tôt sol en lo
oratorii, e yic en cara S^*^ Maria Magdalena, e estaya ela leyada
dos coydes sobre terra, el mieg dels angels^ am las [183 r" a]
mas junchas, Dieu pregant. E donc coma sant Maximi no
245 s'auses a ela propriar, ela li dis :« Veyne sa, sant Payre, estay
prop de la tua ûlha. » E aysfld coma el la regardaya en la cara,
SAINTS MARIE MADELEINB 113
no poc sostener, per la gran cïardàt de la sua vista, que fia-
mejava coma solelh.E apelec totz les clergues el capelajadioh
e ela près Jesu Christ del avesque, plorant humialment. Ea
250 après la sua santa arma s'en anec a Dieu. En loqual loc foc
mot gran odor sentida per .vii. dies per totz aquels que la yn-
travon. Sant Maximi sebelit lo cors gldrios mot honradamen,
es mandée sebelir de co«ta d'ela quant séria mort.
En lo temps de Caries Magnus, en Tan de Nostre Senhor
255 v.cc.xL.viii., en *GHrart duch de Britasia, coma no poc aver
ôlh de la sua molher, am gran voluntat el dônec las suas
causas als paures, e fec motz monestiers e motas gleyas bas-
tic, e coma el agues bastit lo monestier de Vizelia, el trames
al abat del monestier .i. monge am covinent companhà en
260 la ciutat d'Achs, per veser si poyria portâr de las riquesas de
S** Maria Magdalena. E quant lo monge foc vengut a la dicha
ciutat, el latrobec destruida per pagans ; [à] e per ventura el
atrobec lo sépulcre de S** Maria Magdalena, en loqual era lo
seu cors, e en lo vas dins era la sua ystôria depîntada mere-
265 vilhosament. E una nuech el obric lo seu vas e porta ss'en lo
seu cors al hostal.
En aquela nuech, S*a M* Magdalena apparec al monge, di-
sent : « No agias temor, acaba tôt so que has comensat. » E
quant el foc vengut prop del monestier miegia lega, no se
270 pog[ron] moure las riquesas, entre que Tabat am los monges
del dich monestier foron vengutz e honradament porteron lo
seu cors, Dieus loant.
Era .1. cavalhier que cascun an venia al cors de S*' Maria
Magdalena, e foc pessegiat en una batalha. E ayssi coma los
275 parens lo portavon, e eron mot dolens per so coma era mort
ses coffessio, e ayssi coma els stavon mot dolens, lo cavalhier
resuscitèc davant totz e appelhec davant si lo capella, e
quant se foc cofessat e ac combrégat, la sua arma s'en anec
a Dieu mantenent.
280 Una nau que era carregiada de homes peric per naufrag. E
donc coma una fenna fos prens e vigues lo perilh de la mar,
ela réclamée a S*' Maria Magdalena aytant aut coma poc, e
fec vot [V^ a] a Dieu que si ela [la] deliurava del perilh ni que
pogues aver lo fllh, quant séria gran lo faria'sérvidor[del] seu
114 SAINTE MARIE MADELEINE
285 monestîer. Per que manten^ li apparec .i. dona honestamen
vestida, que la portava a la riba de la mar ses mal. En après
la fenna ac T enfant e complit son vot faselment.
Disent alcus que S** Maria Magdalena foc esposada de sant
Johan evangelista, laquai avia presa per molher. Adoncz
290 coma Jesu Christ lo s'apelec de las nossas, e donc per aysso
ela foc molt irada, per so coma li avia lo toit lo seu spos. Per
laquai causa ela pecquet. Mas coma no foc raso quel apela-
ment de sant Johan fos occasio del [seu] perdiment, Jesu Christ
la convertie misericordiosament e li fec far penitensa. Car el
295 Is» partie dels deletz carnals, per aysso el li donec motz de-
lietz spirituals en la sua amor. Es dich que per ajsso honra
tant sant Johan davant totz los autres, car el lo partie dels
delietz de la santa dona.
Ffoc .1. baro que res no vesia, e donc coma el vengues al
300 monestier de Visiliaco, per visitar lo sant cors de Maria Mag-
dalena, quant lo seu guiador 11 dis que el vesia [la gleja], el
crida autament : « S*» Maria Magdalena, plassa te que ieu ve-
gia la tua [b] gleya ! » E mantenent el vie la gleya.
Hun home, dementre que scrivia los sens peccatz en una
305 carta, quant li los hac scritz, [pausec la carta] sotz los draps
del autar e preguec S*» M* Magdalena que li empêtres perde
dels sens peccatz, e quant el près la carta, el trobec totz los
peccatz delitz de la carta.
Era .1. home que per demanda de deners era près en ferrs.
310 Per que réclamée soven S*» M* Magdalena que li valgues. En
una nuech li apparec una fenna que li trinquet la pepreysso,
el gitec de la carsser, a el disent : a Fug.» E quant se vie de-
liurat, el fugit.
Era .1. clergue de Flandres, per nom Steve, he era home
315 a qui plasia tôt mal affar, e era home fort dissolut e de veritat,
e li desplasia de ausir presich far be ; mas avia gran devocio
en S*' M* Magdalena, e dejunava e colia la sua festa. E donc
coma el visites lo seu sépulcre, S**' Maria Magdalena li appa-
rec am .II. angelsque la sostenian, e dis li: « Per quet cofi-
320 savas en los meus merits, tu Steves, e no as dolor dels teus
peccatz ? Depuejs que tu comensies a aver devocio en mi, ieu
hyey pregat Dieus per tu ; leva sus donquas he penet te de
tos peccatz, e ieu no te defampa[ra]riej entre que sias a Dieu
MANUSCRITS PROVENÇAUX 115
reconsUiat. » [184 r® a] Per (Jb« lo clergue mantenent s'en
325 intrec en una religio, e foc home de mot perfiecha vida, e en
la sua mort foc vista S*a Maria Magdalena costa lo seu lieg,
am motz angels stant a la sua arma, que s'en pogiec coma la
coloma el cel.
C. C.
(A suivre.)
SUR QUELQUES MANUSCRITS PROVENÇAUX
PERDUS OU ÉGARÉS
[Suite)
XXI. — Poëme composé par Albusson de Gourdon à la louange d'Aymery
de Narbonne
On lit dans Fauriel, Hist. de la litt, prov., II, 417: « Le sa-
vant Catel possédait une copie et cite quelques vers d'un se-
cond roman sur les exploits de ce même Aymeric [c'est-à-dire
du premier Aymeric de Narbonne, le prétendu auxiliaire de
Charlemagne dans ses conquêtes sur les Sarrazins]; roman qui
avait été composé en 1212 par un troubadour nommé Aubus-
son, de Gourdon, en Quercy. »
Il y a dans ces lignes une double erreur. Ce n'est pas Catel,
c'est Caseneuve qui a mentionné, dans le Franc Alleu de la
province de Languedoc, p. 37 de la 2* édit. (Toulouse 1645),
comme lui appartenant, le roman dont il s'agit, et qui en a rap-
porté six vers. De plus, il ne résulte nullement du peu qu'il en
dit que ce roman fût consacré à glorifier les exploits du lé-
gendaire Aymeric de Narbonne. Voici le passage entier :
« J'ay chez moy un poëme en langue provençale manuscrit,
rimé grossièrement comme sont les romans de ce temps-là,
composé par un poète de Gourdon en Quercy nommé Naibus-
son, à la louange d'Aymery, vicomte de Narbonne, et d'Ar-
naud, archevesque de la mesme ville, c'est-à-dire environ l'an
M.ccxn., dans lequel il dit, entre autres louanges de la ville de
Narbonne, qu'elle sera toujours de la loy romaine :
Dint la honrada ciutat de Narbona
A oui dieus don aventura bona
116 MA19USCKITS PROVBNQAUX
Qu'ella es moût nca e bonrada
E de pros homes es poblada
Et aîtant quant lo segle durara
De la leg romana sera. »
Qu'est devenu ce ms. de Caseneuve?
Le même savant, dans ses divers ouvrages, cite assez fré-
quemment d'autres textes provençaux, comme le roman de
Girart de RossilloUy et des chansons de maints troubadours,
Guillaume IX, Jaufre Rudel, Giraud de Borneil, Folquet de
Marseille *, le moine de Montaudon, Peire Cardinal, Peire
Vidal, Sordel, etc.; mais c'est d'après des mss. que nous pos-
sédons encore.
XX II— Poëme sur la prise cPAlmérie
Fatiriel, que j'ai cité tout à l'heure, mentionne sous le titre
ci-dessus {Hist. de la liit, prov., III, 510) un autre poëme pro-
vençal, aujourd'hui perdu, et qui au XVI1« siècle existait en-
core. Malheureusement ce qu'il en dit n'est rien moins que
sûr. Son unique garant, qui e§t Gariel, ne dit pas en quelle
langue le poëme en question était composé ; et, comme cet
auteur parle en l'endroit cité {Idée de la ville de Montpellier,
3® partie, p. 119), de deux poèmes dont le premier, duquel il
rapporte huit vers, est en latin, il semble y avoir lieu de
croire que le second l'était aussi. Voici, du reste, ses propres
paroles: « Un autre vieux poëme que je ne tiens pas fort as-
suré, fait battre ce jeune prince [Guillaume VI de Montpel-
lier] en duel avec un officier more qui bravoit en Goliath nos-
tre armée, et le représente sans main et sans teste à ses pieds
après de grands efforts de valeur et de courage. »
XXIII. — La Canso de san Gili
Tel est le titre donné par Du Mège a un poëme provençal
* Je noterai en passant que Caseneuve a émis, au sujet de ce dernier trou-
badour, une idée assez singulière et à coup sûr fort inattendue de la part d'un
ecclésiastique: cil semble, dit-il, que la Wovidence divine ne lui eût pas tant
procuré la dignité d'evesque de Toulouse pour y abattre, par ses soins et par
ses prédications, l'hérésie des Albigeois que pour y relever par son exemple la
gloire de la poésie provençale. » (Origine des Jeux fleur eaux, p. 60.)
MAUTOORITS PROVENÇAUX 1X1
sur lA première croisade, dont Texistence n'a malheureuse-
ment d'autre garant que celle de cet écrivain si peu digne de
confiance, car on ne sait où se trouve le ms. dont il prétend
s'être servi. Aussi n'inséré-je pas ici sans hésitation ce qu'il
en rapporte, car il pourrait bien l'avoir inventé, comme il a
inventé tant d'autres choses.
Ces réserves faites, voici ce que nous apprend Du Mège de
la Canso de san Gili :
Histoire de Languedoc, t. VI (1843), add., p. 39 : a La Canso
de san Gili, poëme inédit en langue romane, conservé autre-
fois dans la bibliothèque des Cordeliers de Toulouse, et dont
on possède une copie, faite en 1779, mentionne un Arnaud de
Grava qui aurait assisté à la prise de Jérusalem en 1099,
avec le comte Raymond de Saint Gilles, dont il portait la ban-
nière. Ce poëme était composé de soixante et douze strophes,
mais il en manque un assez grand nombre ; la xxxviii* est
ainsi conçue :
E fo presa la vila l'assàlt aytal * darrier
E 11 Toisas i son ab gran alegrier
A la tor an mandat par lo siu * messatgier
Que rendiitz se volen al coms trop volentier
Glazi ni sanc ni mortz destrucz* ni flamier*
No doptan ni dalcu no seran caitivier
E lo an recebutz ^ senhor et domengier
Lo coms que* fait pausar sos lo mur bathaler ^
El 80 bel auriban la ont y* fa mestier
Per so drutz e liais * e discret gai aubier
En Arnautz de Grava li discret *® cavalier
D*un castel rie e fort en des** de Momspelier *2
E lo pais navia senhor tan sobrancier
Fors Narnautz Vilanova, savis e dreiturier
Quera drutz den Ramon e lo siu** escudier.
Ces quinze vers sont reproduits, sauf quelques variantes
fournies sans doute par Du Mège, et que j'ai indiquées en
note, au t. VI, 2« partie (1844), p. 12, des Galeries historiques
* Aital. — * sieu. — 3 destructz. — * flammier. — 8 ressaubut. — « qua. —
ï ballaiiler.— * lo hont i. — * feals.— *o I valen.— •* dels dex. — *• Monspe-
lier. — *' sieu.
118 MANUSCRITS PROTBNÇAUX
de Versailles (article d'Arnand de Grave). Ils y sont précédés
des lignes suivantes, qui ont dû être aussi^ en substance tout
au moins, communiquées par Du Mège, et qui ajoutent quel-
ques détails à ceux qu'on a lus plus haut, cr Un poëme iné-
dit, en langue romane, ayant pour titre la Canso de san Gili,
raconte le départ de Raymond, comte de Toulouse, pour la
Terre Sainte et ses exploits dans ce pays jusqu'à sa mort. Ce
document curieux, dont l'auteur affirme avoir suivi Raymond
en Orient, donne des détails sur la prise de Jérusalem et la
reddition de la Tour de David aux chevaliers toulousains. On
lit dans la strophe qui raconte ce fait...» Suit la traduction des
vers ci-dessus transcrits. On ajoute, en note, avant d'en don-
ner le texte : « Le ms. de la Canso de san Gili, provenant de la
bibliothèque du couvent des Cordeliers de Toulouse, est pu-
blié en ce moment dans les additions et notes de la nouvelle
édition de Y Histoire de Languedoc de D. de Vie et de D, Vaissète,
par Alexandre du Mège, inspecteur des antiquités à Tou-
louse. »
Le fait est, quoi qu'on en dise ici, peut-être encore d'après
une communication de Du Mège lui-même, que celui-ci ne
publia jamais de la chanson, réelle ou prétendue, de San Gili,
que les quinze vers imprimés au t. VI de V Histoire de Lan-
guedoc» Seulement il avait déjà, dans ses additions au t. III,
pp. 108 et 110, donné la traduction d^une a strophe » et le
sommaire d'une autre, et en outre les noms de plusieurs des
chevaliers de Languedoc qui figurent dans le poëme. Je crois
devoir transcrire le tout, afin que rien ne manque ici de ce
qu'il a daigné nous apprendre de la Canso de san Gili.
T. III, add., p. 108 : «L'auteur delà Canso de san Gili^ dit
peu de chose de la bataille de Dorylée.Il montre l'étonnement
que les soldats de Provence ressentirent en voyant leurs
frères enveloppés par l'ennemi, et déjà les femmes, les enfants
et le peuple, emmenés en esclavage. Voici la traduction de
l'une des strophes relatives à ce combat célèbre :
(( Quand l'évêque (Aymard) vit les soldats de France enve-
« Jusque-là du Mège n'avait pas parlé de cet ouvrage, et il le cite ici
comme si le lecteur le connaissait déjà. Ce n'est qu'au t. VI qu'il juge à pro^
pos d'en indiquer, comme on l'a vu, la nature et la provenance.
J
MANUSCRITS PROVENÇAUX 119
loppés par les payens, il appela; à lui tous les nobles barons,
et il leur dit : « Barons, vous voyez que l'ennemi environne
le camp de nos frères en Jésus-Christ et emmène déjà leurs
femmes, leurs petits enfans et le peuple. Souffrirez-vous, sei-
gneur comte, et vous tous, que cette honte nous soit attribuée,
que nous avons laissé nos compagnons mourir sans venir à
leur secours, et les femmes, les enfans et le peuple emmenés
S0U3 nos yeux en esclavage? — Nous n'a urons point cette honte
dont vous parlez, dit alors le comte de Saint Gilles. Allez, sei-
gneurs barons, et vous tous, marchez sous la croix, et criez :
Toulouse ! Car c'est pour la croix que nous avons abandonné
nos biens, et encore pour que Toulouse soit toujours protégée
du Ciel. Et tous ayant levé les lances prirent leur course vers
le camp des payons. »
« Dans une autre strophe, le poëte raconte que saint Gilles et
saint Robert, saint Demetrius et saint Georges furent aperçus
armés dé toutes pièces, montés sur des chevaux blancs, et
mettant en fuite les Turks. Les chroniqueurs disent qu'après
la victoire, les Croisés invoquèrent saint Georges et saint Dé-
métrius, qu'on avait vus, disait-on, combattre dans les rangs
des chrétiens. Il faut, d'après notre poëte, joindre aux noms
des deux saints invoqués ceux de saint Gilles et de saint Ro-
bert ; l'un qui avait imposé son nom a un lieu dont Ray-
mond IV était comte, et l'autre qui était le saint protecteur
qu'il avait choisi, sur le tombeau duquel il était allé prier à la
Chaise-Dieu avant de partir, et dont il portait avec lui la
tasse comme une précieuse relique. Dans la suite, les Armé-
niens construisirent une église près de Dorylée : ils s'y réu-
nissaient chaque année, le premier vendredi du mois de mars,
et croyaient voir apparaître encore saint Georges à cheval et
la lance à la main, o
P. 110 (note 43). « On trouve dans la Canso de san Gili le
nom de Bernard de Pardilio et de beaucoup d'autres cheva-
liers du Languedoc, et principalement de Toulouse, morts en
combattant glorieusement dans la Palestine. Parmi ces noms
on distingue ceux de Bernard de Roasse (Roaix), Bertrand lo
Ros (le Roux), Hugues de Limos, Adalbert de la Mothe, Pons
Isalbert, Jean d'Aurival, Raymond Palais, A. de Villeneuve,
Jean Joannis, Hugues de Marcafave, Geraud de Castillon,
120 MANUSCRITS PRaVfi^ÇAUX
Jean de Lordat, Rostaing deMontaigut, et d'un grand ûom-
bre d'autres. »
XXVI. — Manuscrits de Philomcna
On connaît deux mss. anciens^ de ce roman provençal, dont
personne ne paraît encore avoir songé, bien qu'il ne soit pas
très-long, à nous donner une édition complète. Du Mège, qui
en a publié de longs extraits dans les notes de son édition de
V Histoire de Languedoc, t. II, Add., pp. 16-32, en avait vu, à
ce qu'il affirme, et en a utilisé, comme il paraît par les va-
riantes données au bas des pages, un troisième dont il parle
ainsi : o Le troisième ms. provenait, d'après une note assez
ancienne, écrite sur le verso du premier feuillet, de l'abbaje
de Saint-Savin, diocèse de Tarbes. Plusieurs pages en ont été
enlevées au milieu et à la fin de ce volume, qui est un petit
in-4°. Les leçons sont le plus souvent conformes à celles de la
copie de Doat. »
Si ce ms. a vraiment exiété, — car le témoignage de Du
Mège ne saurait être, sur aucune question, de ceu^ que l'on
accepte les yeux fermés, — sait-on ce qu'il est devenu?
Un peu plus tard, le même Du Mège présenta à l'Académie
des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, un au-
tre ms. de Philomena. Je dis un autre, car il ne semble pas,
d'après le peu qu'on en dit, que ce pût être le même.
« M. du Mège présente à l'Académie un très-beau ms. de
Philomena. Ce ms. est le mieux conservé, le plus complet que
l'on connaisse. Il paraît d'ailleurs qu'il ne sera pas enlevé au
midi de la France. » {Mémoires de l'Acad, des sciences de
Toulouse, 3« série, t. VI (1850), p. 145.)
On ne dit pas si ce ms. est en latin ou en provençal. Peut-être
est-ce le même que celui qui existait, du temps de Montfau-
con, dans la bibliothèque du conseiller Ranchin, de Montpel-
lier, et dont il est fait mention en ces termes dans la Bihlio-
theca BiSliothecarum (II, 1283):
«Gestes de Charlemagne devant Nostre Dame de la Grasse,
très-ancien pour le caractère et pour le langage. »
* Un à Paris, B. N., n* 2232; l'autre à Londres, British Muséum, add.
21218. Il existe deux copies de ce' dernier, qui passe pour le meilleur : l'une
à Paris, dans le recueil de Doat, t. Vil; l'autre à Aix, bibl. Mejanes, no 143.
MÂNtmCRITS PROTBNÇAUZ ISl
La Bibliothèque des romans^ dans le premier volume d*octo-
bre 1777, donne une analyse de ce même roman de Philomena,
d'après un ms. dont Tauteur de Tarticle parle ainsi :
P. 116. a Le hasard nous Ta fait déterrer dans la poussière
d'une immense et respectable bibliothèque, dans laquelle
même il n'étoit pas connu, et c'est dans sa langue primitive
et originale que nous l'avons trouvé. Cette langue n'est pas
celle dans laquelle sont écrites les poésies des anciens trou-
badours, mais le jargon.du bas Languedoc, du Quercy et du
Périgord. L'écriture a été jugée être de l'an 1200. ...»
P. 156. « Le ms. précieux d'après lequel nous avons tra-
vaillé n'est pas tout à fait complet ; il y a des transpositions et
quelques lacunes ; cependant, à la faveur des faits qui y sont
décrits, on peut suppléer à ceux qui sont omis. » Suit l'analyse
du roman.
P. 169. « Le ms. du roman sur lequel nous venons de tra-
vailler n'est pas tout à fait fini ; cependant il est aisé de juger
qu'il y manque très-peu de chose. . . • d Suit un extrait du ms.
Quelle est cette « immense et respectable » bibliothèque où
fut déterré le ms. en question?
Le mot respectable fait penser à une bibliothèque monasti-
que. Il y aurait.peut-être lieu, dans ce cas, d'identifier ce ms.
avec celui de St-Savin. On ne peut songer à celui de la Grasse
(aujourd'hui British Muséum, add. 21218), qui est sans lacunes,
ni à celui de la B. N., où le commencement fait défaut, ce qui
n'était pas le cas de tjelui dont il s'agit*. Pour aider du reste
à résoudre la question, ou tout au moins pour permettre une .
comparaison à ceux de mes lecteurs qui, étant en situation
de consulter ces deux derniers ms3., n'auraient pas sous la
main la Bibliothèque des romans, je reproduis ici, tel quel,
1 S'il fallait s'en rapporter à l'analyse du rédacteur anonyme de la BibL des
romans, son ms. aurait même débuté par l'histoire fabuleuse du siège de Car-
cassonne, de la soumission, du baptême et du mariage de Carcas, dame de
cette ville, telle qu'on la lit dans Besse {Hist. des antiquités et comtes de
Carcassonne,p, 52), et, dans ce cas, on ne saurait non plus l'identifier avec
celui de St-Savin. Mais il y a lieu de croire que c'est là une addition de l'ano-
nyme.
9
122 MANUSORITS PROVENÇAUX
Textrait donné par ce recueil, où malheureusement le folio du
ms. n'est pas indiqué.
P. 170-172. (( Ementre aquest sant home cantava la messa,
vengo aqui quatre homes ceqdelongas terras et la unfo d'Ala-
mynha et l'autre de Rainaborc et l'autre de Peyragorg. Et
portée casqu d'elhs un civi ardent en la ma. Evengro a la
capela, et cridero autament : Verge Maria, mayre de Diou
glorisa, ret nos salut. Car aquest sancte loc em vengutz cofi-
sans de la tua misericordia. Car la sanctetat d'aquest loc e la
bonessa delhs sans homes hermitas que aissi so es pertot lo
mon publicade pregan la tua misericordia. . • .
» Mais Thomas elhs autres hermitas cant los ausiro aissi
cridar meseros totz en oro e pregeron Dious per elhs que
Dious lor done salut; E mentre Thomas levava elh cors de
Jesu Christ a la messa pêne tan gran clartat delh celh que a
totz avigayre visiblement que Dieux elh meseys fas a qui des-
xendutz entre elhs. E vene une gran otz delh celh et dix a
Thomas esxausida es la tua pregaria darant Diou et aitantot
cobrero lur vista, e feron gracias a Diou. Fait aquest miracle
in pressentia de Karles, etc. b
Ce morceau ne se trouve pas parmi les extraits de Du
Mège. 11 s'y placerait p. 21, col. 1, immédiatement, à ce qu'il
semble, après la ligne 41.
XXV. — Poème sur la Croisade albigeoise et autres livres concernant
les Albigeois et les Vaudois.
Joseph Scaliger écrivait à Simon Goulard, le 9 mars 1604:
« Je vous prie de faire en sorte que M. Chamier nous donne
l'histoire des Albigeois, et de l'advertir, comme j'ai faict, de
se servir du livre de M. Constans de Montauban, et de ne mes-
priser point ce conseil *. »
On lit, d'autre part, dans le Secunda Scaligemaa {Coloniœ
Agrippinœ, mdclviii, p. 54):
c( M. Constant, ministre de Montauban, a un livre en rime
qu'a écrit et composé un Baron, car il est de vieille écriture
^ Lettres françaises inédites de Joseph Scaliger j publiées et annotées par
Ph. Tamizey de Larroque, p. 380.
I
MAKtJSCRTrs PROVENÇAUX 11^3
de ce temps là* Ce baron étoit avec le Roy Louys et son pré-
décesseur, et faisoit la guerre aux Albigeois : il écrit en lan-^
gage de ce pais là, et vieux. M. Constant Tentend, et dit^ des
Albigeois qu'ils étoient si méchans qu'ils disoient que le saint
Père étoit la bête de l'Apocalypse ; ils ne vouloient point
de Messe, point d'Eau-bénite, nioient le Purgatoire et telles
choses, et raconte là toutes leurs méchancetez. Il y a encore
en ces païs là beaucoup de ces livres, mais entre les Jésuites :
j'en ay quelques-uns. Constant disoit que les Italiens
avoient leurs mots pris du langage de Quercy, qui est le plus
ancien, vu que celuy dont se servoit Moïse etoit le même ....
Il a maintenant 75 ans. »
Voilà tout ce que nous apprend Scaliger du « livre de
M. Constans. » C'est bien peu; mais c'est assez pour que nous
soyons sûrs qu'il s'agissait d'un ouvrage différent de la Chan-
son de la Croisade, publiée successivement par Fauriel et par
M. Paul Meyer, et cela doit rendre d'autant plus vifs nos re-
grets de l'avoir perdu.
Quant à ces autres livres, dont Scaliger lui-même « avait
quelques-uns » , il est fâcheux qu'il ne dise pas pas précisément
de quoi ils traitaient. Un de ces livres lui avait été douné en
1602 par Charles Labbé. C'est du moins ce qui semble résulter
de ce passage de sa correspondance (/. Scaligeri epistolas,
1627, p. 632): « Gratias, Karole, de libelle Albigensium ago.
Diu frustra qusesivi. Itaque hoc me munusculo beasti. Cha-
merius quaedam de Albigensibus sub prselo habuit. Sed prses-
tare omnia quse de illorum gestis pollicebatur, destitutus
scriptoribus illorum temporum, non potuit. »
Charnier renonça, en effet, à poursuivre son dessein, car
Scaliger écrivait le 26 mars 1604 à Simon Goulard [Lettres fr.
inéd,, p. 381): « J*adjouste qu'il vous plaise de retirer de
M. Charnier tout ce qu'il a recueilli des Albigeois, et en faire
un bon livre, car vous estes propre à faire cela*. Il est vrai
' Probablement Tauteur du livre en question, et non pas « M. Constant. »
2 Les documents recueillis par Charnier passèrent aux mains, non de Si-
mon Goulard, mais de Perrin, qui les utilisa pour sou Histoire des Vaudois
et des Albigeois (Genève, 1618j et en publia des fragments à la suite. Voyez
A. Muston, V Israël des Alpes, t. IV, Bibliographie, pp. 6-7.
134 MANUSCRITS PROVENÇAUX
qu'a i a des livres de ces Albigeois esoriz en langage de
Goienne et Languedoc que vous n'entendrés pas bien, si on
ne vous les explique. »
Scaliger, au reste, comme Charnier, et comme, à ce qu*il
semble, tous ses contemporains, confondait les Albigeois avec
les Yaudois, et il se pourrait fort bien que, parmi les livres
dont il est question, il n'y en eût aucun d'albigeois. Du moins
ne voyons-nous figurer que des livres vaudois dans le passage
ci-après de Marnix de Ste-Aldegonde \ en marge duquel on
lit : (( Ces livres se trouvent en parchemin escrits à la main de
fort ancienne lettre en la bibliothèque du sieur Josephe de la
Scale. Et entre les mains de divers ministres des Vallées
d'Angrogne. Et du sieur de Sainct Ferreol, ministre d'Oran-
ges. » — a L'on trouve encor aujourd'hui de leurs livres [des
Albigeois] escrits en parchemin, en l'ancienne langue proven-
calle et de Languedoc : si comme la prière à la Sainete Tri-
nité, faicte en façon de rithme, qui commence ainsi : 0' Dio
paire etermal poissant conforta me, etc. Leur confession faicte
au Roy des Roys, qui commence : 0 Dio de li rey, et setgnor de
li seignor, yo mi confesso a tu, caryo soi cel peccador que fay
mot offendu, etc. Et leurs sept articles de foi, dont la préface
commence ainsi: Los articks de la fe catholica sont set, per li
cal li cor de li eleit son enlumena a creire totas à (sic) quellas co-
sas, que son necessarias à rincaminant al règne de la benuranze
etemal, etc. Et plusieurs autres livres et discours semblables:
si comme le traicté des Dix Commandemens, TEschelle de
Jacob, contenant les trente degrés pour monter au ciel, les
Quatre paradis, la Noble leçon, contenant le sommaire de
rhistoire du Vieil et du Nouveau Testament, les traictés des
Tribulations des justes, de la Consolation, du Mespris que
l'homme doit avoir de soi mesme, pour parvenir à la vie éter-
nelle : et plusieurs sermons escrits en la mesme langue'. . . »
' Premier tome du Tableau des differens de la Religion. . . recueilly et
compose par Philippes de Marnix, seigneur du mont Sainete Aldeg onde.
La Rochelle, 1601, 3e partie, chap. xu, fol. 188. Cf. Léger, Histoire des
églises évangéliques . , , des vallées vaudoises,ly 25.
> Des ouvrages ici meûtionnés, il y en a trois ou quatre que je n*ai vus ci-
tés nulle part ailleurs, du moins sous ces titres. Ce sont, en premier lieu,
VEschelle de Jacob et les Quatre Paradis, Peut-être ce dernier titre est-il
MAiraSQRlTB PROVBNÇAini: 125
On sait que rUniversité de L^jde hérita de la bibliothèque
de Joseph Scaliger. Les livres vaudois et albigeois, — si réel*
lement il y en avait de ces derniers, — qu'a possédés l'illustre
philologue devraient s'y trouver encore.
XXVI . — Livres des Béguins
Les sectateurs de Jean Olive, autrement dits ks Béguins,
ne furent pas, on le sait, poursuivis moins rigoureusement par
rinquisition que les hérétiques albigeois. Ils avaient des li-
vres en langue vulgaire, aujourd'hui perdus, comme ceux de
ces derniers, et sur lesquels il n'est pas inutile, par consé-
quent, de recueillir les témoignages que l'on possède. Voici
les seuls que je connaisse. Je les ai trouvés dans le Liber sen-
tentiarum Inquisitionis Tholosanœ.
P. 300. (( Item pluries audivit [Rajmundus de Buxo] legi
et in diversis locis de libris fratris P. Johannis Oiivi in ro->-
mancio seu vulgari per diversas personas quas nominat. »
P. 309. (( [Bernardus de na Jacma beguinus] libres in ro-
mancio, in quibus errores dîctorum beguinorum continentur,
multos habuit et tenuit. »
\:^S\i. ^Traité d'akhimie (ou lapidaire?) en vers
Pierre Borel, de Castres, mort en 1689, auteur du Trésor
des recherches et antiquités gauloises (1655), nous a conservé
dans cet ouvrage des échantillons intéressants de la poésie
languedocienne de son temps '. Il y fait aussi assez souvent
le résultat d'une faute d'impression (une ligne entière omise) et désigne-t-il
le traité de las Quatre cosas que son a venir, czo es assaber la mort, lo
jom del jujament, las penas etemals, H goy de Paradis, sur lequel voyez
Muston, loc. dt,, pp. 117, 125, 133. Le traité de la Consolation est peut-être
à identifier avec le Vergier de la Consolacion{ibid., 120,133). Quant à celui
du Mespris que Vhomme doit avoir de soi-même, il ne paraît pas que ce
puisse être le même ouvrage que le Despreczi del mont, les titres différant
trop et ce dernier d'ailleurs étant un poëme. J'ajouterai que le traité des Sept
Articles de la foi paraît avoir été plus complet dans le ms. visé par Marnix
que dans celui de Genève, d'après lequel, — on n'en cite pas d'autre, — il a
été publié par Hahn {Geschichte der Waldenser, p. 605), et où il n'a pas de
préface.
< Entre autres, la jolie pièce de i* Amoureux transi en entier (au mot glou-
1)^6 MANUSCRITS PROYBKÇÀUX
des citations de textes anciess (ou prétendus tels); mais il les
emprunte presque toutes à des livres imprimés, les Vies des
poètes provensaux de JeB.nàeNo&iveàame y V Histoire des Vaudois
ou Albigeois de Perrin, \qb Commentaires de César de Biaise de
Vigenère, bien qu'il prétende, dans sa préface, avoir cité
« beaucoup de fragments d'un rare volume des poésies des
troubadours qu'on voit encore à ToloseV »
Le fait est qu'il n'y a que deux citations qui doivent pro-
venir de ce « rare volume »: ce sont les deux vers de la chan-
son Altressi com Vorifans, de «Rigaud de Berbezil », qu'on voit
rapportés sous druguement, et le début (trois vers) de la chan-
son Tant nCabelis l'amoros pensamens de Michel {sic ; lis. Fol-
quet) de Marseille, cité sous pens.
Le seul article du livre de Borel qui présente quelque in-
térêt pour l'hiàtoire de l'aHcienne littérature provençale est
celui du mot prumier. Le voici fidèlement transcrit :
« Prumier. C. premier. 10. de S. Saturnin, poëte chimique
ancien :
Ja si an quatre principal
L'un nègre que es fach prumié
Et l'autre quand es blanc entié
Et (lis, el) ter quant es incinérât,
El quart quant es rubificat. »
Ces vers, dont V Histoire littéraire de la France, qui les cite
p€r)j des fragments, d'une pastorale de son père {bouirac)^ d'ane pièce du
sieur de la Croix de Realmont {marelle et tourra), etc.
^ Sans doute le ms. de Catel, alors de Puymisson, aujourd'hui B . N. 856. —
De la table des auteurs et ouvrages cités, imprimée en tête de l'ouvrage, j'ex-
trais les trois articles suivants :
c Jean Boisseau, poëte provençal de Nice. » Je ne sais rien sur ce Jean
Boisseau, de qui je n'ai su trouver aucune mention ni citation dans le
Trésor,
« Les Statuts d'Aiguës Mortes de 1246. »
« Les noms d'aquelses que feron tansons e sirventes, ms. cité par Nos-
tradamus. » On chercherait vainement dans les Vies des poètes provençaux
de Jean de Nostredame la moindre mention d'un pareil ms. C'est Pasquier,
probablement, que Borel a voulu dire. On lit en effet chez ce dernier (Ae-
eherches, liv. YII, cbap. iv): c II est tombé entre mes mains un papier qui est
encore en ma possession, dont la teneur est telle: Extrait d'un ancien livre
qui fut au cardinal Bembo [le ms. 12473 de la B. N.?]. Los noms d^aquels que
feronttansos et surventes» Et y en met quatre vingts et seize. »
M ANUSOIUTS PROVENÇAUX 127
au t. YII, p. lij, a singulièremcoit exagéré Tantiquité, sont
tout ce que Ton connaît du poëme dont ils ont fait partie.
Borel n'a donné qu'incomplètement le nom de Fauteur, ou
plutôt n'a donné que son surnom, car Saint-Saturnin est un
nom de lieu et non pas de personne, et comme il y a, dans le
Midi, un assez grand nombre de localités ainsi appelées (dans
Vaucluse, dans THérault, TAveyron, le Cantal, etc.), nous ne
pouvons savoir non plus à quelle province cet auteur appar-
tenait.
Quant à son ouvrage, c'était probablement un traité, soit
des métaux, soit des pierres; mais, dans ce dernier cas, je ne
vois pas à quelle pierre pouvaient se rapporter les cinq vers
conservés par Borel. Je n'ai rien trouvé dans Marbode qui y
corresponde. Ce n'était donc pas, supposé que ce fût un lapi-
daire, une traduction du poëme de l'évéque de Rennes.
XXVllI. — Chronique de Garoscus de Ulmosica veteri.
Tout ce que je sais de cette chronique, je l'ai appris de
Baluze, qui la mentionne et en donne un extrait dans les no-
tes des Vitx paparum Avenionenstum, I, col. 985. Le nom de
l'auteur (en provençal Garosc de VOlmesca velha ?) a une phy-
sionomie un peu singulière. On va voir qu'il vivait au XIV* siè-
cle. Je ne sais si quelque ms. de son ouvrage existe encore*
Peut-être Baluze avait-il vu celui qu'il cite dans la Bibliothè-
que de Colbert. Contrairement à ses habitudes, il ne donne à
cet égard aucune indication. Voici du reste le passage entier.
Il s'agit du couronnement de l'empereur Charles IV à Arles,
sous Urbain V, en 1365 : .
« De hac Caroli coronatione sic scriptum reliquit Garoscus
de Ulmoisca veteri tum vivens:
a L'an mil e très sens LXV, a quatre de juin fou mousen
Karles segon emperador d'Alamanha en la sieutat d'Arle per
eser coronat, e fo coronat dereire Fautar de san Trofeme, e
coronet lo mousson Guilhem de la Garda arcivesque d'Arle,
e fo i présent R. d'Agout, senesqual de Proensa, el comte de
Sav^ia, lo duc de Borbon, e motos quavaliers e grans senhos.
Item dessendet a l'arsivesquat. Item era granda roanada
quant intret en Arle. Intretper lo portai de la quavalaria. »
128 MANUSCEITS PROVBMÇAU^C
».
XXIX. — Chronique provençale anonyme du XV* siècle
C*est César de Nostredame qui me fournit la seule mention
que je connaisse de cette chronique, dont le ms. était'peut-être
déjà perdu de son temps. Voici ce qu'il en dit, à la page 601
de son Histoire et Chronique de Provence, sous Tannée 1437:
« Le feu seigneur du Maz (qui fut lieutenant de Claude,
comte de Tende, fils de René de Savoye, dit le Grand Bastard,
grand seneschal et lieutenant général de Provence sous
Louis XI) avoit un vieil livre, escrit à la main, aux feuillets
duquel estoit déduite la descente de nos anciens comtes et
marquis, et à la branche où estoit mentionné René, où il es-
toit parlé des conditions de sa délivrance, les paroles sui-
vantes estoient apposées en grosse lettre, en ces termes et ce
ramage provençal:
et Ferry de Vaudemont, fils d'Anthoni, avent per forsa près
per rapt Madame Yolant, fille de Monsur lou rey Reynié, e
tenguda long temps a son poder, per cobrir tal rapt,fon con-
vengut e accordât malament que Monsur lou rey la baillaria
en mariagi audich monsur Ferry, e que la principal causa de
Todi qu'era entre aquestous dous seigneurs procedissia d'ei-
tal rapt, lou quai rapt anticipet lous jours al paure rey plus
que touta autra causa, e engendret nous pron de mal en Pro-
vensa^ •
XXX. — Chronique languedocienne anonyme du XFe siècle,
Guillaume Besse (f 1680), auteur de V Histoire des ducs,
marquis et comtes de Carcassonne, publiée pour la première
fois en 1645, possédait un manuscrit d'une chroniqi^e qui ne
m'est connue que par ce qu'il en dit, et dont l'auteur, à ce
qu'il semble, s'était borné au récit des événements arrivés de
son temps à Carcassonne mcme. Voici tout ce que Besse en
rapporte. Je cite d'après l'édition de 1660:
P. 256. « La cité de Carcassonne [sous Charles VI] demeura
* A la oarge, en regard de ce passage : « Paroles notables trouvées en un
vieil livre escrit à la main en provençal touchant le mariage de Ferry et
d'Yolande. >
MANUSCRITS PROVENÇAUX 129
toujours dans les termes de son devoir, et en telle façon qu*un
vieux manuscrit que j*ày où sont particularisées les choses qui
se passarent en ce temps là en ville, en dit ces mots: « Foc
denegada intrada en ladita ciutat et en ledit castel al prin-
cep de Aurenca, loqual se esforsec de intrar en ladita cieutat
am pojssansa, loqual foc vilanamen de ladita ciutat rebocatz
ansiquas se apartenio a far en tal cas. »
P. 258. a Et pour repre;adre ce que nous avions laissé, je
diraj que mon manuscrit, particularisant quelques autres
choses qui se passarent du mesme temps de Charles YI, en
parle en ces termes : « Item es assaher que per virtut de las-
ditas letras no foc permesa a mossen Charles de Clarmon lors
seneschal que entrez ni demorez dins lo castelh de ladita ciu-
tat, et no *** * a lu foc taxats certan nombre de servidors tan
solamen entre al nombre de huejt et que demoresson ses ar-
mes. » . . . . a Aquo meteys foc fajt de Jacques Trilho que era
thesaurier per lavets al quai foc taxats nombre de quatre ser-
vidors ses armes.» « Et per virtut de lasditas letras foc
denegada intrada al Conestable que foc per lavets appellat
Ant. de Yitrac. »... Le mesme manuscrit dit ailleurs, parlant
de divers reffus faits et au vicomte d'Aumurats et au bastard
d'Astarac, qui vouloient en ce mesme temps aller demeurer
dans la dite cité: « Car si a totas gens fos estada abandonada
(à savoir la ville) de présent no foro en la obediencia de mos-
sen lo régent», il entend de Monsieur le Dauphin, lors régent
en France, et par ce mot de présent, nous sommes certains que
cela s'escrivoit.en cette mesme saison, d'où vient qu'on peut
adjouster une pleine foy à tout ce qu'il contient. »
C. C.
{A suivre.)
^ Sic dans Besse, pour indiquer sans doute une lacune du ms.
Dialectes Modernes
TERMES DE MARINE ET DE PECHE
BN USàGB au grau DB PALAYAS^ PRÈS MONTPELLIBR ^
Pendant une saison de bains de mer au Grau de Palavas, près
Montpellier, j*ai eu Toccasion de noter, au courant de mes causeries
avec les pêcheurs de Fendroit, un certain nombre de termes et d'ex-
pressions relatifs à leur intéressante industrie.
La Société des langues romanes, à laquelle j'ai eu l'honneur de les
communiquer, et en particulier mes savants confrères, MM. Boucherie,
Chabaneau et Roque-Ferrier, ont pensé que mon petit recueil pourrait
n'être pas tout à fait dépourvu d'intérêt, pour les amis de notre
vieille langue d'oc. — C'est pour répondre à ce sentiment que je me
permets de soumettre ces quelques pages aux lecteurs de la Revue,
J'aurais voulu pouvoir accompagner tous les noms qui suivent de
leurs équivalents français, et, pour ce qui est des animaux marins,
de leurs équivalents scientifiques ; mais cela m'eût entraîné fort au
delà des limites qui m'étaient imposées et par le temps dont je dispose
et par mon incompétence.
Villa Louise, Montpellier, décembre 1882.
Westphal-Castklnau .
L — Bateau de pèche
1. Batéu, m, s. — Bateau. Lou foun dau batéu: la cale.
2. MouRRE-DE-PORC, m. S. — Bateau de pêche en usage à
Palavas, dont Pavant a quelque ressemblance avec un museau
de porc.
3. Gôussou, m. s. — Gousse. Bateau tenant à la fois du
mourre-da-porc et du bateau catalan.
4. Marteqala, f. s. — Bateau à voile plat, des Martigues.
5. Pro, f. s. — PrQue.
«
i M, = masculin, f., féminin, s. singulier, p. pluriel.
TBRMBS DB M ARINfi BT DB PÊCHB 131
6. PouPA, f. s. — Poupe.
7. ÀMADià, m. s. — Varangue, membrure du bateau.
8. Flanc, m. s. — Le flanc du bateau.
9. Trinquillin, m. s. — Première planche du pont, de cha-
que côté du bateau, dans laquelle sont engagées et fixées les
varangues.
10. EscAUMOT, m. s. —Bout de la membrure faisant saillie
au-dessus des trinquiUins,
11. EscAUMADA, f. s.— 12. Rbdotjn, m. S. — 13. Orlb dau
BATBU, m. s. — Plat bord dans lequel sont engagés les bouts
des varangues (escaumots).
14. Dalot, m. s. — Dalot. Trous par lesquels s'écoule l'eau
du pont des deux côtés du bateau.
16. QuiLLA, f. s. — Quille.
16. PÉ DE RODA, m. s. — Pèdé roda d'à pro: étrave. Pè dé
roda d'à poupa : étambot. Mètre lou timou su la roda (à Cette :
su lou repau) : relever le gouvernail et le faire reposer sur
Tétambot.
17. EscAUMiBiRA, f. s. — Toletière. Petite pièce de bois sur
le plat bord pour recevoir les tolets.
18. EscAN, m. s. — {kzsiiSy Dict. Fscaume . Mistral, Dict. Es-
camp,) Tolet. Autrefois échaume ou escaume (Dict, de marine
de Villaumez).
19. CouvERTA, f. s. — Pont, couverte (/>ic^ de Mistral: Cw-
berto) .
20. Orlb de la couvbrta, m. s. — Liteau qui borde l'ou-
verture du bateau, retient les panneaux et empêche Peau
d'entrer dans la cale.
21. Quartier, m. s. — Panneau pour fermer le bateau.
22. QuARTiEiRET, m. S. — Petit pauncau fermant l'ouverture
de l'arrière, dans laquelle se tient le pilote.
23. Fauca, f . s. — Fargue. Les fargues sont des planches
mobiles, établies entre des montants fixés sur les plats bords,
pour garantir le bateafl des lames.
24. Gaugnias, f. p. — Les deux fargues de l'avant, bâbord
et tribord.
25. Macaroun, m. s. — Macaron (mot de la Méditerranée.
Dict. de marine de Villaumez). Montants en bois placés de dis-
tance en distance, sur le plat bord, pour soutenir les fargues.
182 TBRMBS DS MARIKB BT DE TÈOBR
26. BlTA, f. s. — Bitte. B^Ht de membrane qui dépasse les
fargues, pour attacher les amarres.
27. Taquet, m. s. — Taquet. Taquet de tournage. Sorte de
T, en bois, fixé contre le plat bord pour attacher les cordes.
28. Mat, m. s. — Mât.
29. Gauta dau mat, f . s. — Pièce de bois rapportée au haut
du mât.
30. EscASSA, f. s. — Emplanture du mât.
31. Clau, f. s. — Clan du mat. Collier de fer ou de bois,
qui fixe le mât au banc .
32. Banc d'arboura ou d'arboula (Azaïs). — Banc auquel est
fixé le mât.
33. PouLiA, f. s. — Poulie.
34 . RiA, m . s . — ^ Réa. Roue de poulie fixée dans la partie
supérieure du mât.
35. Pbr, m. s. — Essieu du réa.
. 36. Hauban, m. s. — Hauban.
37. TiMOu, m. s. — Gouvernail. Encaissa lou timou: mettre
le gouvernail en place.
38. Agulha, f. s. — Mamelon très-allongé des gonds qui
fixent le gouvernail, Tun porté par le bateau, l'autre par le
gouvernail (Azaïs, agulhots. Mistral, agulhot, agutot).
39. FuMELOT, m. s. — Penture dans laquelle s'engage V agu-
lha.
40. Sentbna, f . s. — Partie de la cale en arrière du mât où
se ramasse Peau que Ton rejette avec Técope.
41. Agoutal, m. s. — Ecope.
42. Bouiôu, m. s. — Seau.
43. Bout dehors, m. s. — 44. Buta fora, m. s. -- Petit
beaupré (Aiguesmortes : entenola).
45. Cambbta, f. s. — Fourche en bois ou en fer pour sup-
porter le bout de la vergue, quand la voile est amenée.
46. Ganchou, m. s. — Gaffe.
47. Malha, f. s. — Maille. Corde pour tirer les embarca-
tions, les filets, etc.
48. EscANDAL, m. s. — Sonde.
49. EscANDALHA. — SondcT.
50. Rbgaieira, f. s. — Pièce de fer avec laquelle on re-
cherche les filets perdus sous Feau.
TâRMBS DB MARIKH BT DB PÉOHB 133
51. Rb<»ai£cha. — Chercher le^fllets.
52. Les, m. s. —Lest.
53. PiGNATA, f. s. — Marmite.
54. PouGUBiDOU, m. s. — Foyer pour faire la ouisine.
55. Fanau, m. s. •— Lanterne, phare.
56. FbrrE) m. s. — Ancre.
57. Cau db pounda, f. s. — Corde de Tancre.
II. — lA Voile latine
1 . ËNTÉNAS, f . p • — Antennes. Les deux pièces qui consti-
tuent Tantenne à laquelle la voile est attachée. Entena, au sin-
gulier, est la partie postérieure de F antenne.
2. Quart, m. s — Partie antérieure de Tantenne, vers la
proue.
3. PÉNA, f. s. — Partie postérieure de Tantenne, synonyme
à'antena,
4. Vêla, f. s. — Voile.
5. Bbnda, f. s . — Ourlet de la partie verticale de la voile en
arrière.
6. PouN d'escota, m. s. — Point d'écoute. Partie inférieure
de la voile où est fixée Técoute.
7. Matafiou, m. s. — Cordon qui sert à attacher la voile à
Fantenne. Plur. matafiousses»
8. Corna, f. s. — Fragment de corne de bœuf fixé à l'ex-
trémité de la péna. Cette corne est trouée pour donner pas-
sage à la corde qui sert à étendre la voile le long de l'antenne.
9. Enchinias, f. p. — Cordes qui servent à lier le quart à
lapina.
IO.Enchinia. — Lier le quart k \2Lpena.
11. Tasseirou, m. s. — Ris. Lou premiè tasseirôu, loumitan,
lou pichot: le premier ris, le ris du milieu, le petit ris. Avien
fà lou pichot, amai encara la raissa nous quichava : nous avions
pris le dernier ris et la rafale nous faisait encore aller à la
bande. Après lou pichot e ta assegurat unpau: il a pris le
dernier ris et a baissé un peu la voile.
12. EscoTA, f. s.— Écoute. Corde pour attacher la voile sur
l'arrière.
134 TBRMES DE MARINE ET DE PÈcm
13. Davan, m. s. » Amvre. Corde pour fixer la voile à
Tavant. (Aiguesmortes : lou moutou.)
14.TR0SSA, f. s. — Drosse. Corde qui sert à serrer Tantenne
contre le mât.
15. CossA, f. s. — Cosse. Anneau de fer ou de bois (cannelé
à la circonférence et entouré d'une corde) dans lequel passe
Tamure .
16. CossA DB LA TROSSA, f. S. » Cosso traversée par la
drosse.
17. Palan, m. s, — Palan. Assemblage de poulies.
18. Palan de la trossa, m. s. — Palan de la drosse.
19. Bouta de pau, f. s. — Nœud pour amarrer les embar-
cations {nous de l'araire).
20. Pau, m. s. — Perche.
21. Mande guinda, f. s. —Corde, généralement en jonc,
pour hisser la voile.
22. Floun, m. s. — Corde de chanvre qui relie la man de
guinda à T antenne .
23. Poulacra, f. s. — Foc.
24. Enchirêu de poulacra. m. s. — Corde pour hisser le
foc.
25. Orsa poupa, f. s. — Corde terminée par une ganse, dans
laquelle s'engage le bout antérieur de Tantenne et qui sert à
la maintenir. (Aiguesmortes : cronto moutou.)
III. ~ Petites Embarcations
1. Veta, f. s. — Barque plate terminée en pointe aux deux
extrémités. Le v initial se rapproche un peu du b dans la pro-
nonciation, mais c'est pourtant un v.
2. Barquet, m. s. — Petite vête.
3. Marinib, m. s. — Grande vête de 26 pans pour la pèche
à la traîne d'été.
4. Betouna, f. s. — Vête pour la traine d'hiver, 18 à 22 pans.
5. Bandas, f. p. — 6. Flancs, m. p. — Les flancs de la
barque.
7. TÉUMB, m. s. — Employé seul, petit pont à l'arriére de
la barque. Téume d'à pro : petit pont de l'avant. Le» siégea,
TBRMBS DB MARINB BT DB PÊCHB. 135
dans une vête, sont disposés danfi l'ordre suivant : Téume d'à
pro, banc d'à pro, bane d'arboura, banc dé pè, téume d'à poupa,
8. Capihoun d'à prô, m. s. — Extrémité de la proue.
9. Sesihou, m. s. — Planchette qui, dans les petites bar-
ques, tient lieu de téume.
10. Paiôu, m. s — Payol (mot particulier à la Méditerra-
née, Dict. de Villaumez). Plancher de la barque. Dans les
grands bateaux de pêche ^ paiôu indique le plancher du ba-
teau : lou found dau batéu es payolat.
11. Payola. — Mettre un pajol.
12. Peiramola, f. s. — Planche plus ou moins longue, fi^ée
au milieu du fond du bateau .
13. FioiA, f. s. — Bande extérieure adroite et à gauche du
bateau, au-dessous du plat bord {redoun),
14. Redoun, m, s. — Plat bord qui recouvre la fioia et sur
lequel sont fixé les toletières.
15. JoGA, f . s. — Planche du plafond de la vête qui fait sail-
lie sur les flancs. La joga es manjada : usée. Melre la vèta sus
lajoga: mettre la barque sur le côté pour la nettoyer.
16. BiLHA BASSA, f. S- — Planche inférieure des flancs au-
dessus de la joga,
17. Coutelas, m. s. — Planche supérieure des flancs, for-
mant un triangle très-allongé de la proue au premier tolet,
pour relever les extrémités de la barque.
18. CouTELBT, m. s. —Petite planchette fixée quelquefois
au-dessous de la bilha hassa, pour rendre le plafond plus hori-
zontal.
19. Sarretas, f. p. — Planches clouées à droite et à gau-
che sur les varangues, pour les fixer au-dessous des bancs.
20. Pos DE PEi, f. s. — Planche verticale sous le banc de
derrière, pour empêcher le poisson de passer àTavant de la
barque .
21. Carcagnôu, m. s. — Plaiichette verticale formant un
petit réceptacle à la poupe àMbarqu€t{kz2A&: recoin, cachette.
Mistral î petit pont de Tarrière du bateau).
22. Ren, m. s. — Rame.
23. Laoa, f. s. — Rame dont on se sert en guise de gouver-
nail (anciennement, la lague désignait, en français, le sillage
d'un bâtiment. Dict. de Villaumez).
135 TBRlfBS DB MARINIB BT DB PÉGHB
iV.— Filets et engins de pêche
1. Sar€U, f. s.— Les fileta. Un moussi de sarcia:un mor-
ceau de filet. Avm la sarcïa à bord : nous avons les filets à
bord.
2. FiLAT, m. s. — Filet. Cala, leva lous filats: poser, lever
les filets.
3. Tkassa, f.s. — Traîne, espèce de seine. Boulièche d'hiver
pour la mer: 80 brasses de long.
4. Trahina, f. s. — Grande boulièche d'été, pour les ma-
quereaux, les rougets, etc., plus longue que la trassa,
5. Las, m. s. — Côté de la boulièche.
6. Coup, m. s. — Poche qui termine les lassas. Fond d'un
filet de pêche.
7. Flancaus, m. p. — Partie des lassas qui touchent le coup.
Lous flancaus soun plés d*herba,
8. Clavat, m. s. — Pièce de bois transversale à laquelle
s'attache le filet, à chacune de ses deux extrémités, ainsi que
les cordes ou mailles au mojen desquelles on tire la boulièche
à terre.
9. BouLiECH DE PBi, m. 8. — Boulièchc pour l'étang, fixée
par une extrémité à un pieu et ramenée par l'autre à un se-
cond pieu. La barque est entre les deux pieux et c'est sur elle
que se tire le filet.
10. Gangniou, m, s. —Filet à poche qui se place au tra-
vers d'un canal. Gangniou de lamar, filet du même genre, ser-
vant à la côte. Gangniou de biôu, filet traîné par les bateaux
dits bateaux-bœufs (Azaïs : Gangui). La prononciation de ce
mot est très-difficile à saisir et, partant, l'orthographe fort in-
certaine.
11. Requinquet, m. s. — Petit retour, ou crochet, formé
par l'extrémité de l'un des côtés du gangniou.
12. Globou, m. s. — Grand filet carré placé sur le bord
d'un canal, s' abaissant et se relevant au moyen d'un tour. Un
filet de ce nom sert pour la pêche du thon au cenché,
13. Carrât, m. s. — 14. Toumba-leva, m. s. — Globou fixé
à une perche et manié à la main.
15. CANAT,m. s. — Filet tendu sur des roseaux, se posant
TJSkàw DB UâRINE AT DB PÈOU 137
en rond sur Teau» per la sautada. Le poisson saute sur le
âlet.
16. Capbjada, f. s. — Filet d'étang, fixé par des perches.
17. Pau, m. s. — Perche.
18. Séga, adj. f. — A mailles serrées, en parlant d'un filet.
Capejada sèga.
19. Clara, adj. f.-* A mailles larges. Cqpjeada clara.
20. Paladieira, f. s. — Partie de la ca/>eyada destinée à
conduire le poisson vers Fintérieur du filet.
21. Tour, m. s, — Partie intérieure du filet.
22. Lacet, m. s. — Retour intérieur du filet fermant le tour.
23. Cou A, f. s. — Poche située sur plusieurs points de la
capejada, où vient se prendre le poisson. Poche en filet.
24. EsTUYÉ, m. s. — Sorte de capejada en roseau, pour
r étang.
25. Cabussieira, f. s. — Filet pour prendre les canards,
placé horizontalement à 25 cent, au-dessus du fond, soutenu
par des roseaux et maintenu par des pierres.
26. Crocs, m. p. — Hameçons attachés à des pierres, flot-
tant, dans Tétang, entre deux eaux. A chaque pierre est fixé
un roseau qui signale le hameçon. Cet engin forme parfois des
rangées de roseaux de 1 à2 kilomètres.
27. BouRDiGOu, m. s. — Bordigue. Enceinte de roseaux pour
prendre le poisson a sa sortie de Tétang (Aiguesmortes : la
bordiga) .
28. Cambras, f. p. •— Chambres de la bordigue où se rend
et se prend le poisson.
29. Salabre, m. s.— Petit filet à main, pour recueillir le
poisson dans las cambras et ailleurs.
30. Thounaina, f. s. — Thonaire. Filet pour le thon, quifiotte
verticalement derrière le bateau.
31. Cenche oucenje, m. s. — Grand filet circulaire pour
bloquer le thon.
32. Cencha. — Faire la pêche au cenche.
33. Veiradiê, m. s. — Filet pour les maquereaux; flotte
comme le thonaire .
34. Sardinau, m. s. — Filet pour la sardine; flotte derrière
le bateau entre deux eaux^ maintenu par des plombs et des
lièges.
10
138 TBRMES DE MARIKB BT DE PÊQHE
35. PAI4ANGRE, m. s. — Palangre. Longue ligne à laquelle
sont fixées, de brasse en brasse, de courtes lignes, munies
d'un hameçon. Palangre dau coungre: palangre très-fort.
36. Maire dau palangre, f. s. — Ligne principale du pa-
langre .
37. Brussôu, m. s. — Petite ligne suspendue au palangre.
38. Razal, m. s. — Épervier. Filet de rivière qui, lancé
par le pêcheur, s'étend circulalrement sur Peau.
39. Arcieira, f. s. — Filet fixé à un demi-cercle de fer, por-
tant un râteau et muni d'une perche; sert à prendre les cloYÎsses
dans la vase. Un filet de même nom, mais plus grand, sans
râteau ni perche, remorqué par un bateau, sert à prendre les
crevettes, etc.
40. Harpbta, f. s. — Filet analogue à V arcieira pour les
clovisses ; sert à pêcher les moules. Son manche est moins
long.
41. Pessas, f . p.— Filet qui se place au-dessus des rochers,
pour le poisson de roc ; sur le sable, pour la sole. Pessas cla-
ras: mailles larges, pour langoustes et soles.
42. Pessetas, f. p. — Pessas à mailles étroites, pour rou-
gets.
43. Pessas de batuda, f. p. — Filet analogue aux pessas, pour
Tétang. Le pêcheur y pousse le poisson.
44. Mairada, f. s. — Filet pour l'étang. D'ordinaire, vieilles
pessas de batuda, usées, dont on se sert en hiver quand le pois-
son est affaibli .
45. Jambin, m. s. — Engin en roseaux fendus, maintenus
verticalement au fond de l'eau, terminé par une poche. Sert
pour la mer et l'étang.
46. Bertoulbt, m. s. — Sorte de jambin, pour l'étang.
47 . Cana, f . s . — Ligne .
48. MuscLAU, m. s. — Hameçon.
49. Fiu DECOUCA, m. s. — Fil pour la ligne, auquel s'attache
le hameçon.
50. Armeja la cana. — Parer la ligne pour pêcher. La
cana es armejada. Aquelpei m'a désarmejat.
51. Lensa, f. s. — Ligne fiottante pour le maquereau.
52. EspiGou, m. s. — Petite ligne de 1 mètre à 1"50.
TBSRMBS DE MARIKB BT DB PÉCHB 139
53. PiCHOUiRA, f. 8. — Foëné. Fourchette à pécher. Fi-
chouira sega, clara, à dents serrées, écartées.
54. Barbas^ f* p.— Barbes de la fourchette*
55. LiAN, m. s. — Lien pour fermer une poche en filet
(coua).
56. TiRAN, m. s. -- Tirant pour ouvrir et fermer la coua.
57. Serva, f. s. — Réserve d'anguilles.
58. CÊucLiEiRAS, f. p. — Mailles supplémentaires pour éta-
blir les cercles qui soutiennent la coua.
59. Cou, m. s. — Corbeille ronde.
60. Banasta a brbssas, f. s. — Corbeille à berceau, servant
à peser le poisson.
61. Chambouina, f.'S. — Récipient en roseaux pour les
crevettes.
62. PouLouMA, m. 8. — Fil servant à faire les filets pour le
thon.
63. Bournôu, m. s. — Morceau de liège fixé au filet par
une corde pour le maintenir.
64. Nata, f. s. — Liège plat pour les filets.
65. CiuRB, m. s.— Liège.
66. Ploumb, m. s. — Plomb pour maintenir les filets.
67. ARBiUN, m. s. — Ensemble des cordes qui maintiennent
un filet.
68. Bakda, f. s. — Pièce de filet. Lan batéu a 7 bandas de
thounaina.
69. EsTAQUBTS, m. p. — Bouts de fil qui relient les baiidas
les unes aux autres.
70. Frbna, f. s. — Corde qui rattache le filet au bateau.
71. Maneta, f. s.— Bout de corde qui sert à fixer la frena.
72. Cranquié, m. s. — Caisse inclinée, pour trier les cra-
bes.
73. Art de pbsca, m. s. — Engin de pêche. Y adifferens
arts de pesca.
V. — Manœuvres, termes de marine et de pèche
1. GuiNDA OU HISSA LA VELA. — Hisser la voile, la larguer.
2. Maina,— Amener la voile. Maina la vela'se dit aussi.
HO TERMBS DE MARINB ET D£S PÊCHB
, 3, GaikCbia. — Gambior» (Changer la voile de bord par rap-
port au mât.
4. PoucHA. r- Arriver, laisser arriver ; écarter la proue du
lit du vent.
5. Orsa. — Lofer, venir au vent; rapprocher la proue du
lit du vent. Avèn orsat . Lou batéu vèn orsa : le bateau se tourne
vers le vent.
6. BoRD) m. s, — La bordée.
7. BouRDÉcHA. — Courir des bordées.
8. Atarra. — Se rapprocher de la terre.
9. Afora. — S'éloigner de la terre .
10. Raissa de vent, f. s. — Coup de vent, rafale.
11. Broupounib, f. s. — Bourrasque,
12. Chapladis, m. s. — Trouble sur Teau, bruit, agitation.
Quante chapladis de peil Quel fouillis de poisson I
13. Trangou, m. s. — Agitation produite par des vagues qui
se heurtent, venant de directions différentes.
14. Marechôu, m. s. — Petites vagues. Pa un pauquet de
marechôu.
15. Faucada de pei, f. s. — Compagnie de poissons.
16. Bona man, f. s. — Mètre la vêla de bona man: placer la
voile de façon qu'elle n'appuie pas sur le mât.
17. BiDOS, m. s. — Mètre la vêla dau bidos : placer la voilte
entre le vent et le mât. Expression plus usitée à Aiguesmortes
qu'à Palavas, où l'on dit plus couramment : A vèn fa vêla su lou
mà¥,
18. A BLA. — Approche ta barque du filet, Vai à èla, mai à
èla. Sans doute à la sarcia.
19. Dbscobra. — Découvre, recule ta barque pour découvrir
le filet.
Ces deux expressions ne s'emploient que lorsqu'on retire
les filets.
20. Serpa. — Ou serpa lou ferre, lever l'ancre. Seserpaven?
Se serpaven lou ferre ?
21. Manecha. — Visiter les filets, pour voir s'il y a du pois-
son. Vau manejà las capejadas, las pessas,
22. Trahinecha. — Traîner les lignes derrière le bateau
pour pêcher le maquereau .
23 . VouGA . — Ramer •
TERAffiS DB MÂRIKE ET DE PâCHE 141
24. SiA. — Scier, ramer en arrière.
26. Gafa, f. s,— iSe mètre à làgàfa. Se mettre dans Feau
jusqu'aux genoux.
26. Paupa, f. s. — Ana àlapaupa; Aller pêcher des muge&
à la main sur le bord des étangs.
27. EsTANG, m. s. — Étang.
28. Esta GNOU, m. s. — Petit étang.
29. Salabrous. — Saumâtre. Aiga salabrousa. .
30. Malaiga, f. s. — Quand la température des étangs
s'élève trop, le poisson souffre ; on dit alors: Lou pei a la ma'
laiga,
31. Grouga. — Frayer. Aiguesmortes : gruva,
32. Grougun, m. s. — Frais. Aiguesmortes: gruvun,
33 . Ala, f . s . — Nageoire .
34. Gaugna, f. s. — Branchie.
35. EscATA, f. s. — Écaille du poisson.
36. EscATA UN PEi. — Enlever les écailles d'un poisson.
37. Peirolada, f. s. Vai à la pairolada: il va pêcher pour
manger, pour les besoins du jour. Baila-me la peirolada : don-
nez-moi de quoi faire ma soupe.
38. Matas, f. p. — Rochers isolés sur un fond de sable.
39. CouRÉN, f. s. — Le courant. Le mot paraît féminin à
Palavas.
40. Gregau, m. s. — Grec. Vent d'est.
41. Magistrau, m. s. —Mistral. Vent de nord-ouest.
42. Vbn intre, m. s. — Vent qui souffle entre le nord-ouest
et le pic de St-Loup . Lou vbn es mai intre, ou mén intre, selon
qu'il se rapproche du pic de St-Loup ou du mistral.
43. St. Loup, m. s. — Vent qui vient du pic St-Loup.
44 . Vbn larg, m . s . — ^ Vent d'ouest .
45. MiÉjouR, m. s. — 46. Sut, m. s. — Vents venant du sud,
que je n'ai pas bien pu distinguer.
47. Grbgalada, f. s. — Coup de vent grec.Zow nibou monta,
aurén una bella gregalada: les nuages montent, nous aurons
un bon coup de grec.
48. Largada, f. s. -— Coup de vent d'ouest. Lou tén dinirà
per una bella largada^ e lou mati ranbersà per un cop de magis^
trau : le temps est fortement à l'ouesty et passe le matin au
mistral.
142 TBRMB8 DB IfÀRfME BT DB PâCHB
49. Prouvençalas, f. p. t*- Naages venant de Test. Las
Prouvençalas se vésoun, aurén h gregalada. '
50. Man de terra, f. s. — 61. Man de fora, f. s. — 52.
Man de pounen, f. s.— 53. Man de lbvan, f . s. — Côté de
la terre, du large, du couchant, du levant. Expressions qui
remplacent celles de tribord et bâbord.
54. Galanga, f. s. — Petit abri sur la côte.
VI. — - Poissons, crustacés, etc.
1. MouoNA, f. S.— Goujon(?) Petit poisson bon pour friture,
mais trop chargé de frai.
2. MouNA, f. s. — Merlane(nom vulgaire).
3. Plana, f. s. — Plie.
4. JoRGA, f. S. — Plie qui a jeté son frai.
5. JoL, m. s. — Petit poisson pour friture (Âzaïs): goujon.
, 6. Sauqubna, f. s. — Dorade.
7. Mbjana, f. s. — Jeune dorade qui prend sa deuxième
année.
8. Sar, m. s. — Espèce de dorade (Âzaïs: sarguet, sargue
commune).
9. Cauta, f.s. — Ressemble au sar.
10. Pataglet, m. s. — Ressemble à un petit sar.
11. Chigairb, m. s. — Espèce de sar.
12. Pagbl, m. s. — Pageau.
13. Padre, m. s., ou pagel bastard. -r- Sorte de gros pa-
geau .
14. Cabota, f. s. — Grondin.
15. PiNAU, m. s. — Espèce de grondin.
16. Clavelada, f. s. — Raie.
17. Pelousa, f. s. — 18. Blanqueta, f. s. — Espèces de
raie.
19. MiRAiET, m. s. — Raie tachetée.
20. FuMAT, m. s. — Raie à museau pointu.
21. RouN CLAVELAT, m. S. — Turbot.
22. Passar, m. s. — Espèce de turbot sans clous (Azaïs;
plie).
23. SoiiA,f« s. —-Sole»
TERMES DE MARU^ ET DE PÊCHE 143
24. Palaigà, f. s. — Jeune sole.
25. Bbrrtjgada, f. s. — Espèce de sole qui se tient sur le
bord de la plage .
26. MuoE, m. s. — Muge, mulet de mer.
27. BouTARGAT, m. S. — Mulet ayant son frai (Azaïs : bon-
targOy œufs de muges salés).
28. Lbssa, f. s. — 29, Cabot, m. s. —30. Gatjta roussa,
f. s. — 31. LiMPOTJZA, f. s. — Variétés de mulet.
32.yEiRAT, m. s. — Maquereau.
SB.Yeiradel, m. s. — Petit maquereau.
34. Rascassa, f. s. — (Azaïs : scorpène rascasse.)
35. Doumaisêla, f. s. — Poisson blanchâtre, de sable (Mis-
tral : girolle) .
36. GiRÂLA, f. s. — Poisson de rocher, couleurs variées
(Azaïs: Jutis vulgarts),
37. CouNGRE, m. s. — Congre. Murœna conger,
38. Gascou, m. s. — Sorte de maquereau.
39. BoGA, f . s. — Variété de gascou, se rapprochant du
mulet (Azaïs: bogue).
40. RoTJCAU, m. s. — (Azaïs: poisson du genre labre, qui
se cache dans les rochers.)
41. Clavieira, f. s.— 42. Roussignôu, m. s.— Sortes de
roûcau.
43. EscARPA, f. s. — Carpe .
44. Capblan, m. s. — Merlan commun (Mistral : gadus mi'
nutus) .
45. Merlan, m. s. — Merlan (Mistral: gadus merlangus),
46. Bernieira, f . s. — Petit poisson ressemblant au loup.
47. Loup, m. s. — Loup.
48. Sarran, m. s. — Ressemble au loup.
49. Thoun, m. s. — Thon.
50. Saupa, f . s. — Petit poisson ayant la forme du thon.
51. BouNiTA, f. s. — Poisson de 2 à 3 kilogr., rappelant le
thon et le maquereau .
52. Sarda, f. s. — 53. Sardina, f. s. — Sardine.
54. Lauza, f. s. — Ressemblant à une grosse sardine ; 2 à
3 kilogr.
55. Pbi voulan, m. s. - Hirondelle de me^ .
144 TBiUiBSS PB ^àiUI)^ BT DB PêcmS
56. Pei oumbra, m. s. — IJjut?être oumbrino d'Az|B^ïs. Ombre
barbu. Se tient à Tombre des bateaux.
57. Pblamyda, f. s. — Pelamjde commun.
58. BouiDRAu, m. s, — Baudroie.
59. MouRBNA, f. s.— Sorte de merlane. Poisson de roeher.
60. Porc marin, m. s. — Porc marin. Poisson de Tordre des
sélaciens (Azaïs).
61. GrAL, m. s. — Poisson St- Pierre.
62 Lampresa, f. s. — 63. MANJA-PBaA,m. s. — Lamproie.
64. Cat de roc, m. s, — Grande roussette (?)
65. Anchoia, f . s. — Ancbois.
66. Haren, m. s. — Hareng. "^
67. MousTELA, f. s. — Poisson à forme de congre, tigré-
jaunâtre, vivant dans les rochers, à dent très-venimeuse, dit-
on. Taille, 1 mètre environ.
68. Choucha, f. s. —Poisson à forme très-élargie, à queue
mince et très-longue, à la naissance de laquelle se trouve en
dessus un dard de proportions considérables, que Ton dit très-
venimeux.
69. Ibaona, f. s* — Vive, Araignée de mer. Poisson veni-
meux.
70. Gallina, f. s. — Torpille.
71. PouGAu, f. s. — Grosse anguille fine.
72. Ressot, m. s. — Grosse anguille commune.
73. Empereur, m. s. — Espadon.
74. EsPASA, f. s. — Gros poisson dont la queue a la forme
d'un sabre, à peu près aussi long que Tanimal.
75. Lamia, f. s. — Requin.
76. MissoLA, f. s. — Emissole commune (Azaïs). Squale.
77. Cagnot, m. s. —Petit squale bleu.
78. Cat de mar, m. s.— (Azaïs : chien de mer, aiguillât).
Squale.
79. Pei anjou, m. s. — (Azaïs : ange de mer, squalm aqua-
{ ttna) .
' 80. Maracou, m. s. — Toute espèce de poisson du genre
squale ou s'en rapprochant.
81 Pei luna, m . s . — Marteau .
82. Daxjphi, m. s. — Marsouin.
' 83. Agulha, f. s. — Aiguille.
TBRMES DB MARINS BT BB PÊGHB 145
84. Caramota, f. s. — Crevette.
85. LoRifAND, m. 3. — Homard.
86. LANGOusTA,f. s. — Langouste.
87. Crano, m. s. — Crabe. Pém. cranca (Azaïs: cancer
mcenas).
88 . Cabra, f . s . — Grand crabe .
89. Cranc ROUQxnÉ, m. s. — Crabe velu.
90. CiGALA, f . 8. — Crustacé ressemblant à une grosse écre-
visse.
91. Oursin, m. s. — 92. Castagnola, f. s. — Oursin.
93. PoupRB, m. s. — Poulpe. Vit dans les rochers (Azaïs :
sepia octopedia).
94. Muscadin, m. s. — Petit poulpe. Vit sur le sable .
95. Sbpia, f. s. — Seiche.
96. Glaujôu, m. s. — Calmar (?) (Azaïs : sepia loligo.)
97. PoTA, f. s. — Méduse.
98. Chival marin, m. s. — Cheval marin.
99. Arcbli, m. s. — Clovisse.
100. Bèda, f. s. — Espèce de clovisse, moins fine. Palourne(?)
101. BiCHUS, m. s. — Sorte d'ascidie qui se mange.
102. Muscle, m. s. — Moule.
103. BuDOU, m. s. — Escargot de mer.
104. Lapbta, f. s. — Patelle.
105. CouTÈLA, f. s.— Varech.
[A suivre,)
LOU DIEU DE MARSIHO
FANTA8IÉ FBLIBRBNGO
dedioado
Au jouine Marias Bkrnard, de TEscolo felibrenco de la Mar
Clino la ciho,
Muso, ma mio,
Davans Marsiho
Qu'eilabas briho,
Bagnado emai negado en un deluvi d*or !
Vè si gourriero
Lôngui carrière ;
Vè, largo, fiero,
Sa Canebiero
Que s'abrivo^ galpio, i poutoun de soun port I
Sémpre cremanto,
Esbarluganto,
La gau qu'encanto,
La glôri santo
Dôù grand astre couchant Tinoundo de si flot I
Jamai de-bado
L'escandihado
LE DIEU DE MARSEILLE
Fantaisie félibrique
dédiée
AU jeune Marius Bernard, de l'École des félibres de la Mer
Baisse le cil, — Muse, ma mie, — devant Marseille — qui brille
là-bas, — baignée et noyée dans un déluge d'or! — Vois ses riches
— et longues rues ; — vois, large et fière, — sa Cannebière — qui se
précipite, joyeuse, au-devant des baisers de son port !
Toujours brûlante, — éblouissante, — la joie qui enchante, — la
gloire sainte — du grand astre couchant Tinonde de ses flots ! — Ja-
»
liOU DIEU DB MÀRSIHO 147
Fai sis aubado
I coulounado
De soun blanc castèu d'aigo entrouna sus lou ro ^ !
E tout artiste,
E tout touristo,
Quito à sa visto
Ço que Tatristo,
E s*aubouro i cim clar de rôurrour di yaloun ;
B sa pensado
Enamourado
Fai la pregado
Qu'à-n-éu agrado
A.U gai Dieu de la Grèço, à Fèbus-Apouloun I
Mau-grat Timage
Que, d'âge en âge,
Dintre Taurage,
Mando i naufrage
Un sourrire meirau, de soun cresten blancas^;
Mau-grat lis alo,
Crous, domo, salo,
mais en vain — le rayonnement — ne fait ses aubades — aux colon-
nades— de son blanc château-d'eau trônant sur le rocher!
Et tout artiste, — et tout touriste, — délaisse à sa vue — ce qui Tat-
triste — et s'élève aux cimes claires de Thorreur des vallons '; — et sa
pensée, — éprise d'amour, — fait la prière — qui lui plaît — au dieu
souriant de la Grèce, à Phœbus-ApoUon !
Malgré l'image — qui d'âge en âge, — parmi l'orage, — envoie aux
naufragés — un sourire de mère, du haut de sa blanche crête de mon-
tagne;— malgré les ailes, — les croix, les dômes, les salles — de sa
1 Noun i* a 'n Franco, pas mai qu*en Europo (à moun vejaire) mounumènt
mai amirable qu'aquest. Â subre-passa (causo estranjo !) tôuti 11 pantai preli-
minàri de moun imaginacioun. Glôri dounc à *n Esperandiéul le mande mi
salut i coulounado de l'Empirèio.
* L'estatnio couloussalo de la Vierge subre sa baselico, lusento coumo nno
luno d'or is erso mouvedisso de la poblacioun marsiheso, emai i pàuri marinié
brandouia jour e niue sus la mar.
' Traduction moins littérale : préfère les sommets aux vallées.
148 LBS PARPALHOLS DE FLOD-DSHPRUNIE
De s«k ponrpdio
Grand catedr^o,
Lou vrai Dieu de Marsiho es tu, bèu Soulèias\
William-C. Bonapartb-Wyse.
Marsiho, sus TEspIanado de Nosto-Damo-de-la-Gàrdi, 29 mars 1882.
grande — cathédrale empourprée,-*- le vrai Dieu de Marseille est toi,
beau Soleil I
WiUiam-Ç. ^onapaïitk-Wtse.
Marseille, sur TEspIanade de ^otre-Damer^e^la-Garde, 29 mars 1882.
LES PARPALHOLS DE FLOU-DE-PRUNIE
A 'n Clar Glbizos
Uelhs en amello, pots daurats e gauto liso,
En loung penchenadou de sedo roso e griso,
Broudat de milo flous, cintasso verdo as rens,
Negris bandèus levats dambe espillos d'escato,
Dreito, en patins defust, subre T teatre esclato,
Jouve Flou-de-Pruniè, gaio coumo un primtems.
Es coussudo e riseiro à 'spanta les bourgeses,
LES PAPILLONS DE FLEUR-DE- PRUNIER
{Oumé-nO'Hana)
A Clair Glbizrs
Yeux en amande, lèvres dorées et joue lisse, — - en long peignoir
de soie rose et grise, — brodé de mille fleurs, — grande ceinture verte
aux reins, noirs bandeaux levés avec épingles en écaille, — droite, en
patinsde bois, sur le théâtre resplendit,— jeune Fleur-de-Prunier, gaie
comme un printemps.
Elle est cossue et rieuse à étonner les bourgeois, — et comme aux
. . . . ,
' Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe des félibres
d* Avignon.
LfiS PARf'ALHOLS DB FL0U-*DB-*PRUNIÂ 149
£, coumo pes blasouns des princes japouneses,
Oant se vei esplandit, per armo, le ventalh,
S'alato al miei del sien, sus un yert de baragno,
L*escur Jamma Tslo, parpàlbol de mountag^o,
Que barroun, de guingois, sous ungles de couralb.
A. daissat le Japoun flourit à Fouro d*arô,
Ë, dins river maiàsant que nous rufo la caro,
Es vengudo, al darré d'uno troupe d*a-bas,
Moustra soun pouUt biais à la foulo badairo
Des grandis Casinos, la besiado jounglairo
Que sap ventalbega, le pugnet jamai las.
Sautejo lestoment dreit à-n-uno tauleto
De laco ount soun pausats un lum et 'no tasseto
. Mirgalhado e, prenènt un fulbet de papiè,
Vivo, le plègo en quatre, e de Tounço l'esquisso :
Es un parpalhol blanc que, frrrttt ! de sous digl^ glisso.
Montre que balho d'aire al voulatum laugiè.
Voulastrejo, fadot ; se mau à dreito, à 'squerro ;
Va, ven, mounto, devalo à vous frega la terro,
Capriciousoment, sens jamai s'alassa.
Elo, tout en fasent de vent subre la seno,
blasons des princes japonais, — où Font voit épanoui, comme arme,
Téventail, — ouvre ses ailes au milieu (de son éventail) sur un vert de
haie, — le noir Jamma-Taio, papillon de montagne, — que barrent,
(posés) de travers, ses ongles de corail.
Elle a laissé le Japon fleuri à cette heure,— et, par Thiver mauvais
qui nous ride le visage, — elle est venue, à la saite d'une troupe de
là-bas, — montrer son joli talent à la foule bayeuse — des grands
Casinos, la jongleuse charmante — qui sait manier l'éventail, le poi-
gnet jamais las.
Elle va lentement, à petits sauts, droit à une tablette — de laqué où
sont placées une lumière et une petite tasse — peinte de mille cou-
leurs, et, prenant un feuillet de papier, — vive, elle le plie en quatre,
et du bout du doigt le déchire : —c'est un papillon blanc qui, /rrr«/
de ses doigts glisse, — tandis qu'elle donne de l'air au volatile léger.
Il voltige, folâtre ; il va de droite à gauche ; — il va, vient, monte,
descend à frôler la terre,— capricieusement, sans jamais se lasser. —
Elle, tout en faisant du vent sur la scène, -» sait créer une amie
15Ô LBS PARPALHOLS DB FLOU-DB-PRUNlâ
Te sap créa 'no amigo à le que se remeno
A-n-un pel de sa gauto e prest à la baisa.
Se vesoun, toutis dons ; — lèu-lèa se coussegnissoun,
L'un al dessus de Tautre, africs, e se jugnissoun ;
S'acaroun doucement : se soun poutounejats.
Se descapoun suF cop e, puei, cadun acimo
Un canton de ventalh, qu'à peno balho d'imo.
Mais s'enfujoun d'aqui, frezinants, airejats.
Anem I Le parpalhol costo la parpalholo
S'enlairo tourna-mai e veslas frises volo;
L'amagagno, la fringo en galant arderous.
Puei, te cerco guirguilh, dins rés, à sa femelo ;
Enûns, apazimat, toumbo, proumte, dambe elo
Sul se de la mainado ount i a 'n bouquet audous.
Le parelb es partit. Piano, descend, rasejo
La boupo de l'artisto e, gar' le, viroulejo
Fer veni s'amaga dins la tasso un moument;
Prend sa voulado encaro ; e, vite, al lum se cremo.
S'en va, Flou-de-Pruniè, la poulido bouemo !
E r mounde i fa tinda mai d'un aplaudiment.
Auguste FouRâs.
20 de julhet 1882.
à celui qui se remue — tout près de sa joue et prêt à la baiser.
Ils s'aperçoivent, tous les deux; bientôt ils se poursuivent, — Tun
sur l'autre, ardents, et ils se joigpient ; — ils s'aflfrontent doucement :
ils se sont baisés. — Ils se désunissent sur-le-champ et, puis, chacun
se plante sur un angle de l'éventail, frémissants, aérés.
Allons ! Le papillon à côté de sa papillonne — s'élève de nouveau
et vers les frises s'envole ; — il la caresse, lui fait la cour en galant
plein d'ardeur. — Puis, il cherche noise, en un rien (de temps), à sa
femelle; — enfin, apaisé, il tombe, prompt, avec elle, — sur le sein de
la fillette, où il y a un bouquet odorant.
Le couple est parti. 11 plane, descend, frôle — la bouche de l'artiste;
et, voyez-le, il tournoie <— pour venir se cacher dans la tasse un mo-
ment;— il prend la volée de nouveau et, vite, à la fiamme se brûle.
— Elle 8*en va. Fleur- de-Prunier, la jolie bohème ! -^Et les specta-
teurs font retentir (vers elle) plus d'un applaudissement.
A F
20 jumell882.
LA BATOUSO
A. 'n Anatol BoucharIo
Es leste. La recolto es, certos, miraclouso :
La bladeto a rajat e coumo à plen oanèl ;
Atabes, la soulenco es estado gaujouso :
An dansai sus Taiero al sou del caramel.
La machino à vapou que meno la batouso
Se fa tira, 'n bruzint, per un parelh manèl ;
Va, negro de cadais e de fum, roubilhouso,
— Cheminiero enrennado al mitan del fournèl.
Les dous biôus enjoucats à la loucoumoubilo,
Sens se brico sutta, passoun dedins la vilo.
Romioun ; — sembloun countents de traîna le moustras
Que se diriô sourtit de fargo cicloupenco,
E que les sousto, quand, à la calou 'stivenco,
Fa batre les espics pezucs de belis gras.
Auguste FouRÉs.
8d*agoustl882.
LA BATTEUSE
A M. Anatole Boucherib
Tout est terminé. La récolte est, certes, merveilleuse : — le blé a
ceulé (sur le sol), et, comme à plein tuyau; — aussi, joyeuse a été
la fête des moissons : — on a dansé sur Taire au son du chalumeau .
La machine à vapeur qui met en train la batteuse — se fait tirer,
en bruissant, par une paire (de bœufs) maniable ; — elle va, noire de
cambouis et de fumée, rouillée, — la cheminée inclinée en arrière au
milieu du fourneau.
Les deux bœufs attelés par le joug à la locomobile, — sans se
hâter, passent dans la ville. — Ils ruminent ; ils semblent heureux de
traîner le grand monstre
Que l'on dirait sorti d'une forge cyclopéenne, — et qui les allège,
quand, à la chaleur estivale, — il fait battre les épis lourds de beaux
grains.
A. F.
8 août 1882.
SOULELH COULC
A. *N Camilh Chabanèu
Vau escalant un paech, aploumbat joubs Tergnasso
Que mountl douçoment coumo V roc sisifenc,
Dins le luscre engrisaire, e, tiri, Tarmo lasso
De Festanalhadis d*un terrible delenc.
AfrouSf le soulelh toumbo, e, subre la sîeu traço,
Le cel, miech estelat, es derengut rougenc ;
Ves el, uno niboul semblo un vèutour que casso,
Le colh rete, alatat del constat de Toumbrenc.
Jeu, toutjoun pensatieu de la tristo cazenso
Des vincuts erouics, de Ihour malo soufrenso,
Sur penjal mal-planxè, cop sec, m'arresti lêu.
Agachi. L'aucelas atenh, d'un grand cop d'alo,
Le soulelh cramezit qu'adeja le regalo,
Parieu al cor sannous de Fardit Proumetèu.
Auguste FouRÊs.
28de8ètembrel882.
SOLEIL COUCHANT
A M. Camille Chabaneâu
Je vais, gravissant un puy, accablé sous le lourd ennui — que je
monte doucement comme le roc de Sisyphe, — dans le crépuscule qui
rend (tout) gris, et je peine, Fâme lasse — du tenaillement d'une ter-
rible fièvre.
Affreux, le soleil tombe, et, sur sa trace, — le ciel, étoile à demi,
est devenu rougeâtre ; — au-dessus de lui, un nuage semble un vau-
tour qui chasse, — le cou raide, lés ailes toutes grandes ouvertes du
côté du nord.
Moi, toigours pensif de la triste chute — des vaincus héroïques, de
leur aigre souffrance, — sur le penchant abrupte, subitement je m'ar-
rête bientôt.
Je regarde. Le grand oiseau atteint, d'un grand coup d'aile,— le
soleil cramoisi qui déjà le régale, — pareil au cœur saignant du hardi
Prométhée. A. F.
28 septembre 1882.
BIBLIOGRAPHIE
Bomancerillo catalan, Canciones tradicionales. Segunda edicion^refundida
y aumentada) por D. Manuel Mila y Fontanals. Barcelona, Verdaguer, 1882;
in-So, xvii-458 p.
Ce précieux recueil, dont le savant professeur de l'Université de
Barcelone vient d*enrichir le domaine de la poésie populaire, quoique
très- volumineux, ne forme pourtant que la moitié de l'ouvrage . Il
contient le texte des chants que Fauteur avait appris dans son en-
fance et ceux qu'il a recueillis dans une période de quarante années .
Un second volume réunira lés observations, notes et appendices.
. La première édition fut publiée à Barcelone en 1853, sous le titre
d^Ohservadones sobre la poesia popular, con muestras de romances
catalanes ineditos. C'était une brochure d'environ 200 pages, donnant
le texte de 70 chants populaires catalans. La collection s'est accrue
dans une énorme proportion ; aucun recueil connu ne contient de ri-
chesses semblables à celles que M. Milà a accumulées dans son Ro-
mancerillo. Tous les chants sont accompagnés de leurs difiEérentes
versions ; pour un grand nombre, on en trouve jusqu'à quinze * . Les
variantes ont été soigneusement notées par un procédé aussi simple
qu'ingénieux. C'est dire assez les patientes recherches, la volonté, le
courage à toute épreuve qu'il a fallu pour récolter une aussi abondante
moisson. Sachant par expérience les difficultés auxquelles on se
heurte, les résistances qu'il faut vaincre souvent pour obtenir la com-
munication désirée, nous ne saurions trop féliciter l'homme dévoué,
le laborieux chercheur qui a su sauver de l'oubli, où ils disparaissent
tous les jours davantage, ces témoignages si intéressants de l'esprit
et des coutumes de nos pères.
Le recueil est divisé en cinq séries :
I. Chants religieux et légendaires. — II. Chants historiques; — III.
Chevaleresques. — IV. Coutumes . — V . Satiriques, danses, etc . Il
s'est, de plus, augmenté de quarante mélodies dont la transcription
musicale a été confiée à un habile musicien, qui, dans l'accomplisse-
ment de cette tâche, a fait preuve d'un profond savoir et d'une scru-
puleuse exactitude. Cette amélioration sera vivement appréciée, car
la poésie populaire est inséparable de la imélodie, si l'on veut lui con-
server dans toute son intégrité sa physionomie originale.
En attendant la publication annoncée, qui ne sera pas la partie la
moins intéressante de l'œuvre, étant connue la haute compétence de
* El Conde Arnau, p. 67, n'en compte pas moins de 28.
154 CHkONIQUE
son auteur, la splendide collection formée par M . Mîlà s^mpose k
l'admiration des amis de la poésie populaire, et c'est avec nn senti-
ment de profonde reconnaissance que le Romancerillo catcUan sera
accueilli par les folhlorktes de tous les pays.
L. Lambbrt.
CHRONIQUE
Communications faites dans lbs séances de la Société. —
21 février. — Pièce de poésie en patois de la Lozère (Fraissinet), par
M. Ganch, instituteur.
LIVRES REÇUS PAR LA REVUE
Bona Annada, par Charles Gros (dialecte de Montpellier); 1883,
2 pages.
Bono Annado, par Roumieux (en provençal) ; 1«' janvier 1883, 2 p .
Un félibre irlandais : W.-C. Bonaparte- Wyse, par Paul Mariéton.
Lyon, 1882 ; in-4®, 19 pages.
L'Escriveta, poésie populaire languedocienne, traduite en macédo-
roumain,par Tascu Ilîe8cu(de Crusôva, Macédoine) . Montpellier, 1882 ;
in-8o, 31 pa^es.
Lo Fia ^rmonèlû loûrain, l^'^^paUmé et français pe Chan ffevrlin.
Quouétrieume ènaye. Strasbourg; petit in -8% 80 pages.
Anecdotes» contes et chants populaires écrits la plupart en patois
lorrain. Un court glossaire, inséré à la fin de Talmanach, en rend la
lecture très-facile. On ne peut que souhaiter bon succès à cette inté-
ressante publication, due à l'intelligente initiative de notre confrère
M. le docteur Estre, médecin cantonal de Rémilly.
Le Chanoine Michel (Extrait de VÉcho des BoucTies^u-RMne du
20 février 1883) ; 8 pages. .
« •
dons faits a la société
Par M. Clair Gleizes :
Almanach des Petits Jeux floraux de Marseille pour Tannée 1883.
28 pages.
Fragment manuscrit sur papier, transcrit au commencement du
XVIIIe siècle (Description d'une propriété). 8 pages.
Par M. A. Roux:
Le Patriote (18 février 1883).
*
Une nouvelle revue, à laquelle nous souhaitons le meilleur suc-
cès, va paraître sous la direction de notre excellent confrère et colla-
borateur le baron Charles de Tourtoulon. La Revue du Monde latin
CHRONIQUE 155
(tel est son titre) se propose de faire connaître les peuples et les pays
latins dans leur présent aussi bien que dans leur passé ; de rechercher,
de concilier et de défendre leurs intérêts divers ; de préparer leur
union permanente dans un dessein de paix générale, s^il est possible ;
de préservation commune, s^il est nécessaire, et surtout de progrès
matériel, intellectuel et moral.
Elle s'interdit absolument toute propagande religieuse ou antireli-
gieuse, toute manifestation de nature à provoquer un changement
dans la forme d'un gouvernement quelconque. Elle est opposée, en
principe, à la guerre, à la conquête, et particulièrement à tout acte
tendant à favoriser une nation latine au détriment d'une autre nation
latine.
Elle considère la Grèce et les pavs helléniques comme devant faire
partie de TUnion latine, et accueille les travaux et les documents qui
les concernent.
Sans rien sacrifier de l'intérêt qu'une publication de ce genre doit
offrir aux gens du monde, la Direction de la Revue s'attachera à don-
ner la plus grande sonmie possible de faits, de documents et de ren-
seignements utiles ; à résumer et à exposer les grandes questions in-
ternationales, de façon que le lecteur puisse s'en faire une idée claire
et suffisamment complète. Ce recueil sera pour les diplomates, pour
les savants, pour les commerçants, une source précieuse d'informa-
tions exactes en même temps qu'un répertoire d'un usage commode,
grâce à des tables alphabétiques détaillées et à des renvois aux travaux
publiés dans tous les pays.
La Mevue du Monde îatin aura cinq éditions (française, espagnole,
italienne, portugaise et roumaine). Ces éditions difEéreront seulement
par la langue dans laquelle serolit écrites les seize premières pages,
comprenant le Bulletin mensuel politique et diplomatique . Le reste
de la livraison sera le plus souvent en &ançais, et quelquefois en d'au-
tres langues ou dialectes d'origine latine, avec la traduction française
en regard.
La^^vue du Monde latin paraîtra le 10 de chaque mois, par nu-
méros de huit feuilles (128 pages) in-S» de grand-raisin. Elle formera
par an trois volumes de plus de 500 pages chacun. Il sera publié, à
la fin de chaque année, une table alphabétique et analytique des ma-
tières .
Le prix d'abonnement est, pour tous les pays, de 36 fr. pour un an,
et de 12 fr. 50 pour quatre mois (un volume).
SOMMAIRE DE LÀ REVUE LT0NNAI8B
(15 janvier 1883)
Henri Bbaune . Un manuscrit de la reine Marie-Antoinette.— Fré-
déric Mistral. L'Ome poupulàri, conte provençal, avec traduction de
Ch. Boy. — Allmbr. Epigraphie lyonnaise [suite). — Alphonse Pal-
MARiNi. Les lettres inédites du comte de Cavour. — Germain Picard.
Poésies. — y. DE Valous. Documents inédits. Lettres patentes de
pardon et de rémission pour cause de meurtre en 1682. — Charles
La VENIR. Histoire du sentiment de la nature, par M. Victor de La-
PRADE. — Charles Lavenir. La Révolution, par M. Ch. d'Héricault.
^-L. MoRBL de Voleine. Les Oisivetés du sieur duPuitspelu, Lyonnois.
156 CHRONIQUE
— A. Vaohbz, Une description de Lyon au seizième siècle. — Léo-
pold NiBPCB. Les Chambres de merveilles ou Cabinets d'antiquités de
Lyon, depuis la Renaissance (suite). — Bibliographie. — Sociétés sa-
vantes.— Chronique. — Spectacles, Concerts. — Gravure: l'Azergue
à Chasay, eau-forte, par M. Joannès Deeveï.
15 février 1883
Joseph SouLARY. Pêche à la ligne (sonnet inédit). — Georges Guicwje.
Le Garcabeau du péage de Givors, texte en langue vulgaire des trei-
zième et quatorzième siècles. — Ccnnte de Charpin-Feuqebolles.
Documents inédits sur les guerres de la Ligue dans le Lyonnais et
dans le Forez. — A. de Gagnaud. Sonnets. — L. Moeeldb Vôleinb.
Petite Chronique lyonnaise. — Paul Mariéton. Le Félibre A. Fourès.
^ Auguste FouRÈs . Les Dous Vielhs. As Amouriès, per lès tisseires
de sedo liouneses, poésies languedociennes. — René de Colavazou.
Les Crès de Bouscardon, mœurs et paysages cévenols. — V. de Valous.
Lettres de naturalité pour Claude Corneille de la Haye, peintre du
roi (document inédit) — Léopold Niepcb. Les Chambres de mer-
veilles ou Cabinets d'antiquités de Lyon, depuis la Renaissance (suite).
— A. Vachez. Les Missions catholiques (2 gravures). — Charles La-
VENIR. Le Costume au moyen âge, d'après les sceaux (7 gravures) . —
Bibliographie: — Compte rendu de l'Académie des sciences, belles-
lettres et arts de Lyon. — Sociétés savantes. — Chronique.
(15marsl88î)
Hatalis RoNDOT. La Médaille de Philibert le Beau et de Marguerite
d'Autriche (1592). — Alphonse D'Asq. Le Salon lyonnais. — Stetert.
Le Cartulaire des francs fiefs du Forez . — Abbé Le pitre. Le Congo
[premier article). — A. de Gagnaud. Sonnet. — Léopold Nibpoe. Le
Uartidaire de Bourg-en- Bresse. — F. Mistral. Lou Troubaire Ca-
telan. — Th. Aubanbl. La Soreno. — Félix Gras. Responso à Victor
JBLugo. — Mondragon. Chronique félibréenne. — Bibliographie. Re-
vue critique des livres nouveaux. — Sociétés savantes. — Chronique.
— Spectacles, Concerts — Sommaire des Revues.
Additions et corrections
No de septembre 1882. Traduction provençale du roman de
Merlin, p. 106, ligne 21, mettre en note : « effusier. » Lis. ou corr.
offiscier = livre des offices ou graduel, comme resposser = livre des
répons ou antiphonaire. Voy. Durand, Rationale divinorum officio'
rum, liv. VI, on. i,
N» de janvier 1883, p. 22, l. 18: « par M. Bartsch. » Lis. par
M. Pcml Meyer et par M. Bartsch.
Le Gérant responsable: Ernest Hamelin
Dialectes Anciens
SERMONS ET PRÉCEPTES RELIGIEUX EN LANGUE
D'OC DU Xlle SIÈCLE
NOTES (Suite)
G, — Préceptes bsligieux
Le cahier qui renferme la deuxième série des sermons suit immé-
diatement ceux qui forment la première. Viennent ensuite deux ca-
hiers de cinq feuillets doubles chacun (f®^ 35-54), du même format que
le précédent, ne contenant que du latin, aliqua theologica, comme
dit la table inscrite sur la feuille de garde du ms. L'écriture, régulière
et assez soignée, est la même d'un bout à l'autre. Ces deux cahiers
ne sont, du reste, que des fragments d'un volume qui en contenait
probablement, avant comme après, et aussi entre les deux, un certain
nombre d'autres .
C'est dans le cahier suivant, qui lui-même n'est aussi probable-
Bient qu'un débris, que se trouvent les préceptes en langue d'oc. Le
format en est un peu moins haut et un peu plus large que celui des
deux parties précédentes du ms. (f** 27-44). Ce cahier est formé de
quatre feuilles doubles, de parchemin comme tout le reste, dont les
deux premières ont eu leur première moitié coupée. On n'aperçoit
sur l'étroit liseré qui en reste aucune trace d'écriture . Il se compose
donc, dans son état actuel, de six feuillets simples (f"" 55-60 du ms . ),
soit douze pages. Les sept premières sont tout entières en latin. C'est
à la huitième page (f* 58 v®), et après le premier tiers seulement, que
commencent les textes limousins. Le latin reparaît à la page sui«
vante, avec un exemple qui en occupe plus de la moitié. Puis le li-
mousin reprend et se poursuit sans interruption jusqu'à la fin du
cahier. Le tout paraît être de la même main. Peut-être cependant y
en a-t-il deux. L'œuvre de la seconde commencerait, dans ce cas, au
milieu du f* 59 r°, c'est-à-dire à la reprise des textes limousins . L'écri-
ture, dans la partie exclusivement latine, est très-fine et extrêmement
serrée, surtout aux f^ 55 v°, 56, 57 et 58 r°.
Dans son ensemble, ce cahier est un recueil de préceptes moraux,
Tome ix db la troisiâme série. — avril 1883. 12
*
158 SERMONS ET PRECEPTES RBLiaiEUX
d'extraits de rËcriture ou des Pères, et de ces anecdoctes ou exem^
pies dont on aimait alors à émailler les sermons ^, composé peut-être
par quelque moine de Saint-Martial à Tusage des prédicateurs du
couvent. Je rapporterai ici un de ces exemples, qui m'a paru très-
curieux. On trouvera un peu plus loin celui qui interrompt les textes
limousins et dont j'ai déjà fait mention.
[po 56 v»] Quidam miles fuit qui habebat quemdam armi-
gerum qui habebat rem cum uxore ejus. Quod ciebant vicini.
Post longum tempus, miles audivit a murmure populi quod
uxor sua meretricaretur, sed nescivit cum quo, et dixit vicinis
suis si sirent aliquem qui siretvatisinare, quod cifum argenti
amiserat et quereret ab eo quis furasset illud. Et dixerunt ai
quod in tali villa erat una mulier, que loquens cum diabolo
omnia quecumque volebat vaticinabat. Quo audito, dixit ar-
migero qui cum eo erat : « Sterne equm et palefredum, quia
ibimus in villa tali. » Quo audito armigerus timuit, sciens quod
ad mulierem vaticinantem vellet ire interogare aliquid. Et
sic credens ivit ad ecclesiam et confessus fuit sacerdoti pec-
cata sua cum magna contricione. Post, stratis equis, ivit
cum domino suo et venerunt ad mulierem vaticinantem '. Oui
dixit miles: « Quid intendis de uxore meaî» — a Adultéra et
nequam est uxor tua. jo Dixit miles : « Indica mihi cum quo
peccat.» — « Usque hodie ad primam civi, set necio modo; set
queram a domino meo et cito revertar ad te. » Et ingressa in
domum sicitavit diabolum, qui statim dixit ei : <( Quid vis? »
Dixit mulier : et Die mihi cum quo homine peccat uxor talîs
militis. » Et diabolus, apperiens quemdam librum maximum,
volvit et revolvit et dixit : a Ego scripsi nomen ejus, sed de-
leotum (sec) est peccatum ejus per confecionem. » Et régressa
mulier dixit militi quod dimissum fuerat ei peccatum et ideo
nesciebat. Videns autem miles quod nihil certum diceret ei,
regressus est domi, non credens ampli us maledicta uxoris sue.
Sic confessio.
* Sur les exemples et sur le large emploi que firent les prédicateurs de ce
moyen facile d'intéresser leur auditoire, voyez Lecoy de la Marche, la Chaire
française au moyen âge, p. 275.
^ Ms. uati.
SERMONS BT PRÉCEPTES RELIGIEUX 159
Voici maintenant ce qui précède immédiatement les textes limou-
sins, au verso du folio 58 du ms . Le morceau commence avec la
page.
[F° 58 V**] Triplex est transitas honorum: primu^ est de
culpain gratiam; secundus de virtute in virtutem ; tercius de
labore in requiem. In primo educimur de Egipto in deserto ;
in secundo de mansione in mansionem, id est de virtute in
virtutem; in tercio de deserto in Terram Promissionis, id est
demundo adpatriam. In primo transitu labor et dolor; in se-
cundo lapor (sec) et décor; in tercio gloria ethonor. In primo:
a Sitivit anima mea ad Deumfontem viventemM>; in secundo:
« Sunt lacrime mee panes die ac nocte* ; » in tercio : a In lo-
cum tabernaculi admirabilis usque ad domum dei^» Béné-
dicité corde, ore, opère. De primo, adEfesios: « Gantantes et
spallentes {sic) in cordibus vestris Domina*. » De secundo:
« Semper laus ejus in ore meo^. » De tercio Augustinus* : Non
« cessât benedicere qui non cessât bene agere. »
Stat foris ante fores qui vult in paupere paci
A te, qui voluit pro te de virgine nasci.
C'est dans le blanc laissé à droite par les deux vers précédents que
l'on a écrit, sur deux lignes, la rubrique et les cinq premiers mots
du premier morceau limousin, lequel, non plus que les suivants, n'a
de numéro d'ordre dans le ms.
I, — Le ms. 22543 delà B. N., au î° 139, renferme quelques lignes
sur le sujet traité dans ce paragraphe et dans les suivants, c'est-à-
dire sur l'instruction chrétienne. Je donne ici ce morceau, qui est très-
court, d'après M . Bartsch, qui Ta publié le premier dans ses Denk-
mœler (p. 306), afin qu'on puisse le comparer à nos préceptes,
Los set sagramens
3 premier sagramen es bateyar, lo segon cofermar, lo ters peni-
ia, lo cart corpus Cristi, lo quint lo sant orde, lo vi. matrimoni,
II- lieroliamen.
tencia, lo cart corpus
lo VII. peroliamen
* Psalm. XLi, 3. Trad. de saint Jérôme. 11 y Sifortem virum dans la Vul-
gate. Ms. fôte ui. — * Ps. xli, 4.— • Ps. xli, 5.
* Ephes. V, 19. — s Psalm, xxxin, 2. — • Ms. aug, avec le signe abré-
viatif de us au-dessus du point.
160 SERHOIÏS BT PRéCEPtES RBLiaîEUX
Las set bontatz,
La premieira bontatz humilitatz, la segonda benîgnîtatz, la tôrsa
large tatz, la carta parsitatz, la quinta castetatz, la sesta strenuitatz,
la seteua caritatz.
Los set peccatz mortals,
Lo premier erguelh, lo segon eveja, lo ters avareza, lo cart gola,
lo quint luxuria, lo ti . acxidia, lo vn. ira.
Las set vertutz,
La premieyra es fes, la segonda esperansa, la tersa caritatz, la
carta savieza, la quinta forteza, la sesta tempransa, la vu. drechura .
Los detz mandamens,
Lo premier : non auras dieus estrans . Lo segon : non penras lo
nom de Dieu en va. Lo ters : col lo dissapte. Lo cart : onra ton paire
e ta maire. Lo quint:- non aussiras. Lo sest: no faras furt. Lo sete :
no mecharas. L'octau : non parlaras contra ton pruesme fais testimoni.
Lo IX.: non cobezegaras lo molher de ton pruesme. Lo x.: non dezi-
raras lo sieu ser ni sa serva.
10. « au[ra]. » au termine une ligne ; mais il y a un peu de blanc
à la suite, sans qu^on aperçoive la trace de lettres effacées.
11. — 5. « acoceple]. » acoce termine une ligne; le reste du mot,
qui commence la suivante, est devenu absolument illisible . Je le ré-
tablis par conjecture. — 12. Après sap, une petite ligne ondulée rouge,
occupant seulement la place d*un mot ou deux, pour indiquer sans
doute qu'on passe à un autre sujet et tenir ainsi lieu de rubrique. Les
premiers mots de l'article suivant continuent la ligne .
III. — 1. « c'om se. » Ms. cô. La lettre qui suit n'est plus lisible.
Je suppose que c'était un s, et ce qui s'en laisse encore apercevoir ou
deviner ne contredit pas l'hypothèse. Ue, qui est très-lisible, termine
la ligne . Au commencement de la suivante, plusieurs lettres effacées,
dont les deux dernières paraissent être un l et un a. Comme il y a
bien place avant pour trois autres 'lettres, on peut conjecturer doila,
qui conviendrait ici on ne peut mieux .
1-2. « e que. » Ms. c que, c'est-à-dire en que, qu'il eût peut-être
n^ieux valu garder.
2. «cofece. » Ms. cobece; peut-être y avait- il cofece, La partie
inférieure de 1'/*, dans ce cas, serait effacée. A la suite, fin de la ligne,
place de trois ou quatre lettres devenues complètement illisibles.
Tout à fait à la fin, un trait apparaît encore qui pourrait appartenir
f.
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
à une 5. Les deux ou trois premières lettres de la ligue suivante sont
effacées . Elles formaient peut-être le commencement d'un adverbe,
dont mamen ou inamen (car il n'y a que amen de sûr), qu'on lit en-
suite, serait la fin.
3. « almornas. » Ce mot, que j'ai rétabli par conjecture, termine
une ligne. On n'en distingue plus sûrement que aln; le jambage sui-
vant parait plus long que les deux premiers. — 4. « autras chau-
sas. » — La fin de ce dernier mot,usas, commence une ligne. Le reste
est illisible, aussi bien que la fin du mot précédent, dont on ne distin-
gue plus que aut, surmonté d'un signe abréviatif. — 4. « cum. » Ms.
c, surmonté d'un tilde. J'écris cum plutôt que com ou con, parce que
plus loin (par exemple, IV, 7 et 10} le ms. a un w {cû). — 5. « cofe-
sors. » La dernière syllabe de ce mot, qui termine une ligne, est de-
^ venue illisible, comme la fin des trois lignes précédentes.
5. a comanda. » Ici finit le folio 58. La série des textes limousins
est interrompue en cet endroit, comme je l'ai déjà remarqué ci-dessus,
par un exemple en latin, qui occupe un peu moins des deux tiers
(20 lignes sur 33) du recto du folio suivant. Voici ce morceau :
[F* 59 P°] EXBMPLUM
Legitur(?J * in quodam libro greco quod quidam unicornis,
quadam die, quendam hominem secutus est, ut eum inter-
ficeret, oui nichil mortale resistere potest. Qui, cum ab eo
fugaretur, cecidit in quandam foveam profundam et latam.
Cumque esset quasi in média via versus fundum fovee, in qua
erant serpentes, bufones et bestie crudelissime, adesit cuidam
arbori quam ascendit, et ibi se retinuit. Sub arbore erant due
bestie, una alba et altéra nigra, corrodentes radicem arbo-
ris, preterea quidam dracho horribilis paratus ad devorandum
hominem illum in locoreptilium. Ecce quadruplex periculum:
unicornis expectans supra foveam, due bestie corrodentes,
Draconis timor ne eum absorberet, et vermes et reptilia sub
arbore. Ille vero miser quoddam pomum in arbore vidit vel
parum mellis, quo accepto, propter ejus dulcedinem, omnium
periculorum oblitus est predictorum, cum, cadente arbore,
predicti intus vermes. . . .' Non iste est ille qui mundum dili-
* Mot illisible. — 2 Lacune non Indiquée dans le ms. Peut-être y en a-t-il
une autre après non, et la proposition qui suit n'est-elle pas interrogative.
162 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
git ? unicornis, mors ; vallis profunda, infernus ; arbor, vite is-
tius miseria ; due bestie, alba et nigra, dies et noctes qui vi-
tam hominum consumunt; dracho, diabolus?Pomuin vel mel
sunt illa temporalia, quorum delectacio facit miserum homi-
nem ydiotorum oblivisci et cadere in foveam, in infernum.
Atende, miser, quidam tibi manum porrigit ut te a predictis
periculis liberet. Manibus ergo bonorum operum manum Do-
mini teneamus, ut predicta pericula evadere possimus.
Le livre grec auquel se réfère l'auteur de cet exemple est sans
doute le roman de Barlaam et Josaphai *, attribué à saint Jean Da-
mascène, où figure, en effet, parmi beaucoup d'autres, la parabole de
l'homme poursuivi par une licorne . On ne sera peut-être pas fâché
d'en lire ici une version provençale. Je l'extrais de la traduction com"
plèteque l'on possède en cette langue de ce curieux ouvrage (B. N ,
ms. fr. 10492).
[F° 190 r° ] E sels que volon recemblar los amix de Dieu, coven
que mesprezon lo segle et aco [que] i es, car tôt es vanetat. E tug sil
que [amar] lo volran, sapias que son semblant ad .i. homme que fu-
gia ad una bestia que a nom unicorn. Quant aquel vi venir aquella
bestia que a nom unicor[n], comenset a fugir per paor quel dévores.
E domens que corria, esdevenc si que cazet en una fossa, e domens
que cazia, près si ad un albre, et en aquel tenc si fortmens. Et en
aquella fossa avia barta en que tenc sos pes. E regarda si e vi ai •
* Barlaam et Josaphat n'est autre chose, comme on le sait aujourd'hui*,
qu'un rifaccimento chrétien de la légende de Boudha, qui a obtenu ainsi,
grâce au crédit dont jouit autrefois ce roman pieux, la singulière faveur d'être
admis par l'Eglise catholique au nombre des saints. Josaphat, qui est Boudha
lui-même — mutato nomine — figure, en effet, avec son maître Barlaam, au
martyrologe romain, ^sous la date du 27 novembre. — Notons, en passant, que
la bibhothèque de saint Martial de Limoges possédait deux Barlaam (les
nos 8 et 145 du Catalogue de Bernard Itier). Voyez Léopold Delisle, le Cabi-
net des manuscrits^ I, p. 493.
2 Ce ms. est encore inédit. M. Bartsch, dans son Lesebuch et sa Chresto-
mathie; MM. Zotenberg et Paul Meyer, dans leur édition du Barlaam fran-
çais de Gui de Cambrai, en ont seulement publié des extraits. La parabole de
Thomme à la licorne est un de ceux qu'ont donnés MM. Zotenberg et Meyer,
mais ils n'ont pas transcrit le morceau en entier.
* Toy. l'excellent mémoire de M. F. Liebrecht, intitulé die Quellen des Barlaam und
Josaphat, dans le t. II, p. 314-334, du Jahrbuch fur romanische und englische Literatur.
Une traduction italienne de ce mémoire, due à M. E. Teza, a été insérée par M, A.
d'Ancona au t. II, p. 146-162, de son précieux recueil de Sacre Rappresentazioni (Fi-
renze, 1872).
SBRMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 163
ratz, .1. blanc et autre nègre, que ades rozian la razis d'aquel albre.
Et avian la tant roza que volia cazer. E consiret si la pregoneza de
la fossa e vî al fons estar .i. drago de fer esgardament ; e gitet fuec
per la gola que ténia badada per devorar aquel. Et regardet si e vi
que de la barta, en que ténia sos pes, eysian .nu. caps de colobres. E
leva SOS huelhs e vi que de Talbre en que si ténia degotava .i. fil de
mel, e, per amor de la dousor del mel, oblidava totz aquels mais que
Tenvironavan. Aquesta semblansa es en totz sels que aman aquest
segle. La esposicion es aytals. Unicom figura la mort, que tôt jorn
persec e dezira penre Tuman linage . La fossa figura aquest mont que
es plens de totz mais. L'albre que era ros de .11. ratz figura la vida
de cascun home, que cascun dia se vay mermant per las oras del dia
e de lanueg. Los .iiii. colobres figuran los .iiii. elemens dezacordans
per los cors que non podon estar en pas. E lo dragon que era tant fers
e tant cruels figura lo ventre d'enfem, que cobeyta devorar aquels que
aman lo delieg d'aquest prezent mont, per que le dyable toi ad home
e non li laysa aver salut.
Sur les autres sources plus ou moins lointaines de cette parabole,
voyez le mémoire précité de M. Liebrecht, pp. 330-1, et un autre tra-
vail du même auteur, zur Geschichte derromantischen Poésie, publié
également dans le t. II du Jahrhuch fur r,und e, L., p. 127-8. Elle
jouit au moyen âge d'une vogue extraordinaire. M. Hermann Oes-
terley, à la p. 739 de son édition des Gesta romanorum, recueil dont
elle forme un chapitre, donne une longue liste de livres où Ton peut
aussi la lire. Elle a été mise, isolément, envers français dans le dit de
Vunicorne et du serpent, pièce anonyme dont on possède d'assez
nombreux mss. (il y en a un à Montpellier), et qui a été publiée par
M. A. Jubinal dans son Nouveau Recueil de fabliaux, t. II, p. 113.
Voyez l'article consacré à cet ouvrage dans V Histoire littéraire de
la France, t. XXIII, p. 25-8. On peut voir, en outre, dans le Yiolier
des histoires romaines (ancienne trad. fr. des Gesta), p. 389 de l'édi-
tion Jannet (1868), une note instructive, bien que fort incomplète, de
M. G. Brunet.
IV. — 4, « Aquest ))=: a aquest. Cf. 1. 21, aisso= a aisso,
5. « sorsaria. » Ancien français sorcerie. « Aicest jorn», c'est-à-
dire le 1er janvier, dit Maurice de Sully (Boucherie, le Dialecte poi-
tevin au XIII® siècle, p. 30-31), « soient li malvais crestien, segont
la costume dau[s] paï[en]s, faire lor mezines e charrais*, e par les
^ C'était à peu près la même chose que les brefs, dont il est question un peu
plus loin. Voy. Du Cange, sous caracter (la forme française et la forme prov.
164 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
sorceries soient espérimenter les aventures qui sunt à venir. » Sur la
divination parles sorts, qui est le sens propre et fondamental de sor-
saria, et les divers modes de la pratiquer, on peut voir ma récente
publication les Sorts des Apôtres, texte provençal du XIII^ siècle
(Revue des l. r., t. XVIII), et les auteurs qui y sont cités.
5. « argur. »La croyance aux augures était encore au moyen âge
extrêmement vivace. Parmi les nombreux textes qui en témoignent et
qu'on pourrait citer, je n'en rapporterai que deux ou trois, tirés d'au-
teurs provençaux . Peire de Corbiac, dans son Trésor, se vantant de
toutes les sciences qu'il possède, après avoir énuméré la nécromancie,
la géomancie, les sorts, etc . , arrive à la science augurale (v. 745) :
E sim vuelh entremetre, sai prôn d'aguramens,
D'encontre e de demandas e dels auzels prenens,
Los destres els senestres, les anans els venens,
D'albanel *, de gavaah, d'autres auzels ferens,
■ Del corp e de la gralha, les cridans, los tacens.
Nat de Mons, dans une pièce encore inédite, que je publierai pro-
chainement, avec les autres ouvrages de cet auteur :
Car a mans homes ve. . .
Vesios en durmen,
0 velhan per agurs
0 per senhals segurs,
Col deu endevenir.
(B. N., ms. 22543, f» 125 vo, col. 4.)
car ah, carag, renvoient plutôt à *caractum). Cf. le passage suivant d'une or-
donnance de Philippe le Bel (Cérémonies des gages de bataille, Paris, Cra-
pelet, 1830, p. 18) : « Item, que se son ennemy avoit armes forgées par mauvais
art et briefz, charroiz ou invocacions d'ennemis, soit le faulx et mau-
vais puny comme ennemy de Dieu, traître ou murtrier, selon la condition du
cas. > Et plus loin (Serments des champions): «Et pour ce loiaument, par
les seremens que j'ay fais, je n'entens porter sur moi ne sur mon cheval i>aro-
les, pierres, herbes, charmes, chan'oiSyHQ conjurations, invocations d'ennemis,
ne nulle autre chose oùj'aye espérance qui me puisse ayder, ne a lui nuire. »
— L'éditeur de ce texte explique assez singulièrement chantais par « cha-
riot, pour charmes, enchantements, par allusion au chariot d'Artus. »
* Voy. Du Cange sous Albanellus, et Cf. Marcabru :
Crezez en l' argur dels albas ;
et la Chanson de la Croisade albigeoise (w. 2085-9) :
Venon al Castel nou don se moc un alban
Que venc devas senestre sai a la destra man
Et anec tan can poc encontra susvolan.
Donc dits Martis Algais: « Sira, per sant Joan!
Cornent que lo plaitz prenga, nos sirem sobiran. »
SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 165
Le biographe de Bertran de Born, dans la raso du sirventés Ges de
far sirventés nom tartz :
« E 30 fon un dia de dilus en loqual era tais ora e tais poinz que
segon la razon dois agurs ni dels poinz e d'astrolomia non era bon
comensar negun gran fach . »
Cette superstition était encore assez répandue au XVII* siècle*.
C'est ce dont témoignent le canon du Concile provincial de Narbonne
de 1609, qui excommunie ceux qui la pratiquent, et ce passage du
Tahleu de la vido del parfet crestia, du père Amilha, dont la pre-
mière édition est de 1673, dans le chapitre intitulé : l'Examen de las
super sticius :
Aurios tu counsultat le courbas o Tagasso ?
Es-te fouadat sul cant de qualqu'auzel de passe?
Voy ., d'ailleurs, Thiers, Hist. des superstitions, t. I«', livre III,
chap. 2.
6. « Car aqo es cum a Deus. . . » Cf., dan» un traité vaudois, publié
par Léger, I, 196: « Al bal la se col la persona laquai s'estudian de
servir, dont di S . Hierosme que lo dio d'un chascun es ca que se col
et ama sobre totas cosas. » Ce qui fait allusion, sans doute, à ce pas-
sage du Comment. sur JèrémieQxh.lW, cap. xvu):« Quia derelique-
runt me patres vestri, ait Dominus, qui vobis praesunt in Ecclesiis,
et abierant post deos alienos, quorum Deus venter est, et avaritia et
luxuria, et gloria in confusione eorum, et servierunt eis. A quo enim
quis vincitur, ejus et servus est. Et adoraverunt eo5; adorât enim
unuaquisque quod diligit. »
7. « cel. » On lit plutôt eel dans le ms.
10. Ms, lo nepbres.Cî.le passage suivant d'un sermon d'Olivier
Maillard : « Blasphéma turpiloqua est quando quis, exquisito modo,
membratim dividende humanitatem redemptoris nostri, sic turpiter
jurât: Fer oculos Dei! Fer ventrem Dei! Fer sanguinem Dei! Fer
caméra, per corpus, per caput, et cetera membra, per plagas, per
mortem, etc. 0 popule Christiane, ut quid iterum vis crucifigere Re-
demptorum tuum ! » — Gautier de Coinsi, dans un de ses Miracles de
la Vierge, dont je n'ai pu lire le texte, qui est, si je ne me trompe,
encore inédit, parle, dit Barbazan (Ordene de chevalerie,!^. 202), d'un
ribaut qui « démembra Dieu, c'est à dire jura par les froissures, les
courailles, les entrailles de Dieu, par le poumon, le foie, les plaies,
' Toute trace o'en a même pas encore disparu de dos campagnes. L'expres-
sion tt oiseau de malheur » ou « de mauvais augure » n'est pas partout une mé-
taphore. La rencontre d'une pie, d'un pinson, et peut-être d'autres oiseaux,
est considérée en divers lieux comme un présage funeste.
166 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
c'est-à-dire, comme on dit à présent, il prit Dieu par tous les bouts,
ou par les pieds et par la tête, il jura même la boutine ou boudiné de
saint Fiacre, c'est-à-dire son nombril ; mais il ne voulut jamais dé-
membrer Notre-Dame, et dit pour raison :
Se je corroçoie Nostre Dame,
Qui me feroit ma pais a Dieu?»
Citons encore Folquet de Lunel (^Romans de mundana vida) :
Et l'autre dels . i"i- cartiers
De Dieu dira descrezensa.
V. — 3. «argurers. wVoy. ci-dessus, sur IV, 5.
3-4. « enchantadre. » Voy. Du Cange sous incantare. On trouve sur
les enchanteurs, dans l'ancienne Coutume de Bordeaux, un paragraphe
très-curieux . Le voici tout entier dans le texte original :
w § 46. Cumdiu estre punhit encantador ni qui desepelis home
mort, quant es sehelit,
» Avinguo se a Bordeu, et asso plusors de bets, que aucunas gens
malifaitors et encantadors foren près a Bordeu et justiciats per so
quai* raubaben las gleysas et descepelissen los cos eus enfans au-
bats ; per que ad ataus gens tota ley et tota franquessa los es dene-
gada : et après avingo se que a St Miqueu vinren aucunas gents
de nuits qui dessepelissen los enfants aubats et prenen ne los bras de
l'enfant et portabant ne en la man de l'enfant luts encantada, et
ubren los hostaus et entraben dedents, et vos belharits et no poiret
mot dire ni persona qui vis la luts ni la man; et que los balharets las
claus de vostre argent, et lendoman no sabrets qui se fora estât. Sy
que foren spiats et trobats et menats a S. Elege, et aqui fo jutgat que
for ni ley de terra no los deve valer, quar eran sacrilegis et layrons
et encantadors ; et que artaben poden ausire home o panar sa filha o
la molher cum l'argent, per lor encantament; per que foren traginats
et penduts *. » (Coutumes du ressort du parlement de Guyenne, par
• Pierre de Marca,dans son Histoire de Béarn (Paris, 1640, p. 552), raconte
un fait du même genre et non moins singulier : « On trouve dans les vieux li-
vres censiers des communautés de cette vallée [d'Aspe],que les Aspois estans
entrés avec armes dans la vallée de Lavedan, qui est assise dans les mon-
tagnes de Bigorre, un abbé laique d'un village proche du monastère de Saint-
Savin monta sur un suseau, et, ayant leu quelques coujurations dans un livre
de magie, troubla le sens et l'entendement des Aspois, en telle sorte qu'ils fu-
rent mis hors de défense par la force des enchantements et demeurèrent ex-
posés à la discrétion de leurs ennemis du Lavedan qui en firent une sanglante
boucherie et les tuèrent tous de sang froid . » — Le lecteur curieux de ces
histoires de fascination en trouvera d'autres tout aussi étranges, quoique
moins tragiques, dans les Otia imperiala (111, 83) de Gervais de Tilbury.
FERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX 167
deux avocats au même parlement. Bordeaux, 1768, t. I, p. 38). —
La croyance à l'efficacité des enchantements et des conjurations n'a
pas tout à fait disparu de nos campagnes. Au XVIIo siècle, elle était
encore assez répandue pour que plusieurs évêques aient jugé néces-
saire, non-seulement de condamner de nouveau ces pratiques, mais
encore de les défendre aux prêtres et aux clers. Voyez Thiers, Hist,
des superstitions , t. I, 1. VI, chap. 1 et 2, et cf. Charles Nisard,
Histoire des livres populaires, I, 168, où il est justement question
du mode d'enchantement employé par nos malfaiteurs bordelais, c'est-
à-dire de la main de gloire,
5. « e leio breus » : e lei o breus ne donnerait pas ici, à ce qu'il
semble, un sens satisfaisant; leio pourtant m'est suspect, parce que
ce serait dans notre texte le seul exemple de troisième personne plu-
riel en 0, forme qui est étrangère et antipathique au dialecte du haut
Limousin. Peut-être le copiste a-t-il transcrit par erreur leiè en leio.
Quoi qu'il en soit, leio breus (= ligant — et non legunt — brevia)
donne un sens tres-plausible.Voy. Du Cange sous brevia. Les brefs
s'appelaient aussi ligatures (cf. ibid. ligaturœ), à cause de l'usage de
les porter attachés au cou, aux bras, aux jambes ou à d'autres par-
ties du corps. La fameuse amulette de Pascal était proprement un
bref. Cette superstition a duré longtemps, et il n'est pas sûr qu'elle
ait encore totalement disparu. C'est une de celles que l'Eglise a pris
le plus de peine à déraciner. Voy. Thiers, ouvrage cité, t. I, passim,
et spécialement livres IV et V. Le père Amilha, dans le Tableu, déjà
cité, de la bido del par f et crestia, fait en ces termes mention des
brefs au chapitre de VExamen de las supersiicius :
Aurios pourtat per breu la talpo, la cernailho,
La mouster o grapaut que le sourcié te bailho*?
Auriôs pourtat al col, sul cor o joux le bras,
Uo^escrlut doun le sens dou se coumprengo pas?
D'après Léger {Hist. générale des Eglises évangéliques des val-
lées du Piémont), les soldats piémontais envoyés, en 1663 et 1664,
contre les Vaudois avaient été munis de brefs imprimés en rouge.
K Je conserve », dit-il à la p. 25 du 1. 1, « des billets dont on munis-
soit au tems des massacres ceux qui se disposoient à les exécuter :
en vertu desquels billets imprimés on leur faisoit accroire qu'ils
n'avoient rien à craindre, ou même que s'ils mouroient en cette guerre
sainte, ils alloient recevoir des auréoles dans le ciel, comme plusieurs
prisonniers me l'ont souvent protesté. Ces billets estoient la plus
* On voit par là que le nom de breu pouvait être donné, par extension, à
des amulettes de tout genre, et oon pas seulement à des écrits ou brevets.
168 SERMONS ET PRECEPTES RELIGIEUX
part de cette teneur : Potentia Dei f Patris Sapientia Dei f Filii et
Virtus Spiritus f Sancti per intercessionem Sanctissimae Virginis Dei
genitricis Marise, Sancti Francisci, Antonii etbeatorum Didaci,et Sal-
vatoris, liberet te Dominas ab omni febre peste et improvisa morte.
Amen. »Cf. t. II, p. 181 du même ouvrage.
Les exemples anciens de breu, dans le sens spécial qu'a ce mot
dans notre texte, ne sont pas communs . Rst^ynouard n'en rapporte
aucun. En voici un que me fournit Guilhem de Berguedan :
No sai sius portatz peir' o brieu
Qu'en aissim faitz fondre com nieu.
Cf. la note 1 de la page 163 ci-dessus .
13. « nols. » Ms. noll (les deux l barrées).
15. « otena. » Corr. o{i]tena?
19-20. Les mots que je place ici entre parenthèses sont évidemment
à supprimer. Le copiste, après les avoir écrits à tort pour ceux qui
suivent, aura oublié, en se reprenant, de les effacer.
VI . — On avait d'abord écrit tôt hom. Mais ces deux mots ont
été biffés et on a écrit à la suite toz om, — 20. Ms. la paricio. — 31.
« essehinnansa. » Ms. essehninansa ; Vi est certain, il est marqué.
D'autres manuscrits présentent parfois la même faute. Cf., par exem-
ple, seniner, pour seinner, dans l'épître farcie de la Saint Etienne
publiée par M. Gandin, au t. II de la Revue des langues romanes
(p. 138). Pour le groupe hin = nh, cf. ci-dessus I, 10, sehinor.
43. Après qe, on lit dans le ms. anset, à quoi je ne sais trouver
aucun sens*; après laisas (corr. laisar?) un ou deux mots illisibles.
VII. — Cette pièce, bien que rimée, est écrite à lignes pleines dans
lems. — 6. Ms. cors. -—9. Ce vers ne rime pas; peut-être en mao-
que-t-il un avant ou après. — 12. « faire. » Ms. /ar.
14. Encore un vers qui ne rime pas. Faut-il en faire deux en cor-
rigeant fesisses (cf. le vieux français) ou seulement, en admettant une
rime par à peu près, fesesses : suffrisses ?
18. « ades. » Corr. adens pour rimer avec desconoicens ? Anes rime-
rait, par à peu près, avec Luciabels du vers précédent, qui devrait
dès lors en faire deux.
29 . Suppr. car ? Ce vers aurait ainsi la même mesure que les deux
précédents
33. « Honors. Ms. honees. Le premier e est douteux, mais le se-
cond est sûr. C'est peut-être homenes en abrégé (hôêes) qu'il y avait
dans l'original et que le copiste a mal lu. La bonne correction con-
* On pourrait séparer ans = ante; mais que faire de et ?
SERMOl^S ET PRECBPTBS RELIGIEUX 169
sisterait dès lors à rétablir ce mot et à supprimer Ve qui suit, pour
conserver au vers sa juste mesure. — « de lauvamens. » Il y a seu-
lement e et non de dans le ms. Ce que j*avais pris pour un d est
un signe de renvoi précédant ces deux mots, qui avaient été oubliés
et qu'on a écrit, au-dessus de prêt ai volgut, dans l'interligne. Du
reste, lauvamens n'est qu'une correction, qui m'a paru indiquée par
le sens et par la rime, car le ms . porte lauuamu es. Ces deux der-
nières lettres sont séparées du reste par la partie supérieure de 1'^ de
volgut, avec laquelle une autre lettre, qui serait un t, aurait bien pu
se confondre, car cette l parait être plus longue que de raison. Ce se-
rait alors lauuamuies qu'on aurait écrit.
34. « tôt. » La dernière lettre est presque presque entièrement ef-
facée dans le ms. Mais ce qui en reste se rapporte plutôt à un ^ qu'à
un z, — 39. Ms. sobreros.
40. (cvertaders. » Ici se termine, avec le folio 60 et le cahier 8 du ms.,
notre pièce n® Vil, qui paraît complète.
11 ne reste rien de celles qui, d'après le titre même de cette pièce,
devaient la suivre, au nombre de six au moins. Les neuvième et dixième
cahiers dums., qui en senties derniers (folios 61-74), ne contiennent
que du latin. Le neuvième est composé de trois feuillets doubles, le
dixième de quatre. Il n'y a pas de lacune entre les deux et rien ne man-
que à la fin, comme l'indique le mot explicit, inscrit à la cinquième
et dernière ligne du dernier feuillet, dont le reste, aujourd'hui mu-
tilé, est resté en blanc, sauf quelques lignes écrites après coup et
qu'on a grattées. Mais un ou plusieurs cahiers manquent au commen-
cement, c'est-à-dire avant le folio 61.
C. C.
(A suivre,)
0m
Dialectes Modernes
GLOSSAIRE DES COMPARAISONS POPULAIRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
(Suite et fin)
Tabat. — Prene detabat coumo un ase de bren.
SE dits:
— Se bos fuma, croumpo de tabat.
— Mai d'un cop Ton fumo sans tabat.
Tabatou ou TABATAiRB. — De narros negros coumo un taba-
tou,
Talha ou coupa coumo un rasou ; — coumo un coutèl sanna-
dou; — coumo uno lanceto; — coumo un coutèl de fe-
niant. — Talhent das dous coustats coumo un coutèl de
tripiè.
PBR TRUFARIB :
Talha coumo uno dago de ploumb ; — coumo uno ra^-
sègo ; — coumo un ginoul de bièlho ; — coumo s'i béi.
Talhat ou bastit coumo un tambour-mèstre ou major ; —
coumo un sapin ; — coumo un barri. — Talhat coumo un
souisso de catedralo.
Talho. — Uno talho primo coumo un fus;— coumo un fouis-
soulou ; — coumo uno damo de gandolo.
Talhounat. — Talhounat coumo un sahi ; — coumo un sal-
cissot ; — coumo uno caroto.
Talpo. — Moucha laura coumo la talpo; — nègre coumo
uno pèl de talpo. — Cambia lous èls per la cougo coumo
la talpo. — S'i béi pas dal loung d'el, coumo la talpo. —
Destrùssi coumo uno talpo.
Tambour. — Rasouna coumo un tambour-de-bascou. — Peta
coumo uno pèl de tambour. — Fa marca lou pas coumo
un tambour. — Faire coumo lou tambour, que cambio de
pèl quand es crebat.^-Tanat coumo uno pèl de tambour.
COMt»ARAlSOMS PÛI'ULAIRBS l7l
Tambourin. — Arriba àpunt coumo un tambourin à las noços.
— Mètre en trin coumo lou tambourin.
Tambourina. — Tambourina sus las bitros coumo un desubrat,
— Tambourinât coumo un charlatan.
Tana ou batre quaucun coumo un quèr. — Batre la semelo
coumo un pegot. — A lou bentre tanat coumo la pèl d'un
caïman. — La pèl dal bentre tanado coumo un quèr de
Russie.
Tancat ou tampat coumo uno porto de prison ; — coumo la
porto d'un couben ; — coumo un cagarau de souco ; —
coumo uno cauquilho. —Tança e dourbi coumo la porto
d'un aboucat.
Tarât. — Tarât coumo un bièl rabe ; — coumo lou cor d'un
sacripan.
Tarrible. — Tarrible coumo lou sort; — coumo la mort ; —
coumo la guerre. — Tarrible e rapide coumo un boulet
de canou.
Tasta. — Tasta dal bout de las dents coumo s'en abio pou de
s'empouisouna. — Tasta lou bi coumo un ibrougno : à
plen gandil. — Tastin-tastoroun coumo lous gargoutiès.
Temps. — Bièl. . . .fi. . .cambiable coumo lou temps. — Prene
lou temps coumo ben e las gens coumo soun.
SE dits:
— Lou mounde parle, l'aîgo coulo,
Lou bent fioulo et lou temps s'escoulo.
— Disoun que lou temps passe :
Piots ! es el que nous passe !
Tendre. — Tendre coumo d'aigo ; — coumo un fourmatjou ;
— r coumo un crèissilhou ; — coumo de burre ; — coumo
uno pèl de cebo ; — coumo un poutou de mut. — Tendre
coumo lou cor d'une bouno maire.
PER TRUFARIÈ:
Tendre coumo un clabèl d'un sôu ;— coumo uno gransolo
ou bato d'esclop ; — coumo las ancos de l'escaliè ; —
coumo un adoubaire de postes d'estoumac ; — coumo
un bourrôu.
Tenb. — Se tene à chabal coumo Sant Jôrdi.— Se tene dreit
I
Ht COMPARAISONS POPULAIRES
coumo per miracle ; — coumo per ressort. — Se tene sus
un pèd coumo uno cigogne. — Se tene fresc coumo un
pèis e galhard coumo un Turc. — Tene Talé coumo un ca
bessaire, — Tene un repais à miech gousiè coumo un
court- d'apetis deju. — L'estoumac i ten coumo per un fiai
de lano, de tant qu'a talen.
PER trufarib:
Se tene à chabal coumo un parel de mourdassos ou d^es-
tanalhos. — Tene Taigo coumo un curbèl ; — coumo
un paniè sans tioul.
Tèsto. — A de tèsto coumo un filousofo ; — coumo un gros
sabent. — Tèsto leng de la cougo coumo la merlusso. —
Tésto sus cougo coumo d'anchoios en barialo ou coumo
d'alencadous. — Tèsto cruso coumo un sant de gèis. — A
pas mai de tèsto qu'une piuse.
Têstut ou caparrut coumo un Bretoun; — coumo un ase gris ;
— coumo uno mulo sourde; — coumo un bardot; • —
coumo unboto-rodo. — Testut coumo un màchou ou miol ;
— coumo un cascoul de poumpiê ; — coumo uno masso-
ascladouiro ; — coumo un mal de fargatou.
SB dits:
De caparrut à caparrut,
Diâcillomen i'a councordo.
TèuGNB. — Tèugne coamo uno moustèlo ; — coumo uno bou-
gneto;— coumo uno dentèlo ; — coumo un fui de papiè; —
coumo uno fèlho d'aubre.
TiBA. — Tiba coumo un arquet ; — coumo uno pèl de tam-
bour;— coumo un cung. — Tibat coumo un boutifarro.
— Tibado coumo uno poutèto de bren. — Fa tiba la guèto
coumo un tambour-major. — Bentre tibat coumo un pe-
soul.
TiLHA ou FA d'estiros coumo de besc ; — coumo de mèl ; —
coumo de jalèo ; — coumo de pego ; — coumo de triaco ;
— coumo de moust; — coumo un macaroni.
TiNDA. «— Tinda coumo uno campano ; — coumo uno esquilho;
— coumo un simboulet ; — coumo un clapou ; — coumo
uno sounalho d'eguetado; — coumo l'argent ; — coumo un
COMPARAISONS POPULAIRES 173
sac d'anougos; — coumo de clinquetos ou castagnetos. —
Tiiïdarêl coumo un sou de pifre ; — coumo uno clarineto
d'abugle.
SB dits:
Qui fa tinda l'argent quand croumpo,
Lou marchand es gus se lou troumpo.
Tira. — Tira coumo un chabal à la carreto ; — coumo un biôu
àFaraire. — Tira de las armos cqumo unAgenés ; — coumo
un prebot de regimen. — Tira foc de las dents coumo uno
pèiro de molo. — Tira d'aqul coumo d'un fourmatge ou
d'un cambajou.
PBR TRUFARIÈ:
Tira dréit coumo un chabal demalhucat.
SE dits:
— Bal mai tira qu'escoupi.
— De loungo-tiro coumo lous michantis pagaires.
Tissous. — Tissons coumo uno mousco d'ase ; — conmo mous-
cos en temps de plejo; — coumo mouscalhous al lèit.
Tort. — Tort coumo uno S; — coumo lou cami de Dabeja.
ToiicA. — Touca ma coumo maquignouns que fan pacho. — Se
touca la paleto ou las cinq sardos coumo de bounis amies.
— Touca de Tarpo coumo Dàbid ; — coumo un filou roum-
put à la musico das escuts. •
TouMBA. — Toumba coumo un ploumb ; — coumo un souc ; —
coumo uno groulho ; — coumo un esclop ; — coumo un
palet; — coumo un sac de blad ; — coumo la plèjo; —
coumo la grello sul paure mounde ; — coumo uno mito ;
— coumo un Sabatas ; — coumo un petas de bard ; —
coumo un santi-belli ; — coumo un perdigal engranalhat
per lou cassaire ; — coumo las graulos sus uno fabièro ;
—coumo un bol d'estrounèls sus rasins. — Toumba coumo
las prunos al mes d'agoust; — coumo las mouscos en
temps plèjous.— Toumba coumo la misèro sus paures.—
Toumba rette coumo uno barro.— Toumba sus las quatre
patos coumo un gat. — Toumba sul bentre coumo uno
gragnoto desancado. --Toumba espës coumo uno grello
de julh6t.^Toumba de flio coumo d^ capucins de cartos.
13
174 COMPARAISONS POPULAIRES
— Toumba sas quaucun coumo lous pîots sus d*amoaros.
— Toumba coumo de las naos sans que digus bous atende.
— La trîgèo toumbo as souldats coumo lous aglans ou las
amellos jisclados.
SB dits:
— Souben toumbo qui trop galaupo.
— L'orne que s'es espatarrat
Pot pas leba ion qu'es toumbat.
TouNSURAT. — Tounsurat coumo un carme ; — coumo uno
mounino.
Tourmenta. — Se tourmenta coumo un ase trop singlat; —
coumo uno crabo estacado per un paisslu.
Tourna. — Tourna cad' an coumo Tarmanat ; — cado mes
coumo laluno; — cado jour coumo lou soulel. — Tourna
à soun sicut era coumo un repapiaire.
ToussB ou Toussi coumo un bourrée gamat — coumo un asma-
tic ; — coumo un chabal poussif ; — coumo un biôu qu'en-
goulits uno plumo.
SE dits:
Lou chantre que perd sa note,
Sul cop se met à toussi.
Toussi. — Se toussi coumo un jounc; — coumo uno cordo ; —
coumo uno camiso bagnado.
Trabalha. — Trabalha coumo. un galérien; — coumo un nè-
gre ; — coumo un Cifèr ; — coumo un ase ; — coumo uno
bèstio ; — coumo un malurous ; — coumo un Samsou. —
Trdbalha de tèsto coumo lous alhets.
PER trufarib:
Aima lou trabal coumo lous gousses lou fouet.
SB dits:
— Demandario de trabal, se sabioqu'in rafudessoun.
— Qui trabalho,
Dius i balho.
— Qui s'apauso dégourdit,
Cal que trabalhe raât.
— S'en trabalhant Ton benio riches,
Lous ases pourtarion bast d'or.
GOMPÀRÀUmS POPULAIRSS 175
Trabalhat. ^ Un camp trabalhat coumo un ort.
Trabbs. — Se tene de trabès coumo lou sant de Bajos. — Tout
margat de trabés coumo un debigoussat.
Trac ASSIS. — Tracassiè coumo un empruntaire ; — coumo lous
amies de Job, sans parla de sa fenno.
Trairb-psno. — Fa traire-peno coumo un agounisant ; —
coumo un asmatic; — * coumo un quèque; — coumo un
mainatjou qu'a la cacalucbo.
Traite. — Traite coumo Judas Iscarioto ; — coumo un Grec ;
— coumo la fahino.
Trambla ou tremoula coumo un jounc ; — coumo uno fèlho
d'aubre ; — coumo uno cougo de baco ou de mandro ; —
coumo un boulur;— coumo un tioul d'agassou.
Tranquille. — Tranquille coumo un sôu ; — coumo Batiste ;
— coumo la bèlo aigo ; — coumo un banc ; — coumo un
sant de gèis ; — coumo uno borno ; — coumo uno clouco
susiôus; — coumo un ange; — coumo un perot;— coumo
lous pèis dins sa gaugno ; — coumo uno lèbre abant Ten-
benciu de la casso.
8E dits:
— Tranquilletat e pax dal cor,
Baloun mai que de saquets d'or.
Trantala ou trantalha coumo un apostoul de Bacus qu'a
lous dous pèds dins la bigno. — Trantalha coumo un home
que ben de reçaupre uno pruno de ploumb.
Tratable. — Tratable coumo un agnèl ; — coumo un efantou
de dous ans.
Trauca. — Trauca coumo un birou ; — coumo d'aigo-fort. —
Trauca das èls coumo de cops de talaires.
Traucat. — Traucat coumo un ariè ; — coumo un curbèl ; —
coumo uno tourièro ; — coumo uno escumadouiro. — Fa
la traucado coumo un moussegne.
Trauquiliiat. — Trauquilhat coumo un dedal de courduro ; —
coumo uno dentèlo; — coumo uno passadouiro ; — coumo
uno espoungo ; — coumo uno bresco ; — coumo uno
pèiro-de-groto ; — coumo de fourmatge de gruièro ; —
coumo de pèiro-pounso.
Trbboul ou treblb coumo de bard ; — coumo de bol; — coumo
175 COMPARAISONS POPULAIRES
de lessiu ; — coumo de traupo ; — coumo de poustèmo ;
— coumo de fraugno ; — coumo uno gourgo-bandièro de
canards ; — coumo de bi de rauso.
Trelusent. — Trelusent coumo For; — coumo un soulel ; —
coumo un arcange.
TREMOULANT.— Tremoulant coumo un cant de cigalo ;— coumo
uno boues de crabo. — Tremoulejant de joio coutno un
reinard que rencountro de galinos.
Trempât ou trempe coumo uno soupo ; — coumo de pa boulit ;
— coumo un gous qu'a nadat; — coumo uno bugado. —
Trempât de suzou coumo un estibadiè que biro Tamoulat
en plen miechjour. — Trempe coumo un gourg.
SE DITS :
Ço que Dius trempo, Dius asseco.
Trigoussa. — Se trigoussa coumo un bièl engrepesit. — Tri-
goussa la garro coumo un bièl gendarme. — Trigoussa
Talo coumo un bièl aucèlas. — Trigoussa sa bîdo coumo
un boulet de galèro. — Trigoussa coumo uno carrau-
gnado.
SE dits:
— Dins aqueste mounde, cadun trigosso sa carcasso coumo
pot.
— Qui pot pas pourta trigosso.
Trima. — Trima coumo un nègre ; — coumou un Samsou ; —
coumo un galérien. — Trima la galèro coumo un ase
pelât.
Trioumfant.— Trioumfant coumo Pescoulan qu'a rempourtat
lou lauriè ; — coumo un souldat qu'arrancat un drapèu à
Tenemic ; — coumo un gênerai après la bitôrio.
Tripo. — Mol flac coumo uno tripo. — Rena coumo de
tripos bidos. — Las tripos i gourgoulhoun coumo de ti-
rons.
SE dits:
— Atoujour uno tripo douberto per lous amies.
— Qui a d'argent, manjo de tripos.
Tris. — Tris coumo de pebre ; — coumo de farino ; — coumo
COMPARAISONS POPULAIRES 177
depoulset; ~ coumo de jaubert achat. — Trissat coumo de
sal. — Trissa ou manja coumo un ogre deju ; — coumo un
Gargantua ; — coumo un ase descabestrat.
Triste. — Triste coumo la mort; — coumo la passiu ;— coumo
uno michanto noubèlo ; — coumo un cèdre de cementèri ;
— coumo un capou engagelat ; — coumo uno souco de
bigno desramado ; — coumo tout aubre desfelhat. — Triste
coumo lou plagnun d'un chot ; — coumo uno bouneto de
néit ; — coumo un clas ; — coumo un atahut ; — coumo
un catafalc ; — coumo la malin fourtuno.
SE dits:
— A mal de cor, ôli de souco.
— Cent liuros de tristesso pagoun pas dous liards de
doutes.
Trouba. — Se trouba pertout coumo lou Gloria Patri. — SU
trobo de tout coumo à la fièro ; — coumo dins Tarcho de
Noué.
SE dits:
Qui serco e trobo perd pas tout soun temps.
Troussa. — Se troussa coumo un bèr escapitat; — <5oumo uno
couloubro partachado pel mièch ; — coumo quaucun que
toumbo dal mal-de-la-terro. — Troussât coumo un faisset
de cordos d'esparrou ; — coumo uno bano de souco.
Trouta. — Trouta coumo un Bascou ; — coumo un cêrbi ; —
coumo un gat magre; — coumo un ase fouissat dal mous-
calhun ; — - coumo uno ègo. — Trouta gamberle ou de
guingoi coumo un gous que beii de bèspros.
SE DITS :
Filho troutièro ou finestrièro,
Raromen bouno mainatgèro.
TkucA ou TUSTA coumo un sourd ; — coumo uno masse ; —
coumo sus un enclumi ; — coumo sus un budèl que ban
pela.
Trufa. — S'en trufa coumo de TAlcouran ou de Tan qua-
rante.
Trul ou cqRAT coumo un biic; — ^coumo uno çuitaro ;— coumo
178 COMPARAISONS POPULAIRES
un bièl sause sans mesoulho ; — coumo un tiradou de
paure.
TuFAT. — Tufat coumo un poul-alambert ; — coumo un ca-
landre ; « — coumo un apuput.
Turc. — Fort coumo un Turc. — Fuma la pipo coumo un
Turc. — Sèit e lous pèds crousats coumo un Turc.
TusTA. — Tusta coumo un asclaire de soucs ; — coumo un
barriè de presse ; — coumo un sans-èime ; — coumo un en-
ratjat ; — coumo un tentât ; — coumo un sourdagno ; —
coumo un martinet. — Tusta sus Tariscle coumo sul tam-
bour ; — coumo un destimbourlat. — Se tusta ou se pata
coumo dous marras jalouses.
SB dits:
Tal crei tusta que tuo.
Umble. — Umble coumo lou besoun ; — coumo la biouleto ; —
coumo la âour das camps; — coumo la sabato d'un em-
brumaire.
Unit. — Unit coumo la rusco à Taubre ; — coumo la car à Tos;
— coumo lamico à lacrousto. — Units coumo dous fraires
amies.
Urla. — Urla coumo un ours blassat ; — coumo un loup afa-
mat.
Urous. — Urous coumo un Dius ; — coumo un paure; —
coumo Adam abant de fa pèco ; — coumo un escoulan en
bacanços. — Urous coumo un droUe que cargo bragos pel
premiè cop ; — coumo un lausèrt al soulel ; — coumo un
pèisdins Faigo ;— coumo un jour de première coumeniu.
— Urous coumo se lous anges bous pourtaboun. — Urous
coumo un porc à Tengrais.
PER TRUFARIÈ:
Urous coumo un crebat; — coumo lou gousde Brisquet,
que lou loup mangèt lou premiè cop qu'anèt al bosc.
SB dits:
— Ta pas de pus uroùs que lou que sU trobo.
COMPARAISONS POPULAIRES 179
— Urous es lou qu'es countent
Dal pauc-metéu que Dius i mando.
Usât. — Usât coumo uno bièlho sabato ; — coumo uno pèiro
de passatge ; — coumo un bièl chabal de posto ou de re-
mounto. — Usât coumo lou tioul de las caussos d'un pous-
tilhou.
ZouNZouNA ou zouNzouNEJA coumo Tabelho.
ZiozAGUEJA. — Zigzagueja coumo un ibrougno.
Achille MiR.
BIBLIOGRAPHIE
Étude sur le dialecte anglo-normand du IIV« liôcle. —• Tlièse pour
le dodoj'at, par Johan Vising, licencié es lettres, — Upsala, 1882, Esaias
Edquist ; petit in-8o, 104 p.
M. Vising a pris pour base de son travail : 1° le Voyage de S, Bran-
dan; 2° VEstorie des Engleis de Gaimary et 3° la Chronique de Jor-
dan Fantasme, Il l'a divisé en quatre parties, consacrées : la première, à
la classification des mss. et à la détermination de chaque texte ; la
deuxième, à la versification ; la troisième, à la phonétique, et la qua-
trième, à la flexion. Il a oublié d'y joindre un Index contenant les
principales divisions, avec renvoi aux pages. Cela est fâcheux, car un
secours de ce genre est toujours utile même pour les ouvrages de peu
d'étendue .
En fait de versification, M. Vising s'est occupé tout particulièrement
de celle du S. Brandan. Quant aux vers de la Chronique de Jordan
Fantosme, il ne fait guère que résumer les opinions de ses devan-
ciers, et les combattre en ce qu'elles lui paraissent avoir d'excessif.
Sa conclusion est que la versification de cet auteur était assez irrégu-
lière, et qu'en cet état <3: elle ne peut servir d'appui pour l'étude de sa
langue. »
Il est plus affirmatifen ce qui concerne la versification à\i S. Bran-
dan, et, comme c'est une des parties les plus importantes de son tra-
vail, c'est aussi celle que j'examinerai de plus près.
Avec Diez, il observe que les octosyllabes de ce poëme, tout à fait
différents en cela de l'immense majorité des octosyllabes ordinaires,
sont construits d'après le même système que ceux du BreviaH d'amor,
c'est-à-dire que l'atone delà rime féminine y compte comme huitième
syllabe, au même titre que la finale tonique de la rime masculine. Il
croit aussi que cette particularité est imputable à l'auteur lui-même, et
il se fonde pour cela sur deux faits distincts et même opposés, dont
la coexistence ne s'explique bien que par une supposition de ce genre.
En effet, deux mss., justement les plus anciens, les mss. B, C, sont
d'accord pour ne laisser aux vers féminins que huit syllabes, y com-
pris l'atone finale. C'est là la première preuve ; la seconde, ou plutôt
la contre-épreuve, est fournie par le ms. A, qui, lui, restitue aux vers
féminins leur neuf syllabes habituelles ; mais, comme l'observe l'au-
teur de cette étude, il n'arrive à ce résultat qu'au moyen d'un arti-
fice assez grossier, consistant à intercaler chaque fois un monosyl-
BIBLIOGRAPHIE W
labe de remplissage . Je partage cette manière de voir, et je ne doute
pas que le copiste du ms. A n'ait eu sous les yeux un texte analogue
â celui du groupe B, C, où les vers féminins ne comptaient que huit
syllabes.
Jusqu'ici les apparences favorisent M. Visîng, et l'on doit croire
avec lui que l'auteur, représenté par B, C, qui sont les deux plus
anciens mss., est bien et dûment responsable de ce raccomcissement
systématique do l'octosyllabe féminin . Mais cette explication a contre
elle deux autres faits dont il faut également tenir compte, à savoir :
premièrement, que quelques-uns des vers féminins du S, Brandan
sont, dans tous les mss., au complet de leurs neuf syllabes ; seconde-
ment, que la syntaxe des vers féminins est très-sensiblement plus gê-
née et moins correcte que celle des vers masculins .
De ces deux difficultés, la première seule a été signalée par M. V.;
nous verrons tout à l'heure comment il prétend la résoudre . Quant à
la seconde, il ne l'a point remarquée, et a encore moins prévu les
conséquences qu'on en peut tirer. Cette particularité cependant n'au-
rait pas dû lui échapper, car elle est suffisamment visible, comme le
prouvent les exemples qui suivent. Je mets entre crochets les mots
qui me paraissent nécessaires pour le 8ens ou pour la correction.
V. 311, Mistl'en talent [de] prendre en emble.
V. 493. De ruge [e de] blanc taceledes.
V. 725. Apparut lui [uns] Deu message.
V. 890. Puis apelet [le] filz Marie.
V. 990. Or vust succurt par [la] Deu grâce.
V. 1024* Li grips est granz, [li] dragun s maigres.
En supprimant l'article devant draguns, on est obligé ou tout au
moins tenté de comprendre «Le griffon est un grand dragon maigre »,
ce qui serait un non-sens.
V. 1082. Li sacraires fud ['de] sardoine,
Li pavemenz [de] calcédoine.
V. 1128. [Les] estenceles od les lammes,
[Les] roches ardanz e les flammes
Par tel air [e] tant hait volent.
L'article fe« est nécessaire devant estenceles et devant roches, du
moment qu'on le laisse devant lammes et de\&iït flammes. Si on le sup-
prime, comme le fait le ms. C, devant les deux premiers, il faut le
supprimer aussi devant les deux derniers, de cette manière:
Estenceles od lammes
Roches ardanz e flammes, etc.
V. 1289. E despinis [le] corouneint.
Y. 1656. Cum aprisment [se] paît la nue,
182 BIBLIOGRAPHIE
Le sens exige absolument d se part :i> = 8e partage, se divise, et non
ce part» = s'en va.
V. 1682. As gutes d'or, [as] grisolites.
V. 1685. De topaze, [del grisopase,
De jargunce, [de] calcédoine.
De smaragde, e [de] sardoine.
[Les] jaspes od les ametistes
Forment [re]luisent par les listes.
V. 1742. D'arbre ne [d*]erbe n'i ad mie
Ki (p. cui) suat[um]ene rechrie.
Suate = suvaita pour suavitaa peut rester et permet de ne laisser
que buit syllabes à ce vers ; mais, quant à la préposition de devant
herbe, dans le vers précédent, elle est absolument nécessaire.
On voit maintement combien est pénible, embarrassée et même in-
correcte, cette syntaxe des vers féminins à septième tonique et à
huitième atone, tandis qu^on ne remarque rien de pareil dans les vers
masculins. Or comment expliquer cela si ce n'est en supposant l'in-
tervention d'un copiste qui, s'improvisant correcteur, aura voulu faire
rentrer après coup les vers féminins dans le cadre strictement octo-
syllabique du dimètre iambique latin, qui avait servi de modèle, en
effet, à l'octosyllabe roman ? A l'inverse de ce que fit plus tard le co-
piste du ms. A, il a dû retrancher les monosyllabes qui le gênaient .
Cela est infiniment plus vraisemblable que de supposer, ce à quoi il fau-
drait bien se résoudre, si Ton acceptait sur ce point les idées de M. V.,
qu'un auteur une fois décidé à employer tel ou tel mètre n'aura été aisé,
correct, que dans les vers qui ont une rime masculine; n'aura été gêné,
incorrect, que dans ceux qui ont une rime féminine.
Voilà pour la syntaxe.
Quant à la versification, « à la métrique », comme dit Itf. Vising,
nous arrivons, chose curieuse, au même résultat, à savoir qu'il n'y a
guère de difficultés, en fait de rbythme, que dans les vers féminins.
C'est aussi ce que reconnaît implicitement M, Vising lui-même, lors-
qu'il observe que « l'irrégularité métrique propre à la plupart des poè-
mes anglo-normands ne peut être prouvée pour les vers masculins du
saint Brandan », p. 44.
Ainsi le vers féminin est toujours la pierre d'achoppement, qu'il
s'agisse de versification ou qu'il s'agisse de syntaxe. Et ce n'est pas
tout. M. V., tout le premier, observe consciencieusement que quinze
vers féminins ont et doivent garder neuf syllabes (p. 49), puisque les
mss. sont d'accord pour les leur .attribuer. Mais il retire ou détruit
complètement cette concession, en ajoutant que, sur ce nombre, « six
ont un f atone que le mètre des Anglo-Normands peut négliger », et
BIBLIOGRAPHIE 183
que les neuf autres se ramènent par de faciles corrections à la mesure
strictement octosyllabique.
Mauvaise argumentation, comme on le voit, car M. V., pour se tirer
d'embarras, est obligé de pratiquer des corrections, c'est-à-dire de
préjuger la question en procédant par pétition de principe. Et cela ne
suffit pas. Pour six de ces vers récalcitrants, il est encore obligé de
supposer qu'un auteur de la bonne époque, comme est celui du Saint
Brandan, écrivant au moins dans les premières années du XIP siè-
cle, un versificateur raffiné en fait de rime, — M. V. est le premier à
le reconnaître, — a pu, chaque fois qu'il s'est mis à composer des
vers féminins, changer du tout au tout et devenir instantanément
l'émule en incorrections métriques des Anglo-Normands de la déca-
dence !
Évidemment cela n'est pas admissible. On ne comprend pas que
le même poëte ait pu s'infliger à lui-même de telles contradictions. Il
faut en revenir à la supposition que j'ai déjà émise, à savoir qu'un
correcteur, puriste à contre-temps, a pu seul retoucher ainsi le texte
primitif et le troubler aussi profondémen et aussi maladroitement
dans sa syntaxe et dans sa versification.
Quant au fait en lui-même, à cette mutilation systématique du vers
féminin de huit syllabes ramené à l'octosyllabisme strict du vers mas-
culin, il n'en reste pas moins authentique, pour n'être plus imputable
à l'auteur du poëme, et d'une antiquité fort respectable encore, puis-
qu'il a dû se produire dans une copie antérieure même aux deux mss.
les plus anciens.
Quoiqu'en désaccord avec M. Vising sur un point assez important,
je suis heureux de reconnaître que son étude est soignée et apporte
des lumières sur la question, encore si obscure, du dialecte anglo-
normand. Je dois ajouter, en ma qualité de lecteur français, que je lui
suis très-reconnaissant d'avoir pris la peine d'écrire sa dissertation en
notre langue. C'a été un utile exercice pour lui et un grand avantage
pour nous . Puisse-t-il trouver des imitateurs !
Voici maintenant quelques critiques de détail, qui termineront et
compléteront ce bref compte rendu :
P. 43. « La rime amoneste = reste, v. 223, est écartée par le ms. A,
d'après lequel on doit lire le vers 224 dans CD : Que Deus les guart
de tempeste. » Il n'y a rien à changer à la leçon du ms. principal.
Li abcs dune les amonestet
Que curages une ne cesset ,
Il suffît de lire cestet =» cessitat, ou mieux cespitat, chope, bronche.
Cf. Etienne de Fougères, V. 912 :
Mi^s a noalz fere ne ceste^
184 BIBLIOGRAPHIE
Cf. aussi les exemples que cite Godefroy à Cester,
P. 43. Celebrient, proposé en note comme pouvant rimer avec
8*ublient, est inadmissible, attendu que ient =« eient ou oient (cele-
hnentf celehreient, coiehroient) ne saurait correspondre à ient = itant
du latin.
P. 69. CZaer pour cler est régulier. Il dérive du doublet fictif, mais
supposable, *clariu8, ia, ium, qui a servi à former esclairer = *eX'Cla-
Hare, comme *tardiu8, ia, ium, a servi à former larjer par l'intermé-
diaire de *tardiare. Nouvelle occasion pour moi de rappeler ce que
j'ai déjà dit de la possibilité de supposer des doublets avec i interca-
laire, à côté de chaque nom et de chaque adjectif latin.
P. 75. Pourquoi point = poenat, enneint = insignat, meint = minât
à la p. 75, et paint = *poenet à la p. 79? Il fallait poenet, insignet,
minet, formes qui correspondent mieux que les formes en at à la
première personne du singulier, qui, ayant été ou ayant dû être pain,
ensein, mein, ne pourrait admettre, en fait d'équivalent étymologique,
que poenem, insignem, minem,
P. 76. Fui (puteus), cestui (v. 171). Je comprends podium, hau-
teur. Puteum donnerait puiz cm puis,
P. 78. Pourquoi dire que « l est pour r dans seril : péril i>, du ,v.l303 ?
On peut supposer un dériv. *sericulum de serire, v. fr. asserir, analo-
logue, comme formation, kperîculum de perire = *periri de escperiri.
A. B.
Toloza, geste provençale, par Félix Gras. — Paris, Fischbacher, 18^.
Nous n'avons pas à annoncer aux lecteurs de la Revue la publica-
tion du nouveau poërae de Félix Gras Le succès en a été assez grand
et a eu assez de retentissement pour que ceux-là mêmes qui n'ont pas
lu le poëme sachent que le public a fait à Toloza un accueil aussi
flatteur qu'à li Carhounié. Si des causes indépendantes de notre volonté
ont retardé l'insertion dans la Revue du présent compte rendu, ce
retard nous offre du moins cet avantage, qu'en insistant sur le mérite
littéraire de cette moderne chanson de geste, nous n'avons qu'à servir
d'interprète au public qui s'intéresse activement à notre littérature
provençale. Les journaux du Midi, ceux de Paris, naguère encore le
compte rendu de la dernière Félibrée de Marseille, ont déjà apprécié
ce qu'a de puissant et d'original le poëme de Gras, et nous ne pou-
vons mieux faire que de nous borner à résumer leurs appréciations.
On connaît la caractéristique du talent de Félix Gras ; il a cher-
ché, après l'auteur de Calendau, et plus exclusivement que celui-ci, à
démontrer par l'exemple que la langue d'oc n'est pas seulement un
mBLiOGRAPHîE m
instrument admirable pour rendre les pensées délicates, gracieuses
et tendres, mais qu'elle peut encore s'élever à la hauteur de l'épopée
héroïque . Il lui a même semblé que les qualités simples et larges de
cette langue lui permettaient de se rapprocher des formes sous les^
quelles l'épopée a reparu dans notre vieille littérature, et c'est dans
cette pensée qu'a été conçue et exécutée la geste de Toloza,
L'auteur n'a pas voulu refaire la Canso de la Crosada, Sans con-
tester lïntérêt qui s'attache à ce récit poétique, la Canso ne saurait
être considérée comme une épopée. Félix Gras a voulu reproduire
dans un cadre épique les événements principaux dont la Ckmso a
conservé la mémoire ; mais il lui a fallu, pour cela faire, concevoir
une fable poétique dans le tissu de laquelle ces événements viendraient
prendre place sans en détruire l'unité, tout en empruntant un intérêt
puissant à l'histoire terrible dont ils font partie. Dans Toloza, le vé-
ritable héros est bien le Midi luttant pour sa civilisation et son indé-
pendance; mais ce héros impersonnel s'incarne dans un personnage
qui en retrace les qualités brillantes et la chevaleresque énergie. —
Jean-Pierre, fils de la comtesse de Montbrun, élevé loin des soins de
sa mère dans la modeste condition de berger, est retrouvé et reconnu
par elle sous les vêtements grossiers qui le cachent. Il devient un
parfait chevalier, et sa renommée remplit déjà les Cours d'amour, au
moment où vient à gronder le vent de guerre qui souffle du Nord.
Trois chevaliers qui doivent devenir les compagnons inséparables du
héros, Blacas, Mauléon et Miraval, viennent, au nom du vicomte de
Béziers, Eoger-Trencavel, lui demander son aide pour repousser les
envahisseurs. Ni la comtesse, ni Jean-Pierre, n'hésitent un moment,
et celui-ci quitte sur-le-champ son château, abrité par le Ventour,
pour rejoindre les troupes réunies par le vicomte.
Ce premier chant est une idylle charmante, dont la grâce tranche
sur le fond sombre du poëme, qui désormais va retentir du fracas des
armes et des cris des combattants. Tous les lecteurs apprécieront le
sentiment qui a déterminé l'auteur à lui donner pour théâtre les plai-
nes que domine le Ventour. En chantant le Midi tout entier, il a tenu
à faire de son héros un compatriote.
Les quatre chevaliers sont rejoints sur les bords du Lez par Bernard
de Ventadour, et, dépassant Montpellier, se dirigent vers Béziers.
Mais ils arrivent trop tard : Béziers est déjà la proie des flammes.
Jean-Pierre se glisse dans le camp des Croisés et surprend la con-
versation de l'évêque de Cahors avec sa nièce, Angélique de Si-
miane :
Bloundo coume uno mespoulo,
Une enfant, uno chato en vièsti de guerrié.
186 BIBLIOGRAPHIE
Es grando e linjo e se devino
Rèn qu'au biais de sa taio, à soun lue mistoulio
Que flouris si quinge an e que i'a'n cors divin
Que genço amourousi souto Tauberc aurin
Qu*oundro la crous de Paiestino.
Sa man ausso Tuiau
De soun èume d'argent. — 0 gràci !
Digas, bèus astre de l'espàci,
S'avès jamai vist talo fàci
Sus terro, e dlns lou céu-, empèri de Tuiau ! (P. 60.)
La vaillante jeune fille s'est croisée pour combattre les hérétiques ;
sous l'armure d'un chevalier, elle a suivi son oncle, l'évêque de Ca-
hors ; elle a pris part au siège de Béziers et est entrée, victorieuse,
dans la ville, après avoir accompli des exploits. Mais son cœur, qui
supporte les sanglantes émotions de la bataille, n'a pu résister à la
pitié, quand elle a vu massacrer dans Saint-Nazaire une population
sans défense. Elle s'est retirée sur-le-champ dans sa tente, et exprime
à l'évêque toute son indignation, sans se douter qu'elle est écoutée
par un chevalier provençal. Jean-Pierre ne reste pas insensible aux
charmes de l'intrépide jeune fille :
. * Esbalauvi, près d'une fernisoun
S'entorno à grand cambado eilalin dedins Tort,
Ounte a laissa soun fin coiirrèire.
Mai n'es pas sens regarda 'rèire .
Déjà languis de la revèire !
« Moun Dieu, crido, moun Dieu ! fasés mouri moun cor î » (P. 82.)
Il la revoit plus tard pendant le siège de Carcassonne, que l'auteur
décrit d'une manière remarquable ; il a retrouvé, pour chanter ces
combats, un riche vocabulaire où est décrit tout l'arsenal guemer du
XlIIe siècle . Ces temps héroïques reprennent vie dans ses tableaux,
et l'on est entraîné, avec le poëme, dans le tumulte de la bataille, où
sonnent les buccins, volent les javelines, étincellent rondaches et
épées, et retentissent les armures sous les coups répétés de la lance ou
de la hache.
C'est à l'issue d'une de ces batailles que Jean-Pierre se retrouve en
face d'Angélique, qui, couverte de son armure, vient affronter le che-
valier victorieux . Lui reconnaît la jeune fille, et, au lieu de répondre
à ses provocations, il la couvre de son corps, pour la garantir d'une
javeline lancée du haut des remparts. Angélique s'arrête étonnée ;
Jean- Pierre lève la visière de son casque et lui déclare qu'il ne peut
combattre avec elle :
« Ëstello de moun amo ! o soulèu de moun cor !
Demande que fugues ma rouino o moun trésor.
BIBLîOaRAPHIE 187
Dounas-me voste amour, o dounas-me la paort,
E m'aurés fa bèn grando gràci. »
« Noble guerrié, respond la bello emé grandeur,
Un sarramea me tén ligado
Quarante jour à laCrousado.
La Santo Gleiso courroussado
Dins 'quéu 'tems me desfènd de douna moun amour .
Mai tre passa la quaranteno,
Sus lou barri poudrés aussa voste penoun :
Lôu miéu vous respoundra — Se se tèn de clinoun.
Voudra vous dire si ; s'es dret, dira de noun. » (P. 162.)
Et elle s'éloigne. — Telle est la première entrevue de Jean-Pierre
et d'Angélique ; elle sera la dernière. Le poëme est plein d'eux ; mais
les deux amants ne se retrouvent plus.
Angélique partage l'amour qu'elle a inspiré à Jean -Pierre. Mais
l'évêque de Cahors, qui voulait lui donner pour époux le fils de Mont-
fort, surprend son secret et la livre à l'Inquisition . Jean-Pierre, averti
par un écuyer fidèle, poursuit sa délivrance à travers les divers inci-
dents delà guerre. Nous assistons à la trahison qui livre Roger Tren-
cavel à Montfort ; à l'entrée des Croisés dans Carcassonne abandon-
née, à la bataille de Montjoire, à la prise de Lavaur et au supplice de
ses défenseurs. — Angélique a été livrée à Folquet, évêque de Tou-,
louse, celui qui est resté pour les troubadours du Midi le grand traître
infidèle à la cause nationale. Jean-Pierre, après s'être signalé pendant
le siège de Toulouse et dans la bataille livrée sous les murs de cette
ville, par des exploits tels qu'on les accomplit quand on est le héros
d'une geste, quitte Toulouse pour aller délivrer Angélique, retenue
prisonnière par Barnavelle, sa rivale, dans le château de Cabaret. A
lui tout seul il fait le siège du château, s'en empare et en massacre la
garnison. Mais c'est en vain qu'il sacrifie à sa colère Barnavelle et
révêque de Cahors: Angélique a été conduite à Toulouse par les sol-
dats de Folquet Le vainqueur reprend seul la route de cette ville ;
mais il s'arrête en chemin chez un ermite, qui, reconnaissant en lui
l'ennemi , invincible des Croisés, lui fait boire un vin empoisonné .
Simon de Montfort cependant a vaincu Pierre d'Aragon à Muret, pris
Toulouse et assiégé Beaucaire. 11 lève le siège pour revenir défendre
la capitale du Midi, menacée par le comte Raymond. Sur sa route, il
trouve Jean-Pierre endormi par le narcotique de l'ermite et le trans-
perce de son épieu.
La trahison a triomphé du héros provençal. Mais le poëme n'est pas
fini ; il ne s'arrête qu'à la mort de Montfort et à la défaite des Croisés.
Le comte Raymond est rentré dans sa capitale. Il a délivré Angélique.
Celle-ci revêt les armes qu'elle avait prises pour soutenir les Croisés et
1^8 BIBLIOGRAPHIE
se précipite au devant de Montfort, dans les plaines de Toulouse.
L'aviso au moumen que sus l'anco
A soun blouquié vira, ié mande l'esparroun.
Pico bèD en faveur dintre lou fendascloun ;
Estrasso lou bleiau, trauco la blanco car,
S'emplanto dins lou cor en jusqu'au fèu amar.
Mountfort trais un crid rau, lacho soun dagoun clar.
La tressusour cuerb soun visage;
Racant lou sang di narro e di jour de Tuiau
Es empourta pèr soun courrèire.
E li femo autant lèu lou vèire
D'en aut de la paret bandisson li caiau.
Coume passe avau,
De loung di contro-braio un roc d'un mié-quintau
Vous i' escracho lou cap, lou toumbo de chivau.
Tant lèu es pudènt soun cadabre.
Sèt jour, sèt niue li cler canton de Profundis,
Miserere, perèu l'absouto.
Pièi soun armadp s'es deirouto. (P. 498.)
Telle est l'épopée consacrée par Félix Gras à chanter la lutte où
devait succomber l'indépendance du Midi. C'est bien une véritable
chanson de geste. Mieux que tout autre, Gras, avec son inspiration
toujours grande et forte, avec sa langue simple et concise, pouvait
aborder un genre interdit à nos langues épuisées par le travail analy-
tique de huit siècles. Mais il a apporté, en outre, à l'achèvement de
son œuvre, une érudition philologique remaïquable, relativement à
tout ce qui touche aux choses de la guerre, qui mérite tous les éloges.
Un mot avant de finir : les motifs religieux qui furent invoqués par
les compagnons de Montfort à l'origine de la Croisade ont laissé dans
l'âme de l'auteur, patriotique avant tout, une profonde rancune, qui
éclate à chaque strophe du poëme et qui en dicte la conclusion :
Tant que tendran la mémo routo.
N'en periclitaran lis afaire dôu Crist !
Mais on se demande pourquoi il affecte de ne présenter comme hé-
ros que des partisans de la doctrine albigeoise. Les défenseurs du Midi
surent oublier leurs divisions religieuses pour combattre, réunis sous
le même drapeau, le grand combat de Tindépendance. Nos contempo-
rains n'ont certes pas à oublier cette vérité ni cette leçon.
A. G.
PÉRIODIQUES
Zeitschrift fttr romanischo philologie. — V, 2-3. P. 181.
Tobler, Mélanges de grammaire française (suite). — P. 209. Kœrting,
Analecta sur Boccace. I. Lieu de naissance de Boccace (Florence).
II. Boccace et Fiammetta, — P. 233. Baist, Étymologies, — P. 249.
Schuchardt, die Cantes flamencos (Cl. Rom., X, 468). — P. 323. Ebe-
ring, Éludes syntaxiques sur Froissart.
MÉLANGES. — I. Histoire littéraire. 1. P. 376. Gaspary, Réponse à
V article de M. Kœrting sur la lettre de Boccace àNelli (Cf. Rom., X,
443). — 2. P. 379. Stengel, Sur « l'Entrée en Espagne t> (Cf. Rom.,
XI, 147^). — II. Manuscrits. 1. P. 381. Stengel, le Ms. du Vatican^
fonds de la reine Christine, 1682 (beaucoup de ressemblance avec le
ras B. N. fr. 24429, décrit par M. Grœber. (Voy,./?om., X, 301).— III.
Exégèse. P. 335. Vollmœller, Sur le a Pèlerinage de Charlemagne »
p.p. Kochwitz (explication de maiske et des deux sens de membre).
— IV. Étymologies. — P. 385. Neumann, fr. êtres (de exteras, scil.
partes domus; Ci. hibernum, diumum, etc.);fr. branche (de bi-ra-
mica). — V. Grammaire, P. 386. Hornung, le Subjonctif dans les
phrases comparatives en ancien français.
Comptes RENDUS. P. 392. Jung, die RomanischenLandschaf tendes
rœmischen Reiches (Budinsky). — P. 393. Braga, Pamaso de Luiz de
Camoes (C. M. de Vasconcellos) . — P. 403. Pitre, Proverbi siciliane
(Liebrecht). — P. 408. Pitre, Spettacoli et f este siciliane (Liebrecht). —
P.416.Z. Consiglieri Pedroso, Contribuiçôesparauna Mythologia popu-
lar portugueza (Liebrecht). — P. 422. Castets, Turpini ffiatona (Baist).
Buhlmann, die Gestaltung der Chanson de geste Fierabras in Italien-
ischen (Mori) . — P. 443. Adam, les Patois lorrains {Aptelstedi; livre à
refaire avec les matériaux amassés). — P. 446, Zemlin, der Nachlaut
i in den Dialecten Nord und Ost-Frankreichs (Apf elstedt) . — P. 448.
Giomale di Filologia romanza, III, 1-2 (Gaspary). — P. 452. H
PropugnatorCy XIV, 1 (Gaspary). — P. 453. Romanische Studien, V,
2 (Varnhagen).
V, 4. — P. 471. A. von Flugi, Deux Drames ladins du X Vie siècle
[le Mauvais Riche et Lazare et les Trois Jeunes Gens dans la fournaise,
fragments). — P. 480, Decurtins, Un livre populaire sur selvain. C'est
une traduction de Pieuse de Provence en dialecte ladin de Sopraselva
(XV Ile siècle). — P. 498. C. Weber, Sur la Langue et la Source du
saint Georges français (Cf. iJowi., X, 319 et XI, 442). — P. 521 .
Bartscli. Chansons populaires françaises du XV I<^ siècle (d'après M. G.
190 PERIODIQUES
Paris, Eom., XI, 442; elles sont du XVII« siècle).— P. 550. Baist,
Étymologiea espagnoles. Pour tepe =gr. tuttiq, cf. gascon tepe, tertre ;
le mot existe d'ailleurs, avec le même sens, dans plusieurs provinces
de la Turquie et dans le Turkestan: Geok-Tepe, etc.
MÉLANGES. — I. Hiêtoire littéraire A , P. 565. C. Miçhaelis de Vas-
concellos, Sur le Cancioneiro <£'-ÊJvora. — 2. P. 571. Bartsch, Sur le
Roman de la Poirejêhea chansons ou débuts de chansons qui y sont
intercalés ne sont pas de Tauteur, comme le croit M. Stehlich, mais
se trouvent citées ailleurs, pour la plupart. — II. Critique des textes.
P. 575. Fœrster, Joufroi, v. 613 {foie doit-être corrigé en suie).
Comptes rendus. — P. 576. Ar. Baragiola, Italianische Grammatik
(Gaspary, livre mal fait). — P. 577. Ar. Baragiola, Crestomazia ita-
liana ortqfonica (Gaspary, favorable). — P. 578. Rodrîguez Marin,
Jwaw del Puehlo (Schuchardt). — P. 580. Baissac, Étude sur U patois
créole mauricien ; Coelho, Os Dialectos rom^anicos na Africa, Asia e
America (Schuchardt). — P. 582. Treutler, die Otinelsage in Mti-
telatier (QdiTig&Tt) . — P. 585. De Queux de Saint-Hilaire, Œuvres com-
plètes d'Eustache Deschamps, II (Knauer). — P. 500. Ascoli, Una let-
tera glottologica (Fœrster, article important, où l'auteur expose ses
vues particulières sur les sujets abordés par le savant critique italien).
— P. 593. // Propugnatorcy t. XIV, 1881 (Gaspary). — P. 599. Nou-
velles remarques de MM. Kœrting et Gia-spary sur la lettre de Boc-
cace à Fr. Nelli. — P. 601. Réponse de M. Hartwig à M. P. Meyer
{Ci. Rom., X, 626 et XI, 443).
VI. 1 . Freymond, Sur la Rime riche dans les anciens poètes fran-
çais.— P. 37. C. Miçhaelis de Vasconcellos, Palmeirimde Inglaterra.
— P. 64. Decurtins, Un recueil de cliansons de Sottoselva (X Ville siè-
cle).— P. 94. Horak, le Lai deMélion (nouvelle édition, d'après les
deuxmss. connus: Arsenal, 283; Turin, 4, 33, lesquels dérivent d'un
original commun.
MÉLANGES. — I. Critique des textes. P. 107. Lindner, Sur les Ser-
ments de Strasbourg . — II. Étym^logies. 1. P. 108. Fœrster, Étymo-
logies romanes (suite). — 2. P. 116. Baist, Étymologies. — 3. P. 119.
Schuchardt, Étymologies. — III. Lexicographie. P. 121 . Tobler, Dro-
guit = ce basané? d. Dans Rambaud de Vaqueiras (El marquas), le
vers Guerreia lai blancs e droguitz doit être lu : Guerreia Blacs et
Droguïtz (ou Drogovitz) z= Drugubitœ (les Valaques et les Drougo-
vites).— IV. Grammaire, P. 123. Bischoff, Sur le Subjonctif dans les
phrases comparatives en ancien français (Cf. ZHtschr. , V, 306).
I
i
PBRI0DIQUB8 191
Comptes rendus. — P. 125. Wagner, Visio Tnugdali (Baist : très-
favorable). — P. 127. Graevell, die CharaJcteristik der Personen im
RolandsUede (W'i99ma.nn, faible).— P. 128. Graîf Roma nella memoria
e neile imaginazioni del medio eoo, I (Liebrecht : analyse et additions).
— P. 136. Les Littératures populaires de toutes les nations, t. I-V
(Paris, Maisonneuve et C^). — I. Sébillot, Littérature orale de la
haute Bretagne ; II et III, Luzel, Légendes chrétiennes de la basse
Bretagne; IV, Maspéro, Contes populaires de l'Egypte ancienne ; V
Bladé, Poésies populaires de la Gascogne (Liebrecht: remarques inté-
ressantes sur cette importante coltection, qui fait honneur à l'éditeur
aussi bien qu'aux auteurs). — P. 145. Coelho , Revissa d'EthnoIogia e
de Glottologia (Liebrecht) . — P. 149. G. Pitre e S. Salomone-Marino,
Archivio per lo studio délie tradizioni popolari (Liebrecht) — P. 150.
Almanach des traditions populaires (Maisonneuve et C^, 1882) (Lie-
brecht).— P. 150. Herrîg's ^rcAii?, t. LXIII-IV (Grœber, Mangold).
— P. 157. Zeitschrift fur neufranzœsische Sprache und Literatur, I-II
(Grœber, Mangold). — P. 162. Giomale di Filologia romanza, III,
'8-4 (Gaspary).— P.164. H Propugnatore, XIV, 2 (Gaspary).— P. 165.
Romania, X, 1-2 (Kœhler, Tobler, Baist, Grœber). — P. 175-6. Ob-
servations de M. Godefroy à M . Tobler à propos de Tarticle de ce
dernier sur son Dictionnaire.
VI, 2-3. — P. 177. Freymond, Sur la Rime riche dans les anciens
poètes /rança£« (suite et fin). — P. 216. G. Michaelis de Vasconcellos,
Palmeirim de Inglaterra (suite et fin). — P. 256. Zeitlin, les Adverbes
de temps en ancien français. Étude intéressante et consciencieuse; un
peu de vague dans certaines règles. — P. 290. Decurtins, Une coutume
deSursetta (traduction de Johann Anton Pedretti, faite au commen-
cement de ce siècle sur un texte imprimé allemand de 1712). — P. 325.
Ulrich, Trois Miracles deCrautier de Coincy. I, 25, lis. covive ou con-
vive, au lieu de covine ; 38, lis. avec le ms. qui (= cui) l'am^or des
anfanz acore; 370, lis. laisso^^ ; 424, s'aquiaut; 521, et cist encui (f);
617, en ot; III, 170, mHr, 300, dist il; 449, prince; 498, s'aiole. —
P. 347. Martin, Une fable de Renard. — P. 352. F. Lindner, Un ca-
lendrier français du commencement du XVe siècle. Ce calendrier, qui
se trouve en tête d'un manuscrit de la bibliothèque universitaire de
Kostock (théol. 22), n'est guère remarquable que par les erreurs nom-
breuses dont l'auteur ou le copiste l'a émaillé ; il ne nous apprend
rien, d'ailleurs, sur la province où il a été composé. L'éditeur, qui a
pris la peine de rechercher le nom latin correspondant au nom fran-
çais de chaque saint, a dû renoncer à identifier 67 de ces noms. La
connaissance approfondie de listes de saints propres à chaque diocèse
de France serait d'un grand secours pour mener à bien l'entreprise ;
I9t PÉRIODIQUES
encore serait-on peut-être obligé d'y renoncer dans certains cas trop
difficiles. Il y a quelques fautes de lecture, qu'il faut peut-être attri-
buer au scribe (dans ce cas, l'éditeur aurait dû corriger), en particulier
la confusion du c et du t, de \'n et de Vu: Mapolite pour MapoUce,
Maudint pour Mauduit (Maudetus n'a rien à faire ici), Nauis pour
Narcis = Narcissius, Odonart pour Odoiiart (Audouart), Piguesine
pour Piguesme, Tarte pour Tarce, Vandrille pour Vaudrille = Bau-
drille = Baudilius. Voici quelques observations que nous donnons
en suivant l'ordre alphabétique: Alhaire est peut-être Alvera, vierge
et martyre, fêtée le 6 mars ; Anaistaise, au 2 mai, est plutôt Atha-
nase (métathèse dont il y a ici même d'autres exemples); Biece rap-
pelle le nom de famille, commun dans le Midi, Bieyêse {Bieiso) = b . -
lat. hesca, hessa, pelle à retourner la terre ; Cir = Sergius (honoré
dans le diocèse de Rodez); Gist = Xystus ; Crois, 3 mai = l'Invention
de la Sainte Croix ; de même Croix, 14 septembre, = l'Exaltation de
la Croix ; Donne, au 24 mai (= dominae), coiTespond à la fête de N.-D.
Auxiliatrice ; Flour, 15 juin n'est pas Flore, mais sans doute saint
Flour, honoré le 15 mars dans les diocèses de Rodez et de Saint-Flour;
Gabriel ne peut être que l'archange ordinairement honoré le 16 oc-
tobre ; Gohert = Godebertus est aussi légitime que Goberte, que sup-
pose Godeberta ; Landry = l'Andry; Libanie = Libanius ; Mair ren-
drait mieux Marins, honoré le 19 janvier au diocèse de Rodez, que
Marcus ; Marguerite =:Margarita, non Magerita ; Maidme, au 29 mai,
représente Maximinus ; Osfran ne doit-il pas être lu Osfrau = ossi-
fragus / Piast = Piatus (Cf. Beast = Beatus); Priache, avec un sigle
sur IV (= Petracius pour Patriciusf)^ doit être lu i^erriache (Cf. Per-
rache, quartier de Lyon); Signe = Cycnus ne représente nullement
un accusatif, comme le dit l'éditeur, p. 371 . — P. 372, Vising, Sur le
Français le représentant le Latin à.
MÉLANGES. I. Histoire littéraire. — 1 . P. 386. Suchîer, Johan den
Tkuin. Deux mentions de Jean, avoué de Thuin (1277), qui semblent
se rapporter à l'auteur de V Histoire de Jules César, en prose, récem-
ment publiée par M. Settegast. — 2. P. 387. Bartsch, Recherches an-
ciennes sur une traduction allemande de Dante, — P. 387. Schultz,
Sur Jehan BodeLha, pastourelle publiée par Bartsch ( A Z(/r. Rom. und
Past. III, 40), et attribuée par Paulin Paris à Jean Bodel, ne saurait
remonter à 1187 (cf. Rom., IX, 217). — IL Étude des manuscrits. 1.
P. 390. Bartsch, Un ms.du Brut de Wace.—2. P. 390. Stengel, le Ms.
Rawlinson, Miscellanea 1370, ancien 1262. Ce ms. de laBodléienne à
Oxford contient, outre des fragments anglais, des fragments français
appartenant à 14 mss. différents. L'éditeur nous donne: 1** un frag-
ment d'un romaû dont le héros semble être un certain Gandes. et qui
PERIODIQUES 193
doit être assez voisin du roman d^Ypomédon (en réalité, c'est un frag-
ment du Protasilaus de Huon de Rotelande); 2* un fragment du ro-
man inédit à'Ypomédony dont un ms. se trouve au British Muséum
(Cott. Vespas . A VII), et un autre semble être en la possession du
libraire Quaritch, à Londres. — P. 403. Stengel, Fragment de la
Chanson de geste de Garin de Montglane (se trouve à la bibliothèque
de Trêves). — 3. P. 413. Bartsch, Chansons populaires italiennes. —
IV. Critique des textes, 1. P. 414,Fœrster, &ur la Quatrième Édition de
la Chrestomathie de Vancien français de Bartsch (excellentes correc-
tions.— 2. P. 419. Tohler, Sur risopet de Lyon {nombreuses et im-
portantes corrections). — 3. P. 422. Fœrster, ;Sur Z« v. 6 du fragment
de /'Alexandre de la Laurenticnne (il faut lire : Poys hu (= locum)
mefaym'enfirmitas), — V. Étymologie. — 1. P . 423 . 1-3 . Schuchardt,
Baist, Étymologies hispano-portugaises, — 4 et 6. P. 435. Horning,
Suchier, Étymologies françaises, — VI. Grammaire, — 1. P. 439.
Horning, Sur la Déclinaison dans l'ancien français et dans l'ancien
provençal. En règle générale, les noms d'êtres vivants avaient seuls
à l'origine (et encore pas tous) la double forme du nominatif et de
l'accusatif, dans les noms imparisyllabiques de la troisième décli-
naison. Explication séduisante du changement de genredans les mots
féminins venant des noms latins en or; réfutation de l'opinion de
Littré. — 2. P. 445. Suchier, Exclamations avec quel en ancien fran-
çais. C'est la forme de l'accusatif , et non celle du nominatif, qui est
employée .
Comptes rendus. — P. 447. Les Littératures populaires de toutes
les nations, t, VI-X (Liebrecht). — VI et VII. Bladé, Poésies popu-
laires de la Gascogne (t. II et III de l'ouvrage). — VIII. Ed. Lan-
cereaWj H itopadesa, ou l'Instruction utile, trad. du sanscrit. — IX et X.
P. Sébillot, Traditions et Superstitions de la Haute- Bretagne. — P. 456.
P. Sébillot, Contes populaires de la haute Bretagne, 3e série: Contes
des marins (Liebrecht). — P. 459. P. Fœrster, Spanische Sprachlehre
(Baist). — P. 462. L. Constans, la Légende d' Œdipe, étudiée dans
l'antiquité, au moyen âge et dans les temps modernes, en particulier
dans le Roman de Thèhes, texte français du XÏI^ siècle . Paris, Maison-
neuve et C«, 1881 (Stengel). Excellentes observations, dont je remercie
sincèrement l'éniinent critique. Je compte en faire mon profit dans
l'édition du Rom>an de Thèhes, que je prépare, travail dont la publi-
cation a été notablement retardée par la perte, dans un incendie, de ia
copie des mss. de Paris. — P. 467. Wœlfflin, Ueher die Allitteriren-
de7i Verhindungen der lateinischen Sprache (Grœber). — P. 470. Kosch-
witz, les Plus Anciens Monuments de la langue française (Grœber). —
194 PERIODIQUES
P. 471. Stengel, Ausgahen und Ahïiandlungen ans dem Gébietedtr Bo"
manischen Philologie, XI und XllJdkr, La Cançun de saint Alexis
und einige kleinere altfr, Gedichte des (Grœber). — P. 476. i^oTwania,
n«' 39 et 40 (Grœber, Baist, Kœhler, Varnhagen,Suchier).— P. 284.
Romanische Siudien, Heft, XVI (Grœber). — P. 4^1, Romaniache Fors-
chungen, I, 1 (Grœber).
L. CONSTANS.
Zeitschrift fur rom. Philologie.— VI, 2, 34. P. 325. Trois Mi-
racles de Gautier de Coincy (Ulricb). Voici quelques observations pour
faire suite à celles que M. Constans a présentées sur le même texte.
I. 33, 34. Je préférerais la variante ^/ama, laissa. La rime est plus
riche, et Gautier de Coincy n'était pas homme à négliger cette consi-
dération . Le sens est « son amour pour son enfant le domina telle-
ment, etc ...» V. 41 42 ... , Dieus vost Dieu plot, car so8t= sapuit pa-
raît bien problématique . V. 45, aperçut vaut mieux qu'apparut, V. 77,
quiert, 1. qu' iert. V. 102, fauvoia, 1. faunoia. V. 140, 1. aouvrir.N ,
164, supprimez il, 1. que il quiert, V. 170^ voissez, 1. voiliez, Y .221 ,
qu'an dit, que ceste dame saintisme, 1. qu'an dit que c'est dame saintisme.
V . 294, 1 . Déçoit tout le monde et conchie . V . 350, l^aissiez vos, mestre
taisiez cui, 1 . taisiez. Oui (= cogito) vous me voulez tenir si cort, etc . . .
V. 460, mercie, 1. merci, V. 637, Ce? que, etc., 1. ce que. V. 720, les,
1. ces, II, V. 22, maintenue [et si] longuement. V. 178, la bonne leçon
est en variante. V . 223, 224, mauvaise ponctuation ;l,Ja n'iert en leu
ne soit trovée Et, si sera prise, provée, V. 314, l'abesse,!. s'abesse,
V. 367, amahles, 1. amiables. V. 398, mes f et, 1. mes/et. III, v. 65,
n'est pas merveille, 1. n'est merveille, V. 124, pandois, 1. pandoit, V.
217, 21S y N'atendist mie jusqu'à none, Qui li donast ,i. mui d avoine,
lisez d'anone =«: annona (blé), V. 554, endurementj 1. en durement,
A.B.
NECROLOGIE
ANATOLE BOUCHERIE
La Société pour l'étude des langues romanes vient d'être
frappée du coup le plus cruel qui pût l'atteindre, en la per-
sonne de son secrétaire, M. Anatole Boucherie, chargé du cours
de philologie romane à la Faculté des lettres, mort le 3 avril
courant.
La Revue des langues romanes publiera, dans un de ses pro-
chains numéros, une notice sur notre regretté confrère. Au-
jourd'hui, nous ne pouvons que reproduire les discours pro-
noncés sur sa tombe, le 5 avril, par M. Castets, doyen de la
Faculté des lettres, au nom de la Faculté ; par M. Revillout,
professeur à la même Faculté, au nom de la Société des lan-
gues romanes ; par M. Bernard, professeur au lycée, au nom
du Lycée; les allocutions prononcées par MM. A. Roque-Fer-
rieret L. Roumieux: la première, la veille des funérailles, en
séance ordinaire de la Société des langues romanes ; la se-
conde, dans une fête de famille qui eut lieu quelques jours
après, et à laquelle Boucherie avait été convié ; enfin quatre
articles nécrologiques, publiés,les trois premiers, dans les trois
journaux de Montpellier ; le dernier, particulièrement honora-
ble pour la mémoire de Boucherie, dans le Journal des Débats.
Nous faisons suivre ces documents d'une lettre adressée
par M. le docteur Obédénare, premier secrétaire de la léga-
tion de Roumanie à Rome, au Président de la Société.
106 ^ÉCR0L0G1E
Allocution de M. A. Roque-Ferrier
Messieurs,
Lorsque cette réunion fut décidée, nous étions loin de prévoir le
coup si brusque qui devait frapper la Société. Boucherie n'est plus
depuis hier soir I Nous ne perdons pfas seulement en lui un ami de
toutes les heures, de tous les instants, un collègue aux relations sû-
res, aimables et cordiales, à la science aussi précise qu'élevée ; nous
perdons surtout le guide, la lumière philologique de notre Compagnie.
Il avait puissamment contribué à la faire naître, et, ce qui est souvent
plus difficile, à la faire vivre et prospérer. Il nous est donc permis de
voir en lui l'homme qui pourrait, à autant de titres que Cambouliù,
être considéré comme le fondateur de la Société des langues romuL es.
Mieux que je ne saurais le faire ici par ces quelques paroles, M. le
professeur Révillout dira demain les regrets que cette mort éveille
dans le cœur de chacun de nous. Mais vous m'en voudriez de toute
l'amitié que je portais à Boucherie, si je ne vous proposais point de
lever la séance en signe de deuil, et de renvoyer à la deuxième réunion
d'avril la communication des travaux qui ont été inscrits à notre or-
dre du jour, alors que rien ne faisait présager le dénoûment que vous
déplorez aussi profondément que moi ! i>
Discours de M. Gastets
Messieurs, il y a quelques jours à peine nous accompagnions à sa
dernière demeure un de nos jeunes étudiants, frappé sur le seuil même
de la vie, et nous voici encore rendant un pareil devoir à un de nos
collègues; après l'élève, c'est le maître qui nous est ravi, et pour l'un
comme pour l'autre, nous disons douloureusement: Quoi! sitôt! car
ce n'est pas à cinquante-trois ans qu'un homme a achevé sa tâche,
alors surtout qu'il a conservé intacte toute la jeunesse du cœur et de
l'esprit.
L'Université et la science font une grande perte par la mort de
Boucherie : tel a été notre premier cri ; et, plus Ton arrête sa pensée
sur la vie si pleine de notre regretté collègue, plus devient vif et
poignant le sentiment de ce tort qui est fait à l'enseignement, à la
science et à notre Faculté, où Boucherie tenait si honorablement sa
place.
NECROLOGIE 197
Boucherie est entré jeune dans l'Université. A l'âge de dix-huit ans,
nous le voyons déjà maître répétiteur au lycée d'Angoulême. En 1855,
il débuta dans l'enseignement au lycée de la Rochelle ; en 1858, il était
reçu agrégé et nommé professeur titulaire de sixième au lycée dô
Poitiers. Il revint deux ans après dans sa ville natale ; mais déjà sa
santé était compromise par les efforts qu'il avait dû faire dans cette
conquête laborieuse d'une position digne de lui. Il fut obligé de pren-
dre un congé qui dura trois ans, et c'est seulement en 1864 que ses for-
ces lui permirent de remonter en chaire. L'administration lui confiait
la classe de cinquième au lycée de Montpellier. On espérait qu'un cli-
mat plus doux pourrait retarder ou conjurer les progrès du mal dont
il avait senti la première atteinte . Boucherie a rempli pendant qua-
toize ans, au lycée de Montpellier, les modestes et utiles fonctions de
professeur de grammaire.
Nous savons tous ici ce qu'il fut dans sa classe. Entouré de l'affec-
tion et du respect de ses élèves, il était leur père autant que leur maî-
tre, et tous ont gardé de ses leçons le souvenir le plus reconnaissant.
Tout faible de corps qu'il était, et bien qu'il ne se fît pas illusion
sur l'état de sa santé. Boucherie poursuivait un double idéal ; à la
pratique la plus consciencieuse du devoir professionnel, il voulait et
savait allier le souci des travaux qui de bonne heure lui ont fait une
si légitime réputation . Doué d'une aptitude naturelle pour les recher-
ches de la philologie, nous le voyons, à peine arrivé à Montpellier,
fouiller dans les manuscrits de nos bibliothèques et y faire de véri-
tables découvertes, étudier les origines de notre langue dans les textes
bas-latins des époques mérovingienne et carlovingienne, discuter et
compléter les théories allemandes sur la formation des langues ro- ,
mânes. Un savoir solide, une rare finesse d'esprit, la justesse de fon
jugement, donnent à ses travaux une valeur qui fut appréciée par les
savants les plus éminents de notre époque. Ils étaient heureux de re-
connaître en leur auteur un de ceux qui contribuent au progrès de la
science, et l'Université de France était fière de le compter au nombre
de ses membres .
Boucherie fut un des fondateurs de la Société pour l'étude des lan-
gues romanes, et, depuis quelques années, il était membre de l'Aca- ^
demie des sciences et lettres . Je n'insisterai pas sur les services de
toute sorte qu'il rendit aux sociétés savantes de Montpellier; à cet
égard, son éloge sera fait par ses confrères, qui partagent nos regrets
et notre deuil. Je ne puis cependant négliger de dire que c'est surtout
à sa longue et remarquable collaboration à la Revue des langues ro-
manes que Boucherie a dû d'être chargé de l'enseignement de la phi-
lologie romane à notre Faculté des lettres .
198 NECROLOGIE
La science qu'il représentait ne figurait pas dans les cadres anciens
des Facultés. On créa un cours pour que M. Boucherie eût le droit de
professer à côté de nous, et nous applaudîmes tous à cet acte de jus-
tice et d'intelligente administration. Mais le changement de situation
ne changea rien aux habitudes de notre collègue. Il fut pour nos
élèves ce qu'il avait été pour les élèves du lycée : le modèle des mai'
très. Et, tout en préparant à la licence et à l'agrégation les étudiants
qui lui étaient confiés, il continuait ses recherches et ses travaux per»
sonnels .
Il aurait pu se prévaloir du titre de son enseignement pour se dés-
intéresser du labeur des préparations aux grades, ou, du moins, pour
nous mesurer son concours avec quelque parcimonie. Il nous donna
sa collaboration sans aucune réserve. Son orgueil était que la philo-
logie romane obtînt tous les jours une plus large place dans les pro-
grammes universitaires, et c'était un bonheur pour lui que d'expliquer
à nos étudiants la Chanson de Roland ou de leur exposer l'histoire de
notre langue et de notre littérature du moyen âge. Cet enseignement a
déjà porté ses fruits, et les leçons de Boucherie ont eu certainement
une part aux succès de nos candidats aux agrégations des lettres et
de grammaire .
Nos élèves perdent un excellent maître, la science un travailleur
instruit et sagace. La collaboration de Boucherie à la Revue des lan-
gues romanes, devenue plus lourde depuis quelque temps, n'épuisait
pas son activité. Il avait sur le métier des travaux importants, dont
plusieurs pouvaient être considérés comme prêts pour l'impression.
Les scrupules infinis de Boucherie, son respect de la science, le besoin
de l'information la plus exacte, ont retardé la publication des résul-
tats de ses recherches ; et, d'ailleurs pourquoi se serait-il pressé ? Ha-
bitué à contempler avec un calme stoïque la pensée d'une mort pro-
chaine, il agissait comme s'il eût été assuré de longs jours. Il luttait
sans colère, mais avec une patiente énergie, contre le mal, dont il
suivait les progrès. Sans inquiétude et la conscience tranquille, il rem
plissait ses devoirs envers l'Université et la science. Que lui importait
de publier une œuvre de plus ou de moins ? Il ne songeait qu'à nous
laisser un monument durable dans le souvenir d'une vie intègre et bien
remplie.
Adieu, cher collègue ! En nous quittant au milieu de la carrière, vous
nous laissez d'amers regrets. Les professeurs et les étudiants de la
Faculté des lettres avaient en vous un ami sûr et bienveillant. Nous
regrettons votre science, votre dévouement à nos travaux communs,
et les relations simples et cordiales que vous entreteniez avec tous.
Vous avez passé en faisant le bien, et plus d'un ici en pourrait porter
i
NECROLOGIE 109
témoignage : reposez dans la paix due aux âmes droites et bonnes.
L'hommage qui vous est rendu aujourd'hui est la seule consolation
que nous puissions offrir à votre famille dans les larmes ; nous com-
prenons et partageons la douleur de ceux qui vous étaient unis par le
sang, car vous nous étiez unis par de bien étroits liens, et la mort
seule pouvait les rompre.
Adieu, Boucherie! cher collègue, adieu !
Discours de M. Revillout
Messieurs, une douleur trop naturelle et trop poignante ferme la
bouche aux membres de la Société des langues romanes qui pour-
raient parler avec compétence des services et des travaux de M. Bou-
cherie .
A leur défaut, j'essayerai de vous rappeler en quelques mots tout ce
notre Société doit»à cet excellent confrère .
Si cette Association, déjà vieille de quatorze ans, existe et prospère,
c'est à M. Boucherie qu'elle en est redevable ; si dans le monde sa-
vant elle occupe une certaine place, c'est encore, en partie du moins,
à ses productions, à la forte impulsion scientifique qu'il a su lui don-
ner, qu'il en faut rapporter l'honneur. Chacun le sait et, ce qui re-
double l'amertume de nos regrets, chacun se demande comment nous
pourrons remplacer un collègue aussi nécessaire.
La formation de notre Société, ses progrès, son crédit à Paris et
ailleurs, son influence et son action sur le développement des études
romanes et philologiques, tout cela, nous lo devons surtout à M. Bou-
cherie ; c'est principalement l'œuvre de son inspiration, de son acti-
vité remuante et féconde, de son ardeur, que la maladie même ne pou-
vait ralentir, de sa foi passionnée et imperturbable.
Lorsque, au commencement de 1869, de concert avec MM. Cam-
bouliù, Ch. de Tourtoulon, Paul Glaize et Achille Montel, il eut l'idée
de fonder à Montpellier une association pour l'étude des langues ro-
manes, il était déjà connu par ses essais philologiques. Un travail
solitaire et persévérant l'avait familiarisé avec les découvertes des
Guessard, des Diez et des Littré ; un instinct secret l'avertissait qu'avec
son esprit curieux, pénétrant, hardi, il allait devenir un maître dans
cette science encore naissante. Ses associés étaient plus ou moins
poursuivis par l'ambition de rendre son éclat à la vieille langue méri-
dionale ; lui, tout entier à ses recherches de prédilection, investiga-
200 NECROLOGIE
,teur enthousiaste de nos origines linguistiques, songeait surtout à
donner un vif éclat à des études alors trop négligées en France .
Je le vois encore, car le souvenir en est resté vivant dans mon
esprit, employant avec M . de Tourtoulon les vacances de Pâques de
1869, pour préparer à Paris le succès de sa chère et future Société.
Sollicitations dans les ministères, démarches auprès des savants,
courses de toute espèce, rien ne leur coûtait. Boucherie avait l'ardeur
entraînante, la confiance qui ne connaît pas d'objections, ce zèle de
missionnaire et d'apôtre que rien ne saurait démonter.
Ils réussirent au delà de toute espérance, et concilièrent dès lors à
leur œuvre des amis puissants et persévérants, MM. Egger, Bréal,
Gaston Paris et tant d'autres, qui partagent maintenant notre dou-
leur.
Depui» lors, M. Boucherie ne vécut plus que pour la Société, cette
Société si intimement confondue dans son esprit avec Tavenir même
des études romanes et de la philologie néo-latine. Mettre ces chères
études en lumière; en répandre le goût autour de lui par la parole, par
la plume, par l'enseignement, quand notre Faculté des lettres lui fut
ouverte ; leur susciter des adeptes dans tous les rangs, dans tous les
partis, jusque dans les villages perdus au sein des montagnes, ce fut
son ambition de tous les instants, et il y réussit, à l'aide de nos réu-
nions, de notre Revue, du zèle de ses collaborateurs.
Ses premiers associés lui furent enlevés par la mort ou par l'éloi-
gnement: il en trouva d'autres.
Avec les nouveaux comme avec les anciens, il se montra toujours
le même : homme de science, d'initiative, d'enthousiasme ardent et
communicatif . Le premier sur la brèche, toujours prêt à tout, trou-
vant tout simple et facile, il était confiant quand les autres doutaient.
Cette âme si bonne et si bienveillante, qui ne connaissait ni le fiel
ni la rancune, ne savait pas abandonner une idée qu'elle croyait vraie,
renoncer à une cause qu'elle estimait juste, désespérer d'une entre-
prise dont elle entrevoyait l'utilité. Sa main cordiale, faite pour les
étreintes de l'affection et de l'amitié, s'armait alors en guerre, et ses
coups étaient vifs, rudes et pressés. Mais qui pouvait en vouloir à un
homme si sincère et si loyal, qui partout, même parmi ses contradic-
teurs et ses adversaires, n'a rencontré que des amis ?
Dire tous les services qu'il a rendus à la Société dont il a été plu-
sieurs fois le président, et dont il était devenu le secrétaire en 1882,
ce serait raconter notre histoire. Il a été mêlé à tout ce qu'elle a fait.
Il y a quatre jours encore, quand il fut saisi par la crise dernière et
fat^e d'une maladie inexorable, il travaillait pour elle et préparait
l'organisation de notre quatrième Concours.
NBOROLOGIE 2ÔI
Aussi, Messieurs, la Société des langues romanes ne saurait pro-
clamer trop haut la grandeur de ses regrets. M. Boucherie, dont toute
la vie a été consacrée à la philologie, sera apprécié comme il le mérite
partout où ses travaux et notre Revue ont porté son nom, c'est-à-dire
en France, en Espagne, en Italie, en Allemagne, dans toute l'Europe
et jusqu'en Amérique. Les Roumains lui donnèrent leur ordre royal
de la Cou' onne de Roumanie. De nombreux amis étrangers, MM. Milà
y Fontanals, Obédénare, Balaguer y Merino, Ascoli, Monaci et Foers-
ter, pour ne citer que les plus illustres, s'associeront à notre deuil .
Mistral et les félibres n'oublieront jamais son souvenir.
Mais c'est ici, à Montpellier, dans notre Société pour l'étude des
langues romanes, que ce souvenir réveillera toujours les plus ardentes
sympathies. Nous l'avons vu tous à l'œuvre, nous l'avons tous estimé,
nous l'avons tous aimé. Car, s'il était l'un des fondateurs et le plus
ferme soutien de notre Association, s'il était un érudit laborieux et
pénétrant, il était encore et par-dessus tout un cœur bon, droit, sin-
cère, complaisant, serviable, en un mot un homme de bien !
Discours de M. Bernard
Au nom du lycée, je viens dire un dernier adieu au collègue, à
l'ami. Je dis adieu à l'honnête homme, àPhomme de cœur. Deux cultes
ont rempli et honoreront sa vie: il a vécu pour sa mère et pour l'étude ;
j'ajouterai pour l'amitié, qui pour lui fut une fraternité. C'est pour-
quoi ceux qui l'ont connu, qui l'ont aimé, seront fidèles à son souve-
nir.
Allocution de M . Roumieuz
M'es un grand ôunour, m'es subre-tout un grand bonur de veire
omé quet af ougamen avès respoundu à ma moudesto couvidacioun .
Vous n'en gramacie de tout cor, au noum de moun brave paire emai
au miéu ; lou farai d'un autre biais, quand lou moumen di brinde e di
cansoun sara vengu. Mai, avans de donna lou vanc i refrin de toute
meno que trefoulisson de s'escapa de vôsti bouco, leissas-me vous
dire lou dôu cousent que sente à la visto d'un sèti demoura vuege à
l'entour d'aquesto taulo freirenalo. Vautre peréu, mis ami, sarias es-
panta de pas retrouba pèr eici noste confraire regreta, se noun sabias
202 NéCROLOGIB
la crudelo encauso de soun aueènço Paure Boucherie! Sa letro
fugue la bello premiero di noumbroùsi responsoque me sounvengudo.
— <c Me demandas se vendrai à vosto f èsto de f amiho î m'escrivié ;
o, moun brave Roumiéu, ie vendrai emé gau ; e, se li cambo qu'ai
àmoun servici disien de-noun,i' anariéu de quatre pauto te dire touto
moun amistanço, te prouva coume m'es agradivo ta coumpagno, courae
aquelo de tôuti li f elibre qu'âme tant !....»
E l'endeman dôu jour que sa man traçavo aquéli rego, lou paure
ami s'aliechavo e, mens d'uno semano après, rendié soun amo à
Dieu I . . .
Es bèn de garapachoun qu'es sourti de soun oustau campèstre ; mai,
pecaire I pas pèr se rendre à-n-aquesto bastido qu'aurié fa trelusi de
tôuti li pampaieto de soun esperit d'elèi I . . . .
Mi paraulo vous entristesisson, mis ami! Doumaci, lou coumprene ;
mai oubli dés pas que lou paure mort es quand même au mié de nosto
felibrejado,e que d'amoundaut sourrira à nôsti cansouneto autant bèn
que s'avian lou bonur de lou vèire aquito à la plaço d'ôunour que ie
gardavian !
A la memôri de Boucherie, que nous perdounara, n'en siéu segur,
l'alegresso d'aquest acamp felibren !!!....
ARTICLES NÉGROLOGIOUES
Notre enseignement supérieur a fait une perte considérable, —
nous pourrions dire irréparable, sans trahir notre pensée, — en la
personne de M. Anatole Boucherie, chargé du cours de philologie
romane à la Faculté des lettres de notre ville, secrétaire et membre
résidant de la Société pour l'étude des langues romanes, membre de
l'Académie des sciences et lettres de Montpellier, de la Société ar-
chéologique de la Charente, de la Société de linguistique de Paris,
officier de l'instruction publique et de l'ordre de la Couronne de Rou-
manie, décédé le 3 avril, après une maladie de quelques jours.
M. Boucherie était né à Challignac (Charente), le 29 mars 1831 . Il
avait été nommé professeur au lycée de Montpellier en 1864. L'ex-
cellence de son cœur, l'aménité d'un esprit pour lequel notre littéra-
ture du moyen âge n'avait pas conservé de secrets, les relations scien-
tifiques qu'il avait su se créer à Paris, à Barcelone et à Bucharest,
aussi bien que l'autorité d'un enseignement plein de savoir et de se-
NÉOROLOaiB m
duction, lui avaient créé parmi nous des sympathies qui survivront
longtemps à sa mort .
Ses obsèques ont lieu hier, en l'église Saint-Pierre, à trois heures
du soir; M. Régismanset, inspecteur d'académie, représentant M. le
recteur Chancel, souffrant depuis quelques jours, et les membres de
nos quatre Facultés, accompagnaient en corps et en robes les deux
frères du regretté défunt, MM. Adhémar Boucherie, chef de batail-
lon au 42e de ligne, et Aristide Boucherie, percepteur à Brossac (Cha-
rente).
A la suite se pressaient un nombre très-considérable d'amis et de
personnes qui avaient suivi les cours de Téminent professeur au lycée
de Montpellier et à la Faculté des lettres, où sa parole si brusquement
étouffée par la mort se faisait entendre encore le mois dernier .
Trois discours ont été prononcés au cimetière, par MM. Ferdinand
Castets, Charles Revillout et Bernard.
{Messager du Midi, avril 1883).
■
Nous apprenons avec le plus vif regret la mort de M. A. Bou-
cherie, maître de conférences à la Faculté des lettres, où il occupait,
avec une autorité incontestée, une des deux chaires de philologie ro-
mane créées, il y a quelques années, à Montpellier.
L*un des cinq fondateurs de la Société des langues romanes, qui a
tant grandi depuis quatorze ans et qui s'est fait une place si hono-
able dans le monde savant, en grande partie grâce à ses travaux per-
sonnels, il avait été à plusieurs reprises président de cette Associa-
tion et en était en ce moment le secrétaire. Il était également membre
de notre Académie des sciences et lettres, officier de l'instruction pu-
blique et de la Couronne de Roumanie .
Notre compatriote depuis dix-huit ans, d'abord comme professeur
au Lycée, puis à la Faculté des lettres ; maître aussi consciencieux
qu'éclairé, aussi bienveillant que ferme à l'occasion, il emporte les re-
grets unanimes de ses anciens élèves. Ses remarquables études sur les
origines de notre langue, ses longues et patientes recherches, l'éru-
dition et la sagacité qu'il y apportait, et dont ses œuvres portent la
marque indiscutable, lui avaient valu l'estime et l'amitié des plus cé-
lèbres philologues de l'Europe, au premier rang desquels l'illustre
Littré .
Quant à ceux qui l'ont approché, qui ont suivi de près cette noble
et modeste existence, toute faite de travail désintéressé et de senti-
ment du devoir; qui ont pu apprécier cette nnture ouverte, profondé-
?Ô4 NÉCROLOGIE
ment bienveillante et bonne, héroïque devant la cruelle maladie qu'il
savait ne pas devoir lui pardonner et dont il combattait stoïquement
les souffrances par l'étude, ils garderont de Boucherie un de ces sou-
venirs qui ne s'effacent pas .
Il entrait dans sa cinquante-troisième année. Ses obsèques ont eu
lieu hier à trois heures .
- Les professeurs des différentes Facultés, la plupart en robe ; ceux
du lycée, les membres des Sociétés savantes qui ont pu être prévenus
à temps, ainsi que de nombreux amis, accompagnaient le cercueil de
cet excellent et savant homme. Cinq draps d'honneur, portés par les
étudiants de la Faculté des lettres, les membres du Félibrige, de la
Société des langues romanes et de l'Académie des sciences et lettres,
et par les professeurs des Facultés, précédaient le char funèbre .
Dans deux remarquables allocutions, M. Castets, doyen de la Fa-
culté des lettres, au nom de l'Université ; M. Revillout, professeur à
la même Faculté, au nom de la Société des langues romanes, ont re-
tracé à grands traits la vie et les travaux du regretté défunt. M. Ber-
nard, professeur de philosophie au lycée, a prononcé aussi quelques
touchantes paroles d'adieu au nom de ses collègues.
L'assemblée s'est retirée profondément émue.
{Peut Méndional, 7 avril 1883.)
La Faculté des lettres vient de perdre un de ses membres les plus
distingués. M. Boucherie, chargé du cours de philologie romane, est
décédé et a été reconduit, hier, à sa dernière demeure, par le corps
enseignant tout entier. Les quatre Facultés en robe, cinq draps d'hon-
neur et un nombreux cortège d'amis, d'élèves et de collaborateurs, for-
maient, autour de la famille du défunt, un deuil imposant du monde
scientifique, dont Boucherie avait été l'honneur.
Les adieux que ses collègues lui ont adressés sur sa tombe ont déjà
dit, avec plus d'autorité que nous ne pourrions en avoir, ce qu'il a été
comme savant. C'est uniquement comme ami que nous tenons à lui
dire ici un dernier adieu. Bien qu'étranger à notre ville, Boucherie
n'y était fait de solides affections, par des qualités de cœur exception-
nelles. Tout le portait vers les jouissances de la vie intime. Délicat
comme toutes les organisations maladives, épris de calme et de re-
cueillement comme tous les hommes d'étude, son existence solitaire,
ses manières affectueuses, son tour d'esprit fin, rêveur et un peu sub-
til, contrastaient singulièrement avec les mœurs bruyantes, les habi-
tudes vaniteuses, les instincts égoïstes de notre sièole. C'était comme
NÉCROLOGIE 205
«ne réminiscence des intérieurs de Bénédictins que cette villa aux
^ands arbres, aux belles perspectives, où il a longtemps habité, en-
touré de travailleurs comme lui. On Ty trouvait toujours penché sur
ses livres, souriant à tous ses amis, et ne se passionnant que pour for-
mer le goût des élèves d'élite que lui confiaient les hautes études uni-
versitaires. Quand ces élèves seront devenus des maîtres, ils ne se rap-
pelleront pas sans émotion les heures intimes de cet enseignement^
où l'exquise bonté du maître donnait du charme aux recherches les
plus arides, où la finesse exquise de son esprit s'alliait si heureuse-
ment aux formes naïves et originales de notre ancienne langue fran-
çaise, dont il leur révél£dt les secrets.
Boucherie a su être un savant dans un temps d'études trop superfi-
cielles, un homme de cœur dans un temps d'égoïsme, un mérite mo-
deste dans un siècle de vanité. Il laisse des affections vraies là où bien
•d'autres ne laisseront que du bruit.
(L'Éclair, 7 avril 1883.)
lie poète A. -F. Robert. — Le philologue A. Boucherie.
Douze jours à peine ont séparé la mort d'un poëte bien distingué
-et celle d'un bien savant philologue, tous deux mes amis depuis de
longues années, et que l'on me permettra de rapprocher ici pour ren-
dre un pieux hommage à leur mémoire.
Une certaine communauté d'études rattachait à Auguste Robert
M. Anatole Boucherie, qui l'a précédé de quelques jours dans la tombe,
car ils se connaissaient et s'estimaient l'un l'autre, pour avoir tous
■deux cultivé notre vieille langue du Nord et même un peu celle du
Midi. Mais l'un n'en avait fait qu'un accessoire à d'autres études, le
second s'y était voué aussi complètement qu'avaient pu le lui per-
mettre les devoirs de l'enseignement universitaire. Boucherie fut un
modèle de curiosité patiente et désintéressée pour les recherches scien-
tifiques ; mais, avant tout, ce fut un professeur exemplaire, et cela
malgré la faiblesse d'une santé qui ne l'a pas conduit sans effort jus-
qu'à l'âge de cinquante-deux ans. Il avait débuté par les plus modes-
tes fonctions de nos collèges : d'abord maître répétiteur, puis chargé
d'une classe comme licencié, puis agrégé de grammaire et professeur
de cinquième, avec une poitrine débile, une voix faible, et pourtant
-11 ne parfaite autorité dans la direction de sa classe, qu'il dominait
15
206 NECROLOaiB
par le respect, par l'affection, par la clarté d'une excellente méthode^
Tel je le connus, en possession de l'estime générale, dans sa chaire du
lycée de Montpellier, et je redoublai bientôt de sympathie pour ea
personne, en voyant que ce maître consciencieux était à la fois un
énidit, un fouilleur de vieux livres, imprimés et manuscrits . Mont-
pellier déjà, avec ses deux riches bibliothèques, ouvrait bien des
trésors à la curiosité d'un philologue. Mais Paris ne tarda pas à l'at-
tirer; puis, je crois, Lyon, sans parler d'une correspondance qui le
mettait en rapport avec les savants nos voisins, en Espagne, en Italie?
en Allemagne. Placé d'ailleurs au milieu d'une population enthou^
siaste pour sa vieille langue, rallié de bonne heure à la Société des
félibres provençaux, il devint un des fondateurs et resta, jusqu'à ses
•derniers moments, un des plus fermes soutiens de la Revue des lan-
gues romanes, qui fait tant d'honneur à la jeune école philologique de
Montpellier. C'est ainsi qu'il mérita d'être appelé à diriger une confé-
rence de langue d'oïl auprès de la Faculté de cette ville , et à côté de
son ami , presque de son frère, Camille Chabaneau, chargé d'y diriger
l'étude de Pancienne langue des troubadours. Tous ces titres lui ont
valu de bien touchants témoignages, dont je trouve l'expression dans
les discours prononcés sur sa tombe par MM. Revillout et Caste ts^
et dans une courte allocution de M. Roque-Ferrier devant la Société
des langues romanes. Pour ma part, qu'il me soit permis de signa-
ler et d'apprécier spécialement, dans l'œuvre méritoire d'une vie trop
courte, certaine publication qui demandait avant tout l'intelligence
d'un helléniste et d'un paléographe. Nous possédons peu de manuels
classiques de la haute et de la moyenne antiquité. C'est donc une chose
curieuse pour nous de retrouver un recueil de dialogues familiers,
en grec et en latin, qui porte, indûment peut-être, le nom d'un rhé-
teur du deuxième siècle après Jésus-Christ, Julius PoUux, mais qui
(m tout cas nous intéresse comme preuve de l'intimité familière des
deux langues, en Italie, sous les Césars. Le meilleur et le plus ancien
manuscrit appartenait à la bibliothèque de Montpellier. M. Bouche-
rie se donna la tâche de le publier, non sans recourir aux manu-
scrits partiels qui en existent ailleurs, et il accomplit sa tâche avec une
exactitude et des scrupules d'éditeur passionné. Une autre fois, il
«'attachait à déchiffrer la première écriture d'un palimpseste de Pris-
cien, encore une œuvre qui demande les yeux exercés du paléographe.
Ces deux travaux ont pris place dans un des recueils publiés par notre
Académie des inscriptions- Et voilà comment M. Boucherie était de-
venu le client aimé de tous ceux qui, chez nous, s'occupent de roma-
nisme et des littératures classiques de l'antiquit é .
Les vertus de l'homme étaient, chez lui, dignes des qualités du sa-
NECROLOGIE ?07
Tant. On Ta vu, pendant vingt ans, entourer de respect et de soins
pieux sa vieille mère, qui n'a pas eu la douleur de lui survivre ; en-
tretenir avec sa famille, avec ses collègues, avec ses maîtres et ses
élèves, le plus doux commerce d'affection ou l'échange des commu-
nications utiles à la science. Ce sage esprit et ce noble ccem* laisse
donc un précieux souvenir à tous ceux qui l'ont connu, un exemple
aux jeunes gens qui s'engagent dans notre laborieuse carrière . En
écrivant ceci, j'ose m'adresser à vous, Messieurs les régents, les maî-
tres d'étude ou maîtres répétiteurs, de quelque nom qu'on vous ap-
pelle dans nos collèges ou dans nos lycées. Depuis bien longtemps se
renouvellent, dans les journaux et ailleurs, vos doléances sur les dif-
ficultés des fonctions que l'Université vous impose. Naguère encore,
une commission fut chargée de recueillir et d'examiner l'expression
de ces plainte s et la justice de ces réclamations . Le Conseil supérieur
écouta là-dessus avec bienveillance un rapport concluant à plus d'une
amélioration dans le service dont vous êtes chargés . Rien n'était plus
légitime ; mais, croyez -moi, si la voie des requêtes est toujours ou-
verte sous une administration libérale, celle du journalisme bruyant,
celle des insinuations malveillantes contre vos chefs, ne sont pas les
meilleures pour corriger ce que nos règlements ont de vicieux et pour
améliorer votre sort. Avant tout, n'entrez dans nos établissements
que si vous aimez la jeunesse, si vous aimez les lettres savantes»
si vous n'avez pas peur de certaines privations qu'impose à des maî-
tres de tous les degrés la loi de leur devoir. Il avait commencé comme
vous, l'homme dont je viens d'esquisser trop brièvement l'attachante
figure ; il avait souffert, travaillé avec patience, avec confiance dans
la justice de ses chefs; et, finalement, s'il ne s'est ni enrichi, ni élevé
bien haut dans la hiérarchie de notre profession, il s'y était fait une
position calme et douce, au milieu des joies de l'étude, et il y est
mort entouré d'une estime qui est la juste récompense de sa vie, rem-
plie par les plus honorables dévouements .
E. Egqer. **
{Journal des Débats, 22 avril 1883.)
LETTRE DE M . OBËDÉNAHE
Rome, le 7 avril 1883
Monsieur et très-honoré Collègue,
Il n'est plus ! lui, si doux ; lui, si bon ; lui, le travailleur par ex-
cellence, Pune des plus fermes colonnes de cette institution latine
qui grandit à vue d'œil, et dont les bienfaits s'étendent sur les deux
continents !
108 CHRONIQUE
Modeste parmi les modestes, d'une érudition profonde et possédant
une méthode de mathématicien, notre ami bien regretté prenait Tair
et l'attitude d'une personne à laquelle on rend un service signalé,
alors qu'il nous faisait l'amitié de nous instruire, de nous prodiguer
des explications nettes, précises, sur les sujets les plus ardus de la
philologie romane .
Quel charme et quel attrait dans ses discours et ses petites confé-
rences journalières !
Autant que vous tous, mes amis du Languedoc, je sais combien la
perte que vient d'éprouver notre Société est profondément doulou-
reuse !
Que son souvenir soit pour nous tous un exemple à suivre, un en-
louragement à redoubler d'activité et de zèle dans l'accomjJissement
de la tâche que nous nous sommes proposée : la Fédération de Ums les
Latins sur le terrain littéraire.
Je propose à la Société d'ouvrir une souscription pour faire le buste
de notre ami.
Il faut que l'image de Boucherie soit placée dans la salle des
séances de notre Société.
Veuillez bien agréer. Monsieur et très-honoré Collègue, l'assurance
de ma haute considération.
Obédénare.
Le Président de la Société a répondu officiellement qu'une
réunion plénière des membres de la Société serait convoquée
et que la proposition de M. Obédénare lui serait soumise.
CHRONIQUE
La séance publique du quatrième Concours philologique et litté-
raire de la Société des langues romanes sera tenue à Montpellier, le
dimanche delà Pentecôte (13 mai), dans la salle des assises du Palais
de justice.
Elle sera présidée par MM. Frédéric Mistral et Gaston Paris.
MM. Milâ y Fontanals, président de l'Académie royale de Barce-
colone ; Ernest Monaci, professeur à l'Université té de Rome ; le vicomte
Henri de Bornier, et Arsène Darmesteter, professeur à la Faculté des
lettres de Paris, ont bien voulu accepter d'être les vice-présidents de
MM. Gaston Paris et Misti-al.
La félibrée annuelle de la maintenance de Languedoc aura lieu le
lendemain lundi (14 mai), à la villa Louise, où M"® et M. Westphal-
Oastelnau veulent bien prêter territoire au Félibrige.
Un banquet terminera ces fêtes littéraires et philologiques.
Le Gércnit responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Anciens
FRAGMENTS D'UNE TRADUCTION DE LA BIBLE
EN LANGUE ROMANE
(Manuscrits de la Bibliothèque de Garpentras, Xllle siècle]
La Bibliothèque de Carpenlras, fondée en 1746 par Mgr d'Inguim-
bert, un des évêques les plus éminents de Tancienne capitale du
Comtat Venaissin, est peut-être la plus riche de la Provence en ma-
nuscrits précieux.
Il nous a été souvent donné de voir de près ses richesses biblio-
graphiques; et, grâce à Tobligeance de son savant bibliothécaire,
M. Barrés, à qui nous sommes heureux de rendre ici un vif témoi-
gnage de reconnaissance, nous avons choisi et copié plusieurs frag-
ments de la Bible romane du Xllle siècle, dite Bible des Vaudois,
nous réservant d'en publier plus tard d'autres parties.
Pour aider à l'intelligence du texte roman, souvent très-peu facile à
déchiffrer, nous avons cru devoir supprimer les abréviations. Le texte
latin, dont la traduction est presque littérale, nous a été d'un grand
secours, quoique sa division soit différente.
Nous reproduisons ici l'article que M. Lambert consacre à cette
version, dans son rare et savant Catalogue des manuscrits de la Bi-
bliothèque de Carpentras.
Henry de la Combe.
N» 9*. Novum Testamentum, Proverbia, Ecclesiastes, Cantica, Sapientia,
Ecclesiasticus, in linguà romanensi, ad usum Valdensium. In-4o de
325 f. vél., écrits sur deux colonnes, plus 2 f. de garde ou papier, rel. v.
Version en langue romane, à l'usage des Vaudois. Beau caractère de
la fin du Xni« siècle ou du commencement du XI V^; titres en rougè,
initiales de diverses couleurs, dont plusieurs ornées d'arabesques,
* Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la bibliothèque de
Carpentras, par C.-G.-À. L^mbrrt. Carpentras, Rolland, 1862 ; 1. 1, p; 4.
TOMB IX DB LA TROISIÈME SÉRIB.— MAI 1883. 16
M ttlAbUGTlÔN t)E LA ÔIBLË
se terminent en figures d'oiseaux ou de dragons. Le frontispice man-
quait avant qu'on refît la reliure, qui paraît être du XVlIe siècle. Le
titre incomplet qu'on lit sur la garde est du commencement du siècle
dernier. A l'intérieur de la couverture, on lit :
(( Raymond Béranger ou Béranguier, comte de Barcelone, fut aussi
» comte de Provence, par son mariage avec Douce, fille unique de
)» Gilbert, comte de Provence, en 1131. Il fut heureux en toutes ses
» entreprises ; il aymoit les gens de lettres. Ce fut luy qui fit les sta-
» tuts provençaux desquels nous nous servons en Provence. Il fit
» traduire plusieurs livres en langue vulgaire. Il y a grande appa-
» rencequece Nouveau Testament et les trois autres livres qui y sont
» ne soient de son temps. » Le reste du volume est sans aucune in-
dication de temps, de lieu, de traduction ni de copiste. La note ano-
nyme précédente manque, sous plusieurs rapports, d'exactitude. Sans
parler du mariage de Raymond Bérenger, qui est de l'an 1112 et non
de 1131, on ne trouve nulle part que ce prince ait fait faire une tra-
duction des Saintes Ecritures.
Le manuscrit de Carpentras contient probablement une copie de la
version faite en 1169 par Etienne d'Emsa ou d'Ansa pour Pierre
Valdo, auteur ou propagateur de la secte des Vaudois. Elle est dans
le même dialecte que la Nohla Leyçon et autres pièces vaudoises pu-
bliées par Jean Léger, Histoire des Églises évangéliques des vallées
du Piémont (Leyde, 1668, in-fol.), et par M. Renouard, (sic) Choix
des poésies originales des troubadours (Paris, 1817, in-8**), t. II.
Ce volume appartenait au président de Mazaugues, qui ne nous ap-
prend point d'où il l'avait tiré. Il est mentionné dans la Bibliotheca
sacra de Jacques Lelong (Paris, 1723, in-foL, p. 369), et contient dans
l'ordre suivant : les quatre Évangiles de S. Mathieu, S. Marc, S. Luc
et S. Jean ; les sept Épitres canoniques ; l'Apocalypse (omise par Jac-
ques Lelong) ; les quatorze Épîtres de S. Paul et les Actes des Apô-
tres; les Proverbes de Salomon; l'Ecclésiaste ; le Cantique des Can-
tiques ; les dix premiers chapitres du livre de la Sagesse et les quinze
premiers chapitres de l'Ecclésiastique.
Rien ne manque à la fin ni dans le corps du volume. Tous les ti-
tres sont en latin. Chaque livre est précédé d'un prologue. Quelques-
uns de ces prologues sont littéralement traduits du latin, les autres
sont abrégés ou paraphrasés.
On convient généralement que Pierre Valdo est le premier qui ait
traduit ou fait traduire en langue vulgaire le Nouveau Testament
entier et plusieurs livres de l'Ancien Testament. Les circonstances
relatives à cette traduction sont rapportées par divers historiens,
notamment par Etienne de Bourbon ou de Belleville, auteur contem-
EN LANGUE ROMANE 211
poraio, cité dans les Scriptores ord» prœd. de Quetif et Echard (Pa-
ris, 1719, in-fol.), p. 192. Mais quelle était cette langue vulgaire?
Les expressions dont les historiens se servent à cet égard sont équi-
voques, surtout en latin, où les mots lingua romana^ lingua gallica,
peuvent également signifier le français ou roman du Nord et le ro-
man méridional ou langue romane proprement dite. Deux historiens de
la ville de Lyon, Guillaume Paradin et Claude de Rubys, disent que
c'est en français que Yaldo fit traduire les Saintes Ecritures ; mais il
est probable qu'ils sont dans l'erreur, et que la traduction originale
de Valdo fut rédigée en langue romane. Cette langue était efiecti-
vement, sauf quelques dialectes, l'idiome vulgaire du Lyonnais, du
Dauphiné, de la Provence et du Piémont, provinces où Valdo prêcha
d'abord sa doctrine.
Une lettre du pape Innocent III, citée par Jacques Lelong, et in-
sérée dans le recueil de Baluze, prouve évidemment que, vers la fin
du XII® siècle, il existait dans le diocèse de Metz une traduction
française delà Bible à l'usage des Vaudois,qui, depuis plusieurs an-
nées, étaient fort nombreux en Lorraine. Cette Bible, célèbre dans
le temps, a pu être exécutée sur celle de Valdo; mais il n'en reste
aujourd'hui aucune copie authentique. Cependant M. Paulin Paris,
dont l'autorité est d'un si grand poids, conjecture que cette version
est la même que celle qui est parvenue jusqu'à nous sous le nom de
Bible des Pauvres y et diont le plus ancien manuscrit, n° 726822, fonds
Colbert, lui paraît remonter au commencement du XIII* siècle.
Quant à la Bible romane, il en existe encore sept manuscrits, savoir :
1° Le manuscrit de Carpentras, dont il est ici question ;
2° Le manuscrit du collège de la Trinité à Dublin, en dialecte vau-
dois, coté A, 4, n° 13, du Catalogue de cet établissement ;
3° Le manuscrit de la bibliothèque de Grenoble, n** 488, même dialecte;
4° Le manuscrit de la bibliothèque de Zurich, même dialecte,
no 169/ ^ o •
5° Le manuscrit de la bibliothèque de Lyon, n° 60, même dialecte ;
6° Le manuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris, dialecte pro-
vençal, n° 8086 ;
7° Le manuscrit de la môme bibliothèque, n° 6833, dialecte pro-
vençal ou catalan.
T.ous ces manuscrits, excepté celui de Carpentras, ont été décrits
dans la savante introduction placée en tête de l'ouvrage anglais in-
titiilé ; the Romaunt Version of the Gospel according to St John,
from msSé preserved in Trinity Collège Dublin, and in the Biblio^
théque du roi, Paris, wiih an introductory history and remarks
on. the teoGts ofthe Dublin, Paris^ Grenoble, Zurich and Lyons mss.,
èlê *RAbUCÎ*i'ON DE LA. felÈLË
of that version ; èy William Stephkn Gilly, d. d, canon of Î>ut-
ham andvicar of Norham . houdon, 1848, in-8°*.
On peut juger, par les fac-similé qui accompagnent ces descrip-
tions, qu'aucun de ces manuscrits n'est antérieur au XIII« siècle. Ceux
de Carpentras, de Dublin, de Grenoble et de Zurich, ont entre eux la
plus grande affinité et sont vraisemblablement des copies d'un même
original.
La version romane, faite sur le latin de la Vulgate, est plus litté-
rale que la traduction française appelée Bible des Pauvres, et surtout
que la Bible Historiale de Guyard des Moulins. Cette dernière n'est
guère, comme on le sait communément, que la traduction faite en
1295 de VHistoire scholastique de Pierre Comestor.
Manuscrit de Carpentras, première page : « Incipit Prologus Sancti
» Jeronymi secundùm Mathseum. Cum Mathio aguessa primierament
» predica lavangeli en Judea. Volent trapassar a las genç. scris pre-
» mierament lavangeli en abrayc, etc.. Incipit Evangelium secundùm
» Mathaeum, Liber generationes Yeshu Xristi filii Abram. Ma Abram
» engenre Ysac. Ma Isac engenre Jacob, ete...»
' Sans nous arrêter aux additions et aux rectifications que comporterait la
notice de M. Lambert, disons que VÉvangile selon saint Jean, du ms. 36 de
la bibliothèque du Palais des Arts de Lyon (ancien n° 60) a été publié dans
la Revue des langues romanes, par M. Windelin Foersier (2e série, t. V,
p. 1(B, livr. du 15 mars 1878). Il serait vivement à désirer que les remarques
grammaticales promises par le savant romaniste vinssent compléter au plus
tôt son édition. Le livre de Gilly contient le texte provençal du même évangile,
d'après les manuscrits de Dublin et de Paris (8086), ainsi que le premier cha-
pitre, d'après les textes de Grenoble, Zurich, Lyon et Paris (6833).
ChampoUion-Figeac a donné en 1809, p. 113-115 de ses Nouvelles Recher-
cherches sur les patois ou idiomes vulgaires de la France, la parabole de
TEofant prodigue, d'après le manuscrit de Greuoble.
Comme le remarque M. Foerster, le texte de Paris (8086) a été réédité en
186S, à Berlin, par M. WoUenberg, qui ne connaissait pas l'ouvrage de Gilly.
Dans son excellent Recueil d'anciens textes bas-latins, provençaux et
français (Paris, Vieweg, 1877, p. 32 et suiv.), M Paul Meyer a publié le trei-
zième chapitre de saint Jean, d'après le ms. du Musée britannique, Harl. 2928,
fol. 187. Au bas de ce texte se lit le chapitre équivalent du manuscrit dQ Du-
bjin, d'après Gilly, et celui de la Bibliothèque nationale, fonds français (2425).
Ces trois mss. diffèrent assez notablement entre eux.
Postérieurement à la copie des fragments que l'on va lire, notre savant col-
lègue M. C. Chabanèau a transcrit le Cantique des Cantiques du manuscrit de
Carpentras, et il se propose de le publier prochainement dans la Revue,
Il existe une traduction de VÉvangile selon saint Jean (vraisemblablement
limousine de dialecte), dont MM. Hofman, Fr. Michel (Psautiej* d'Oxford) et
en dernier lieu M. Bartsch {Çhrestomathie provençale, 2* édition, p. 7), ont
publié uafraçmeat. (H. pb u C.)
EK LANGUE ROMAKE 219
« F. 6, caput VI. E cum vos aora non sare enayraa li empocrit li
» cal istant aman aorar en las sînagogàs e en li canton de las plaças
» quilh sian vist de home. Yo die verament a vos ilh receopron la lor
» marci. Ma cum ta aorares intra en la tua cambra e claus lus aura
» lo tio payre en rescos e lo tio payre lo cal ve en rescos o rendre a
» tu. Ma aorant non volhamot parlar enayma fan li pagan. Car pen-
» san esser eysauci en li lor mot parlar. Donca non volha resemilhar
» a lor. Car lo vostre payre sap cal cosa sia besognivol a vos de-
» vant que vos la demande a luy. Donca vos aorare enaysi. 0 tu lo
» nostre payre lo cal sies en li cel. lo tio nom sia sanctifica. lo tio
» règne veyna. La toavolonta sia fayta enayma ilh es fayta al cel sia
>> fayta en la terra. Dona nos encoy lo nostre pan cotidian e pêrdona
» a nos li nostre peca enayma nos perdonen a quilh que an peca de
» nos et non nos menar en temptacion. ma deyliora nos de mal.
» Amen. »
Evangile de saint Jean, Prologue, f. 90, verso : « Aquest es Johan
'> evangelista un de li deciple del segnor. lo cal es eylegu de Dio
» vergene. lo cal lo segnor apelle de las noças, volent noceiar. A la
» vergenita del cal es dona en ayço doble testimonj en lavangeli. lo
» cal es dit ama del segnor plus que li autre. E aquest lo segnor
» pendent en la croc recomande la soa mayre, que lo vergene gardes
» la vergena. Finalment demonstrant en lavangeli quel faaeseyme era
» de parola non corumpivol. acomençant lobra la sola parolla esser
» fayta carn. e testimoneia lo lume non esser compres de las tene-
» bras, pansant lo primier segnal lo cal lo segnor fey en las noças.
» demonstrant quel meseyme era quel demostres a li logent que
» aqui al calluoc lo segnor es invida lo vin de la noças dea defalhir.
» que las velhas cosas mudas totas cosas ordena de Xrist apparey-
» san no vas. El scris aquest Evangeli in Asia depoys que el scris lA-
» pocalips en lisola de Pathmos. Que al cal es derant nota en Genesi
» començament de li canonj començament non corumpivol. Aci rendent
» a lui fin non corumpivol per la vergena en lApocalips dicent Xrist
» oy soy alpha et o. Aquest es Johan lo cal sabent que lo dia del sio
» departiment fossa avenir ensemp apelle li sio deciple en Phesia
» deysendent en la fossa al luoc de la soa sepautura fayta lauracion
» fo pausa a li sio payron et atroba esser eytan sença la dolor de la
» mort coma sença la coropcion de la carn.
» Incipit Evangelium secundum Johanem.
» Lo filh era al començament et lo filh era enapres Dio, et Dio
» era lo filh. Ayço era al començament enapres Dio. Totas cosas
)) faytas per lui et àlcuna cosa non es fayta sença lui. Ço que fo fayt
» en lai era vita et la vita era luç de li orne. E la luç lucic en las
2U TRADUCTION DE LA BIBLE
» tenebras e las tenebras non compreseron lei. Home fo trames de
» Dio al cal era nom Johan. Aquest venc en testimonj quel dones tes-
» timonj de lume, que tuit cresesan per lui. El non era luç. ma quel
» dones testimonj de lume. Luc era veraya la cal enlun^ena tôt home
» venent en aquest mont. Era al mont et lo mont fo fayt per lui e lo
» mont non conoc lui. El venc en las proprias et li sio non reeeopron
» lui. Ma cal que cal reeeopron lui done a lor poesta esser fayt fîlh
M de Dio aquilh li cal creseron al nom de lui. Li cal non son de sanc
» ni de volunta de carn ni de deleyt de baron, ma son na de Dio. E
» la paroUa fo fayta carn et abite en nos. E nos veguen la gloria
» de lui, gloria enayma d'un engenra del payre plen de gracia e de
» verita. »
I
ÉVANGILE SELON SAINT LUC
CHAPITRE II
NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST
Mas fo fait en aquelh dia comandament issic de César Au-
gust que tota la redondeça fos scrita. Aquesta primiera des-
cricion fo faita de Cirino, prevost de Siria. E tuit annavan
quilh se confessesan un cascun en la soa cipta. Mas Joseph
monte de Galilea, de la cipta de Naçaret, en Judea, cipta de
David, lacal es apella Betelem. E inperço quel fos de la mai-
son e de la familha de David, quel se confesses cum Maria sposa
a si molher gravia.
Mas fo fait, cum el fos aqui que li dia foron compli quelh
partures, e parturic lo sio filh primer engenra, e envolope lui
en pane e pause lui en la crepia. Car luoc non era a lei em-
priva. Mas pastor eran en aquella mesejcima région, velhant
e gardant las vegilias de la noit sobre li lor grec. E venos
Tangel del Segnor iste josta lor, e la clarita de Dio resplandic
en cerque de lor. E tenseron de grant temor. E Tangel dis a
lor : Non volha temer. E ve vos. Yo annuncio a vos grant goj,
local sere a tôt lo pople, car Salvador es encoy na a vos, lo-
cal es segnor Christ en la cipta de David. Aquesta ensegua
BN LAKOUB ROMANS 215
sere a vos. Vos trobare lo fantin envolopa em pane e pausa en la
crepia. E manteça de la cavaleria de Tost celestial fo faita cum
Tangel subitament lauvant Dio e diçent ; Gloria sia a Dio en
las auteças e paç en terra a li orne de bona volonta. E fo fait
pois que li an gel se departiron de lor al cel, li pastor parlavan
entre lor, trapassan entor en Bethelem e vegian aquesta pa-
rolla lacal s faita, lacal lo segnor demostre a nos. E vengron
acojtant e atroberon Maria e Josep e lo fantin pausa en la
crepia.
Mas vesent, conogron de la parola, lacal era dita a lor
d'aquest fantin. E tuit aquelh que auviron s'emerevilheron
d'aquelas cosas que eran ditas a lor de li pastor. Mas Maria
ensemp gardavatotas aquestas parollas, ensemp portant al sio
cor, e li pastor s'en retorneron glorificant e lauvant Dio en
totas las cosas, lascals ilh avian auvy e vist, enayssi fo dit a
lor. E poys que li oyten dia foron compli que lo fantin fos cir-
cumcis, lo nom de lui fo apella Jeshu, local fo apella de Tangel
premierament quel fos conceopu al ventre. E poys que li dia
de la purificacion de ley foron compli segont la ley de Moy-
sent, porteron lui en Jerosalin, quelh presentesan lui al Se-
gnor. Enayssi es script en la lei del Segnor. Car tôt mascle
naisent primierament sere apella sant al Segnor, e que ilh
dovesan hostias segont ço qu'es scrit en la ley del Segnor, pa-
relh de tortoras o dui paucin de colombas. Evenos home era
en Jerosalin alcal era nom Symion. Aquest home era just e
temeros, sperant la consolacion d'Israël. E lo Sant Spirit era
en lui. Car avia receopu respost del Sant Sperit si non veser
mort, si premierament non vegues lo Christ del Segnor. E venc
en sperit al temple, e cum li pairon de lui dintremenesan lo
fantin, Jeshu, quelh fecesan per lui segont la costuma de la
ley. El receop lui on li sio braç, e beneysic Dio, e dis : 0 Se-
gnor, tu laysas ara lo tio serf empaç, segont la toa parolla.
Car li mio olh vegron la toa salu, lacal tu aparelhies derant la
facia de tuit li poble. Lume a revelacion de las genç e gloria
al tio poble Israël.
Mas Josep e Maria la mare de lui eran merevilhant sobre
aquelas cosas, las cals eran ditas de lui. E Symion benecic a
lor e dis a Maria la maire de lui : Yete, aquest es pausa en
trabucament en resurecion de moti en Israël. E ensegna a
216 TRADUCTION DE L\ BIBLE
lacal sere contradit. Elo glas de luitrapasare latoa arma que
las cogitacîons de mot! cor sian révélas.
Mas Anna, filha de Samuel, del trip d'Aser, erapropheiairiç.
Aquesta avia avança en moti dia e avia viscun cum lo sio baron
set Isluc de la soa vergeneta. E aquesta era veva entre a oy-
tanta e catre anç, lacal non se partia dal temple, servent al
Segnor per dia e per noit an de junis e an preiras. E aquesta
sobre venent en aquesta meseyma hora, confessa al Segnor e
parlava de lui a tuit aquelh que speravan la redempcion d'Is-
raël. E poys quelh perferon totas cosas segont la lej del Se-
gnor, s'en retorneron en Galilea, en Naçaret, la lor cipta. Mas
10 fantin creisia e era conforta per sperit plen de sapiensia, e
la gratia de Dio era en lui. E li pairon de lui anavan per tuit
11 an en Jerosalin, al dia festival de la Pasca, e cum Jeshu fosa
fait de XII anç, lor montant en Jerosalin segont la costuma
del Dia festival. E compli li dia.
Cum ilh s'en retornesan, lo fantin Jeshu remat an Jero-
salin e li pairon de lui non o conogron, pensant lui esser en
la compagnia vengron lo viage del dia e quirian lui entre li
cosin e li conegu, e non atrobant retorneron en Jerosalin, que-
rent lui. E fo fait enapres très jorn, troberon lui al temple, se-
sent al mei de li doctor, auvent lor, e demandant lor. E tuit
aquelh que auvian lui, s'estabusian sobre la sapiensia e lo res-
post de lui e vesent se merevilhavan, e la maire de lui dis a
lui : 0 filh, per que feçis a nos enaisi. Ve-te, lo tio paire e io
dolent querian tu. Et dis a lor : Cal cosa es per lacal queria
my? Non sabia .c. (que) mi coventa esser en aquelas cosas
que son del mio paire ? E non entenderon la parolla, lacal el
parle a lor. E deysende cum lor, e venc en Naçaret. E era
somes a lor, e la maire de lui ensemp gardava totas aquestas
parollas ensemp portant al sio cor.
E Jeshu profeytava per sapiensia e per eita e per gratia en
après Dio e li ome.
EN lanctue: eomâke sn
II
ACTES DES APOTRES
CHAPITRE IX
CONVERSION DE SAINT VXVL
Mas Saul spirant encara de manacas e de batamenc encon-
A 9 9
tra li deciple del Segnor, se appropie a li princi de li preyre e
demande pistolas de loi en Damasc a las synagogas, que si el
atrobes alcuns barons o fenas d'aquesta maniera, li amenés
liga en Jerosalin.
Mas cum el faces viage s'endevenc quel s'appropies en
Damasc. E lue resplandic subitamen del cel, encerque lui, e
cagent en terra auvic vooç dicent ai si: Saul, Saul, perque
me persegues? local dis: 0 Segnor, cal sies? E el responde : Yo
soy Jeshu Naçario local tu persegues. Dura cosa es a tu scal-
queiar encontra Tagulhon. E trement e stabusent, dis : O Se-
gnor, cal cosa voles que yo fasc ? E lo Segnor dis a lui : leva
e intra en la cipta e sere dit a tu a quai cosa covent a tu far.
Mas li baron lical acompagnavan lui, istavan cum lui stabusi
ac auvent la vooc, mas non vesent alcun. Saul se levé de
terra e ubert li olh non veya alcuna cosa. Mas tirant lui cum
las mans lo dintremeneron en Damasc. E era aquel per très
dias non vesent. E non mange ni bec. Mas un deciple per nom
Ananias era en Damasc. E lo Segnor dis a lui en vesion : 0 Ana-
nias. Mas el dis, o Segnor, vête me ; e lo Segnor dis a lui :
Leva e vay al bore local es dit dreyt, e quer en la mayson de
Juda Saul per nom Tarsienc, e vête el ora, e veit baron per
nom. Ananias intrant a si e pansant a si las mans qu'el recepia
vesament. Mas Ananias respondent : 0 Segnor, yo auvic de
moti d'aquest baron, canti mal el aya fayt al tio sant en Jei^o-
salin, e aquest a poesta de li princi de 11 preyre de ligar tuit
aquilh lical appellan lo tio nom. Mas lo Segnor dis a luy: Vay,
car aquest es anyvaysel d'eylecion, quel porte lo mio nom de-
vant li rey, e devant las genç, e a liôlh d'Israël. E yo demos-
trarey a luy cantas cosas covent a lui suffrir per lo mio nom.
218 TRADUCTIOK DE LA BIBLE
E Ananias auve e între en la majson, e empausant a luj las
mans al nom del Segnor Jesu Christ, dis : 0 frajre Saul, lo
Segnor Jesu, local apparec a tu en la via per lacal tu venias,
trames mi a tu que tu veas, e sias replain del Sant Spirit, E via-
çament cagiron de li olh de luj enayma scalhas e receop vesa-
sament. E levant fo bateja : e cum el aguessa receopu lo man-
jar fo conforta. Mas Saul fo cum li deciple lical eran en Da-
masc per alcanti dia. E Saul intre viaçament en las sinagogas
e predicava Jesu que aquest es filh de Dio. Mas tuit aquilh,
lical auvian luj, s*estabusian e diçian : Non es aquest aquel,
local combatia en Jerosalin aquilh lical appelavan aquest nom,
e ac el venc çaj aço quel amenés lor lia a 11 princi de li prejre.
Mas Saul s^efbrçava majorment e confondia li Judio, lical ha-
bitavan en Damasc, afermant que aquest es Christ. Mas cum
moti dia fossan compli li Judio feron conselh quilh aucises-
San luj. Mas li agajt foron fajt conegu en la noit a Saul, e
ilh gardavan las portas per dia e per nojt quilh aucisessan
luj. Mas li deciple, prenent luj en la nojt lajseron lui per
lo mur sotmetent en sporta. Mas cum el fossa vengu en Jero-
salin, s'ejsajava a jostar a li deciple. E tuit temian luj, non
cresent quel fossa deciple. Mas Barnaba lo prens e Tamene a
li apostol, local recojnte a lor, en cal maniera el aguessa vist
lo Segnor en la via, e cum el parlie a luj, e en cal maniera
aguesa fajt ôdelment en Damasc al nom de Jesu. Era cum
lor intrant e ejsent en Jerosalin, façent ûdeiment al nom del
Segnor, e parlava a las genç e desputava cum Ij Grec. Mas
ilh querian lui aucire. Lacal cosa cum Ij frajre aguessan
conegu ameneron luj de nojt en Cesaria e lajseron luj en Tar-
sia.
Acos (?) la glejsa avia paç per tota Judea e Galilea e Sama-
ria, e eran ediôca avant en la temor del Segnor. E era replaina
de la consolation del Sant Sprit. Mas fo fajt dementre que
Pejre trapasses per totas las régions, e vengues a li sant,
lical habitavan en Ljdia. Mas el atrobe aqui un baron per
nom Eneas, jacent al lejt per viii anç, local era paralajsinos.
E Pejre dis a luj : 0 Eneas, lo Segnor Jeshu Christ sane tu.
Leva e stent te. E el se levé viaçament. E tuit aquilh lical
habitavan en Liddia e en Sarona vengron a luj, lical se con-
vçrtiron al Segnor. Mas una decipla per nom ThaMta, lacal
EN LANGUE ROMANE 219
entrepetra es dita Dorca fo en lopia. Aquesta era plena de bo-
nas obras e d'almonas las cals ilh façia. Mas fo fajt en aquelh
dia que enferma mores. Lacal cum ilh Taguessan lava pause-
ron ley al sobejran solier. Mas cum Lidia fossa près de lopia,
li deciple auvent que Peyre fossa en ley, trameseron duy ba-
ron a lui, pregant non tarçar venir a nos. Mas Peyre levant
venc cum lor. E cum el fossa vengu meneron lui al solier. E
totas las vevas isteron en cerque lui, plorant e demonstrant
las gonelas e las vestimentas, las cals Dorca façia a lor. Mas
tuit gita fora Peyre, pansant li sio janolh ore e voota al cors
dis : Tabitha,leva, e ilh ubercviaçament li sio olh,e vist Peyre
reyressit, e donant a lui la man dreyce ley. E cum el agues ap-
pela li sant e las vevas demostre ley viva. Mas ayço fo fayt co-
negu per tota lopia, e moti creseronal Segnor Jeshu Christ.
Mas fo fayt qu'el demores moti dia en lopia en après un Sy-
mont coyratier.
III
ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX ÉPHÉSIENS
CHAPITRE V
Donca sia resemilhador de Dio enayma filh carissime, e
ana en amor enayma Christ ame nos e liore si meseyme per
nos, ufferta e hostia a Dio en odor de soyveça. Mas fornica-
cion e tota non mondicia, o avaricia, o soçura, o jauglaïa, o
mal parlar, lacal cosanon perten a cosa non sia nova entre vos,
mas majorment façament de gratias enayma perten a li sant.
Mas sapia ayço entendent que tôt fornicador, o non mont, o
avar, lacal cosa es serviment d'idolas, non ha hereta al règne de
Christ e de Dio. Alcun non vos engane en vanas parolas, car
rira de Dio venc en li filh de mescreseiiça per aquestas cosas.
Donc nonvolha esser fayt parçonier de lor. Car vos araalavia
tenebras, mas ara se luç al Segnor anna enayma filh de lue.
Car lo fruc de la luç es en tota bonta, en justitiae verita.
Provant cal cosa sia ben placent a Dio. E noiivosvolha acom-
m TRADUCTiOîq Bfî LA ÔIBLE
pagnar a las obras non fructuosas de tenebras, mas major-
mentlasreprene. Car soça cosa es dire aquestas cosas que son
faytas de lor en rescos. Mas totas las cosas que son repensas
dellumoson manifesta. E ço qu'es manifesta es lume,perlacal
cosa di : 0 tu que dormes, leva e leva de li mort, E Christ en-
lumenare tu. Donc, o frayres, veia en cal maniera vos ave sa-
viament non enajma non savi, mas enayma savi, reyment lo
temps, car li dia son mal. Emperço non volha esser fayt non
savi, mas entendent cal sia la volonta de Dio. E non volha
esser enubria dal vin al cal es la luxuria. Mas sia impli del
Sant Sperit, parlant a vos meseymes en salmes, e en ymnis,
e en cant spiritals, cantant e salmeiant al Segnor en li nostre
cor. Façent gratias a Dio tota via ço es aï pajreper totas cosas
al nom del Nostre Segnor Jeshu Christ. Sia somes entre vos
en la temor de Christ. Las fenas sian somesas a li lor baron
enayma al Segnor. Carlo baron es cap de la fena enayma Christ
es cap de la Gleysa. El meseyme es Salvador del cors de ley.
Mas enayma la Gleysa es somesa a Christ, enayma las fenas
a li lor baron en totas cosas. 0 baron, ama las vostras molhers
enayma Christ ame la Gleysa, e liore meseyme per ley, quel
sanctifiquesley, mondant ley cum lavament d'ayga en parolla
de vita. Quel meseyme dones a si glorios a gleysa, non avent
malha o rua, o autra cosa d'aquesta maniera. Mas qu'elh sia
santa e non soça. Enaysi li baron devon amar las lors mo-
lhers, enayma li lor cors. Aquel que ama la soa molher ama
si meseyme. Caralcunnon ac unca en hodi la soacarn. Mas
nuris e pays ley enayma Christ la Gleysa. Car vos seu mem-
bre dal cors de ley, e de la carn de ley, e de li os de ley.
Emperço Tome laysare lo payre e la soa mayre e ajostarese
a la soa molher, e seren duy en una carn. Aquest sacramentes
grant. Mas yo die en Christ e en la gleysa. Emperço vos sen-
gle un cascun ame la soa molher enayma si meseyme. Mas la
molher tema lo sio baron.
j
Dialectes MoDEHNËâ
POÉSIES DE DOM GUERIN, DE NANT
{Suite)
Voici l'œuvre, sinon la plus irréprochable, au moins la plus popu-
laire, de notre moine-poëte, bien qu'il soit vrai de dire que le nom de
dom Guérin est complètement ignoré des lecteurs du célèbre Dialo-
gue de r Ombre de Vabbé de Nant avec son valet Antoine.
C'est une vive satire des abbés commendataires de Nant en géné-
ral * , et plus particulièrement de l'un d'eux, messire Jean-Jacques de
Febvre, mort en 1658 dans les environs de Montpellier, où il avait fixé
sa résidence. Nous ne savons jusqu'à quel point dom Guérin avait à
se plaindre de cet abbé, qu'il représente comme un avare, un pares-
seux et un gourmand, sans parler du reste. Ce qu'il en dit est bien
fort, plus fort encore ce qu'il raconte de la rapacité de ses héritiers,
dont le tableau est fait de main de maître.
Le Dialogue a été certainement composé peu après la mort de dom
de Febvre ; mais rien ne prouve qu'il ait été dès lors livré à une re-
tentissante publicité. Ce dut être apparemment, dans l'esprit de son
auteur, une de ces pièces malicieuses auxquelles on s'est plu de tout
temps, et que les amis et les proches aiment de se passer de main en
main et pour ainsi dire sous le manteau de la cheminée.
La famille de dom Guérin, qui compta après lui plusieurs membres
du même nom, d'oncle à neveu, pourvus des mêmes bénéfices, n'aura
été amenée à se dessaisir du manuscrit original, selon toute appa-
rence, que vers l'époque où les moines de Nant ont été sécularisés ^ .
C'est alors que le célèbre Dialogue aura été livré à l'impression.
Il résulte, du moins, des longues et minutieuses recherches aux-
quelles nous nous sommes livré sur ce sujet, que la plus ancienne
édition ne remonte pas au delà de 1730 ^, Nous en connaissons une
' L'abbé coramendataire était ua bénéficier religieux ou laïque, affranchi des
règles monastiques et simplement tenu d'administrer le temporel dont il per-
cevait les revenus ;, il résidait rarement dans son abbaye. Parmi ses commen-
dataires, l'abbaye de Nant compte le célèbre cardinal d'Ossat, ambassadeur de
France à Rome sous Henri IV.
2 Vers le milieu du XVIII» siècle, la commende fut généralement remplacée
par un bénéfice simple, attribué à un évéque. C'est messire Jacques-Antoine
Phelypeaux, évêque de Lodève, qui avait l'abbaye de Nant, lorsqu'elle fut sé-
cularisée en 1743.
3 Un exemplaire se trouve entre les mains de M. Gandin, bibliothécaire de
la ville de Montpellier. Il a été imprimé au Bourg-Saint-Andéol (Ardèche).
2SÉ t^OESIES DE DOM GU^RÎM
fort curieuse, par les vignettes et les indications typographiques qui
raccompagnent, sous le millésime de 1757. Elle est en dialecte bas-
languedocien *. La troisième en date est ou, du moins, était naguère à
la bibliothèque de Strasbourg, imprimée en 1776*, probablement en
provençal. Enfin, dans les dernières années du XVIII* siècle, Antoine
Navarre, imprimeur à Toulouse, en a donné une nouvelle en sous-
dialecte toulousain. Depuis lors, et au sortir de la première Révolu-
tion, les éditions se sont multipliées à Montpellier, Alais, Avignon, etc.,
avec de nombreuses variantes, sans qu'il soit possible de retrouver
les exemplaires qui ont servi de base à ces divers éditeurs'.
L*original que nous publions aujourd'hui permettra d'apprécier les
mutations, les diverses variantes et les additions, souvent peu intelli-
gentes, que lui ont fait subir les imprimeurs et les copistes. Il se re-
commande principalement par une abondance de détails typiques, quel-
qued expressions anciennes et des allusions qu'on chercherait en vain
dans les éditions connues.
Nous avons dit ailleurs que ce manuscrit était contemporain de
Fauteur*. Nous pouvons ajouter qu'il a été probablement rédigé, sinon
sous sa dictée, au moins sous son inspiration, car il a fait long-
temps partie de ses papiers de famille, et aujourd'hui encore son dé-
tenteur est un des très-rares descendants, par les femmes, de la lignée
de Guérin*.
Nous reproduisons dans son intégrité le Dialogue de l'abbé de Nant.
De rares corrections ont été introduites ça et là, mais on trouvera
toujours dans les notes les leçons rejetées ^ .
Mazkl et ViGouROux.
' Petit ia-12 de 25 pages. « A l'autre monde, chez Pluton, rue des Morts,
à rEoseigne des Ombres. »
L'exemplaire que nous avons eu sous les yeux appartenait à feu M. Germer-
Durand, le savant bibliothécaire de la ville de Nimes.
> Bibliothèque patoise recueillie par M. Oberlin,à Strasbourg. Ms. 13878 de
la bibliothèque de Nimes, fonds Séguier.
« Avignon, 1814-1840-1862; Alais, 1836; Montpellier, 1835 (?).
Voici ce que m'écrivait un de ces derniers, le plus ancien peut-être, l'année
dernière: « Ce petit opuscule {le Dialogue de VOmhre, etc.), que j'ai imprimé
» plusieurs fois, me tomba sous la main, il y a bien longtemps, vers 1814, je
» ne sais de quelle part. Je serais bien en peine de vous donner l'origine de
M ce Dialogue ni aucun des renseignements auxquels vous paraissez tenir,
» etc., etc. »
< Voir Revue des l. r., t. V, p. 377.
8 M. Jules Bruguière, propriétaire, à Nant, à qui nous devons la connais-
sance de plusieurs détails sur dom Guérin, qui trouveront leur place dans une
notice biographique.
6 Nous ne nous sommes pas astreints à reproduire la ponctuation, souvent
très-défectueuse, du ms., et ses i et u pour/ et v.
bfî tîÀlN* »23
L^Ombre de Monseigneur de Nant
QUI VIENT APPAROITRE A SON VALET DE CHAMBRE APPELLE ANTOINE
L OMBRE
Antoine, mon amy, mon serviteur fidelle,
Interompt ton someil, escoute qui t'appelle.
ANTOINE
Las, mon Dieux, yeu suy mort, yeu ausisse une voix,
Ma moulié, seinen-nous.
l'ombre
Le signe de la croix
Ne me fera pas peur, je ne suis pas le diable *.
ANTOINE
Paure ! Quai ses-vous donc?
L^Ombre de Monseigneur de Nant
QUI VIENT APPARAITRE A SON VALET DE CHAMBRE, APPELÉ ANTOINE
LOMBRE
Antoine, mon ami, mon serviteur fidèle, — interromps ton sommeil,
écoute qui t'appelle.
ANTOINE
Hélas I mon Dieu, je suis mort: j'entends une voix. —Ma femme,
faisons le signe de la croix.
l'ombre
Le signe de la croix — ne me fera pas peur. Je ne suis pas le
diable.
ANTOINE
Pauvre! Qui êtes-vous donc?
* J'ai cru devoir rétablir ici la vraie physionomie du texte, bouleversé dans
le ms. et dans les nombreuses éditions qui ont passé sous mes yeux.
224 t^OlèsiËS DB DOM GUEtUK
l'ombre
Ton mestre déplorable.
ANTOINE
Mon mestre !
l'ombre
Mon ami, n'en doutes nullement.
Je suis ton bon seigneur.
ANTOINE
Vous ses Moussu de Nant I
l'ombre
Je suis tel que tu dis, quitte toute ta crainte,
Remets bien ton esprit, parle-moi sans constrainte.
ANTOINE
[Al] diable seas-vous, tant de pou m'obés fach :
Jamais on ay abut un pus furious englach.
[l'ombre]
[Et qu'apprehendais-tu ?j
L ombre
Ton déplorable maître.
ANTOINE
Mon maître !
l'ombre
Mon ami, n'en doute nullement. — Je suis ton bon seigneur.
ANTOINE
Vous êtes Monsieur de Nant !
l'ombre
Je suis tel que tu dis. Quitte toute la crainte ; — remets bien ton
esprit, parle-moi sans contrainte.
ANTOINE
Au diable soyez-vous, de m'avoir fait tant de peur!. -^Jamais je n*ai
eu de plus furieuse angoisse !
l'ombre
Et qu'appréhendais-tu ?
DE NANT 225
ANTOINE
Yeu non savié que creire
De m'ausy mensouna sans qu'ieu pougés res voire ;
Yeu cresié d'empremié que fouguesses lou drac,
Jusques qu'ay remarquât que sentias à tabac.
l'ombrb
Ha bien, n'ayé pas peur, reprens ton bon courage.
Je ne suis pas icy pour te faire domagte,
Je viens pour une affaire ou tu me p[e]us servir
ANTOINE
Saiqué venés crompa de tobac ou de vi?
L*0MBRE
Ce n'est pas pour cela.
ANTOINE
Que say venés donc faire ?
Qu'avés-vous oblidat? Lous morts non tournon gaire.
Per que venés troubla lou moundé quand se [dor] ?
ANTOINE
Je ne savais que croire — en m*entendant appeler (littéralement :
mentionner), sans que je pusse rien voir. — Je croyais tout d*abord
que vous étiez le drac — [et je Tai cru] jusqu'au moment où j'ai re-
marqué que vous sentiez le tabac.
l'ombre
Hé bien! n'aie pas peur, reprends ton bon courage; — je ne suis
pas ici pour te faire dommage. — Je viens pour une affaire où tu peux
me servir.
ANTOINE
Peut-être venez-vous acheter du tabac ou du vin?
l'ombrb
Ce n'est pas pour cela.
ANTOINE
Que venez-vous donc faire ici? — Qu'avez-vous oublié ? Les morts
ne reviennent guère. — Pourquoi venez-vous troubler les gens quand
ils dorment?
17
> ^ ^ . . _ . . >
226 Î^OÊSIES Dfî DOM GUERIK
L*OMBRB
Je reviens tout exprés pour quérir mon trésor.
ANTOINE
Certo, aro n*ay pas son; cousy, dins l'autre vido,
Cal tené comme aisj toujours bourse garnido I
l'ombre
n me faut contenter le nautonier Caron
Qui n'a jamais voulu me passer l'Achéron *,
Sans lui payer son droit. Cette vilaine hette
Aus[s]ytost qui m*a veu m'a dit d'abort : « Arreste,
Paye plutôt qu'entrer ou bien retire-toy ! »
ANTOINE
[P]arlas-ty tout de bon?
l'ombre
Je te dis vray, ma foy.
J'ay bien voulu donner des marques de courage,
Mais, ma foy, quand j'ay veu qu'il entret dans [la rage],
Je m'en suis enfui. Et, pour te parler net.
Je viens quérir d'argent que j'ai au cabinet.
l'ombre
Je reviens tout exprès pour quérir mon trésor.
ANTOINE
Certes I je n'ai pas sommeil maintenant ; comment, dans Tautre
vie, — il faut toujours, comme ici-bas, tenir garnie sa bourse I
l'ombre
Il me faut contenter le nautonnier Caron, — qui n*a jamais voulu
me [faire] passer TAchéron, — sans lui payer son droit. Cette vilaine
bête, — aussitôt qu'elle m'a vu, m'a dit d'abord: «Arrête ! — paye
plutôt que d'entrer, ou bien retire-toi ! »
ANTOINE
Parlez-vous tout de bon?
* Ms. Les Caron, (Dans l'interligne, une main inconnud a écrit, mais li-
Bible seulement à la loupe, lacheron.)
DE NANT 227
•
Je me sais avisé 4e venir à' bonne heure,
De peur qu'en retardant on en fit Touverture.
ANTOINE
Ha I per ma fé, Moussu, vous ses endarrairat;
On espererou pas que fougés enterrât,
l'ombre
On n'aura pas tout pris.
ANTOINE
Tout jusque à las sarrailles.
On lay au rés laisat que las quatre murailles.
Messieurs lous héritiers courisien al coval,
Justomen comme fau las fedos à la sal.
Se vous oguesses vist quanios gens de levàdo :
Leur fasié pessomen de laisa la tieulado.
En tout lou cabinet non trouvorios clavel
Que vous pougués servj per penja lou mantel.
Tout laj ou au virât, sans vrise de vergougne.
L OMBRE
Je te dis vrai, ma foi. — J'ai bien voulu donner des marques de cou-
rage ; — mais, ma foi, quand j'ai vu qu'il entrait en rage, — je me
suis enfui; et, pour te parler net, — je viens quérir l'argent que j'ai
au cabinet. — Je me suis avisé de venir à cette heure,— de peur qu'en
4
retardant on en fît l'ouverture.
ANTOINE
Ah! par ma foi, Monsieur, vous vous êtes bien arriéré, — et l'on
n'attendit pas que vous fussiez en terre.
l'ombre
On n'aura pas tout pris I
ANTOINE
Tout, jusques aux serrures I -^ Ils ne vous ont laissé là-bas que
les quatre murailles.— Messieurs les héritiers couraient à votre avoir
(littéralement : à vos cabeaux) — justement comme les brebis cou-
rent au sel. — Si vous aviez vu quelles gens [ardents] à la levée 1 —
Ce leur était un souci de laisser la toiture. — Dans tout le cabinet,
vous ne trouvwiez pas de clou — qui pût vous servir pour suspendre
im manteau. — On y a tout tourné sans aucune vergogne. — (?) Tous
2«8 POESIES DE DOM GUERIN
Toutes très y fosieu jomay talo vesoni *.
S'obias resquost d'argen, lou vous auran trouvât,
Car on ya pas mahon qu'on Tagou soulleva[tl.
l'ombre
Tu me yeux étonner.
ANTOINE
Diable sié, se m'en risé,
[Se] VOUS lay ou vesias, n'an fach may q'ieu non dise.
l'ombre
Voy, que ferai-je donc ? Je suis mal à cheval.
ANTOINE '
Vesés, piey que voulias ana perquinàval,
E que sabias que quai passa la grand rivieire,
Dévias prane d'argen ou passa un jour de fiere,
Perce qu'an aquel jour, al contrat es emprés,
Tout ésprés à Caron de non prené pas rés.
trois n'y avaient jamais fait une telle besogne (?). — Si vous aviez ca-
ché de l'argent, ils vous l'auront trouvé, — car il n'y a pas brique
qu'on n'ait soulevée.
l'ombre
Tu me veux étonner.
ANTOINE
Diable soit, si j'en ris I — Si vous pouviez le voir, ils ont fait plus
que je ne dis .
l'ombre
Oh! que ferai-je donc? Je suis mal à cheval.
ANTOINE
Voyez, puisque vous vouliez aller par là-bas — et que vous saviez
qu'il faut passer la grande rivière, — vous auriez dû prendre de l'ar-
gent ou passer un jour de foire, — parce que, dans ce jour, il est, au
contrat, ordonné — tout expressément à Caron de ne rien prendre. —
Tous les autres jours, il faut payer le passage.
l'ombre
Je ne le croyais pas .
4 Od lit dans Dombre d'exemplaires :
Tout es estât birat sans bricou da vergougno«
Jomay pus yeu n'ay bist une talo besougno.
DE NANT 2Î9
Toutes lous autres jours quai pogua lou possatge.
^ ■ «
l'ombre
Je né le croyés pas.
ANTOINE
Aquo's pas estre satge
De dire a Non cresié » ; aquo*s estré flauniac.
Saiqué vous souvenbe qu'en passan à Gignac \
Vous a toujours qualgut mettre man à la mitto ^^
Que jamaj vous au fach credi de cap de pitto '.
Perqué donc cresias vous que Caron vous possés
Sans li poga son drech ? Aquo's aro un proucés. •
l'ombre
Je n'aurés jamais cru qu'il eut eu Timpudence *
De m'oser demander la paje par avance.
ANTOINE .
Vous cresias de possa, tant de nioch que de jour^
ANTOINE
Ce n'est pas être sage — de dire : « Je ne le croyais pas. » C'est
être paresseux. — Peut-être vous souvient-il bien qu'en passant à Gi-
gnac, — il vous a toujours fallu mettre la main à la mite, — et que
jamais on ne vous a fait crédit d'une pite (d'une obole). —Pourquoi
donc croyez-vQus que Caron vous passât — sans lui payer son droit?
C'est maintenant un procès .
l'ombre
Je n'aurais jamais cru qu'il eût l'impudence — de m'oser demander
par avance la paye.
ANTOINE
Vous pensiez passer aussi bien de nuit que de jour, — en disant:
t Gignac, chef-lieu de canton, avait à cette époque un bac à trailles ; il a été
remplacé, en notre siècle, par le magoifique pont sur l'Hérault, où passe la
route nationale de Montpellier à Clerraont-Ferrand.
^ Mettre la main à mite, c'est-à-dire mettre la main à la bourse pour payer.
Le ms. porte: la man.
* Pite, menue monnaie de cuivre, valant une obole ou le quart du denier,
en cours principalement dans le Poitou. {Pictavensis, d'où son nom.) Le ms.
porte: non vous nu fach.
-* Ms. l'imprudence.
^0 POESIBS DE DOM GUERIN
En disen: « Mon ami, pagaray al retour ».
Per quai lou prenias-vous ? El non es pas novice,
El es despiey long temps dins oquel exercice.
Et sa bé que s*un cop ses possat dedolaj,
Non cal pas espéra que soj tournés jomaj.
Lou mieu paire loj es, amay ma paure bello,
Mais depiey que lay son, non n'aj saupu nouvelo.
Poguas-lou, que que sié que vous satge cousta,
Car el non trove pas son conté de sousta.
Yeu cresé qu'ay dex solz per lou fons de mon cofré,
Tout en liards et dignes, Moussu, yeu lous vous ofré.
L*0MBRE
Que me dis-tu? dis sols. Il veut dix mile frans.
ANTOINE
Cousy, paure Moussu, vous doné per cent ans.
Ha ! lou traité Caron ! Ha ! la maudite Parque {
« Mon ami, je payerai au retour. » — Pour qui le preniez- vous? Il
n'est pas novice. — 11 est dans cet exercice depuis longtemps, — et il
sait bien qu'une fois passé de l'autre côté, — il ne faut pas espérer
que vous reveniez jamais ici. — Mon père y est, et aussi ma pauvre
belle-mère [oM bienma. pauvre Isabelle]; — mais, depuis quïls y sont,
je n'en ai pas eu de nouvelle. — Payez-le, quoi qu'il vous en puisse
coûter, — car il ne trouve pas son compte d'attendre. — Je crois avoir
dix sols dans le fond de mon coffre, -« tout en liards et en deniers ;
"je vous les offre, Monsieur.
l'ombre
Que me dis-tu? dix sols. Il veut dix mille francs!
ANTOINE
Comment, pauvre Monsieur, je vous donne cent ans [pour les trou-
ver]. — Ah ! le traître Caron ! Ah ! la maudite Parque ! — Elle aurait
dû vous laisser vivre ou vous permettre d'entrer dans la barque. —
Pour trouver tant d'argent, il vous faudrait trop rôder. — Vous ne
passerez jamais {littéralement : jamais vous ne passez), si vous ne sa-
vez nager. — Vous avez toujours été d'une humeur (?) fort humide (?);
*— vous deviez le quereller comme fit Alcide, — quand il alla (liité"
DE NANT 231
Vous dieurié laisa vieuré ou vous possa la barque.
Per trouva tant d'argen, vous quaudrié trop rouda.
Jomay vous non possas, se non sovés noda.
Vous ses toujours estât d'un humou fort umido.
Lou dévias corela comme faguet Alcido,
Quand lay anet cerqua Thésée, son amie.
Aro vous foursara de pagua rie à rie ,
Quand vous a counouscut poultron comme uno vaco .
Se quelle opinôstra, non pas vira casaque.
l'ombre '
Tu en aurés tant fait.
ANTOINE
(Car el aurié) troubat aquel que li [quolié].
Se vous volias quiquon, tournarias dins sa caze
Ambé un bon pistoulet et une bone espaze.
l'ombrb
J'aime mieux le payer, non pas que j'aie peur,
ralement: y alla) chercher son ami Thésée. — Il vous forcera main-
tenant de payer ric-à-iic, — lorsqu'il vous a connu poltron comme
une vache. — Il fallait vous opiniâtrer et non pas tourner casaque.
l'ombrk
Tu en aurais fait autant.
ANTOINE
Ah ! pardine, je ne Taurais pas fait! — car il aurait trouvé celui
qu'il lui fallait. — Si vous valiez quelque chose, vous retourneriez
dans sa maison — avec un bon pistolet et une bonne épée.
l'ombre
J'aime bien mieux le payer ; non pas que j'aie peur, — mais,
' Il faudrait lire :
l'ombre
Tu en aurés fait tant.
ANTOINE
Ah ! pardy, non aurié !
Emb ieu aurié troubat aquel que li quolié.
C'est-à-dire, pardieu, non, car il aurait trouvé en moi celui qu'il lui fallait
(pour lui répondre).
Nous tfi^duisoas cet essai de restitution t
232 POESIES DE DOM GUERIN
Mais yoîs-tu, par ma foy, ce n'est pas mon humeur.
ANTOINE
D'ont aurés tantd'argen? Vostro soumo m'estouno ;
En tout Nant, per ma fé, ne trouvorés persouno
Que la voulgués presta per vostres héritiés.
Ay pau que vous voudrien baila tout^ de digniez.
l'ombre
Tu ^ railles, maïs tu sais que l'honneur les engage
De fournir ce qu'il faut pour faire mon voyage.
ANTOINE
Al jour d'ioy l'intérêt' es pus car que l'hounou.
Que me penjou d'abord, ce non disou de nou.
l'ombre
Et comment le sais-tu ?
ANTOINE
Rès que per conjecture,
Amay ou jurorie sur la Sainte Escriture.
vois-tu, par ma foi ! ce n*est pas mon humeur [de me battre].
ANTOINE
D'où aurez-vous tant d'argent? — Votre somme m'étonne. — En
tout Nant, par ma foi, vous ne rencontrerez personne — qui la voulût
prêter à vos héritiers [seulement]. — J'ai peur qu'ils vous voudraient(?)
donner seulement quelques deniers (?).
l'ombre
Tu railles ; mais tu sais que l'honneur les engage — à fournir ce
qu'il faut pour faire mon voyage .
ANTOINE
Aujourd'hui l'intérêt est plus cher que l'honneur. — Que l'on me
pende immédiatement, s'ils ne vous disent pas non.
*Tout est mis ici pour cap.
La plupart des éditions écrivent:
Non vous voudrien bailla soulomen des dénies.
C'est-à-dire: Ils ne vous avanceraient pas seulement dix deniers,
s Ms. Tu te,
* Ms. Vinteret es pus caré.
DE NANT 233
Après ce quleu ai vist, pode porla segur.
l'ombre
Eh ! que ferai-je donc dans un pareil malheur?
Peut-être qu'en cherchant tu trouvères un homme
Qui aurait* volonté de prester cette somme.
Je m'en obligerois pour qu'il ne perdit rien.
ANTOINE
Et en cal s'en prendrien ?
l'ombre
A ceux qui ont mon bien.
Ils seraient obligés, pour sy peu qu'onles presse,
De payer tout ce qu'il seroit dans ma promesse.
ANTOINE
Cal diable cresés-vous qu'ajé tant pauc de sen
De s'acheta un proucés ? Quai sera Tinnoucen ?
Et comment le sais-tu ?
L*0MBRE
ANTOINE
Rien que par conjecture. — Et cependant je le jurerais sur la
Sainte Ecriture. — Après ce que j'ai vu, je peux parler sûrement.
L*0MBRB
Eh! que ferai-je donc en un pareil malheur? — Peut-être qu'en
cherchant tu trouverais un homme — qui de prêter cette somme au-
rait la volonté. — Je m'en obligerais pour qu'il ne perdît rien.
ANTOINE
Et qui aérait resi^onsahle'! (littéralement: Et à qui s'en prendraient-
ils?)
l'ombre
A ceux qui ont mon bien. — Pour si peu qu'on les presse, ils se-
raient obligés — de payer tout ce qui serait dans ma promesse .
ANTOINE
Qui diable croyez-vous qui ait si peu de sens — de s'acheter un
* Ms. qu'aurait la.
234 POÉSIES DE I)OM GUBRIN
Et pieî quai cresés-vous que sié tant flac de teste
De presta tant d'argen sans saupre à cal lou preste ?
l'ombre
; Tu respondras pour moi.
ANTOINE
f La tarrible cautieu :
Ha ! lou bravé guaran qu'aurien trouvât anb' ieu !
Tout esquas al loutgis ond'aquo de Pernette,
S'auzou fiza de yeu, possat une fouliette.
Et vous volés qu'ieu trove une somme d'argen
Que fay saique dex cops tout ce qu'ieu ai valen*.
Vous dieurias aguacha de tourna vieure encare.
l'ombre
Helas ! je né suis pas si saint que le Lazare ;
Des miracles si grans à présent n'ont pas cours.
ANTOINE
Vous cal fa veire donc penden sept ou ioch jours,
procès ? Qui sera l'innocent ? — Et puis, qui croyez-vous qui sera si
faible de tête — de prêter tant d'argent sans savoir à qui il le prête?
l'ombre
Tu répondras pour moi.
ANTOINE
La terrible caution ! — Ah ! le bon garant qu'ils auraient trouvé en
moi ! — C'est à peine si au logis de chez Pernette — on ose se fier à
moi, passé une feuillette [de vin à crédit]. — Et vous voulez que je
trouve une somme d'argent — qui fait peut-être dix fois tout ce que
j'ai de vaillant [au monde] — Vous devriez vous arranger afin de vi-
vre encore.
l'ombre
Hélas ! je ne suis pas si saint que le Lazare ! — Des miracles si
grands à présent n'ont pas cours.
ANTOINE
Il faut donc vous faire voir pendant sept ou huit jours ; — car, tant
* Autre leçon (préférable):
Que fay dex mille cops may que you n'ay valien.
DE NANT 2?5
Car tant que vous serés, comme ses, invisible,
Non trouvarés pas liard, car aquo's trop visible.
l'ombre
Cela ne se p[e]ut pas, l'esprit ne se voit point;
Il faudroit pour me voir que mon corps me fut joint.
Si je n'en puis trouver qu'en faisant qu'on me voie,
Il n'en faut plus parler, cherchons une autre voye.
Mais je te presse trop, je t'an crie pardon,
Ya dire aux habitans qui me fassent ce don.
ANTOINE
Or qu'ojas per cautieu Moussu de Ventiboli,
S'en ovés d'autre grais, forés de soupe on d'oli.
Templa lay lous avés servits dins lous besouns !
Be sériés be bengut*!
l'ombre
Ma foy, tu as raison !
Au lieu de les servir, quand ils souffrent la foule
De tant de regimens qui leur plumait la poule,
que vous serez, comme vous Têtes, invisible, — vous ne trouverez pas
un liard, c'est chose sûre (^littéralement: ^nsih\e),
l'ombre
Cela ne se peut pas ; Tesprit ne se voit point. — Il faudrait pour
me voir que mon corps me fût joint. — Si je n'en puis trouver qu'en
faisant qu'on me voie, — il n'en faut plus parler, cherchons une autre
chemin. — Mais je te presse trop, je t'en demande pardon; — va dire
aux habitants qu'ils me fassent ce don.
ANTOINE
A moins que vous n'ayez pour caution M . de Bentivoglio, — si vous
n'avez pas d'autre graisse, vous ferez la soupe à l'huile . — Vous les
avez si bien servis dans leurs besoins, ici! — Vous seriez bien venu !
l'ombre
Tu as, ma foi, raison ! — Au lieu de les servir, quand ils souffraient
la foule — de tant de régiments qui leur plumaient la poule, — au
* Messire Jean de Bentivoglio, successeur de dom, de Febvre, pourvu de
l'abbaye de Nant eu septembre 1658, Mort en 1694.
236 POESIES DE DOM QUERIN
Au lieu de travailler à leurs délogements,
Je prenais sans pitié leurs mauvais tretaimen(s)*.
ANTOINE
f Aro] ou trouvorés tout.
l'ombre
Que veux-tu que j'i fasse ?
Sa est asture ^ fait, n'en parlons plus, de graee*
Prenons un autre biais.
ANTOINE
Fàguan ce que voudrés ;
Yeu executoray ce que vous resourdrés.
lieu de travailler à leurs délogements, — je n'avais nulle pitié pour
les mauvais traitements [qu'ils enduraient].
ANTOINE
Maintenant vous trouverez tout.
l'ombre
Que veux-tu que j'y fasse? — C'est fait à cette heure; de grâce, n'en
parlons plus. — Prenons un autre biais.
ANTOINE
Faisons ce que vous voudrez.— Moi, j'exécuterai tout ce que vous
résoudrez.
(A suivre,)
* Ce passage, qui manque dans (es éditions parues jusqu'à ce jour, est une
curieuse allusion aux excès des garnisaires de Tépoque.
' Pour : à cette heure.
GLOSSAIRE DES COMPARAISONS POrtJLAIRES
DU NARBONNAIS ET DU CARCASSEZ
APPENDICE
Agasso. — Babilhard coumo uno agasso borgno. — Es à rô-
douls coumo Fagasso. — Fi coumo uno agasso.— Marcha
à sautets coumo uno agasso.
Aimable. — {Per trufariè) Aimable coumo un séquestre.
Alandat. — Alandat coumo uno encluso ; — coumo un four.
Alumat. — Alumat coumo un gabèl ; — coumo un punch ou
brullôu*
Anant. — [Per trufariè) Anant coumo un rosse.
Apetissat* — Apetissat coumo un segaire.
Aplatit. — Aplatit coumo uno galeto.
Arnat. — Arnat coumo un màntoul de cent ans.
Arrapa. — S'arrapa coumo de moufo ; — coumo de muscles.
Babardeja. — Babardeja coumo uno bièlho pourtièro,
Balandreja. — Se balandreja coumo un barcot susTaigo.
BÊSTio. — Bèstio coumo trento-sièis milo toupis ; — coumo
las aurelhos d'uno bourrico.
Bestit. — Bestit d'or coumo un argelat ; — coumo un ginèst.
Babilha. — Babilha coumo dos bièlhos debotos ; — coumo la
sounalho.
BiSATGE. — Un bisatge coumo de teule picat.
Blanc. — Blanc coumo un subre-pelis.
Boues. — Uno boues coumo un chantre de catedralo.— Boues
restountissento coumo un claroun que souno la cargo; —
coumo la troumpeto dal foc.
BouLTiJA. — Boultija coumo un parpalhol al tour dal calel ; —
coumo uno fèlho d'aubre al bent de cers.
BotJMi ou GOUMi coumo un gous empouisounat.
Brilha. — Brilha coumo un astre.
Brulla. — BruUa coumo uno escaufeto ; — coumo un encen-
siè ; — coumo un carbou rousent.
Cabessairb. — Tène iou tioul en sus coumo un cabessaire.
Caqueta. — Caqueta coumo un parrouquet.
s
1^8 Comparaisons populaires
Catoulic. — Catoulic coumo lou Papo.
CouTÉL-TiRAT. — Bioure à coutèl-tirat;
Coumo gous amé gat.
Crida.— Crida coumo un estamaire ; — coumo un amoulaîre.
^ Dépendre. — Se défendre coumo un Miquelet.
Dependut, — Defendut coumo de tua 'n ome ; — coumo de
[ caga al lèit; — coumo lou Pater as ases.
DiNTRA. — Dintra coumo un boulet de canou que trabèsso uno
paret.
DouRMi^ — Dourmi coumo un bièl deute.
* Dous. — * Dous e caressant coumo un bentoulet dal mes de
^ mai. •
El. — El berd coumo uno gragûotô.
EifBÂUMANT. — Embaumant coumo on broat de Jans^ni ; —
coumo un branquil d'albrespi.
Empèiregat. — Empèiregat coumo lou cami dal Paradis.
Encoumbrat. — Encoumbrat coumo un galatas bourrât de
I trastes .
Enjauta. — S'enjautade quicon coumo un loup d'esquilho.
EscARCALHATS. — D'èls cscarcalhats coumo de tiouls de bou-
telho.
Escoupi. — Escoupi Taigo coumo lou bourracan (se dits d'un
ibrougno).
EscRANCAT. — Escrancat coumo un A.
EsPATAT. — Espatat coumo un gous al soulel ; — coumo un
ibrougno qu'asseco sa pèl ; — coumo un porc.
EsPELi. — Espeli facillomen coumo la michanto grano.
ESTACAT ou BMPEGAT OU CRAMPOUNAT COUmO FuitrO al TOC ; —
coumo un emplastre de pego de Bourgougno as rens.
Fegnant. — Fegnant coumo un lausert.
Fi. — Pren fl coumo touto bouno causo.
Fier. — Fier coumo un bourgés decourat de fresc.
Fort. — Fort coumo Samsou.
Foundre. — Se foandre coumo d'estam dins la padeno d'un
estamaire.
Fresc b tendre coumo uno mato d'erboulat.
Frisât. — Frisât coumo un canich.
Galinos. — Faire coumo las galinos, qu'en mai fa fred, en
mai beboun. — Se coucha d'ouro coumo las galinos.
L
COMPAtlAtSOKS POPULAIRES 239
Grabat*. — Grabat coumo un molle de curbelet.
Jaune. — Jaune coumo un fiebrous.
Jura. — Jura coumo un marin engrabat ; — coumo un car-
retiè enfangat.
Magre. — Magre coumo un fus.
Malecious e RUSAT coumo un bièl grato-papiès.
Manja. — Manja coumo un alefant. — Manja e beure coumo
un porc.
SE dits:
Bido de porc : courte et bouno.
Marrit ou doulent coumo une esteringlo.
Maudit. — Maudit coumo un tarif.
MouRi ou s'en ana coumo un poulet.
MousiLHA. — Mousilha coumo uno talpo ; — coumo un porc ;
— coumo uno trèjo-trufièro.
Nègre. — Nègre coumo la gulo de Tinfèr.
Penche. — Crassous coumo uno bièlho penche dentegado. —
Magre coumo uno penche.
Fermés. — Tout i' es permés coumo à-n-un fat.
Pbrtout. — Se fourra pertout coumo lou porc de Sant-An-
tôni.
Pesoulhous. — Pesoulhous coumo sant Labre ; — coumo un
bièl Espagnol.
Pesuc e patut coumo un alefant.
Plasé. — {Per trufariè) Fa plasé coumo la bisto d'un creanciè.
Poulidouno b frbsqueto coumo uno flour de mountagno.
PouTous. — De poutous toutis mèl coumo lous de TAmour.
PuDENT. — Pudent coumo un iôu estantis.
Raja. — Raja coumo uno gargoulho ; — coumo un tioul de
pescaire.
Rebut. — Mes al rebut coumo un bièl capèl crassous.
Rettb. — Rette coumo uno barro ; — coumo uno entorcho ; —
coumo un coucaril.
RouMiA. — Roumia coumo uno bièlho crabo.
Teta. — Teta coumo un budèl ; — coumo un cagnot.
Trima. — Trima coumo un bardot.
Triste. — Triste coumo un beu-Fôli.
A. MiR.
LOU DESTOURBI DAS AUCELS
Souvenença de la Cour d'Amour de 1881
PRESIDADA PER MADAMA GASTOUN BAZILLE
L'aucelalha que vieu dins lou bos soulombrous
Qu'oumbreja de Meric lou castel istourique,
Sauprés qu'un jour d'autouna, embaimat, sourelhous,
Galet, un poulit brieu, soun dous e bèu cantique.
Faliè be que n' V aguesse, amai n' i' aguet d'espés !
Jujàs un p au : jamai lous braves aucelets
Avien pas vist trevà dins las verdas aleias
Que Teste majourau, apensit e sounjous,
Roumiant dins sa cabessa estât, canaus, denreias ;
Escoutant sas cansouns, acampant quauquas flous,
Per entremens cassa lous laguis, las pensadas,
Que de Tome d'elei apoudesoun lou front,
le vesien atabé, sans pou] per sas nisadas,
La bêla castelana anant de largue en long,
Escampant en camin miquetas e granilha
Que veniè bequejà la menuda familha,
LES OISEAUX CONTRARIÉS
Souvenir de la Cour d'Âmoiir de I881
QUI FUT PRÉSIDÉE PAR MADAME GASTON BAZILLE
Les oiseaux qui vivent dans le bois sombre — ombrageant le châ-
teau historique de Meric, — vous saurez, qu'un jour d'automne
embaumé, plein de soleil, — [ces oiseaux, dis-je] firent taire, un bon
moment, leur doux et beau cantique. — Il fallait un motif bien grave,
en effet. — Jugez un peu : jamais les gentils petits oiseaux — n'avaient
vu circuler dans les vertes allées — que l'hôte haut placé, pensif et
rêveur, — repassant dans sa tête état, canaux, denrées ; — écoutant
leurs chansons, cueillant quelque fleur, — pour chasser seulement les
ennuis, les pensées, — qui de l'homme d'élite surchargent le front. —
Ils y voyaient aussi, sans crainte pour leurs nichées, — la belle châ-
telaine allant de long en large — répandant, en chemin, miettes et
graines, — que venait becqueter la mignonne famille, — tout en vol-
LOU DESTOURBI DAS AUCELS 241
Tout en voulastrejant, en foga, à soun entour ;
E pioi quauques amies, d'aqueles que toujour
Se sarra embé plasé la man fina ou rustassa.
Quand, un bèu jour, s'alanda en plen lou grand pourtau,
Una frapa de mounde intra e per tout s'espassa,
S'esclamant chaca fes e de joia e de gau:
De qu'es ioi? Ounte vai aquela escoudriada?
Jamai s'era pas vist foula tant mirgalhada !
Ta de viels, de barbêus, de drolles, de jouvents,
De damas de la granda, avenentas e bêlas ;
E tout, barbèus e viels, jouvenets, jouvenelas,
Vagoun per lous carraus, allègres e brusents.
Mais, dau tems que lou bos ressountis de sa joia,
L'esfrai vai se cabl dins Taubran, jout la fiolha :
Un crenls per sa vida, un autre per soun nis,
L'autre per sous nistouns, tout escàs abarits;
Talament que, calant soun galoi roumanage,
Cadun s'aclata, mute siau, dins lou brancage.
Pamens, à bêles paus, lous destourbaires van,
Toutes entre-foulits, s'arrambà sus lou plan
Ounte lou castelàs doubris sas grands intradas :
Set damas en miech eeucle, aqui, soun assetadas,
Caduna à soun constat soun umil servitou.
tigeant, empressée, autour d'elle ; — et puis, quelques amis, de ceux
dont toujours — on serre avec plaisir la main fine ou calleuse. —
Quand, un beau jour, le grand portail s*ouvre à deux battants; — une
foule de gens entrent et se répandent partout, — éclatant à chaque
pas dejoie et de plaisir. — Qu'est-ce aujourd'hui? Où va cette troupe?
— Jamais on n'avait vu foule si mêlée! — Il y en avait de vieux, de
jeunes ; il y avait des enfants, des jouvenceaux, — des dames du grand
monde, gracieuses et belles ; — et tous, jeunes et vieux, jeunes hom-
mes, jeunes filles, — errent par les sentiers, réjouis et bruyants. —
Mais, tandis que le bois retentit de leur joie, — l'effroi va se nicher
dans les arbres, sous la feuillée. — L'un craint pour sa vie, un autre
pour son nid, — l'autre pour ses pefits à peine élevés ; — à tel point
que, cessant leurs joyeux ébats,— chacun se tapit, silencieux et muet,
dans les branches. — Cependant, petit à petit, les trouble-fête vont —
s'assembler, sémillants, sur la place où le château ouvre ses grandes
entrées : — sept dames, en demi-cercle, sont là, assises, — chacune
18
ut LOtt DBStOUtlBI DAS AÛCEtÔ
Au mitan d'aquel round s'avansa un auratou
Que fai un grand discour, e las mans aplaudissoun ;
Un autre dis de vers, lous bravos esclafissoun ;
E lou diseire vai, esmougut, tremoulant,
Per reçaupre soun près davanslamajourala,
Qu'embé gaubi T adus un bèu grelhou de ram.
E toujour lous aucèls restoun muts dins Taubran.
Tout d'un cop, dins lou siau, un cascal de cigala
Espeta, e la segaira, en soun parla brusent,
le fai : — « Perque calas voste cant tant plasent ?
Touta la gent d'aqul de vautres soun aimaires;
Lous counouisse de longa, aco soun mous cantaires,
Abrivats de tout caire en aqueste grantjour.
Pas pôu, braves amies, aco 's la Cour d'Amour ! »
0 jour de Dieu ! Tant lèu ausi 'questa paraula,
E lou cant das aueels, e lou dous parauli
E lous verses, ensem se mescloun, se seguissoun,
E lou bos trementis de las mans qu' aplaudissoun.
Aco duret, duret jusquas à nioch-falit*.
A. Langlade.
à son côté son humble serviteur. — Au milieu du cercle s'avance un
orateur — qui fait un grand discours, et les mains applaudissent. —
Un autre dit des vers, et les bravos éclatent ; — et le diseur va, ému,
tremblant, — recevoir son prix, devant la présidente, — qui lui donne
gracieusement une belle tige de laurier. — Et les oiseaux restent tou-
jours muets dans les arbres. — Tout à coup, dans le silence, un chant
de cigale — éclate, et la moissonnei^se, en son bruyant langage^ —
leur dit : « Pourquoi cessez-vous votre chant si doux ? — Tous ceux
qui sont là vous aiment ; — je les connais depuis longtemps. Ce sont
mes chanteurs, — accourus de tout côté en ce grand jour ! — Ne crai-
gnez rien, mes bons amis, c'est la Cour d'Amour. » — 0 jour de Dieu !
aussitôt cette parole entendue, — plus fort que jamais le gazouille-
ment se déchaîne ; — et le chant des oiseaux, et le doux langage, —
et les vers, se mêlent ensemble, se suivent, — et le bois est ébranlé
des mains qui applaudissent. — Cela dura, dura jusqu'à la nuit close.
A. Langlade.
* Languedocien (Lansargues (Hérault) et ses environs). Orthographe mont*
pelliéraioe*
ALARÎC
Grisas, escalaïrous, rufant sa forto croupo,
Retipo le Sant-Loup e porto, pla 'spandit,
Le noum fer del rei got. De legendos s'estroupo.
Que s'ausis d'Alairac e Miramont qu'a dit?
Alaric dous levet tourres à flero coupo
A-n-aquelis endreits ount se sariô brandit
Dambe V Franc per toumba mort al miei de sa troupo,
Ount i aviô d'or qu'à Roumo amanadet l'Ardit.
Aquel mount courbierenc fousquet d'uno cadeno
Menant, per Sant-Chinia, d'en Albero en Ceveno.
Vuei, sus Aude, aquital, soulet, a l'acrin naut.
Cado joun ven doumege. Adieu la salvagiso I
De Flouro à Mous, se vei, plenis de galhardiso,
Gausaires, de plantiès vous le prene d'assaut \
A. FOURÉS.
ALARIC
D'un gris sombre, escarpé, ridant sa forte croupe, — il ressemble
au Saint- Loup2, et porte, bien étendu, — le nom sauvage du roi goth.
Il s'enveloppe de légendes. — Qu'ouït-on d'Alairac ' et qu'a dit Mi-
ramont * ?
Alaric II dressa des tours à fière mine ^ — en ces endroits où il se
serait battu — contre le Frank, pour tomber mort au milieu de sa
troupe **, — où il avait mis de l'or qu'à Rome empoigna le Hardi ^ .
Ce mont des Corbières fit partie d'une chaîne -;- conduisant, par
Saint-Chinian, des Pyrénées aux Cévennes. — Aujourd'hui, au-dessus
de l'Aude, là, tout seul, il a la cime haute.
Un peu tous les jours, il devient moins âpre. Adieu la sauvagerie!
— De Floure à Moux * on voit, pleines de vigueur — et d'audace des
plantations [de vigne] prendre [Alaric] d'assaut.
A. FOURÈS.
* Languedocien de Castelnaudary. Orthographe montpelUéraine.
^ Pic Saint-Loup (Hérault). — 3 Alairac, canton de Montréal (Aude). —
* Miramont, nom porté par TAlaric. — * On assure qu'Alaric II bâtit deux
forts dans les environs de Carcassonne. L'un porte aujourd'hui le nom d'Alai-
rac, l'autre donne son nom à la montagne d'Alaric. — 6 Mais ce que l'on dit
sur la mort d'Alaric et la bataille qu'il aurait livrée auprès de la montagne où
est situé Miramont ne mérite aucune créance.— ^ Surnom d' Alaric 1er. — » Vil-
lages du canton de Capendu.
BONUR DE FAMIHa
Sestino
A MOUN AMI P. B,
Uno femo, d'enfant, de bons ami, de ]ibre,
La santa, lou travai e Tamour dôu bon Dieu,
Vaqui tout ço que fau au bonur d'un felibre.
(Louis ROUMIBDZ )
Lou bon Dieu t'a douna gento e bravo famiho,
Unofemo, unofiho, e babeto e poutoun ;
E, quand Taueelounet canto dins la ramiho,
Que la flour s'espelis e que lou soulèu briho
Subre l'acria di mourre, i draio dou valoun,
Ami, podes canta ti plus bèlli cansoun !
Canto, canto toujour, ti plus bèlli cansoun
Au fougau amistous, Tiver dins la famiho,
Long dôu camin Testiéu, quand vas dins lou valoun
Veire li parpaioun que se fan de poutoun
BONHEUR DE FAMILLE
Siztine
A MON AMI P. B.
Une femme, un enfant, de bons amis, des livres, •— la
santé, le travail et l'amour du bon Dieu, — voilà tout ce
qu'il faut au bonheur d'un félibre,
(Louis RouMiEux.)
Le bon Dieu t'a donné une sage et charmante famille, — une femme,
une fille, et caresses et baisers; — et, lorsque l'oiselet chante dans les
ramures, — que la fleur s'ouvre et que le soleil brille, — sur le som-
met des rochers, sur les sentiers du vallon, — ami, tu peux chanter
tes chansons les plus belles !
Chante, chante toujours tes chansons les plus belles — au coin de
l'amical foyer, l'hiver parmi ta famille ; — le long du chemin, l'été,
lorsque tu vas dans le vallon — regarder les papillons qui se font des
BONUR DE FAMIHO 245
Sus la roso au matin, e que Teigagno briho
En perlo de cristau sus la verdo ramiho.
Dins un pantai d* amour souto aquelo ramiho
Ai pieutéja souvent mi pichôti cansoun,
L'aubo,Çla mar, lou cèu e restello que briho,
L'enfantounet au brès, la maire de famiho
Que lou prend dins si bras e ie fai de poutoun,
Lou murmur de Taureto e Tecô dôu valoun,
Gai oambarado, eici, nouni'a de fres valoun ;
Fa pas d'aubrage espès ni de verdi ramiho,
Ounte lis amourous se fagon de poutoun,
En ausiguent de liuen li poulidi cansoun
Dôu tendre aucelounet, à Tescart di famiho.
Mai soulamen la mar, qu'i rai dou soulèu briho.
Lou calabrun fugis, adeja Vesper briho;
La niue, la negro niue acato li valoun.
L'ourfanèu, sens esper, pantaio sa famiho,
E li roussignoulet i branco di ramiho
Fan esclanti sa voues e si doùci cansoun ;
E iéu pleure à Mario e ploure si poutoun I
baisers — sur la rose matinale, et que la rosée brille — en perles de
cristal sur la verte ramure .
Dans un rêve d'amour, sous cette branche, — ami, j'ai souvent ré-
pété mes humbles chansons, — l'aurore, la mer, le ciel et l'étoile qui
brille, — le petit enfant au berceau, — la mère de famille — qui le
prend dans ses bras et lui fait des baisers, — le murmure du vent et
récho du vallon.
Gai camarade, il n'y a pas ici de frais vallon*; — il n'y a pas de bois
épais et de vertes branches, — où les amoureux se fassent des bai-
sers,— en écoutant de loin les jolies chansons — des petits oiseaux, à
l'écart de leur famille, — mais il y a seulement la mer, qui brille sous
les rayons du soleil.
Le crépuscule fuit. Vesper brille déjà ; -— la nuit, la noire nuit
cache la vallée. — L'orphelin sans espoir rêve de sa famille, et les
petits rossignols aux branches des arbres — font entendre leur voix
et leurs douces chansons ; — et moi, je'pleure à Marie et je pleure
ses baisers !
< y auteur veut parler de Cette ,
246 BOî^UR DE FAMIHO
Quand la Muso vendra per te faire un poutoun,
A Touro que la luno emé si bano briho,
Prend de plus fort la lire e canto ti cansoun.
Ta pensa do anara de valoun en valoun
Cerqua li poulit vers au founs de la ramiho
Pèr n'en faire un bouquet pèr tu 'mai ta famiho.
Adieu, famiho ! adieu, lou bèu tems di poutoun !
Ramiho amourousido, aigo dôu riéu que briho,
Valoun ounte ai canta mi proumièri cansoun ^ !
V. Rettnbr.
«
Quand la muse viendra pour te faire un baiser, — à J'heure où la
lune fait briller son croissant, — prends de plus fort la lyre et chante
tes chansons. — Ta pensée s'en ira de vallée en vallée — chercher
les vers aimables au fond des bois, — afin d'en faii'e un bouquet pour
toi et ta famille.
Adieu, famille ! adieu, le beau temps des baisers ! — adieu, branches
amoureuses, eau du ruisseau qui brille, — vallée où j'ai chanté mes
premières chansons !
V. Rettner.
* Provençal (Avignon et les bords du Rhône). Orthographe des félibres
d'Avignon.
BIBLIOGRAPHIE
Les Correspondants de Peiresc— Kl. Jean-Jacques Bouchard. Lettres
inédites, écrites de Rome à Peiresc (1633-1637), publiées avec notes par
Philippe Tamizey de Larroque. (Paris, Picard, 1881). — IV. Joseph Gaultier,
prieur de la Valette. Lettres inédites, écrites d'Aix, à Peiresc, de 1609 à
1632, publiées et annotées par le même. (Aix, Marins Illy, 1881).— V. Claude
de Saumaise. Lettres inédites, publiées avec avertissement, notes et appen-
dice, par le même. (Dijon, imprimerie Darantière, 1882).
On sait que M. Tamizey de Larroque prépare, depuis plusieurs an-
nées, la publication de la correspondance de Peiresc, rude labeur qu'un
travailleur aussi intrépide et aussi solidement armé pouvait seul entre-
prendre. En même temps qu'il transcrit, dans les différentes bibliothè-
ques où elles sont disséminées, Paris, Aix, Carpentras, Montpellier, etc.,
les lettres de Tillustre savant, M . Tamizey de Larroque recueille et
publie, à mesure, celles de ses correspondants qu'il rencontre et qui
lui paraissent offrir de l'intérêt pour l'histoire de la littérature ou des
sciences. Cinq fascicules de cette collection ont été jusqu'aujourd'hui
mis au jour. J'ai rendu compte du second (Lettres inédites de César
Nostradamus) dans un précédent n° de la Bévue*. Ceux dont le titre
figure en tête de cet article se font remarquer, comme les précédents
et comme, au reste, toutes les publications de M. T. de L., par l'abon-
dance, l'érudition et la sûreté du commentaire. Quant au texte, le n° 4,
bien qu'il n'y soit question que d'astronomie, doit être signalé ici comme
of&ant un intérêt particulier aux romanistes. Joseph Gaultier était Pro-
vençal, et le français sous sa plume se déforme plus sensiblement que
sous celle d'aucun de ses compatriotes du même temps . Il est curieux
de noter dans ses lettres lés provençalismes dont elles sont émaillées.
Je relèverai seulement jpna; fait (p. 33) au sens de travail (prov./Tre-
fach): € Et par conséquent M. Morin ne sera pas sans gros prix fait,
nous voulant demonstrer la vérité de son astrologie judiciaire.»
Le n° 3 (Lettres de Bouchard) présente moins d'intérêt pour la phi-
lologie romane'; mais la variété des sujets traités et les renseigne-
ments qu'on y trouve sur divers personnages contemporains lui don-
* T. XIX, p. 95.
^ Je relèverai pourtant ce trait de syntaxe: « Nous ne sommes encore peu
rencontrer ensemble », dont je ne connaissais pas d'exemple aussi récent.
Bouchard était Parisien. Cf. Revue, XYIII, 198, 1. 6 et suivantes.
2 iS BIBLIOGRAPHIE
nent, comme document pour la biographie de^Peiresc et l'hitoire litté-
raire, un prix supérieur, malgré l'indignité de l'auteur, l'un deshommes
les plus méprisables de son temps.
Avec le n° 6, nous retrouvons un honnête honmie, qui fut aussi un
homme illustre, Claude de Saumaise . Les lettres écrites à Peiresc par
ce célèbre érudit ont trait à la philologie ancienne (grecque, latine ou
orientale); il y est surtout question des traités grecs et latins sur la
tactique. A la suite, M. T. de L. a donné en appendice vingt et une
lettres du même à Jacques du Puy, qui sont d'un intérêt plus général ;
l'homme s'y montre davantage ; les détails piquants y abondent, ce Si
les lettres à Peiresc ï, dit très- justement, dans l'introduction, le sa-
vant éditeur, ce semblent ne devoir être goûtées que par des initiés, en
revanche les lettres à Jacques du Puy, qui peuvent, en grande partie,
être considérées comme des fragments d'une attachante autobiogra-
phie, plairont aux plus profanes lecteurs, d Je signalerai en particu-
cuher la lettre XVIII et le très-curieux récit qui la remplit. On y
verra à quelles mésaventures pouvait être exposé, en l'an de grâce
1637, un honnête Français voyageant en Hollande.
En terminant ce compte rendu, mentionnons une autre et toute ré-
cente publication de M. T. de L., Lettres inédites de quelques oratoriens
(Paris, Poussielgue frères, 1883). Parmi ces lettres, adressées, — moins
la dernière, — à Louis Thomassin de Mazaugues, il y en a une, la
cinquième, qu'il convient de signaler à ceux de nos lecteurs qui s'oc-
cupent de bibliographie provençale. Le P. Lelong y démande à M. de
Mazaugues des renseignements sur la version du Nouvep,u Testament
ce en langue vulgaire provençale d que celui-ci venait d'acquérir, et
qui est aujourd'hui conservée à la bibliothèque de Carpentras. La ré-
ponse de Mazaugues se trouve, au moins en substance, dans la Bi-
hliotheca sacra du P. Lelong, p. 369.
C. C.
PÉRIODIQUES
Bulletins de la Société d^anthropoloiTi® de Paris, 3« série,
II, 1879. — P. 22-5, P. Broca, Sur une carte de la langue bretonne de
M, Mauricet. Au moyen de VOrdo du Morbihan, le docteur Alphonse
Mauricet (de Vannes) indique sur cette carte manuscrite la délimita-
tion du breton et du français en 1800 et en 1878 ; pour les Côtes-du-
Nord, il indique seulement la limite actuelle. La communication du
docteur Broca est suivie d'observations de MM. Henri Martin, Hal-
léguen, Mortillet. Gustave Lagneau et Broca (p. 25-31). A la séance
suivante de la Société d'anthropologie, M. G. de Mortillet a présenté
une carte manuscrite de M. Micault pour les Côtes-du-Nord (p. 31-2);
elle est dressée, non pas d'après VOrdo, qui n'indique pas en quelle
langue on prêche dans chaque commune, mais d'après les renseigne-
ments de cette nature qui existent en manuscrit à Tévêché de Saint-
Brieuc. En somme, on a maintenant, après les cartes ou les travaux
de MM. Aurélién de Courson, Hersart de la Villemarqué, Guibert,
Broca, Sébillot, Mauricet, Micault et autres, de bons éléments pour
faire graver une carte linguistique de la Bretagne. Les éditeurs et les
cartographes français attendront-ils qu'elle leur vienne d'Allemagne?
P. 68-69. M. Abel Hovelacque présente une carte, dressée par lui,
de la limite septentrionale du catalan. En allant de l'est à l'ouest, les
dernières localités catalanes sont : Salces, Opoul, Perillos, Vingrau,
Tautavel, Estagel, Montner, Neffiach, Ille, Rodés, Vinça, Arboussols,
Cornes, Molitg, Mosset, Odeillo, Puyvalador, Ruitor, Porté. Les der-
nières localités de la langue d'oc sont, également de l'est à l'ouest,
Leucate, Fitou, Embres, Paziols, la Tour-de-France, Belesta de la fron-
tière, Montalba, Tarerach, Campoussy, Monf ort, Counozouls, Quérigut,
Orlu, Mérens, l'Hospitalet. M. Hovelacque dit n'avoir pas eu de nom-
breuses difficultés de détail, comme il en a éprouvé en dressant la carte
de délimitation du niçard et du génois. Il est à désirer que ces deux
cartes soient publiées.
P/ 164-9. Le Culte des pierres dans les Pyrénées (pays deLuchon),
par M. Julien Sacaze. Cette communication fait, en partie, double em-
ploi avec la note sur la montagne d'Espiaup que M. Julien Sacaze, en
collaboration avec M. Edouard Piette, avait déjà fait insérer dans les
Bulletins de la Société d'anthropologie de 1877 (p. 245-251). Les deux
articles réunis, par les détails qu'ils donnent sur le culte des phallus
mégalithiques, des pierres et des sources sacrées, sont des plus inté-
ressants pour les personnes c^vâ étudient la mythologie populaire ; en
150 PÉRIODIQUEB
même tempe, comme ils eont entremêlés de mots et de phrases lo-
cales, ils ajoutent par surcroît à nos connaissances sur la topographie
de Farticle gascon et, era.
Cet article, employé partiellement dans les Basses et les Hautes-
P^énées, ainsi que dans la région gasconne de la Haute-Garonne et
de TAriége, a été signalé par MM. Lespy (1858-1876), Cénac-Moncaut
(1863), G. Azaïs (1878-1879), Luchaire (1878), Banquier (Romania,
janvier 1879, p. 118 en note), et, antérieurement à ces trois derniers,
par André Lefèvre (Essais de critique générale. Études de linguistique
et de philologie, Paris, 1877.) (Voir dans ce livre le chapitre sur le bi-
gourdan, qui date de 1864).
Tous les lecteurs de la Revue des langues romanes connaissent le
mémoire de M. Alphonse Roque-Ferrier sur les Vestiges d'un article
archaïque roman (3e série, II, 1879, p. 114-138 ; 3e série, III. 1880,
p. 145-147; 3« série, IV, 1880, p. 40-41). Ce travail fort suggestif sera
continué ; mais, pour le moment, à Texception du roman gascon, où
nous reconnaissons avec Fauteur la présence de l'article et, era, ex-
clusion faite du catalan, dont nous ne voulons pas parler, il nous est
impossible d'admettre Fezistence de Farticle el en languedocien, pro-
vençal, niçard et tous les autres dialectes de la langue d'oc ; nous ne
le voyons dans aucun des exemples cités, sauf un (celui de D'Hombrea
Firmas); si elae trouvait dans le génitif del et le datif al (qui, d'après
M. Roque-Ferrier, = de el, à eZ), loin de le dire archaïque et d'en si-
gnaler les vestiges t il faudrait au contraire proclamer que cet ar-
ticle, vivant et bien vivant, s'emploie exclusivement à tous les cas
dans quelques pays gascons (et, det, at)^ et que dans tous les autres
patois indistinctement, au moins pour le masculin, il partage l'empire
avec l'article lou ou le: celui-ci se réservant le nominatif et l'accusa-
tif, celui-là étant obligatoire au génitif ou au datif. Que le lecteur et
M. Roque-Ferrier lui-même veuillent bien pardonner cette digression.
La question est fort importante en théorie et en pratique ; si la So-
ciété des langues romanes admet le système de son ingénieux et très-
érudit secrétaire, il convient, sous peine de solécisme, de changer For-
thographe des félibres, celle de Montpellier et celle de Béziers*.
Pour en revenir aux Bulletins de la Société d* anthropologie, on y
voit que, dans la partie gasconne de la Haute-Garonne, à Luchon, à
la Billière, à Saint-Aventin, à Poubeau, à Bourg -d'Oueil, & Jurvielle,
à Maylin, à Benqué, et, en somme (à en juger par ces deux articles et
* La deuxième partie de mon travail sur l'article el et ses variantes dialec-
tales a/, au, du, etc., essayera de répondre aux divers desiderata soulevés
par le savant et regretté Joseph Bauquier. (A. R.-F.)
PBRIODIQUBS m
par celui de M. Roque-Ferrier, i?6v. des Lr., 3« série, III, p. 145-146),
dans toute la vallée du Larboust, Farticle est constitué de la façon
suivante :
ET, devant c*, 1
'T après une voyelle', > ÉRA **.
ÉCH devant h», |
D'ÉT devant t*, b", c», m^, p», >
D'ÉCH devant a», M«, ' ' '} D'ERA^.
AT devant b** m *t, . ^
AC devant c **,
ES*».
DESW.
09
\
L'article appuyé féminin singulier est ENA **; au pluriel, on a pour
les deux genres ENES*^. Le pronom féminin de la troisième personne
est LA20.
J. Bauquieb.
* Bulletins, 1877, pp. 247, 249.
^ Couma't pecatyR,-F.t 146.
» Bull., 1879, 164.
*R.-F., 146.
6 BulL, 1877, 247.
• BulL, 1877, 247.
^ Bull., 1877, 250.
8 Bull., 1879, 164.
» Bull,, 1879, 164.
*• Bull., 1877, 249.
** R.-F., 146. On trouve AL dans la locution toute faite ii//oc de (au lieu
de), R.-F., 146.
«^ Bull., 1877, 238, et 1879, 167.
»» Bull., 1877, 247.
»^ R.-F., 146. — Bull., 1877, 242, 245, 247, et 1879, 164, 167.
»* R.-F., 146.
'« R.-F., 146. - Bull., 1877, 242, 249, 232.
" R.-F., 146. — Bull., 1877, 227, 250, et 1879, 165.
«8 R.-F., 156. — Bull., 1877, 245.
»9 R.-F. et Bw//.
'• R.-F., 146.— Bull., 1877, 242, et 1879, 167.
LE PROGRAMME
DE LA. MAINTENANCE LANGUEDOCIENNE DU FÉLIBRIGE
La Félibrée annuelle de la Maintenance de Languedoc a eu lieu,
à Montpellier, le lundi de la Pentecôte (14 mai), sous la présidence
de M. Camille Laforgue. Nous détachons de VAssabé, qui avait été
distribué aux membres du Félibrige, le programme des sujets mis au
Concours de l'année 1883. Trois d'entre eux : le troisième (Essai sur
les jeux populaires de Gignac, Béziers, Mèze, etc.), le quatrième (Dé-
limitation du provençal de Languedoc), le cinquième (Recueil de con-
tes), n'ont été l'objet d'aucun envoi et s'ajouteront, par conséquent,
au programme de l'année 1884.
Le Prix de la Reine sera décerné à la meilleure œuvre en vers pro-
vençaux ou languedociens, composée par une fename, sur un sujet
appartenant au passé de l'histoire politique, littéraire ou légendaire de
la (Race latine.
Les sept prix seront donnés: le premier, à la meilleure traduction,
dans un des dialectes méridionaux, soit d'un ouvrage écrit en roumain
ou par un Roumain, soit d'un choix de textes historiques, littéraires ou
scientifiques, appartenant à la langue roumaine .
Si les textes traduits n'ont pas encore été publiés, l'auteur devra lea
placer en face de sa traduction ; dans le cas contraire, il aura seule-
ment à faire connaître l'édition ou la publication qu'il aura suivie.
Le second, à lameilleure imitation ouàla meilleure traduction en vers
d'une ou de plusieurs oeuvres dramatiques, choisies, soit dans le théâtre
roumain, soit dans les théâtres espagnol (période de Lope de Vega à
Calderon) ou catalan, soit dans le théâtre français de la seconde moi--
tié du XVIIe siècle.
En aucun cas, les œuvres traduites ou imitées ne pourront dépasser
le nombre de trois.
Le troisième, à l'étude de quelques-uns des jeux et des divertisse-
ments populaires du bas Languedoc (Sirmebelet et Ane de Gignac *,
' Voyez Damase Arbaud, Chants pop» de la Provence, tom. II, pag. 184,
une version provençale des vers de la danse des Soufflets, laquelle est
très-connue à Gignac, Caerroont (Héniult), Uzès (Gard), etc,
!^53 t>ROaRAMliiË
Roumani et Chameau de Béziers *, Bœuf de Mèze *, Loup de Lou-
pian^, Poulain de Pézenas, Foc^ deCapestang *, et autres analogues.
L'auteur devra surtout recueillir les traditions populaires ou super-
stitieuses, les dictons, proverbes ou chants locaux, qui se rattachent à
ces fêtes et à leurs animaux symboliques.
Toutes les fois que cela sera possible, la notation musicale de ces
chants devra être donnée en appendice.
Le quatrième, à la délimitation du dialecte provençal ^ parlé sur la
rive languedocienne du Rhône, où il englobe les populations de Vau-
vert, Nimes, Remoulins, Connaux, Bagnols, Pont- Saint-Esprit, Bourg-
Saint- Andéol, etc.
Cette étude, qui, au besoin, pourra être bornée à une partie seule-
ment des départements du Gard ou de TArdèche, devra être complétée
au moyen d'une version de la parabole de l'Enfant prodigue (Évangile
selon saint Luc, chap. xv) et du Chant de la Race latine de V. Alecsan-
* Sur le Roumanïj voyez une dissertation de Jacques Azaïs, Bulletin de
la Soc. archéol. de Béziers^ tom. II, pag. SJ47, et, sur les différentes parties
de la fête de Caritachs, une seconde dissertation de MM. Fabrégat et Sabatier,
même recueil, tom. I*', pag. 323.
' Une chanson du Bœuf de Mèze a été reproduite, avec diverses indications
historiques et locales, dans V Histoire de Mèze, par M. Albert Fabre. (Nimes,
Clavel-Ballivet, 1881 ; in-8o), pag. 89-94.
3 Une chanson du Loup, certainement composée en 1878, mais qui fait al-
lusion à Torigine provençale du Loup, existe en manuscrit dans les Archives
de la Société des langues romanes. La chanson rééditée par M. Albert Fabre,
dans son Histoire de Mèze, fait, au contraire, descendre le bœuf du haut
Languedoc dans l'étang de Thau.
* On doit à M. Auguste Babret, de Capestang, une Cansou de la baquo de
Capestang (Béziers, Perdraut [1878]; in-4o, 2 pages ), qui fait allusion à cer-
tains détails des divertissements populaires de cette ville.
* Cette portion du dialecte provençal a toujours été négligée. Elle le doit
moins, d'ailleurs, aux nuances qui la différencient de l'idiome d'Arles et d'Avi-
gnon qu'à la dénomination de languedocienne, qu'elle porte à Nimes et dans
quelques-unes des localités indiquées plus haut.
Les textes de sa littérature écrite, — on le verra par les litres qui suivent,
— • se qualifient presque toujours de languedociens :
Aubanel [de Nimes] : Odes d*Anacréon traduites en vers languedociens;
nouvelle édition, revue et corrigée. Nismes, Gaude, 1814 ; in-12, 108 pages.
[Roustan (Joseph)] : ton Troubadour languedocien, ouvraje nouvel. Nimé,
Durand-Belle, 1832;in-8«, 16 pages.
Cappeau (Placide) : le Siège de Caderousse, poëme languedocien de V abbé
Favre, etc., et poésies languedociennes- françaises, Paris, Jouaust, 1876;
in-12, XL-404 pages.
Dans ses Considérations sur les avantages et les inconvénients des idiomes
J854 BÙ FELIBRIdEi i
i
dri ^, daHs iè langage des localités les plus importantes de la région
linguistique précitée.
L'auteur doit s'attacher, en outre, à faire connaître, autant qu'il sera
en lui, les localités où l'a, l'e, l'o et l'ow, sont employés comme finales
féminines; rouki rose, roso, ou rosou (rose); taula, taulo ou taulou
(table), etc.
Le cinquième, à un recueil de quatre ou cinq contes populaires {Pe-
perelet, Mitât de Gai, Jan de VOv/rs ^, Pradet de Gange, Cendrouset
ou Cendrouseta)y accompagné des variantes de forme et de fond que
ces récits présentent sur deux ou trois points du Languedoc et des
mentions qui en ont été faites dans la littérature écrite du midi de la
France.
Ce travail, qui, au besoin, pourra être réduit à un seul récit, devra
contenir en même temps et le texte local du conte et sa version fran-
çaise.
Le sixième, à la meilleure traduction partielle, soit en vers, soit en
prose, soit même en prose mêlée de vers,' d'un ouvrage appartenant à
la littérature du latin ecclésiastique ou du latin moderne (Confessions
de saint Augustin, Imitation de Jésits-Christ, Consolation de la philo-
Sophie, de Boèce, etc.).
Les versions languedociennes ou provençales d'ouvrages étrangers se
sont trop fréquemment inspirées du vocabulaire des formes que la
langue d'oc doit au latin classique et au français littéraire : hèutat,
fratemitat etfratemal, grandou, impouissança etimpouissant, infernal,
impuretat et puretat, santetat, vielhessa, etc. La Maintenance engage
donc les auteurs à recourir, toutes les fois qu'ils le pourront, au voca-
propres à chaque localité, et en particulier sur l'origine et le caractère de
Vidiome languedocien. (Notice des travaux de T Académie du Gard pendant
l'année 1807. Nismes, veuve Belle, an 1808; in-8o^ p. 315-327), Trélis (+1831)
qualifie également de languedocien le langage de Nimes. Michel Nicolas (His-
toire de Nimes, année 1854, tom. 111, pag. 235-236) ne s'exprime pas autre-
ment que Trélis.
* Vasilie Alecsandri, Opère complète (vol. IX), Poesii (vol. III) . Bucuresci,
Socecu, 1880; in-12, pag. 1-2.
^ Des versions de Peperelet et de Jan de VOurs se lisent aux pages 71-72
et 95-99 de Ylàu de Pascas per Vannada 1882. Montpellier, Imprimerie cen-
trale du Midi, 1882 ; in-12.
Une version languedocienne de Mitât de Gai a été publiée dans les Quatre
Contes populaires languedociens recueillis à Gignac. Paris, Maisonneuve,
1878;in-8o, pag. 25^.
Antérieurement à ces deux publications, M. Gaston Paris a donné, dans le
Petit Poucet et la Grande Ourse (Paris, A. Franck, 1875; in-12, vm-96 pag.),
une version de Peperelet recueillie à Lansargues par M. Langlade.
bulaire^de la langue populaire ou à celui de l'idiome classique, qui, à
côté des formes précitées, contient celles de helesa, frairetat, fratrie,
frairenal et frairenc, grandesa et grandetat, impoudestat et impoude-
rouSy infernous, impuresa et puresa, santesa, vielhige, vielhownge et
vielhun.
Le Lexique roman de Baynouard, ainsi que la plupart des recueils de
proverbes et de comparaisons populaires des dialectes méridionaux,
pourra être utilement consulté à ce point de vue.
Le septième, à la meilleure traduction en vers roumains, macédo-rou-
maîns ou rumonscLes, soit d'un recueil de textes appartenant à la pé-
riode félibrique de la littérature méridionale, soit d'un petit choix de
chants populaires languedociens ou provençaux.
Les nuances dialectales du roumain dans la Transylvanie, la Bu-
covine, la Bessarabie et TÉpire, sont aussi admises à concourir.
En outre des rameaux qui viennent d'être énumérés, la Maintenance
languedocienne du Félibrige décernera, le xiv mai mdccclxxxiii, sept
rameaux qui sont particulièrement réservés à des œuvres de poésie
originale (fable, conte, épitre, poème, drame, comédie, etc.).
Tous les dialectes du midi de la France sont admis à c^oncourir * ,
N. B, — Nous publierons prochainement la suite de ce programme
(années 1884 et 1885).
• Le délai d'envoi au Concours de l'année 1883 avait été fixé au 1er mai.
Toutefois la Maintenance s'était réservé le droit de clôturer le 20 avril le
Concours du prix de la Reine et du premier rameau .
ANATOLE BOUCHERIE
On nous saura gré de compléter les documents nécrologi-
ques du dernier numéro par la notice suivante, qui a paru dans
le fascicule d'avril de la Revue de philologie :
La Faculté des lettres de Montpellier vient de perdre un de ses
professeurs les plus distingués, M. Anatole Boucherie, chargé du cours
de philologie romane. On sait qu'il jouissait, comme romaniste, d'une
réputation étendue et bien méritée. C'est sur les études de cet ordre
que son activité s'est concentrée de plus en plus dans ces dernières
années ; mais il est juste de rappeler ici les services qu'il a rendus
aussi à la philologie classique.
Plusieurs de ses publications touchent aux deux domaines . Ainsi le
Fragment de Valenciennes, Eocplication du mélange de mots latins et
romans dont se compose cet ancien texte (Mézières, 1866) ; les Cinq For-
mules rhythmées et assonancées (Montpellier, 1867); la Vie de sainte
Euphrosyne ("1872); Un Almanach au X^ siècle (1872); Iob Formules
de conjuration antérieures au IX^ siècle (1873); le Commentaire inédit
sur Virgile (1874); les Mélanges latins et bas-latins (1876). Ce sont de
curieux monuments du bas-latin, tirés de différents mss. , principa-
lement de Paris et de Montpellier, reproduits avec soin, restitués ha-
bilement en maints endroits, et accompagnés d'études grammaticales
et lexicographiques fort intéressantes, surtout au point de vue de
l'étude du vieux français, mais sans rien négliger de ce qui peut être
utile aux latinistes. Il n'est pas inopportun de rappeler l'attention sur
ces travaux au moment où, de plusieurs côtés, après avoir fouillé les
origines de la langue latine, on se porte avec ardeur vers l'étude de ses
destinées finales. On remarque dans plusieurs de ces opuscules le soin
accordé à la poésie rhythmée . C'est en effet un sujet qui intéressait
beaucoup Boucherie. Il avait recueilli, depuis des années, de nombreu-
ses observations sur cette matière et comptait en faire un ouvrage spé-
cial. Peu de jours avant sa mort, il parlait de ce projet à l'auteur des
présentes lignes, à propos du livre récent de W. Meyer {Ludus de An-
tichristo).
D'autres ouvrages sont consacrés à la véritable antiquité, à des au-
teurs dont la philologie classique ne peut hésiter à réclamer l'étude
' pour elle. C'est d'abord la Notice sur le palimpseste de Montpellier (ms.
141), publiée dans les Notices des manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale, t. XXIII, 2® partie. L'auteur du Catalogue des mss. des Uhlio-
ANATOLE BOUCHERIE 257
thèques des départements, ayant lu dans ce palimpseste les noms de
Priscien et de Pompeius, et croyant apercevoir les lettres Fe après ce
dernier nom, avait espéré qu'en déchiffrant le reste on retrouverait
des fragments de l'ouvrage si important de Pompeius Festus. Cette
espérance fut bientôt reconnue vaine. Mais il valait la peine encore
de dépouiller un ms. du Ville siècle contenant certains fi-agments
de Priscien (livre VIII) et de Pompeius, le commentateur de Donat.
C'est ce que Boucherie a fait avec toute l'exactitude désirable. Le
même volume des Notices renferme l'ouvrage le plus considérable de
Boucherie en dehors des langues romanes, l'édition princeps des
Ep/xyjvsûptara d'après le ms.de Montpellier 306, et delà KaOïjpepevvj ofxtkioL
4e PoUux d'après le ms. de Paris 3049. Il croyait alors devoir identi-
fier ces deux écrits, et les attribuer tous deux à Julius PoUux, l'auteur
de VOnomasticon. Sur ce dernier point, du moins, il s'exprimait lui-
même plus tard avec réserve . On sait ce que sont ces ouvrages : une
-espèce de guide de la conversation grecque et latine, suivi, dans le
ms. de Montpellier, d'un vocabulaire composé par ordre de matières.
Ils ont pour nous un double intérêt : celui de nous faire mieux con-
naître les méthodes employées dans l'antiquité pour l'étude des lan-
gues vivantes, et de nous fournir un assez grand nombre d'expressions
grecques et latines qui ne se trouvent pas ailleurs. Boucherie lui-même
en a dressé la liste dans des index rédigés avec le plus grand soin.
La restitution des textes, fort altérés, surtout le grec, est faite avec
prudence et sagacité.
Le mérite de Boucherie est d'autant plus considérable, qu'il a dû
tout à lui-même. Il n'a été élève ni des écoles, ni des Facultés. La
place si honorable qu'il a fini par occuper daus le monde savant, il l'a
conquise en suivant pas à pas l'humble et pénible filière du maître
d'étude, du chargé de cours dans les lycées de province. Il a dû cher-
cher lui-même sa voie, et tenir ferme par sa seule énergie dans les
travaux personnels, qui n'étaient pas alors en faveur.
Dans l'enseignement (et encore à la Faculté il est revenu plus d'une
fois aux études classiques pour aider le professeur de littérature la-
tine). Boucherie s'est fait aimer et apprécier hautement de tous ses
élèves. Il a décidé de la vocation de plus d'un. Il a su à la fois les
diriger d'une main sûre en vue des épreuves universitaires, et leur in-
.spirer le goût de l'étude désintéressée.
T.
19
CHRONIQUE
Communications faites a la Société des langues romanes. —
7 mars. — Une tradition populaire relative à la lune, par M. A.
Roque-Ferrier ;
Le conte avignonnais de Cenâroulet (version de M. Elzéar Jou-
veau), par M. A. Roque-Ferrier.
21 mars. — Poésies languedociennes et françaises d'Auguste Rîgaud
(de Montpellier), par M. le docteur Frédéric Cazalis;
Noëls français et gascons, par M^® Mathieu, en religion sœur Cé-
cile.
4 avril. (M. Boucherie mourut le 3. La séance fut levée sur la pro-
position de M. Roque-Ferrier ; les communications inscrites à l'ordre^
du jour furent renvoyées à la deuxième réunion d'avril.)
18 avril. — Les Poëtes de la langue d'oc. Portraits littéraires. I.
William-Charles Bonaparte- Wy se, par M. Frédéric Donnadieu ;
Termes de fortification et noms d'armes en provençal, par M. Jean
Brunet ;
Mabelais. — Le Campanal de las Primtanieros , — Les Plataniès,
poésies languedociennes (Castelnaudary et ses environs), par M . Au-
guste Fourès.
La séance du quatrième Concours philologique et littéraire de la So-
ciété a été tenue à Montpellier le 13 mai dans la grande salle du Palais
de justice. Elle a été suivie, le lendemain, de la félibrée annuelle de
la Maintenance de Languedoc.
Le numéro de juillet sera consacré à la relation de ces fêtes, ainsi
qu'à la publication des allocutions de MM. Castets et Mistral, et des
rapports de MM. Ch. Revillout, P.-J. Itier et Frédéric Donnadieu.
Nos lecteurs n'ont pas oublié la lettre par laquelle M. le docteur
Obédénare, premier secrétaire de la légation de Roumanie à Rome,,
«lemandait qu'un buste fût érigé à Boucherie. Une assemblée géné-
rale des membres de la Société et des amis du regretté professeur a
eu lieu à Montpellier le samedi 2 juin. Elle a unanimement accepté la
proposition de M. Obédénare et constitué un Comité chargé de résou-
dre les questions de détail et d'exécution.
Le bureau de ce Comité a été composé de la manière suivante :
Président : M. Ferdinand Castets, doyen de la Faculté des lettres^
président de la Société pour l'étude des langues romanes ;
Vice-présidents : MM. Croiset, professeur à la Faculté des lettres,^
et Westphal-Castelnau ;
Trésorier : M. Louis Lambert ;
Secrétaire : M. A. Roque-Ferrier.
Une première et déjà nombreuse liste de souscription sera publiée
dans le prochain numéro de la Revue.
♦ •
Livres et manuscrits donnés a la bibliothèque de la Société.
CHRONIQUE 259
—Anatole Boucherie. [Becueil de documents nécrologiques extraits
de la Revue des langues romanes]. Montpellier, Imprimerie centrale
du Midi, 1883 ; in-8°, 20 pages ;
André (Ferdinand): Poésie romano-provençale. Paraphrase du Credo
(XVe siècle), pages 377 à 380 inclus, détachées d*une publication in-8**
(don do M. Clair Gleizes);
Bonaparte-Wyse (WilliamrC.): li Piado de la Princesse, pèr l'au-
tour di « Parpaioun blu », em' un avans-prepaus francés d'En Anfos
Roque-Ferrier. Plymouth, Keys, 1882; in-12, xxxvi-252 pages ;
Bory (J.-T.) : Cantinella provençale du Xle siècle en l'honneur de
la Madeleine, chantée annuellement à Marseille le jour de Pâques
jusques en 1712, p. 63 à 77 inclus, in-8^, du numéro de la «Revue de
Marseille », février 1861, où elle fut d'abord publiée par M. Bory (don
de M. Clair Gleizes);
Bremound ( Aleissandrino): li Blavet de Mount-Majour, pouësio prou-
vençalo, em' uno versioun fraoceso. Mount-pelié, Empremarié centralo
dou Miejour, 1883 ; in-8°, 28 pages (don de la Maintenance languedo-
cienne du Félibrige) ;
Donnadieu (Frédéric) : le Félibrige et l'Idée latine à Marseille, le
XXV novembre mdccclxxxii. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi,
1883 ; in-8**, 38 pages (don de la Maintenance languedocienne du Fé-
librige);
Guillibert: Brinde d'en Chapôli Guillibert, secretàri de l'Escolo de
Lar, i Jo Flourau de la mantenènço lengadouciano de Mount-pelié
(xiv de mai mdccclxxxiii). Ais, Empremarié felibrenco, 1883 ; in-8°,
4 pages ;
Guillibert (Hippolyte) : le Sénateur V. Alecsandri, ancien ministre
de Roumanie à l'Académie d'Aix. Aix. Illy et Brun, 1883 ; in-8**, 8 pa-
ges ;
Hennion (Constant) : les Fleurs félibresques, poésies provençales
et languedociennes modernes, mises en vers français avec les textes
en regard, des notices et des notes (ouvrage qui a gagné le rameau
d'olivier en vermeil aux Jeux Floraux de For calquier( 14-15 mai 1882).
Aix, Guitton-Talamel, 1883; in-12, 532 pages (don de M. Guitton-Tala-
niel) ;
nie (Charles d'): l'Abbaye de Vol? et la Chapelle romane de Notre-
Dame de Baulis. Digne, Barbaioux, Chaspoul et Constans, 1883 ;in-8^,
16 pages ;
Llagostera y Sala (Francesch): Aforistîca catalana, 6 sia colecciô de
refranis populars catalans. Barcelona, Estampa espanyola, 1883; in-12,
48 pages ;
Lottin de Laval : Manuel complet de lottinoplastique, l'art du mou-
lage de la sculpture en bas-relief et en creux mis à la portée de tout
le monde, etc. Paris, Dusacq, 1857; in- 16, 96 pages;
LuU (Ramon): Libre del orde de Cauayleria, compost a Miramar de
Mallorca per mesti-e Ramon Lull. Barcelona, Al var Verdaguer, [1883];
in-8**, XXXVI pages doubles, papier vergé (fait partie de la « Biblio-
theca d'obretes singulars del bon temps de nostra lengua materna
estampades enletra lemosina ») (don deM. Aguilô y Fuster, bibliothé-
caire de la ville de Barcelone);
Mariéton (Paul): le Félibre Auguste Fourès. Lyon, Pitrat, 1883;
in -8°, 8 pages ;
Michel (Anfos): Discours ^prounouncia lou 27 de mai 1883 i Jo
260 CHRONIQUE
Flourau de Sant-Rafèu. Ais, Empremarié felibrenco, 1883 ; in- 12,
16 pages ;
Mistral (Frederî):lou Felibrige e l'Empèri dôu Soulèu, charradissa
de Frederi Mistral au Ciéucle artisti de Marsiho, lou xxv de nouvèmbre
MDOXJLXXXii (avec la traduction française eti regard). Mount-pelié,
Empremarié centrale dôu Miejour, 1883 ; in-8**, 16 pages (don de la
Maintenance languedocienne du Felibrige);
Monaci (Ernesto): Facsimili di antichi manoscritti per uso délie
scuole di filologia neolatina, pubblicati da E. Monaci, fasc. II. Roma,
JMartelli, 1883 ; in-folio, 2 pages de titre et 25 planches hélîotypiques ;
Rigaud (Auguste): lous Bans dé Sylvanez, pouema[en languedocien
de Montpellier], Manuscrit autographe de 32 pages, in-8** (don de
M. le docteur Frédéric Cazalis);
Rigaud (Auguste) : Poésies languedociennes (Montpellier et ses en-
virons) et françaises: le Pot, — Pot pourri, — la Cansou dé la Cigala,
— lou Roussignolét, — lou Soungé, — lou Randé-vous. Manuscrit
autographe de 40 pag., in-8° (don de M. le docteur Frédéric Cazalis);
Roque-Ferrier (Alphonse): la Poésie populaire de « l'Escriveta d eu
provençal, en languedocien et en macédo-roumain . Montpellier, Im-
primerie centrale du Midi, 1883 ; in-8**, 16 pages ;
Sébillot (Paul): Essai de questionnaire pour servir à recueillir les
traditions, les coutumes et les légendes populaires. Paris, Maison-
neuve, 1880 ; in-8°, 16 pages ;
Spera (Giuseppe): il Conte Verde, poema eroico. Firenze, Le Mon-
nier, 1883; in-12, 188 pages ;
Tavemier (Eugène) : Paroles prononcées sur la tombe de M. Louis
Méry au nom de l'Académie d'Aix. Aix, Illy, 1883 ; in-8**, 8 pages;
Soixante-un journaux donnés par MM. Arnavielle (1), de Berluc-
Perussis (1), Firmin Boissin (1), Charles Boy (1), Alfred Chailan (1),
Champeval (1), Frédéric Donnadieu (4), Gaut (1), Clair Gleizes (4).
Guillibert (1), Alph. Michel (1), F. Mistral (S), Saint-Just Molinier (4),
Justin Pépratx (1), A. Roux (1), Roque-Ferrier (28) . le frère Savinien
(1), Mgr. Tolra de Bordas (2), le comte de Toulouse-Lautrec (2) et
François Vidal (2).
Addition au numéro d^avril 1883
Sermons et préceptes religieux, p. 158, dernière ligne du texte^
après confessio, mettre en note :
3 Ce conte se retrouve ailleurs. Voy. dans Y Histoire littéraire de la France,
t. XXVllI, la notice de M. Gaston Paris sur William de Wadington, p. 205-
206. Il y en a une curieuse variante dans le Recuit de eximplis e miracles,
qui fait partie de la Biblioteca catatana publiée par M. Aguilô y Fuster»
p. 139 : Miracle e eximpli de qi^and virtiit que ha la verdadera comfessiOy
segons que recompta Cesarius (sans doute Césaire de Heisterbach, dont
l'ouvrage ne se trouve pas dans les bibliothèques à ma portée).
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
Dialectes Modernes
LÀ BISCO
COUMÈDI PROUVENÇALO EN DOUS ATB E EN VERS
Representado, pèr la premiéro fes, à Mouot-pelié, lou 3 janvié de 1880
PERSOUNAGE
ESTÉ VE, calignaire de Cecilo .
SIMOUNET, varlet d'Estève .
ALÈSSI, rivau d'Estève.
BARJARIHO, varlet d'Alèssi.
CECILO, amanto d'Estève.
FLOURINETO, servicialo de Cecilo .
La sceoo se debano sus uno plaço de Mount-pelié .
LE DÉPIT
COMÊDIB PROVENÇALE EN DEUX ACTES ET EN VERS
Beprésentée, pour la première fois, à Montpellier, le 3 janvier 1880
PERSONNAGES
ESTÊVE, amoureux de Cécile.
SIMONNET, valet d'Estève.
ALEXIS, rival d'Estève.
BARJARILLE, valet d'Alexis.
CÉCILE, amante d'Estève.
FLORINETTE, servante de Cécile.
La scène se passe sur une place de Montpellier. — Banc à droite.
■*■■■■■■••■
Tome ix de la troisième série.— .iul\ 1883. 20
itôî LA BlSOO
ATE PREMIÉ
SCENO PREMIERO
Alèssi, Barjariho
BARJARIHO
Eh! de-qu'avansarés?
ALÂSSI
Mai crese que sies nèsci,
De pensa que siéu las; counèisses pas Alèssi.
Anarai jusqu'au bout; se vos pas m'aduja,
Es pas uno resoun pèr me descouraja.
S'amon déjà bèn proun ; se li leissave faire,
Sarié rendre trop bèu lou jo di calignaire :
Estève, chasque jour, empuro lou gavèu,
E Cecilo au brasas s'enfioucarié trop lèu.
Fau sévira de biais pèr roumpre aquéu mariage,
ACTE PHEMIE
SCÈNE I
Alexis^ Barjarille
BARJâRILLB
Eh I à quoi cela vous avancera-t-il ?
ALEXIS
Mais tu es niais, je crois, — de supposer que je suis las ; tu ne con-
nais pas Alexis. — J'irai jusqu'au bout ; si tu ne veux point m'aider,
— ce n'est pas une raison pour me décourager. — Ils s'aiment bien
assez déjà ; si je les laissais faire, — ce serait rendre trop beau le jeu
des amoureux. — Estève, chaque jour, attise le sarment, — et Cécile
au brasier s'enflammerait trop vite. — Il faut s'arranger de manière
LA BISCO 263
Que, se d'asard a liô, n'en farai lou grand viage.
Vole que moun rivau. . . .
BARJARIHO, lou coupant
Emai lou rèi disié :
« léu, vole d'aloueto ... », e prrti . . .
ALÉSSI
La jalousie
Que rousigo moun cor m'ispirara . • .
BARJARIHO
Cecilo,
Quand ie charras d*amour, fai bèn la dificilo.
ALÉSSI
Vèngues pas me counta ti sourneto : n'ai proun !
E quand même, bèn mai, Cecilo aurié lou frount
De me tarrabusta coume un ase à la fiero,
De la partido vole aguedre la darriero, . .
Soun urous ! Eh bèn ! vè, quand saupriéu de mouri,
Chaplarai un bonur que me fai trop soufri.
Vèiras se siéu un orne
à rompre cette union ; — car, si elle a lieu par hasard, j'en ferai le
grand voyage . — Je veux que mon rival . . ,
BARJARILLE, l'interrompant
Le roi aussi disait : « Je veux ces alouettes. . . », et prrt! . . .
ALEXIS
La jalousie — qui ronge mon cœur m'inspirera. . .
BARJARILLE
Cécile, — quand vous devisez d'amour avec elle, fait bien la diffi-
cile.
ALEXIS
Ne viens pas me conter tes sornettes ; j'en ai assez ! — Et, quand
même, bien plus, Cécile aurait l'audace — de me maltraiter comme un
âne à la foire, — de la partie je veux gagner la belle. . . — Es sont
heureux ! Eh bien ! vois-tu, dussé-je en mourir, — je briserai un bon-
heur qui méfait trop souffrir. — Tu verras si je suis un homme.
Ît4 LA BtSOO
BARJARIHO
Eh! quau dis lou countràri?
Mai, se pér cas cresès qu'Estève es un canari,
Vous boufounas pas mau : es fin, e, se me vèi
Mescla de sis afaire amourous e que pièi
M'ane coume à soun chin baila la bastounado,
Sara trop caramen paga la badinado ;
Es iéu qu'en aquéu jo sariéu lou mai perdent.
Acô me fai pas gau. . .Sabès qu'ai boni dent
E que dins un besoun poudès, quand sên à taulo,
Me coumta coume quatre ; oh I mai, sus ma, paraulo,
Pèr courre de sang-fre se batre emé quaucun,
Me coumtés soulamen pas pèr la mita d'un.
Bigre ! es que m'ame, iéu, coume degun au mounde ;
Siéu moun meiour ami, Moussu, noun vous l'escounde !
E quand pense qu'un rèn, un simple cop de poung
Pôu mètre un orne au cros, brr ! la fèbre me poun. . .
ALÈSSl
Ah ! poultroun I
barjarîllb
Eh ! qui dit le contraire ? — Mais si vous vous imaginez, par hasard,
qu'Estève est un serin, — vous ne vous trompez pas mal: il est fin, et,
s'il voit — que je me mêle de ses affaires amoureuses et qu'ensuite —
il vienne me donner la bastonnade comme à son chien, — ce sera trop
chèrement payer la plaisanterie ; — c'est moi qui à ce jeu serais le
plus perdant. — Cela ne me sourit pas.. . Vous savez que j'ai de
bonnes dents — et que, à l'occasion, vous pouvez, lorsque nous som-
mes à table, — me compter pour quatre ; oh I mais, sur ma parole, —
pour aller de sang-froid se battre avec autrui, — ne me comptez seu-
lement pas pour la moitié d'un. — Bigre ! c'est que je m'aime, moi,
comme personne au monde ; — je suis mon meilleur ami, Monsieur,
je ne vous le cache pas I. . . — Et, lorsque je pense qu'un rien, un sim-
ple coup de poing, — peut mettre un homme au tombeau, hrr ! la fiè-
vre me picote ...
ALEXIS
Ah ! poltron I
LA BISCO Î65
BAUJARIHO
Ah ! poultroun ! . . . poudès bèn me lou dire,
E counvène qu'acô, Moussu, vous preste à rire ;
Mai me siéu pas basti, iéu ; ai dôu mau dis iôu :
M*enchaute pas dôu brut, mai li cop me fan pôu. . .
Oublidas lou proujet qu'avès dins la cabesso.
ALBSSI
De-que me cantes, digo?
BARJARIHO
Oh ! cante pas la messo !
D'abord, la sabe pas, que siéu pas capelan. , .
Noun, Moussu, pode pas aprouba voste plan ;
La vido es un trésor qu'ansin noun se degaio.
« Uno fes que sian mort, sian bèn mort ! . . . » dis Jarjaio;
Ë Jarjaio aresoun.
ALESSI
T'ensuque, margoulin,
Se vènes tournamai me sibla toun refrin. . .
(Jj'aganto e lou brandouio)
BARJARILLB
Ah! poltron !. . . vous pouvez bien me le dire, — et je comprende,
Monsieur, que cela vous amène à plaisanter ; — mais je ne me suis
point fait, moi ; à l'instar des œufs, — je ne me soucie pas du bruit,
mais les coups me font peur. . . . — Oubliez le projet que vous avez
en tête.
ALEXIS
Que me chantes- tu, dis ?
BARJARILLE
Oh 1 je ne chante point la messe I — D'abord je ne la sais pas, car
je ne suis pas clerc... — Non, Monsieur, je ne peux approuver votre
plan ; — la vie est un trésor qui ne ae prodigue pas ainsi. — « Une
fois que nous sommes morts, nous sommes bien morts. . . ]> dit Jar-
jaille ;— et Jarjaille a raison.
ALEXIS
Je t'assomme, faquin, — si tu viens encore me siffler ton refrain.
(H le saisit et le secoue.)
366 LA BISCO
BARJARIHO
Quanto pougno ! Plan ! plan ! siéu pas uno paiasso,
Pér veni d'aquéu biais sambouti ma carcasse.
Lou voulès? De grand cor adounc oubéïrai :
« Fau toujour estaca lou mèstre ounte vôu Tai. . .»
Mai de-que gagnarés d'alounga la ficello ?
Brouiarés pèr dous jour lou galante la belle ;
Après, s'egplicaran ; recounèiran si tort
E dins un poutounet se metran mai d'acord ;
Finalamen, es iéu que pagarai la sauço.
ALÈSSI
Digo-me dounc quau es lou gnafre que te causso?
Veses tout de guingoi ! . . . . .Noun, es pas coume acô
Que li cause anaran. Estève es un cocot
Jalons e mesfisènt : crèi pas à Taigo lindo ;
E, mau-grat soun amour pèr Cécile, se dinde
Un pichot cascavèu proche d'eu, vèn tout vèrd.
Un rivau i' a toujour fa Tefèt d'une sèrp ...
Tambén, reboulira, boto ! Ai jamai encaro
Ensaja d'aumenta Toumbro que lou mascaro ;
Au countràri, de-longo, en vesènt soun bonur,
Ai agu Ter de n'èstre urous . . . E, de-segur,
BABJABUiLE
Quelle poigne ! Doucement, doucement I je ne suis pas une paillasse —
pour que vous veniez ainsi secouer ma carcasse. — Vous le voulez ?
J'obéirai donc de grand cœur : — « Il faut toujours attacher le maî-
tre où le veut son âne ...» — Mais que gagnerez-vous d'allonger la
ficelle? — Vous brouillerez pour deux jours la belle et le galant; — ils
s'expliqueront ensuite, reconnaîtront leurs torts, — et dans un baiser
se rapatrieront encore. — Finalement, c'est moi qui payerai les pots
cassés.
ALEXIS
Dis -moi donc quel est le savetier qui te chausse ! — Tu vois tout
de travers ! . . . . Non, ce n'est pas ainsi — que les choses se passeront.
Estève est un cerveau — jaloux et méfiant : il ne croit pas à l'eau
claire; — et, malgré son amour pour Cécile, si tinte — le moindre petit
grelot auprès de lui, il en devient tout vert ; — un rival lui a tou-
jours produit Teffet d'un serpent. — Aussi souffi*ira-t-il, va î Je n'ai
I.A BISCO 267
Dieu counèis lou tourmen qu'au founs de Tamo endure,
Quand s'atrobon ensemble ! E, tu, vos qu'acô dure ! . .
Bèn mies, pèr pas donna doutanço is amourous,
D'un èr endiferènt li quite tôuti dous ;
Mai jougariéu qu'ai pas pu lèu vira la tèsto
Qu'Estève dins soun cor sent brounzi la tempèsto,
E, se quaucun alor i' afourtissié que siéu
Lou galant de Cecilo, aurié lou sacrebiéu.
M'es avis qu'a pas trop fisanço à sa mestresso ;
Fau chapla pèr aqui soun rèsto de tendresse.
Entanchen-nous donne lèu de lou persuada
Que d'un autre sa belle a lou cor enfada,
E qu'aquel autre es iéu. . .
BARJARIHO
La farço es pas marrido.
Dins noste las auren lèu aganta la trido.
Me sacrificarai, d'abord que lou voulès.
Vejan, cerquen un pau. . • Moun plan es déjà lest:
Dires que de-rescos Cecilo es vosto feno. . .
Mai, nàni, voudra mai, — prengués pas tant de peno, —
Vaudra mai que iéu- même encante lou secret.
jamais encore — essayé d'épaissir le nuage qui l'assombrit ; — au
contraire, sans cesse, en voyant son bonheur, — j'ai feint d'en être
heureux moi-même .... Et, certes, — Dieu connaît le tourment que
j'endure au fond de l'âme, — lorsqu'ils se trouvent ensemble ! Et tu
veux que cela dure, toi I — Bien mieux, pour ne pas éveiller de
doutes chez nos amoureux, — je les laisse tous les deux d'un air indif-
férent. — Mais je parierais que je n'ai pas plus tôt tourné la tête, —
qu'Estève dans son cœur sent gronder l'orage; — et, si quelqu'un alors
lui affirmait que je suis — l'amant de Cécile, il ragerait. — M'est avis
— qu'il n'a pas trop confiance en son amoureuse ; — c'est par là qu'il
faut détruire son reste de tendresse. — Dépêchons-nous donc de le per-
suader — que d'un autre sa belle a le cœur ensorcelé, — et que cet au-
tre, c'est moi . . ,
BARJARILLE
La farce n'est pas mauvaise . — Dans notre piège nous aurons bien-
tôt pris V oiseau. — Je me sacrifierai, puisque vous l'exigez . — Voyons,
cherchons un peu . . . Mon plan est déjà dressé : — vous direz qu'à l'insu
268 LA BISCO
Vous, tachas soulamen, jougant Tome discret,
S'Estève vèn curious autour de la banasto
Pèr parla de la frucho e saupre quau la tasto,
De respondre ni bi ni ba, mai de façoun
A traire en soun esprit la crento e lou soupçoun;
Pièi, après, iéu vendrai faire parti la mino, . ,
Coume atroubas ac6 ?
ALÉSSI
• Bon. Pagues pas de mino ;
Recounèisse pamens que sies diablamen fin.
Mai un plan n'es pas tout : fau n'en vèire la fin.
Estève es oumbrajous; s'un cop a la mascoto,
Creira Iéu ço que ie diras de la pichoto. . .
M'an fa soufri ma part ; acô me venjara !
Quaucun vèn. . . Es noste orne. Anen-nous prépara.
(jSVnt?an.)
SCENO II
Estôve, Simounet
ESTÉVB
Vos que te digue enfin lou founs de ma pensado ?
de tous, Cécile est votre femme ... — Mais non, mieux vaudra (ne
prenez pas tant de peine) — mieux vaudra que moi-même j'ébruite ce
mystère. — Vous, tâchez seulement, jouant l'homme discret, — si Es-
tève vient, curieux, autour de la corbeille — pour parler du fruit et
savoir qui y goûte, — de ne répondre ni bi ni ba, mais de manière — à
jeter dans son esprit la crainte et le soupçon. — Puis, après, je vien-
drai, moi, mettre le feu aux poudres .... — Comment trouvez- vous
cela?
ALEXIS
Bon. Tu ne payes pas de mine ; — je reconnais pourtant que tu es
diablement fin. — Mais un plan n'est pas tout, il faut en atteindre le
but, — Estève est ombrageux ; une fois monté, — il croira vite ce que
tu lui diras de la fillette .... — Il m'a fait souffrir ma part ; cela me
vengera. — Quelqu'un vient. . . .C'est notre homme Allons nous
préparer. {Us s'en vont.)
SCÈNE II
Estève, Simonnet
BSTàVB
Veux-tu que je te dise enfin le fond de ma pensée ? — Tu es fidèle ;
LA BISCO 26Q
Sies âdèu ; ai pamens la tèsto trigoussado
De la p6u qu^enyers iéu manques à toun devé. . .
SIMOUNBT
Iéu!
BSTÈYE
Moun amour me dis qu'un rivau peu avé,
Quand fort adrechamen yôu gagna la partido,
D6u varlet d'un ami la pleno counsentido,
E qu'ansin t'an belèu fa mordre à Tamessoun. • •
SIMOUNET
Se Yoste amour vous dis ac6, n'a pas resoun.
Jitas dounc un cop-d'iue sus aquelo frimousse ;
Es qu'ai Ter d'èstre âa coume un floc de cimousso ?
Fourbe ! lou siéu jamai esta, lou sayès bèn,
E tène trop à vous pèr vous trahi, Tambèn
BSTÊVE
T'acuse pas d'aeô ; soulamen, vole dire
Que sens ie prene gardo.
• • •
• •
j*ai cependant la tête bouleversée — par la peur qu'envers moi tu man-
ques à ton devoir. . .
SIMONNKT
Moi!
ESTÈVB
Mon amour me dit qu'un rival peut avoir, — lorsque fort adroite-
ment il veut gagner la partie, — du valet d'un ami la pleine conni-
vence, — et qu'on t'a peut-être ainsi fait mordre à l'hameçon .
SIMONNET
Si votre amour vous dit cela, il n'a pas raison . — Jetez donc un re-
gard sur cette frimousse : — est-ce que j'ai l'air flasque comme un
moroeau de lisière?. . . — Fourbe ! je ne l'ai jamais été, vous le savez
bien, — et je tiens trop à vous pour vous trahir. Aussi. . .
ESTÈVB
Je ne t^accuse pas de cela ; seulement, je veux dire — que, sans j
prendre garde. . •
270 LA BISCO
SIMOUNET
Alor, sarié bèn pire !
Que m'agon atrapa, se pôu; perdil quau es
Que dins sa vido a pas pita dos o très fes ?
Mau-despié, crese pa de m'èstre leissa prene
Coume un gros tarnagas. Es pas de iuei qu'estrene
Aquéli dous quinquet, e save m'en servi :
{Mostro sis tue)
Entre vous vèire intra, Cecilo a Ter ravi ; .
Li mot tendre que dis, li cop-d'iue que vous douno,
Sa man que ie prenès, qu'elo vous abandouno,
Pèr qu anelés si det de poutounet bén dous,
Tout provo que la drolo a d'amour que pèr vous.
Quand Alèssi ie vai, au countràri, pecaire !
Cecilo semble mudo e rèsto dins soun caire ;
Tout-bèu-just se respond i questioun que ie fai.
ESTÉVE
Ac6 vôu pas mai dire.
SIMOUNET
Ah ! presemple !
8IM0NNET
Alors, ce serait bien pire ! — Que l'on m'ait attrapé, c'est possible ;
quel est celui — qui dans sa vie n'a pas niordu deux ou trois fois
(à l'hameçon) ? — Malgré tout, je ne crois pas m'être laissé prendre
comme une buse . — Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'étrenne — (mon-
trant ses yeux) ces deux quinquets, et je sais m'en servir. — Dès qu'elle
vous voit entrer, Cécile a l'air radieux; — les mots tendres qu'elle dit,
les regards qu'elle vous adresse, — sa main que vous lui prenez, qu'elle
vous abandonne — pour que, comme d'autant d'anneaux, vous entouriez
fies doigts de bien doux baisers, — tout prouve que la jeune fille n'a
d'amour que pour vous. — Quand Alexis arrive, le pauvret ! Cécile, au
contraire, — semble muette et reste dans son coin . — A peine répond-
elle aux questions qu'il lui fait.
ESTÈVE
Cela ne signifie rien.
BIMONNET
Ah ! par exemple !
LA BÏSCO 871
ESTBVB
Pas mai !.. *
Un galant trop souvent viéu de folo esperanço ;
Lou que d'amour reçaup lou mai d'asseguranço,
Lou que parèislou mai festeja, caressa,
Es pas toujour, ai! las! lou mies recoumpensa.
Aquéli faus-semblant soun pas qu'uno masqueto :
Lou cor, coume un voulant bandi sus la raqueto,
Vèn de-longo à la man qu'en Ter lou fai sauta;
S'abéuro de mamour, sens jamai se douta
Qu'entremens que l'amuso emb' aquéu dous bestige,
Em' un autre la belle acabo soun traitige. . .
Vè, pode pas coumprene, — en passant, siegue di, —
Que, s'Alèssi de-bon èro foro-bandi,
Prenguèsse coume acô soun mau emé paciènci.
Emai d'un filousofe ague touto la sciènci,
Un orne, de sang-fre, pourra jamai soufri
Lou bonur insoulènt d'un rivau preferi. . .
Rapelo-te que i'a quicon aqui dessouto ! . . .
Quand vese aquéu jouvènt s'enana tèsto souto,
Endiferènt o gai de-fes coume un quinsard,
Entre qu'arribe encô de Cecilo d'asard,
BSTàVB
Rien ! . . . — Un galant trop souvent vit d'espérances folles . —Celui
qui reçoit le plus de serments d'amour, — celui qui paraît le plus fêté,
le plus choyé, — n'est pas toujours, hélas! le mieux récompensé. —
Ces faux semblants ne sont qu'un masque. — Le cœur, comme un vo-
lant chassé par la raquette, — revient toujours à la main qui le fait
sauter en l'air ; — il s'abreuve de charmantes paroles, sans se douter
jamais — que, du temps qu'elle le berce de ce tendre enfantillage, —
avec un autre la belle achève sa trahison. — Vois-tu, je ne peux com-
prendre, soit dit en passant, — que, si Alexis était réellement rem-
barré, — il prît ainsi son mal en patience. — Quoiqu'il ait tout le
savoir d'un philosophe, — un homme ne pourra jamais soufErir de
sang-froid — le bonheur insolent d'un rival préféré. — Souviens-toi
qu'il y a quelque chose là-dessous . — Quand je vois ce jeune homme
s'en aller tête basse, — indifférent, ou gai parfois comme un pin-
son, — dès que j'arrive chez Cécile, à raison, à tort peut-être, — mon
272 1 A BISCO
Moun cor endoulouri fai milo viro-passo
E pèr mens de dous liard ie cedariéu la passo ! . . .
De quant aimariéu mies dins sa marrido imour
Legi Tamar tourmen que ie fai noste amour ! . . .
Mai noun, soun plan-pausa me soulèvo la bilo
E gasto lou bonur que me vèn de Cecilo ;
Talamen que, dou mai me vese mignouta,
E dôu mai doutariéu de sa âdelita.
Tu-meme, d'un rivau rambaia de la sorte
Troves-ti naturalo inchaienco tant forto?
B
SmOUNET
Supause qu'en vesènt qu'avès lou bon cartoun,
Alèssi en quicon-mai a muda si catoun . . •
ESTÈVE
Crèi ac6, piei béu un cop d'aigo, cambarado ! . . .
Quand un cassaire vèi la lèbre qu'a tirado
Sus lou cop de fusiéu vira li cambo enTèr,
De la joio que n'a, sentis âaqui si nèr ;
Mai quand, tout tremoulant coume s'avié lafèbre,
Cresènt de Taganta, vèi mai courre la lèbre.
cœur fait mille culbutes, — et pour moins de deux liards je lui céde-
rais, le pas . — De combien je préférerais dans sa mauvaise humeur
— ^lire l'amer tourment que lui cause notre amour I. . . — Mais non, son
sang-froid me soulève la bile — et gâte le bonheur qui me vient de
Cécile ; — tellement que, plus je me vois cajoler, — et plus je doute-
rais de sa fidélité.— Toi-même, chez un rival traité de la sorte,— trou-
ves-tu naturelle si grande indifférence?
SIMONN^T
Je suppose qu'en voyant que vous avez le bon numéro, — Alexis a
emporté le chat autre part.
ESTÈVB
Crois cela, puis bois un verre d'eau, camarade ... — Quand un
chasseur voit le lièvre qu'il a tiré — sur le coup de fusil tourner les
pattes en l'air,— de la joie qu'il en éprouve il sent ses nerfs fléchir; —
mais lorsque, tout tremblant comme s'il avait la fièvre, — croyant
le saisir, ilvgit encore déguerpir le gibier , — sot, ébahi, il jette son
LA BISCO
Monquet.estabourdi, jito soun armo au aôa,
Pecaire I e dounarié sa vido pèr un b6u.
«Èro aqui I la teniéD,la bèstiol epîëî m'«8cap« 1. .
Viéurié milanto e plus, la coulëro l'âncapo,
Touti li fes que aounjo à-n-aquéu jour maudi. , .
Eb ! bèa, vè, n'es onsin d'un Mngaire embandi
Au moumen que se crèi mëstre de sa ponlido , . .
Diras que B'en coiinsolo e qu'à la finrôublido I
Te troumpes, Simounet: uoun, un amour verai
Couvo soulo 11 cendre e s'amousso jamal ;
E, quand se vèi rauba lou cor que cresié sienne,
Aquel amour blassa jito lou cant dôu oiéune. . .
81M0UNBT
L'amour, — ac6 se dis e redis proun souvent, —
Trais-lou pèr la fenèstro, à la porto revèn I . . ,
De pensa d'aquéu biais sias lou mëstre, sias libre;
Mai iéu, qu'ai pas legi coume voas de gros libre
E que di âlousofe ignore li discours.
Me permetrai, Moussu, de vous dire tout court
Qu'en amour simplamen me flse à. ço que vese.
Dins mi debas voulès qu'âne mètre de cese f
Êtrme à terre, — et, le malheureux ! il donnerait sa vie pour un aon...—
Il Elle était là, je la tenais, la bête 1 et paie elle m'échappe ! ... » — Vi-
vrait-il mille ans et plus, U colère le prend, — chaque fois qu'il eonce
à ce jour maudit. ... — Eh bieal vois-tu, il en estainai d'un gd
éconduit— au moment qu'il se croit maître de sa belle... ^ Tu d:
qu'il s'en console et qu'il fiuit par oublier ! — Tu te trompes, Sim
net; non, un amour véritable — couve aûuslea cendres et ne s'éti
jamais ; — et, lorsqu'il se voit voler un cœur qu'il croyait sien, —
amour blessé jette le chant du cygne. . ■
SIUOHNBT
L'amour, cela se dît et se redit assez sonvent, — « jette-le pa
fenêtre, il revient par la porte .s — De penser de cette façon v
êtes le m^tre, voua êtes libre ; — maïs moi, qui comme voua i
pas In de gros volumes — et qui des philosophes ignore les niasin
— je me permettrai, Monsieur, de vous dire tout court — qu'en am
je me Se simplement à ce que je vois . — Vous voulez que dans r
274 LA BISCO
M'ame trop, vous redise, e siéu pas tant badau
De me chapla la tèsto à me créa de mau :
Sian prôun à tèms, grand Dieu ! quand vènon, de li prene. ..
Se rendre malurous esprès? Noun vous coumprene.
Fau pas avans la fèsto alesti lou bouquet !
Bèn ! iéu pèr li soucit siéu pas tant besuquet :
Quand li vese espeli d'un cousta, fau en sorto
De pas li capita sus lou pas de la porto.
Li chagrin soun de frut de tôuti li sesoun !
Perqué lis acampa sens rimo ni resoun ? • . .
Subre lou même fus, iuei, noste amour se fialo:
Vous calignas la damo, e iéu la servicialo ;
Donne, se vous fan au même, auren lou même sort.
Pensas que pèr acô me vau mètre à la mort ?
Pas tant nèsci ! Ame mies crèire que ma mestresso
Mentis pas quand me dis qu'ai toute sa tendresse.
Es tant dous de s'ausi dire ; «T'ame ! », Moussu. . .
Jamai de moun si-cap me cavarai lou su
Pèr saupre se Pieret fringo emé Flourineto ;
Se Jan, de-rescoundoun, ie fai de poutouneto ;
Se Tôni, quand la vèi, ie pessugo lou bras
0 même quicon-mai qu'es encaro plus gras . .
bas j'aille fourrer des pois chiches? — Je m'aime trop, vous redis-
je, et ne suis pas si badaud — que de me rompre la tête à me créer
des ennuis. — Nous sommes bien à temps, grand Dieu ! de les prendre
quand ils viennent. . .. — Se rendre malheureux à dessein ! je ne vous
comprends point. — Il ne faut pas préparer le bouquet avant la fête I...
— Eh bien ! moi, en fait de soucis, je ne suis pas si méticuleux : —
lorsque je les vois poindre d'un côté, je m'arrange de façon — à ne
pas les rencontrer sur le seuil de ma porte. — Les chagrins sont des
fruits de toutes les saisons ! — Pourquoi les cueillir sans rime ni rai-
son ? — Sur le même fuseau notre amour se file aujourd'hui : — vous
vous courtisez la dame, et moi la servante ; — donc, si l'on vous joue,
nous aurons même fortune. . . — Vous pensez que pour cela je vais me
mettre à la mort ? — Pas si bête ! J'aime mieux croire que mon amante
— ne ment pas lorsqu'elle me dit que j'ai toute sa tendresse. — Il est
si doux de s'entendre dire : «Je t'aime î y> Monsieur. — Mais jamais
par plaisir je ne me creuserai le cerveau — pour savoir si Petit-Pierre
comtise Florinette; — si en cachette Jean lui fait de doux baisers ; —
si Antoine, lorsqu'il la rencontre, lui pince le bras, — ou bien quelque
La ÉISCO 215
Que biscon li jalpus ! que miaulon li machoto !
A la an veiren béû quau aura la pichoto. . .
ESTÈVE
Sies urous de poudé resouna coume ac6.
SIMOUNBT
Quand se parlo dôu loup, on lou tèn pèr la co :
La vese eila que passe . • • H6u ! Flourineto, arribo ! . . .
SCENO III
lii Même, Flourineto
PLOURiNBTO, mirant, à Simounet
Eh I de-que fas aqui coume un ai sus la ribo?
SIMOUNET
Tis auriho t'an pas sibla, bèu perdigau î
FLOURINETO
Noun..
SIMOUNET
Parlavian de tu, toutareto.
chose de plus dodu encore. — Que bougonnent les jaloux I que
miaulent les chouettes ! — A la fin, nous verrons bien qui aura la
petite!
BSTàVB
Tu es heureux de pouvoir raisonner ainsi .
SIMONNET
Quand on parle du loup, on le tient par la queue: — je la vois là-
bas qui passe. . . Ohé ! Florinette, arrive ! . . .
SCÈNE III
Les Mêmes, Florinette
FLORINETTE, à Simonnet
Eh I que fais-tu là comme un âne sur le bord (d'un pré)?
SIMONNET
Tes oreilles ne t'ont pas sifflé, gentil perdreau?
FLORINETTE
Non.
SIMONNET
Nous parlions de toi à Tinstant même.
PLOURINETO
Emé quau?
siMOUNET, te moustrant Estève.
Tè I regarde.
FLOUMNETO, à EstèvC
Emai vous, sias aqui sus la plaço !
Eh bèn I anas, n'ai fa pèr yous de cambo lasso. . ,
ESTÈVE
Pèr iéu ! e coume vai ?
FLOURINETO
Vous cercàve. Tambèn,
Sente plus ma ratello, e vous proumete bèn
Que sias pas au Peyrou, nimai à TEsplanado.
SIMOUNET
Oi ! de bon ?
ESTÈVE
Mai perqué, bello desalenado,
De tôuti 11 cousta me campejes ansin ?
Quau te mando ?
PLORINETTE
Avec qui ?
SIMONNET, montrant Estève
Tiens, regarde.
FLORIN ETTE, à Estève
Vous, aussi, vous êtes là sur la place I — Eh bien ! allez, je n'ai pas
mal fatigué mes jambes pour vous. . . .
ESTÈVE
Pour moi ? Et dans quel but ?
FLORINETTE
Pour VOUS chercher . Aussi, — je ne sens plus ma rate, et je Vous
assure bien — que vous n'êtes ni au Peyrou, ni à l'Esplanade .
SIMOUNET
Oui ! tout de bon ?
ESTÈVE
Mais pourquoi, ma belle essoufflée, — de tous côtés me cherches-
tu ainsi ? — Qui t'envoie ?
LA fetôcô m
PLOURINETO
Lou rèi es pas voste cousin !
Quau me mando? Quaucun que, de-niue, vous pantaio;
Que, de-jour, vous desiro. . .
ESTBVB
Anen ! pas tant de baio !
PLOURINETO
Es ma mestresso, enfin.
EÇTÊVE
0 galant esquirôu,
Te trufes pas de iéu ; me fariés veni fôu ! . . .
Es verai ?
FLOUaiNETO
Bèn verai.
ESTÈVE
Que te mando ?
FLOURINETO
Me mando.
ESTÉVB
Soun amour sarié pas alor de contro-bando?
FLOBINETTB
Le roi n'est pas votre cousin! — Qui m'envoie? — Quelqu'un qui
vous rêve, la nuit, — et qui, le jour, vous désire . . .
ESTÈVE
Allons 1 pas tant de billevesées !
FLORIN ETl'B
C'est ma maîtresse enfin ...
ESTÈVE
0 charmant écureuil, — ne te ris pas de moi ; tu me rendrais fou .
— Est-ce bien vrai ?
FLOBINETTB
Bien vrai.
BSTÂVB
Qu'elle t'envoie ?
FLORIN ETTE
Elle m'envoie .
ESTÈVE
Son amour, alors, ne serait pas de contrebande ?
21
278 LA B1SC0
FLOURINBTO
Ace, de-que vous pren ? Parlarias-ti de bon !
Es que Misé Gecilo a fach o di quicon
Pèr vous manca ?
BSTèvB
Jamai.
FLOURINETO
Eh bèn ! coume s'atrovo
Que doutas ?• . . I)e sa fe n'avès pas proun de provo?
De-que vousfau encaro?
siMOUNKT, trufarèu
Oh ! pàu de causo !
FLOURINETO
Enfin ?
SIMOUNET
Qu'Alèssi dins lou Lez se nègue coume un chin,
E de soun cor moussu veira feni li lagno> . . .
FLOURINETO, à-u-Estève
Sai-que dins lou plafound aurias uno estiragno ?
SIMOUNET
Es jalons coume un tigre I . . .
FLOBINËITE
Voyons, qu'est-ce qui vous prend? Parleriez- vous sérieusement?
— Est-ce que Mademoiselle Cécile a fait ou dit quelque chose — pour
vous manquer ?
ESTèVE
Jamais .
FLORINETTE
Eh bien ! comment se trouve-t-il — que vous doutez ? De sa
foi n'avez-vous pas assez de preuves ? — Que vous faut-il encore ?
SIHONNET, ironiquement
Oh ! peu de chose ! . • .
PLORINETTE
Encore?
SIMON NET
Qu'Alexis se noie comme un chien dans le Lez, — et Monsieur verra
finir les transes de son cœur.
FLORINETTE, à Estève
Est-ce que par hasard vous auriez une araignée dans le plafond ?
LA BISCO *7ft
PLOURINETO
E de quau sias jalous ?
D'Alèssi?. . . Francamen, Moussu, i' a pas que vous
Pèr se claô Tesprit de pensado tant soto. • .
Ace, mai badinan. o manjan d'agrioto ?
Jusqu'aro vous cresiéu un orne de bon sen,
E vese que me sîéu troumpado rudamen.
(A Simounet)
Es qu'auriés pèr asard, tu, dôu mau de toun mèstre?
Sariés jalons?
SDfOUNET
Pas mai ! emai vole pas Tèstre :
La jalousie coungreio e nourris dins lou cor
Un verme que sens fin lou rousigo e lou mord.
Siéu trop fort de ta fe pèr n'aguedre dputanço.
Pieiounte trouvariés tant poulido pitanço?
(le présenta sa figura)
FLOURINETO
T*anes pas faire mau à la cambo ! . . . val plan !
(Même jo)
E tu, digo, ounte auriés un mourre tant galant?
SIMONNET
Il est jaloux comme un tigre... •
FLORINETTE
Eh! de qui êtes-vous jaloux ? — D'Alexis ?. . . Franchement, Mon-
sieur, il n'y a que vous pour se bourrer l'esprit de si sottes pensées.
— Ah ! çà, mais plaisantons-nous ou mangeons-nous des griottes? —
Jusqu'à présent je vous croyais un homme de bon sens, — et je vois
que je me suis rudement trompée . — {A Simonnet) Est-ce que toi, par
hasard, tu aurais la maladie de ton maître ?— Serais-tu jaloux ?
SIMONNET
Ahl pas le moins du monde! et je neveux point l'être: — la jalousie
engendre et nourrit dans le cœur — un ver qui sans fin le ronge et
le mord. — Je suis trop fort de ta foi pour en douter. — Puis, où trou-
verais-tu si jolie pitance ?
(// lui montre sa figure)
FLORINETTE
Ne te fais pas mal à la jambe ! ... va doucement ! (Même Jeu) —
Et toi, dis, où prendrais-tu minois si gracieux ?
$S0 LA BISCÔ
SIMOUNET
As milo fes resoun.
FLOURINETO
Un jalous à sa bello
Sèmblo dire : « Mignoto, ounte aviés la cervello
» Quand venguères ansin t'amourousi de iéu ?
» Espincho aquéu d'aqui, s'es pas mai agradiéu,
)) Pu brave, pu poulit. . •» que sabe ? E l'amourouso
S'imagino de-fes que sarié plus urouso
Emb' aquel autre en quau aurié jamai pensa. . .
(A-n-Estève)
En passant, poudès mètre ac6 dins voste sa.
ESTÉVE, ri'soulet
Sufis I
FLOURINETO
Escusas-me se vous fau la mouralo :
M'avès tant estounado emè vôsti. . .
ESTÈVE
Foutralo !
Badina va. . . Belèu me diras à la fin
Perqu'as tant fa pèr iéu trepa ti petoun fin ?
SIMONNET
Tu as mille fois raison .
FLORINETTE
Un jaloux à sa belle — semble dire : « Mignonne, où avais-tu la tête
— quand tu vins ainsi ^amouracher de moi ? — Regarde celui-là, s'il
n'est pas plus avenant, — plus gentil, plus beau. . . » que sais-je ? Et
l'amante — sMmagine parfois qu'elle serait plus heureuse — avec cet
autre à qUi elle n'avait jamaîis songé. . . — {A Estèvé) En passant, vous
pouvez mettre cela dans votre sac .
ESTÈVE, souriant
Suffit I
FLOBINETTB
Excusez-moi si je vous fais la morale : — vous m'avez tellement
étonnée avec vos
ESTÈVE
Petite sotte ! — je plaisantais. . . Peut-être diras-tu enfin — dans quel
but tu as tant fait pour moi trotter tes jolis petons ?
LA BISCO 281
FLOURINETO
E se, pèr castiga vôsti sôtis idèio,
Vous fasièi lingueto, aro, e bada la dragèio?. .
(le haio uno letro)
Prenès aquéu bihet.
ESTÈVE
Es d'elo? Oh ! gramaci !
FLOURINETO
Poudès legi tout aut, res nous eseouto eici.
ESTÈVE legis
« LVmour counèis pas ges d'oustacle ! »
M'avès repeti bèn souvent.
Ënsajas iuei aquéu miracle.
Moun paire à Toustau vous atèud.
Saup que m*amas e que vous ame ;
Venès ie demanda ma man.
Se vous Tacordo, noun reclame
Pas d'autre bonur. . . A deman ! . . .
M'as pourta lou bonur, manido, sies un ange. . .
E, tu, de p.outounet vène eici que te mange,
Letro de moun amigo . . .
(Baiso Vescri)
FLORINETTB
Et si, pour châtier vos idées saugrenues, — je vous tirais la langue
maintenant et vous tenais la dragée haute ?, . . — {Lui remettant une
lettré) Prenez ce billet.
KSTBVB
Il est d'elle? Oh! merci!
FLORIN ETTE
Vous pouvez lire tout haut : ici personne ne nous écoute .
ESTÈVE Ut
« L'amour ne connatt nul obstacle!» — m*avez-vou8 répété bien souvent. —
Tentez ce miracle aujourd'hui : — mon père vous attend à la maison. — Il
sait que vous m'aimez et que je vous aime; — venez lui demander ma main.
— S'il vous l'accorde, je ne réclame pas d'autre bonheur. ... A demain!
{A Florinette.)
Tu m'as porté le bonheur, petite, — tu es un ange. . . — Et toi, viens
que je te mange de baisers, — lettre de mou amie.
(// baisotte l'éant)
2S2 LA BISCO
SIMOUNBT
£h I quau de nautre dons
A lou mies devina soun coramistadous?
(Recito)
Saup que m'amas e que vous ame ;
Venès ie demanda ma man ;
Se vous l'acordo, noun reclame
Pas d'autre bonur. . . A deman! . . .
FLOURINETO
Eh ! s'en rîntrant disiéu ço qu'avès dinsla tèsto,
Moussu lou jalousas, sarias pas tant en fèsto,
Que léu me mandarien reprene aquel escri ! . . .
ESTÉVB
Counvène qu'un moumen aviéu perdu l'esprit.
Li qu'an ges de trésor an pas soucît di laire.
Ma crento d'un rivau es estado un esclaire. . .
N' i' en parles pas, au mens ! Se-de-noun, digo-ie
Que siéu preste à mouri pèr paga ma foulié.
FLOURINETO
Mouri ! Leissas la mort tranquilo au cementèri
E vives de bonur, d'amour e de mistèri. • •
SIMONNET
Bh ! . . . qui de nous deux — a le mieux compris son cœur aimant ?
{Il récité)
Il sait que vous m'aimez et que je vous aime ; — venez lui demander ma
main.— S'il vous l'accorde, je ne réclame — pas d'autre bonheur. A demain!
FLORINETTE
Eh ! ... . si, en rentrant, je disais ce que vous avez dans la tête, —
Monsieur le gros jaloux, vous ne seriez pas si joyeux, — car on m'en-
verrait vite reprendre cet écrit ! . . .
ESTÈVE
Je conviens qu'un moment j'avais perdu la tête : — ceux qui n'ont
point de trésor n'ont pas souci des larrons. — Ma crainte d'un rival
n'a été qu'un éclair. — Ne lui en parle pas, au moins; sinon, dis-lui
— que je suis prêt à mourir pour expier ma folie .
FLORINETTE
Mourir! Laissez la mort tranquille au cimetière, — et vivez de boU'
heur, de mystère et d'amour.
hX BISCO 1^83
ESTÉVE
Te Tai di : sies un ange, e quauque jour sauprai
Recounèisse...
FLOURINETO, em' entencioun
A prepaus, devînarias jamai
Ounte, pèr vous cerca, tantost sîéu mai anado ?
BSTÉVE
Sai-que à Port-Juvenau ?
FLOURINETO
Oh ! quînto badinado !
Pas tant liuen ; perqué pas me dire : à Palavas ?
ESTÉVB
Basto ! ai proun manja favo.
FLOURINETO
Es que vous rapelas
Lou poulit magasin qu'es dins la Grand'Carriero,
Mounte dévias un jour me croumpa, pèr ma fiero,
La bago que m'avès proumesso, i*a dous mes ?
siMOUNET, à despart
La luradol
ESTBVE
Je te l'ai dit : tu es un ange; et, quelque jour, je saurai — recon-
naître. . . .
FLOBINETTE, avec intention
A propos, vous ne devineriez jamais — où, pour vous chercher, je
suis encore allée tantôt ?
ESTÈVE
A Port- Juvénal peut-être ?
FLORINETTE
Quelle plaisanterie 1 — Pas si loin. Pourquoi ne pas dire: à Palavas?
ESTÈVE
Baste! je donne ma langue au chat.
FLORINETTE
Vous rappelez-vous — le joli magasin qui est dans la Grand'Rue, —
et où vous deviez un jour m'acheter, pour ma foire, — la bague que
vous m'avez promise, il y a deux mois?
SIMONNET, à part
La luronne!
Z9i LA fiISGO
BSTBVE
£ tendrai ^o que t'ai aproumés.
FLOURINBTO
Oh ! Moussu, quand vous dise. . .
siMOUNET, à despart
Un toupet d'amoulaire !
ESTÉVE, donnant sa bago à Flourtneto
Agacho, en espérant, s'aquelo p6u te plaire.
FLOURINETO
Es trop poulido I ... Oh ! noun ! . . . Âuriëu vergougno . • .
SIMOUNET
Là!
Ma bello vergougnouso, anen, boto ! preii-la,
Que Moussu te Tôufris emé trop d'avenènço.
FLOURINETO, la prenèut, d'un èr resigna
Enfin, aurai de vous aquelo souvenènço. . .
ESTÉVE, misteriousamen
Quouro pourrai veni vèire Cecilo ?
ESTÈVE
Et je tiendrai ce que j'ai promis.
FLORINETTB
Oh ! Monsieur, quand je vous dis. . .
SI MONNET, à part
Un toupet de rémouleur I
ESTÈVE, donnant sa bague à Florinette
Regarde, en attendant, si celle-ci peut te plaire.
FLORINETTE
Elle est trop jolie ! .... Oh ! non ! . . . . J'aurais honte de. . . .
SÎMONNET
Là ! — ma belle honteuse, allons! va, prends-la ! — car Monsieur
te l'offre avec trop de courtoisie.
FLORINETTE, d'un air résigné, prenant la bague
Enfin, j'aurai de vous ce souvenir.
ESTÈVE, mystérieusement
Quand pourrai -je aller voir Cécile ?
LA BISCO 285
FLOURINBTO
Après .
Qu^aurès emé lou vièi gagna voste proucès. . .
ESTÊYE
E se me rambaiavo encaro, lou coumpaire ?
PLOURINETO
Madamisello e iëu pedassarian Tafaire.
Vous amas, vai que trai triounfarés toujour.
ESTÂVB, à Flourineto que vai sourit
Adieu ! Sauprai moun sort avans la fin dou jour.
(Relegis la lelro tout bas)
s
FLOURINETO, se revtrant, à Simounet
E nautre, ounte n'en sian de nôstîs amoureto ?
N'en quinques pas lou mot. . .
8IM0UNBT
Nautre ? Ma coucoureto,
Acô sara lèu fa : iéu te vole ; me vos ?
PLOURINETO
Eh ! perdinche I
FLOBINETTE
Dès — qu'auprès du vieux vous aurez gagné votre cause .
ESTàVB
Et s'il me rembarrait encore, le compère?
FLORINETTB
Mademoiselle et moi nous arraugerions la chose. — Vous vous ai-
mez; de façon ou d'autre, vous triompherez toujours.
ESTÈVE, à Florinette qui va pour sortir
Adieu ! Je saurai mon sort avant la fin de la journée.
(// relit tout bas la lettre)
FLORINETTE, 86 rctoumant, à Simonnet
Et nous autres, où en sommes-nous de nos amourettes ? — Tu n'en
souffles pas mot.
SIMONNET
Nous autres ? ma pouponne, — ce sera vite fait : je te veux ; me
veux- tu ?
FLOaiNEITB
Eh ! ptudienne !
286 LA BÏSCO
siMOUNET, ie pourgènt la man
Sufis. Topo !
FLOURiNETO, i€ pourgèut la man
Topo î
SIMOUNET, ie tapant dins la man
Unol
FLouRiNBTO, ie tapant dins la man
Dosl
(Vaipèr sourit)
SIMOUMET
Adiéu^ moun roussignôu !
FLOURINETO
Adieu, ma berigoulo !
SIMOUNET
Adieu, moun iôu !
FLOURINETO
Adieu, moun astre!
SIMOUNET
Adieu, ma poulo !
SIMONNET, lui tendant la main
Suffit. Tope là !
FLORiNETTE, lui tendant ht main
Tope!
siMONNET, lui tapant dans la main
Une!
FLORINETTE, lui tapant dans la main
Deux !
{Elle va pour sortir)
SIMONKET
Adieu, mon rossignol 1
FLORINETTE
Adieu ! mon petit champignon !
8IM0NNET
Adieu, mon œuf [ma mignonne]!
FLORINETTE
Adieu, mon astre!
SIMONNET
Adieu, ma poule !
LA BISCO 187
FLOURINETO
Souleiet de moun amo I. • .
SIMOUNET
Estello de moun cor I • • •
(Flourineto sort; à Estèvc)
Emai soun paire siegue aspre coume un reoort
Âc6 marcharabèn; vèirés.
ESTÈVB
Bon ! veici Tautre.
(Fat signe)
SIMOUNET
Alèssi ! . • .Yen beléu pèr se trufa de nautre. . .
SCENO IV
Estève, Simoanet, Alésai
BSTÉVB, irounicamen jusqu'à la fin
Dieu vous lou done bon, mèste Alèssi !
FLOBINETTE
Beau soleil de mon âme !
(Elle sort)
SIMONNET
Étoile de mon cœm* ! — (A Estèoé) Quoique son père soit âpre comme
un recors, — cela marchera bien; vous verrez.
BSTÈVE
Bon! voici l'autre.
{Il fait signé)
SIMONNET
Alexis ! ... Il vient sans doute pour se moquer de nous , . .
SCÈNE IV
Estève, Simonnet, Alexis
ESTÈVE, ironiquemml jusqu'à la fin
Dieu vous le donne bon [vous donne un bon jour], maître Alexis !
288 LA BISCÛ
ALèssh mem$ jo
Que Dieu
Vous lou done meîour, s'es poussible^ mardiéu I
BSTJÈVB
Eh bèp ! comûjs n'en sian de l'amour, bèu coulègo ?
ALBSSl
E vous, d'aquéu brasas que caufo d'une lègo?
ESTÉVE
Cremo mai que jamai.
ALÊSSI
E ma passioun grandis.
ESTÈVE
Pèr. ..Cécile?
ALÊSSI
Pèrelo.
ESTÈVE
Eh ! sandis ! cadedis !
Coume disié moun ouncle, avès Timour counstanto,
ALÉSSI
Eh! capouchin de bos! coume disié ma tante,
ALEXIS, même jeu
Que Dieu — vous le donne meilleur, si c'est possible, morbleu !
ESTÈVE
Eh bien ! où en sommes-nous de l'amour, beau collègue ?
ALEXIS
Et vous, de ce brasier qui chaufie d'une lieue ?
ESTÈVE
Il brûle plus que jamais.
ALEXIS
Et ma passion grandit.
ESTÈVE
Pour. . .Cécile?
ALEXIS
Pour elle .
ESTÈVK
Eh ! sandis ! cadédis ! •— comme disait mon oncle, vous avez le
caractère constant.
ALEXIS
Eh ! capucin de bois ! comme disait ma tante — quand vous te-
nez, vous êtes opiniâtre et vous ne lâchez pas d'un cran.
LA BlâdÔ 2i9
Quand tenès, sias pîniastre e lâchas pas d'un cran.
ESTÊVE
Me plais pas, en amour, d'ana coume li cranc
E nae countènte pas d'un regard pèr poutage ;
Tant pau que done, fau qu'aquel pau se partage. . •
Basto I vole èstre ama coume ame . • .
ÂLÉSSI
Avès resoun ,
Ë fau pas autrameniéu-meme, bon garçoun.
Se ma mestresso, un jour, me fasié tristo mino,
Savès se vous i' auriéu lèu-lèu vira Tesquino !
(Em' entencioun)
Prene pas lis afrount, iéu, pèr de coumplimen;
léu, fau pas bon mercat di nôbli sentimen. . .
ESTÊVE
Mai Cecilo, me semble. . .?
ALÉSSI
Elo ! belle adourado,
Tant que pou satisfai moun amo enamoarado.
ESTÊVE
11 ne me plaît pas, en amour, d'aller comme les écrevîsses,— et je
ne me contente pas d'un regard pour tout potage ; — pour peu que
je donne, il faut que ce peu me revienne. . . — Baste ! je veux être
aimé comme j'aime . . .
ALEXIS
Vous avez raison, — et je ne fais pas autrement moi-même, bon
garçon , — Si ma maîtresse, un jour, me faisait triste mine, savez-
vous si je lui aurais vite tourné le dos ! . . . — {Avec intention) Je ne
prends pas, moi, les aflErontspour des compliments ; — moi, je ne fais
pas bon marché des sentiments les plus nobles . . .
ESTÊVE
Mais, Cécile, il me semble. . .?
ALEXIS
Elle I belle adorée , — elle satisfait tant qu'elle peut mon âme
éprise d'amour.
I»
M La Ëisco
BSTÈVB
Sias pas bèn dificile alor à countenta ?
' ÂLÉSSI
Mai que ço que cresès.
ESTÈVK
1 Pamens, sens me vanta,
Pode afourti que siéu soun mignot.
I ALÉSSI
j Pecaireto !
Se Tun de nautre dous em* elo fai si freto,
\ (Se désignant éu-meme)
I Es. .. Moussu.
ESTÈVB
Vous metès pas mau lou det dins Tiue !
ALÈSSI
Voudrias me faire encrèire à miejour que fai niue?
ESTÈVB
Nàni, mai vese proun la façoun que vous trato.
ESTÈVB
Vous n'êtes alors pas bien difficile à contenter !
ALEXIS
Plus que vous ne croyez.
ESTÈVE
Sans me vanter, cependant — je puis affirmer que je suis son mi-
gnon.
ALEXIS
Pauvret!... — Si l'un de nous deux avec elle fait ses orges, — c'est...
Monsieur.
(// se désigne lui-même)
ESTÈVE
Vous ne vous mettez pas mal le doigt dans l'œil !
ALEXIS
Voudriez-vous me faire accroire qu'il fait nuit en plein midi ?
ESTÈVE
Non, mais je vois assez la façon dont elle vous traite.
Là BISOO Sdl
ALÉSSI
Fasès-vous ôupera de vosto oatarato . . •
ESTÉVB
Sai-que, la niue passado, avés pas proun dourmi?. ..
ALÈssi, ern entendoun
Ma fisto I en badinant, devignas, bel ami.
ESTÈVE
Sarias bèn atrapa s'eici vous fasiéu vèire
La proYo qu'ai soun cor, iéu soulet. . .
ALÈSSI
Es de crèire.
E se iéu vous countave un secret que, . .? Mai noun,
Que vous ensucarié coume un cop de canoun.
ESTÈVE
D'abord que, mau-grat tout, voste aploumb se counservo.
Es lou moumen de faire espeli la réserve . . .
{le baio la letro de Cemlo)
Legissès.
ALEXIS
Fait es-vous opérer de votre cataracte .
ESTÈVE
Sans doute, la nuit passée, vous n'avez pas assez dormi ? . . .
ALEXIS, avec intention
Ma foi ! en plaisantant, vous devinez, bel ami.
ESTÈVE
Vous seriez bien penaud si je vous montrais ici même — la preuve
que j'ai son cœur, à moi tout seul . . .
ALEXIS
C'est à croire. —Et si je vous contais, moi, un secret qui. . .? —
Mais, nenni, car il vous étourdirait comme un coup de canon.
ESTÈVE
Puisque, malgré vous, vous gardez votre aplomb, — c'est le moment
de faire paraître la réserve. . . (// Un donne la lettre de Cécile) — Lisez.
M Lk ÈÎSGÔ
ALÈssi, en kgissènt
Qu'acô 's dous ! Es de mèu I Coume escriéu !..
ESTÈVE
E. . ^ couneissès la man ?
ALÊssi, te rendent la letro
Es Cecilo, {xerdiéu !
BSTàVB
Aro, cantarés plus qu'avès lou blanc dou pôrri.
ALÊSSI, s'enanant en risènt
Mèste Estève, adessias ! . . .
SIMOUNBT
Oi ! d'aquéu tantalôri !
r a pas aqui de que faire un grand cacalas.
ESTÈVE
Es que nous aurié fa toumba dins quauque las ?
Sa maniero d'agi, soun rire, tout m'estouno. . .
Rapelo-te qu'un cop misterious se mitouno.
ALEXIS, Usant
Que c'est doux ! C'est du miel ! Comme elle écrit ! . . .
ESTÈVE
Et . . vous connaissez la main ?
ALEXIS, lui rendant la lettré
C'est Cécile, pardieu l
ESTÈVE
Vous ne chanterez plus maintenant que vous avez le blanc du
poireau?
ALEXIS, sortant en riant
Maître Estève, adieu !
SIMONNET
Oh! cet écervelé ! — Il n'y a pas là de quoi rire aux éclats. . .
ESTÈVE
Est-ce qu'il nous aurait fait tomber dans quelque piège ? — Sa ma-
nière d'agir, son rire, tout me surprend. . . — Souviens-toi qu'il se mi-
tonne quelque coup mystérieux.
^
LA BISCO 293
SIMOUNET
Vejeici soun varlet. Es un pau. . .savès?
{Fat signe qu'es harjaire)
ESTÈVE
Boni
En Tembabouchinant pourren saupre quicon.
SCENO V
Estéve, Simounet, Barjariho
BARJARiHo, intrant, à despart
Estre i gage d'un mèstre amourous fôu ansindo,
Amariéu cent fes mai ana garda li dindo I. . .
SIMOUNET, amistousamen
Bonjourneto !
BARJARIHO, secamen
Bonjour !
SIMOUNET
Ounte anan d'aquéu pas ?
D'ounte venèn ansin, coulègo ?
SIMONNET
Voici son valet. Il est un peu. . . vous savez ?
(// fait signe qu'il est bavard)
ESTÊVE
Bon! — en Fembabouinant, nous pourrons savoir quelque chose.
SCÈNE V
Estëve, Simonnet, Barjarille
BARJARILLE, entrant, à part
Être aux gages d'un maître amoureux fou ainsi, — j'aimerais cent
fois mieux aller garder les dindons ! . . .
^ . SIMONNET, amicalement
Bonjour !
^ . . BARJARILLE, sèchement
Bonjour !
SIMONNET
Où allons-nous de ce pas? - D'où venez- vous ainsi, collègue ?
22
f
t
I
«
294 LA BISCO
BARJARIHO
\ Sabe pas ;
r
Ni vau ni vène, estent que brande pas de plaço.
r
i
[ SIMOUNET
Alor, restes?
BARJARIHO
Noun, parte.
SIMOUNET, à despart
Es un moussèu de glaço . . •
ESTÈVE, à Barjariho
Barjariho es bèn fier !. . . .Fasèn un pichot tour?
BARJARIHO
Vous vesiéu pas, Moussu. . . Voste umble servitour I
(Saludo e vai pèr sourti)
ESTÊVB
Vous fau pôu? On dirié qu'un tron vous accousséjo.
BARJARIHO, se cHnant, emé forço geste
Trop d'ounour me fasès, Moussu.
BARJARILLE •
Je ne sais ; — je ne vais ni ne viens, dès Tinstant qne je ne bouge
pas de place.
SIMONNET
Alors, tu restes?
BARJARILLE
Non, je pars .
SIMONNET, à part
C'est un glaçon ...
ESTÈVE, o Barjarille
Barjarille est bien fier ! . . . . Nous faisons un petit tour ?
BARJARILLE
Je ne vous voyais pas, Monsieur. . . Votre humble serviteur 1*
(Il salue et va pour sortir)
ESTÈVE
Vous f ais-je peur ? On dirait qu'un tonnerre vous poursuit .
BARJARILLE, 8%ncUnant, avec force gestes
Trop d'honneur vous me faites, Monsieur.
LA BISCO 295
siMOUNET, à despart
Coume brassejo !
A Ter d'un prègo-diable. . .
ESTÉVB
Arrestas-vous un pau.
Sauprés qu'à Taveni poudès viéure en repau :
M'a bèn faugu leissa la plaço à voste mèstre ;
Ere court e coustié, pire que sant Silvèstre.
Pense plus à Cecilo, e Simounet, se vôu,
Pôu dire ounte ai pourta moun pichot pan d'un sôu,
BARJARIHO
Sarié la verita ?
SIMOUNET
Verita puro e neto.
léu-meme^ se la vos, te cède Flourineto.
BARJABIHO
Podes bèn la garda, boto ! . . . Pèr soun amour
Es que m'as jamai vist mètre de belle imour?
{A-n-Estève)
Mai sarié-ti de bon qu'abandonnas lou posto?
SIMONNET, à part
Comme il joue des bras ! — il a l'air d'une mante religieuse
ESTÈVE
Arrêtez-vous un instant. — Sachez que désormais vous pouvez vivre
en repos : — il m'a bien fallu laisser la place à votre maître ; — j'étais
court et de côté [mes traits n'arrivaient pas au but ou allaient à côté],
pire que saint Sylvestre . — Je ne pense plus à Cécile, et Simonnet,
s'il lèvent, — peut vous dire où j'ai porté mon petit pain d'un sou.
BARJABILLB
Serait-ce la vérité ?
SIMONNET
Vérité pure et franche. — Moi-même, si tu la veux, je te cède
Florinette.
BABJABItLE
Tu peux bien la garder, va. . . Pour son amour — est-ce que tu m'as
jamais vu porté de bonne humeur ? — (A Estève) Mais serait-ce pour
tout de bon que vous abandonnez le poste ?
296 LA B18C0
ESTÉVE
Cecilo I save plus ni quant vau ni quant costo, . .
* Es que pode, vejan, ie garda ma fervour,
Dôu moumen que toun mèstre a tôuti si faveur ?
BARJARIHO
Sens coumta qu'aqui sias orne prudent e sage :
A vous dire verai, geinavias lou passage.
Ta bèn long-tèms qu'aurias degu quita Toustau,
Car vous i' escarnissien pièi, d'un biais, trop brutau.
E iéu, que saviéu tout, quand vous vesiéu, purèio I
Coume d'escut tin-tin prene si simagrèio,
Mé sariéu derraba lou fege emé li dent. . .
Cecilo se risié de vous, paure imprudent,
E tôuti si mamour emai si bèlli pause
Ëron santalimen pèr mies nebla la cause.
E vous, brave jouvènt, croucavias lou marmot. . .
Mai coume avès dounc fa pèr saupre lou fin mot ?
Quand lou cop se faguè, diantre I aquelo vesprado,
r avié res mai que iéu e mi dous cambarado.
Ai bello me vira la tèsto de Tenvès,
ESTÈVB
Cécile!. ... Je ne sais plus ce qu'elle vaut ni ce qu'elle coûte.. . —
Puis-je, voyons, lui garder ma flamme, — dès l'instant que ton maître
a toutes ses faveurs ?
BARJARILLE
Sans compter qu'en cela vous êtes homme sage et prudent : — à
vous dire vrai, vous gêniez le passage. — Il y a bien longtemps que
vous auriez dû quitter la maison ; — car on vous y bernait, puis, d'une
façon trop brutale ; — et moi, qui savais tout, quand je vous voyais,
saperlotte ! — comme écus sonnants prendre leurs simagrées, — je
me serais arraché le foie avec les dents ... — Cécile se riait de vous,
pauvre imprudent, — et tous ses mamours et ses belles manières —
étaient uniquement pour mieux voiler la chose. . . — Et vous, brave
jeune homme, vous croquiez le marmot ... — Mais comment avez-
vous donc fait pour savoir le fin mot ? — Lorsque le coup se fit, dian-
tre ! cette soirée, — il n'y avait que moi et mes deux camarades. —
J'ai beau me mettre la tête à l'envers, — je ne puis m'expliquer d'où
vous le savez ....
LA BISCO 297
Pode pas m*esplica d'ounte vous lou savès. . .
ESTÉVE, inquiet
De-que dises aqui?
BARJARIHO
Que pode pas coumprene
Coume, estent tant secret, avès fa pèr aprene
Lou mariage qu'unis Cecilo. . .
ESTÈVE, furious
N'as menti !
E, vè, se m'en cresiés, fariés bèn de parti.
BARJARIHO, ipoucritamen
Avès resoun, m'envau.
ESTÈVE
0 frount de coumissàri,
Sies un flame couquin !
BARJARIHO
Dise pas lou countràrî.
ESTÈVE
S'escoutave moun sang, que gargoutejo viéu,
T'auriéu déjà passa ma lamo dins lou. . •
ESTÀVE, inquiet
Que dis-tu là ?
BABJABILLB
Que je ne puis comprendre — comment, secret comme il est, vous
avez pu apprendre le mariage qui unit Cécile . . .
ESTÈVE, furieux
Tu en as menti! — et, vois-tu, si tu m'en croyais, tu ferais bien de
partir.
BARJARiLLE, hypocritement
Vous avez raison, je m'en vais.
ESTÈVE
0 front de commissaire I tu es un fieffé coquin I
BARJABILLE
Je ne dis pas le contraire.
ESTÈVE
Si j'écoutais mon sang, qui bouillonne vivement, — je t'aurais déjà
passé ma lame dans le. . .
298 LA BI6G0
BARJARIHO
Dieu f
Quau vous empacho ?
BSTÉVB, plan, à Simounet
Eh bèn I de-que n^en dises ?
SIMOUNET^ plani à-n-Estève
Diable !
Ah I diable • . •
BSTÊVB, à Simounet
léu ai p6u que siegue véritable !. • •
le, farai bèn raca.. ,
(A Barjariho, que vai pèr sourti)
Te sauves pas, sai-que ?
BARJARIHO
Pas mai !
BSTÉVB, doucetamen
Dises alor que Cecilo. . .?
. BARJARIHO
De-que ?
BSTÊVB
De toun mèstre es déjà la feno ?
BABJABILLB
Dieu ! qui vous en empêche ?
ESTÈVE, bas, à Sinionnet
Eh ! bien, qu'en dis-tu?
siMONNET, bas, à Estève
Diable !. . . — ah I diable ! . . .
BSTÈVE, à Simonnet
Moi, j'ai peur que ce ne soit véritable ; — je le lui ferai bien avouer,..
(A Barjarille, qui va pour sortir)
Tu ne te sauves pas, peut-être?
BABJABILLB
Non, certes!
ESTÈVE, très-doucenient
Tu dis alors que Cécile. . .?
BABJABILLE
Quoi?
ESTÈVE
De ton maître est déjà la femme?
LA BISCO 299
BARJARIHO
Galejave.
BSTÉVE
Ah ! galejaves?
BARJARIHO
Noun, galejave pas.
BSTÈVE
Brave !
Alor, es bèn verai?
BARJARIHO
léu, dise pas acô.
ESTÈVE
De-que dises adounc? Parle, vièlan cocot. . . •
BARJARIHO
Dise que dise rèn, crento de n'en trop dire.
BSTÈVE
Tiro la cause au clar, qu'ai pa 'nvejo de rire. . .
Es-ti verai o noun ?
BARJARIHO
Sara coume voudrés,
Car vole pas, Moussu, vous contro-dire en res.
BARJABILLE
Je plaisantais.
BSTÈVÊ
Ah I. . . tu plaisantais?
BABJÂBILLE
Non, je ne plaisantais pas.
BSTÈVE
C'est donc bien vrai alors ?
BARJABILLE
Je ne dis pas cela.
ESTÈVE
Que dis-tu donc? Parle, vilain moineau.
BABJABILLE
Je dis que je ne dis rien, crainte de trop dire.
ESTÈVB
r/
Tire la chose au clair; car je n'ai pas envie de plaisanter.. . — Est-ce
vrai, oui ou non ?
BABJABILLE
Ce sera comme vous voudrez ; — car je ne veux pas, Monsieur, vo^
contredire en rien.
300 LA BISCO
ESTÉYK
Oh ! m'ameisaran pas, tis èr de catamiaulo I
Parlo, se-noun eiçô te rendra la paraulo. . .
(Lou menaço d'un pistoulet)
BARjARiHO, esfraia
Voulès rire !.. .Oh! perdoun. . .Lou fagués pas peta. . .
ESTÉVB
Dau ! sens mai de bestour, digo la verita.
BARJARIHO
La dirai ; es qu'ai pôu de vous fâcha. . .
ESTÈVB, lou menaçant
Zôu ! digo,
Se noun vos. . .
BARJARIHO
Gramaci. Voui, Moussu, vosto amigo,
Dôu mens la que cresias vosto amigo, avans-ièr
Espousè dins la niue moun mèstre. . . En de-que sièr,
Dôu moumen qu'ai agu la lengo tant bavarde,
De vous escoundre mai un pount que vous regarde?
Se soun trufa de vous ensèn, emai ie sias.
ESTÈVE
Oh ! tes airs de chattêmite ne m'apaiseront pas ! ... — Parle, sinon
ceci te rendra la parole ...
(// le menace d'un pistolet)
BARJARILLE, effrayé
Vous voulez, rire ! ... Oh ! pardon ... Ne le faîtes pas partir. . .'
ESTÈVE
Allons ! sans plus de détours, dis la vérité .
BARJARILLE
Je la dirai ; c'est que j'ai peur de vous fâcher . . .
ESTÈVE, le menaçant
Vite, dis, — si tu ne veux . . .
BARJARILLE
Grand merci. Oui, Monsieur, votre amie, — ou, du moins, celle que
vous croyiez votre amie, avant-hier — épousa dans la nuit mon maî-
tre.. . — A quoi sert-il, dès l'instant que j'ai eu la langue si bavarde,
— de vous cacher plus longtemps un point qui vous concerne ?. . . —
Ils se sont moqués de vdus ensemble, et vous y étiez encore.
LA BISCO 301
ESTÊVE
Se pôu-ti ?
BARJARIHO
Vous lou jure.
ESTBVÊ, ie fasènt signe
Envai-t'en.
BARJARIHO, saludant
Adessias.
(A despart)
Es pas trop lèu. . • An ris de ma p6u ridiculo';
Mais coume an tôuti dous envala la pilulo I . . .
{S*envai)
ESTÊVE
Quante pessut de pebre a mes dins moun toupin !. . .
Me V esperave pas ! . . •
SIMOUNET
Es lou cop dôu lapin.
ESTÊVE
Boudiéu I sian pas encaro à la fin de Tescagno ;
Lis acivadarai, e pas emé la cagno. . .
Laisse faire.
Se peut-il ?
Je vous le jure.
Va-f en !
ESTÈVE
BABJABILLE
BSTÈVE, lui faisant signe
BABJABILLE, saluant
Adieu ! — {A part,) Ce n'est pas trop tôt . . . Ils ont ri de ma peur ri-
dicule, — mais comme ils ont gobé la pilule tous deux !. . .
(// s*en va)
ESTÈVB
Quelle pincée de poivre il a mis dans mon pot-au-feu ! — Je ne m'y
attendais pas . . .
SIMONNET
C'est le coup du lapin.
ESTÊVE
Bon Dieu I nous ne sommes pas encore à la fin de l'écheveau ; — je
les rétorquerai, et pas de main morte. — Laisse faire.
302 LA BISCO
SIMOUNET
Poudès canta De profundis.
ESTÉVE
H6u ! Tempourtaran pas ansindo au Paradis.
SIMOUNET
Dins la man dôu destin Tome es uno machino.
ESTÉVE
le garde en touti dous un cadèu de ma chino.
SIMOUNET
Pèr tant que siegue verd, aspre e dur, un coudoun
Se digeris toujour.
ESTEVE
Nàni, ges de t)erdoun :
Lou cacalas d'Alèssi es aqui que me cacho ;
Fau que ie fague, un jour, rintra dins la ganacho.
(Van pèr sourti)
SIMONNET
Vous pouvez chanter De profundis.
ESTÉVE
Heu ! ils ne remporteront pas ainsi au Paradis.
SIMONNET
Dans la main du destin l'homme est une machine .
ESTèVE
Je leur garde à tous deux un beau chien de ma chienne .
SIMONNET
Pour tant qu'il soit vert, âpre et dur, un coing — se digère toujours.
ESTÈVE
Non ! pas de pardon : —l'éclat de rire d'Alexis est là qui me pèse ;
— il faut que je le lui fasse un jour rentrer dans la gorge. . .
{Ils vont pour sortir)
LA BISGO 303
SCENO VI
Ll M«me» Flourineto
FLOURiNBTO, ifitrant, à-n-Estève
Vous rescontre à prepaus. . • Saches, urous couquin,
Que quaucun tous espèro, anlue^ dins soun jardin.
BSTÉVB, furious
Vas me f..itre lou camp, trasso de messagiero,
Se noun vos que tourna te croumpe uno autro ûero !
Val, lengo de pedas ; vai, serpatas maudi,
Em' éli prépara vosto obro de bandit !.. .
Après un parié tour, Cecilo enca me morgo !
Vai ie dire lou cas que fau de si messorgo. . •
{Estripo la letro de Cecilo e s'envai)
FLOURINETO, à Simounet
Sus quanto meichanto erbo a marcha de-matin ?
SIMOUNET, mgaugnant Estève
Vai faire un pau pus liuen cascaia toun patin,
SCÈNE VI
Les Mêmes, Florinette
FLORINETTB, entrant, à Estève
Je vous rencontre à point. . . Sachez, heureux fripon, — que quel-,
qu'un vous attend, ce soir, dans son jardin.
ESTÈVE, furieux
Tu vas f . .icherle camp, vaurienne de messagère, — si tu ne yeux
que je t'achète encore une autre foire ! — Va, langue de chiffon ; va,
maudite vipère, — préparer avec eux votre complot de bandits ! . . . —
Après un tour pareil, Cécile me nargue encore ! — Va lui dire le cas
que je fais de ses mensonges. . .
(// déchire la lettre de Cécile et sort)
FLORINETTE, à Simonnet
Sur quelle mauvaise herbe a-t-il marché ce matin ?
SIMONNET, imitant Estève
Va faire un peu plus loin résonner ton patin , — ô taon de mal-
304 LA BISCO
0 tavan de malur, o marrido femelo,
Se noun vos en quicon reçaupre ma semelo ! . . .
Vai dire à quau te mando encaro que savên
De quanto meno soun li figo que nous vend ! . . .
Vai, que moun mèstre e iéu, l'entendes, margouiino,
Avèn proun begu d'aigo à voste gourgoulino. . ,
Tigre, rinoceros, croucodile, grapaud,
T'escrapouchinariéu, se m'escoutave un pau ! . , .
(S'envai)
FLOURINBTO
Pèr ma fisto ! soun bau ! N'en siéu'efsrtabourdido. . .
E ma pauro mestresso, elo qu'èro candido
Dôu plesi de lou vèire aniue, coume prendra
La manière que m' an tôuti dous revira ! . . .
(Acampo li moucelet de la letro estrifado e s'envai. — Boisson
la telo,)
FIN DE l'aTB PREMIB
heur, ô méchante femelle, — si tu ne veux recevoir ma semelle quel-
que part ! . . . — Va dire à celle qui t'envoie que nous savons — de
quelle qualité sont les figues qu'elle nous vend ! . . . — Va, car mon
maître et moi, l'entends-tu, effrontée? — nous avons assez bu d'eau à
votre gargoulette. .. ^ Tigre, rhinocéros, crocodile, crapaud, — je
t'écrabouillerais, si je m'écoutais un peu!. . .
C// s'en va . )
FLORINBTTE
Par ma. Jiste ! ils sont fous ! J'en suis tout ébahie. . . — Et ma pau-
vre maîtresse, elle qui était ravie — du plaisir de le revoir ce soir,
comment prendra-t-elle — la façon dont ils m'ont tous les deux re-
tournée ! . . .
(Elle ramasse les morceaux delà lettre déchirée et s'en va, — On baisse
le rideau.)
FIN DU PREMIER ACTE
PÉRIODIQUES
Revue lyonnaise. (Lyon, Pitrat, rue Gentil, 4, vingt francs par
an.) — Cette revue, fondée il y a trois ans par M. François Collet*,
a mis à jour divers travaux de M. Mariéton sur la littérature contem-
poraine, et notamment sur MM.William-C. Bonaparte- Wyse, Auguste
Fourès et l'abbé Joseph Roux. Le cinquième de ses tomes contient un
texte en langue vulgaire des XII ï^ et XIV* siècles : le Carcabeau du
Péage de Givors, publié par M. Georges Guigue, et une suite relative-
ment nombreuse de poésies en langue d'oc *. Les trois notices sur
MM. Bonaparte-Wyse, Fourès et Roux, ont été luxueusement tirées
à part par l'auteur. Une sorte de jeunesse admirative anime leurs
* La Revue lyonnaise avait été précédée du Monde lyonnais, qui vécut
deux ans, et dont le numéro du 1*^ janvier 1881 contient quelques poésies
provençales de MM. Bonaparte-Wyse, Mistral, Roumanille et de Gagnaud.
L*écot littéraire de Fauteur de Mirèio a pour titre : lou Diable, escapouloun
d'un pouèmo inedi:
Lou diable es un coumpaire gai. E Tarrouganço dôu jouvènt
Au mes d'abriéu, sus lou margai, Que marcho emé la tèslo au vent.
Amo li danso fouligaudo, Mai lou mai qu'amo es la jouguino,
Lis escoundudo, la man caudo, Lou jo que fai toumba d'esquino,
E li galant jouguet qu'an lio Dins li brasiero de l'infèr,
A la vihado, autour dôu fio. Li plus valent e li plus fier;
Lou galoubet, la carlamuso, Lou jo que fai li renegaire,
Acô i'atiro, acô l'amuso, Que fai li gus, li fournicaire,
E quand brounzino lou viôuloun, Li fenat, li manjo-proufié,
Vèn escouta de rebaloun. Lis araca, lis estafié;
Lou diable es uno bono-voio: Lou jo que meno i draio gauclio,
Amo lou rire, amo la joio, A la riboto, à la desbaucho ;
Lou chaplachôu e lou bousin ; Lou jo que fai descrestiana,
Lou diable amo li bon couissin, Que fai, sus lis oustau rouina,
L'oudour di rose e de la nerto, Creisse Tourtigo e la caussido,
Li bèlli raubo entre- duberto, Lou jo que fai li parricido !
Ou nous nous trompons fort, ou ce fragment est extrait du poëme de
Net'to, que M. Mistral doit publier au commencement de l'année 1884, et qui
serait par conséquent écrit en vers de huit pieds. La nouvelle œuvre se rat-
tacherait, au moins de ton et d'allure générale, à l'épopée de l'Arioste et de
Berni.
Cette circonstance nous semble justifier la reproduction d'un fragment à qui
la publicité restreinte du Monde lyonnais laisse tout le charme de l'inédit.
^ Elles appartiennent à MM. Aubanel, de Berluc-Perussis, Bonaparte-Wyse,
Fourès, Gras, Mistral et l'abbé Roux. Plusieurs d'entre elles avaient été pu-
bliées antérieurement à leur admission dans la Revue lyonnaise.
306 PÉRIODIQUES
pages, sans rien enlever à la justesse de Tappréciation critique, à la
précision des renseignements biographiques et littéraires. M. M . se
propose de faire paraître bientôt les notices consacrées à Mistral, pro-
sateur, à MM. de Berluc-Perussis et Anselme Mathieu *.
Le fascicule du 15 juin 1883 renferme une ode harmonieuse en pro-
vençal: J. DoTw Clemenço, par M"® Alexandrine Brémond, à qui la Main-
tenance languedocienne du Félïhrige doit le charmant recueil de poé-
sies, Il Blavet de Mount-Majour, publié à Montpellier, il y a quelques
mois. Un choix d'informations et de documents sur les Jeux Flo-
raux de Barcelone, les félibrées de Montpellier et de Sceaux, précède
les strophes de M*'e Brémond. Parmi ces textes figure la dépêche sui-
vante, qui aurait été adressée le 25 mai par les félibres de Montpel-
lier aux félibres de Sceaux :
Que noste brinde,
Afelibri,
Fol, eletri,
Tras l'aire drinde !
De sous Arcèus,
Tout lou Par&ge,
Lou cor arrage,
S'envoie à Scèusl
Albert Arnaviblle, Camille Chabaneau, Antonin Glaize, Frizet,
Roque-Ferrier, Cavalier, Auzière, Chassary, Coulazou, Gau-
tier, Hamelin, Marsal, Rettner, Vérone^.
Le respect de la mémoire de mon père, mort le 6 mai, c'est-à-dire
trois semaines avant la félibrée de Sceaux, et le respect de la vérité,
m'obligent à remarquer que j'ai seulement connu ce télégramme par
le numéro de la Revue lyonnaise, qui l'a rendu public. A si peu de
temps d'une aussi triste date, je ne pouvais avoir la pensée d'accueil-
lir et de signer un hrinde fol, eletri. Quelques-uns de nos amis n'ont
pas été plus que moi, du reste, avisés que leurs noms seraient placés
au bas des vers alaisiens du 27 mai.
A. Roque-Fbrrier.
* La fondatioQ de la Soéiété pour l'étude des langues romanes, ses Con-
cours de 1875 et 1878, les efforts de ses premiers présidents, MM. Cambouliù,
de TourtouloD, Boucherie et Montel, ont été relatés par M. M. avec une bien-
veillante justice, dans le travail qui a pour titre: l'Idée latine, — Charles de
Tourtoulon (extrait de Lyon- Revue), et surtout dans l'appendice de cet opus-
cule biographique.
«P. 590 du t. V (juin 1883).
CHRONIQUE
Communications faites en séance delà Société. — 6 juin. —
Le Joyeux Mystère des Trois Rois, à dix-sept personnages, composé
par Johan d'Abondance, bazochien et royal-notaire de la ville du
ront-Saint-Esprit (XVIe siècle), par M. Camille Laforgue.
20 juin. — A Sa Majesta laÈèino Isàbèu de Roumanîo, poésie pro-
vençale (Avignon et les bords duRhêne), par M. Théodore Aubanel .
-7- A Messieurs Aubanel et Mouzin, poésie française par S. M. la reine
Elisabeth de Roumanie ;
Ma Viloto, sixtine languedocienne ( Saint-Pons ), par M . Victor
Rettner ;
Un Noël populaire en languedocien et un Noël français-languedo-
cien, par M. E. Galteyrès ;
Jj'Amour e Diano, poésie provençale (Avignon et les bords du
Rhône), par M. Paul Chassary;.
Li Pantai, pc^sie provençale (Avignon et les bords du Rhône), par
M . Auguste Marin ;
Cansou de la Biroulenco, poésie languedocienne (Saint- Pons), par
M. A. Lartigue;
Proverbes, énigmes, contes populaires et poésies agénaises (haut et
moyen Agénais), par M. Séré ;
Vers languedociens en langage de Sumène (Gard) (XVIII® siècle),
par M. Ferd. Teissier.
4 juillet. — Maugis d'Aigremont, chanson de geste, par M. Ferdi-
nana Castets ;
La Bataio de Muret, poésie provençale (Avignon et les bords du
Rhône), par M. l'abbé Célestin Malignon ;
Le changement de 1'^ initial en d, par M. A. Roque-Ferrier ;
Lou Pèlerin, poésie en langage de Bessan (Hérault), par M. H .
Bousquet ;
A . Puget, ode languedocienne, idiome de Limoux (Aude) , par M. Paul
Gourdou .
Le Secrétaire de la Société a été durement éprouvé par la mort de
son père, Simon- Frédéric Roque-Ferrier, correspondant de la Société
archéologique et de V Académie des sciences et lettres de Montpellier, dé-
cédé le 6 du mois de mai, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
La Revue publiera bientôt une notice sur sa vie et ses œuvres lit-
téraires.
« «
Souscription au buste de Boucherie. — Voici la liste des adhé-
sions parvenues à M. Louis Lambert, trésorier du Comité, à la date du
10 juillet :
MM. Aubanel (Théodore), à Avignon. 20
Azaïs (Gabriel), secrétaire de la Société archéologique de
Béziers. .- 20
Barthés (Melchior), pharmacien, à Saint- Pons (Hérault). 2
A reporter 42
f.
I
308 CHRONIQUE
Report 42
M"« Bassas (Honorine), institutrice, à Montblanc (Hérault). 2
MM. Billy (Alfred de), inspecteur des finances, à Paris. 10
Bertin-Sans (Emile), professeui' à la Faculté de médecine,
à Montpellier. 10
Bonnet (Jean), instituteur, à Montlaur (Aude). 2
Bonnet (Max), professeur suppléant à la Faculté des let-
tres de Montpellier. 10
Bourdel (Adolphe), professeur agrégé à la Faculté de mé-^
decine de Montpellier.
Bourdel (Henri), étudiant en médecine, à Montpellier.
Bousquet (Hippolyte, g^rde principal d'artillerie en re-
traite, à Bessan (Hérault). 20
Brianti, professeur au lycée, à Tarbes. 15
Cardon (Artémie), à Rouen. 5
Castelly, instituteur, à Meyrargues (Bouches-du- Rhône). 5
Castets(Ferd.), doyen delà Faculté des lettres de Mont-
pellier, président de la Société des langues romanes. 26
Chabaneau (Camille), chargé de cours à la Faculté des let-
tres de Montpellier. 50
Chaber (Alfred), à Montpellier . 20
Comolet (Emile), sous-préfet d'Aix-en-Provence . 20
Constans (Léopold), professeur à la Faculté des lettres, à
Toulouse. 10
Croiset (Maurice), professeur à la Faculté des lettres, à
Montpellier. 20
Darmeste ter (Arsène), professeur à la Faculté des lettres
de Paris. 10
Deandreis (Elisée), banquier, à Montpellier. 25
Delille (François), officier de l'instruction publique, à
Saint-Nazaire-du-Var (Var). 10
Delpech (Henri), avocat, à Montpellier. 25
Devic (Marcel), maître de conférences à la Faculté des
lettres de Montpellier. 50
Donnadieu (Frédéric), vice-président de la Société» archéo-
logique, à Béziers. 40
Egger (Emile), membre de l'Institut, à Paris. 25
Falgueirettes (l'abbé), aumônier du petit lycée, à Mont-
pellier . 10
Faliès (Louis), publiciste, à Montpellier. 20
Fort (Paul), professeur au Petit Lycée de Montpellier. 5
Fourès (Auguste), à Castelnaudary (Aude). 5
Gaidan (Jean), de l'Académie du Gard, à Nimes. 5
Galteyrès (E.), instituteur, à Moissac (Lozère). 2
Germain (Alexandre), doyen honoraire de la Faculté des
lettres de Montpellier, membre de l'Institut. 20
Glaize (A.), professeur à la Faculté de droit de Montpellier. 25
M™« Grand d'Esnon (la baronne). \
MM. Grand d'Esnon (Charles), capitaine d'état-major. ( 100
>^ Grand d'Esnon (Gonzalve), lieutenant d'infanterie. J
Grand d'Esnon, conseiller de préfecture, à Montpellier. 10
A reporter 658
CHRONIQUE 309
Report 658
MM. Guichard (Germain), à Avignon. .S
Hamelin frères, imprimeurs, à Montpellier. 25
Itier (Paul-Jules), avocat àla Cour d'appel de Montpellier. 1 0
Lacrouzette-Bellonet, trésorier-payeur général du Loiret,
à Orléans. 50
Laforgue (Camille), président de la Maintenance langue-
docienne du Félibrige, à Quarante (Hérault). 50
Lambert (Louis), professeur de musique, à Montpellier. 20
Lambert (François), élève à la Faculté des lettres de
Montpellier. 5
Lamouroux, instituteur, au Caylar. 5
Le Bourdais, receveur municipal, à Montpellier. 5
Lespy, ancien secrétaire général des Basses- Pyrénées, à
Pau . 20
Levy (le D' Emile), à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne). 20
Marchadier (Marc), négociant, à Cognac (Charente). 15
Margon (le vicomte A. de), à Roujan (Hérault). 10
Marsal (Edouard), professeur de dessin, à Montpellier. 5
Martin (Arthur), professeur en retraite, à Montpellier. 5
Meyer (Paul), professeur au Collège de France, à Paris. 20
Mir (Achille), vice-président de la Maintenance languedo-
cienne du Félibrige, à Carcassonne. 10
Mistral (Frédéric), grand-maître du Félibiige, à Maillane
(Bouches-du-Rhône) . 10
Monaci (Ernest), professeur à l'Université de Rome. 20
Obédénare (le docteur), premier secrétaire de la légation
de Roumanie, à Rome. 50
Paris (Gaston), membre de l'Institut, à Paris. 20
Pépratx (Justin), administrateur de la Banque, à Perpi-
gnan. 10
Planchon, professeur à l'Ecole supérieure de pharmacie
de Montpellier. 10
Rettner (Victor), à Montpellier. 3
Revillout (Charles), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier. 20
Rigal (Eugène), maître de conférences à la Faculté des
lettres d'Aix. 10
Roumanille (Joseph), à Avignon . 5
Roumieux (Louis), a Montpellier. 20
Roque-Ferrier (Alphonse), à Montpellier. 25
Roux (l'abbé Joseph), curé, à Saint-Hilaire-Peyroux (Cor-
rèze) . 3
Spera (l'abbé), professeur à l'abbaye de Cava (Italie). 5
Stengel, professeur de philologie romane, à Marbourg
(Allemagne). 10
Tamizey de Larroque, correspondant de l'Institut, à Gon-
taud (Lot-et-Garonne). 10
Tavan (Alphonse), à Marseille. 3
Thénard, professeur au lycée de Versailles . 10
Tissot, instituteur, à Vétraz-Monthoux (Haute-Savoie). 1
A reporter 1,183
23
310 CHRONIQUE
Report 1,183.
MM. Tourtoulon (le baron Charles de), à Valergues (Hérault). 50'
Tourtoulon (Pierre de). 5^
Vergne (Louis), à Montpellier. 3
Vidal (François), à Aix-en-Provence . 3
Viguier, instituteur, à Maussans (Tarn). 1
Westphal-Castelnau, à Montpellier. 25
Total de la l'* liste. 1,270
• «
M. Joseph Roumanille fera paraître, avant la fin de Tannée, quatre
cents pages environ de prose provençale (1 vol. in- 12, 3 fr.50). Nous
ignorons le titre du nouveau recueil de Fauteur des Oubreto, mai»
nous pouvons annoncer d'ores et déjà qu'il est entièrement composé
de contes, d'anecdotes et de reparties populaires.
*
Dons faits a la bibliothèque de la Société. — Assabé de la
Joia Keinala e das Ramsdela Court mantenenciala de Lengadoc, per
las annadas MDCCCLxxxiii, MDCCCLXXXiv eMDOCCLXXXV. Montpellier^
Imprimerie centrale du Midi, 1883 ; in-8°, 24 pages (don de la Mainte-
nance languedocienne du Félibrige) ;
Banquet de la felibrejada mount-pelieirenca dau dilus de Panta-
cousta (xv de mai mdccclxxxiii). — Jacques Azaïs :« l'Ome counten de
soun sort », poésie biterroise extraite des oc Verses bezieirencs » de
Jacques Azaïs. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi [1883]; in-8®y
2 pages (don de la Maintenance languedocienne du Félibrige);
Cassino de Granojlers. Secciô literaria, cientifica y artîstica. Certà-
men cientffich-literari de Granollers en l'any 1882. Barcelona, la Re-
naixensa, 1883; in-8**, 164 pages;
Errata du numéro de mai 1883
Poésies de Dom Guérin. — P. 231, 1. 4: d'un humou fort umido;.
lisez : d'un humou fort timido (la traduction, p. 230, doit
être : d'une humeur fort timide, au lieu de : d'une hu^
meur(?) fort humide (?).
Lou Destourbi das aucels. — P. 242, 1. 13: grant jour, lisez: grand
jour. — Après la ligne 16, ajoutez le vers suivant, qui a été
omis:
D'en pus fort que jamais lou bresil se desgaula.
BoNUB DE FAMiHO. —P. 245, 1.20 : E ieu ploure à Mario, lisez:
E ieu ploure Mario. — L. 3, en remontant par le bas, au
lieu de : Et moi je pleure à Marie, lisez: Et moi, je pleure
Marie.
Le Gérant responsable: Ernest Hamelin.
TABLE DES MATIÈRES
DU NEUVIEME VOLUME DE LA. TROISIÈME SÉRIE
DIALECTES ANCIENS
Sur quelques manuscrits provençaux perdus ou égarés (suite)
(C. Chabaneau). 6-70-115
Sermons et préceptes religieux en langue d'oc du Xlle siècle
(suite) (C. Chabaneau). 53-157
Sainte Marie Madeleine dans la littérature provençale (C. Cha-
baneau). 105
Fragments d'une traduction de la Bible en langue romane (H.
lE LA Combe). 209
DIALECTES MODERNES
Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du
Carcassez (suite et fin) (A. Mm). 81-170-237
Termes de marine et de pèche en usage à Palavas (Westphal-
Castblnau). 130
Poésies de Dom Guérin de Nant (suite) (Mazel etViaouROUX). 221
Lou'Diéu de Marsiho (W.-C. Bonaparte-Wyse) . 146
Les Parjpalhols de Flou-de-Prunlè (Aug. Fourès). 148
La Batouso (Aug. Fourès). 151
Soulelh coule (Aug. Fourès). 152
Lou Destourhi das aucels (A. Langlade). 240
Alaric (Aug. Fourès). 243
Bonur de famiho (Y ..Kett^eb) , 244
La Bisco (L. Roumieux). 261
VARIÉTÉS
Une nouvelle conjecture concernant Guillaume VII (C. Cha-
baneau). • -^.««r«J 98
Le chevalier Raimbaud et la comtesse de Flandres (C. Cha-
baneau) . 98
BIBLIOGRAPHIE
L*jEJ8mt?c^a,ti*aduiteen dialecte macédo-roumain, par T. Iliescu
(A. Roque-Fbrrieb). 23
Ausgaben und Abhandlungen aus dem Gebiete der romanische
Philologie veroffenlicht, von E. Stengel (A. Boucherie). 31
Altfranzosische Bibliothek, herausgegeben, von W. Foerster
(A. Boucherie). 32
Franzosisches oij inaugural dissertation, etc., von Ph. Rosmann
(A. Boucherie). 34
312 TABLE DBS MATIERES
Aiol et Mirahel und Elie de Saint Gille, etc., von AA?. Foerster
(A. Boucheeie). 35
Geschichte des Suffixes.— OZws, etc., von Max Mirisch (A. Bou-
cherie). ^
Romancerillo catalan, par M. Milâ y Fontanals (L. Lambert). 153
Etude sur le dialecte anglo-normand du XI Ve siècle, par M . Vi-
sing (A. Boucherie). 180
Toloza, geste provençale, par Félix Gras (A. Glaize) . 184
Les Correspondants de Peiresc, par M. Tamizey de Larroque
(G. Chabaneau). 247
PERIODIQUES
Romanïa (A. Boucherie). 37
Le Nouvelliste des Charmites (A. Boucherie). 50
Zeïtschrift fiir romanische Philologie (L. Constans et Bou-
cherie). 1^^
Bulletins de la Société d'anthropologie (J. Bauquier). 249
Revue lyonnaise (A. Roque-Ferri^îr). 305
Le Programme de la Maintenance languedocienne du Félibrige. 252
NÉCROLOGIE. — Anî^tole Boucherie. — Allocution de M. Roque-
Ferrier. — Discours de M. Castets. — Discours de M. Re-
villout. — Discours de M. Bernard. — Allocution provençale
de M. Roumieux. — Articles nécrologiques des journaux de
Montpellier. — Le poëte A. -F. Robert, le philologue Bou-
cherie, par M. E. Egger. — Lettre de M. Obédénare. — No-,
tice publiée dans la Bévue de philologie. 195-256
Chronique. 51-100-154-208-258-307.
Errata, Additions et Corrections. 101-156-260
Table des matières. 311
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
MOHTPBLUER, lUPRIUBRIE GBKTBALE DU UIDt.^BAMBLIN IKKREB.
REVUE
LANGUES ROMANES
vuausK
PAK LA. SOCIÉTÉ
POUR L'erUDE DES LANGUES ROMANES
Troisième Série
TOME DIXIÈME
TOME XXIV DR LA COU.SCTIOK
MONTPELLIKK 1
AU BURSAU DBS PUBLICATIONS
DE LA EOGtËTB !
rocR i.'traua uhb UNaDis romivn I
Rue Bt-anllhem, D* 17 |
PARIS
MAI&ONNEUVE KT C»«
LIDRAlBEB-ftOITEUnS
œ. QUAI VOLTAIHB, 25
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
LE CONCOURS
PHILOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE
DE l'année MDGCCLXXXIII
DISCOURS
Prononcé par M. Ferdinand CASTETS, doyen de la Faculté des
lettres de Montpellier, président de la Société pour l'étude des lan-
gues romanes, en séance publique du 13 mai.
Mesdames, Messieurs,
La Société pour l'étude des langues romanes, fondée en
18G9, distribue aujourd'hui les prix de son quatrième Con-
cours. Je vous l'avouerai, ce n'est pas sans une certaine ap-
préhension que nous affrontons ces séances solennelles. Les
sympathies elles-mêmes, dont votre présence est un témoi-
gnage, rendent en ce moment notre tâche plus difficile.
On ne nous a rien refusé : cette salle magnifique *, habituée
à retentir des voix les plus éloquentes, nous a été accordée ;
^ La grande salle du Palais de Justice.
Tome x de la troisième série. — juillet 1883 1
6 CONCOURS PHILOLOGIQUE
la science et la poésie ont accepté de siéger autour de cette
table, pour nous donner un public encouragement.
Nous avons des dettes envers tous : envers le Conseil géné-
ral de THérault et le Conseil municipal de Montpellier, dont
la libéralité ne se dément jamais; envers M. le Ministre de
l'Instruction publique, qui nous a cette année traités avec une
générosité dont jious ne saurions être trop reconnaissants.
Comment nous montrer dignes de toutes ces preuves de bien-
veillance? Comment répondre à cette attente si légitime qui
vous a portés à accepter notre invitation?
Le programme de cette séance est très-simple. Nous allons
décerner des prix à des travaux philologiques et à des œuvres
littéraires. Y a-t-il intérêt à le faire, et l'opinion ne saurait-
elle juger par elle-même? N'y a-t-il pas quelque prétention à
se constituer ainsi en aréopage? Quelle est, au fond, notre
pensée? Pour la plupart, vous la connaissez déjà; mais il est
bon parfois de s'entretenir des choses sur lesquelles on est
d'accord. Un examende conscience raffermit la foi, et, d'ail-
leurs, les occasions de confession publique sont assez rares
pour qu'il soit permis d'en profiter.
Nous étudions les langues romanes, c'est-à-dire les lan-
gues issues du latin, à tous les moments de leur développement,
le limousin et le provençal des troubadours, le normand et le
picard des trouvèr'es, le languedocien et le français de nos
contemporains. Le roumain des bords du Danube, le catalan
«
des bords de l'Ebre, le toscan des bords de l'Arno, nous pa-
raissent également dignes d'intérêt. La famille des langues
néo-latines est si nombreuse, si féconde, le domaine à défri-
cher si étendu, que nous trouvons constamment matière à
recherches nouvelles. L'unité de nos travaux consiste dans
l'unité de la méthode. Qu'il s'agisse de la publication de tex-
tes anciens ou de l'étude de dialectes actuellement parlés, de
l'histoire de la conjugaison française ou de la grammaire li-
mousine (un de nos savants confrères * me permettra de citer
ses œuvres désormais classiques), nous appliquons les procé-
désrigoureux de la philologie moderne. Nous essayons de con-
tribuer auprogrès d'une science dont le berceau fut en France,
' M. Camille Chabaneau .
ET LITTERAIRE 7
qui a grandi à rétranger, mais qui nous est enfin revenue,
et qu'il convient de fixer parmi nous.
Est-ce une illusion? Nous croyons que. la connaissance
précise des patois, pour les appeler de leur nom vulgaire, est
la clef de bien des questions difficiles ; or, cette connaissance
précise, ne sommes-nous pas dans les meilleures conditions
pour l'acquérir? Telle est la raison pour laquelle nous met-
tons au concours des questions portant sur l'étude grammati-
cale des dialectes méridionaux. La bonne volonté de nos amis
aidant, nous réunissons ainsi des monographies souvent très-
remarquables, matériaux dont peut-être d'autres que nous pro-
fiteront, mais dont l'utilité ne saurait guère être contestée.
Nous récompensons, il est vrai, des œuvres scientifiques de
valeur plus haute, de savantes éditions, des textes importants,
et parfois nos prix vont loin, bien loin au delà de nos fron-
tières, jusques en Portugal, honorer les travaux que leurs au-
teurs ont bien voulu nous soumettre.
Ainsi notre Société devient un point de ralliement vers le-
quel tendent des bonnes volontés éparses, qui sont éveillées,
soutenues par la confiance qu'elles seront ici appréciées et
encouragées. Ces Concours sont comme un symbole de notre
vie ordinaire. De même que notre Revue est ouverte à toutes
les communications intéressantes, et que dans nos comptes
rendus nous nous efforçons de rendre justice à tous les tra-
vailleurs sérieux, quelle que soit leur nationalité ou leur lan-
gue, de même par nos Concours nous nous efi'orçons de propa-
ger l'habitude de la recherche patiente et de la discussion
précise. Aux yeux de trop de gens, la philologie romane n'a
pas encore fait ses preuves. C'est un préjugé que nous tâ-
chons de dissiper, en la montrant à l'ouvrage, telle qu'elle
est, simple, nullement dédaigneuse, songeant uniquement à
donner la connaissance exacte de faits bien classés et bien
compris; nous estimons qu'elle acquerra ainsi dans l'opinion
la place très-honorable qui lui est due, car la philologie n'est
autre que la grammaire,
La grammaire qui sait régenter jusqu'aux rois
Et les fait, la main haute, obéir à ses lois .
Comme notre Revue, nos Concours font encore une place
8 CONCOURS PHILOLOGIQUE
aux œuvres littéraires, qu'elles appartiennent aux genres de
la prose ou de la poésie,. et nous nous adressons de préférence
aux auteurs languedociens. Les félibres sont nos amis, nos
collaborateurs. Nous en sommes fiers, Messieurs; car de mo-
destes érudits pourraient-ils rêver une rencontre plus heu-
reuse que celle d'avoir à côté d'eux cette phalange généreuse
en qui revit Tâme des troubadours, et dont l'inspiration pure
et noble nous donne une poésie populaire vraiment digne de
ce nom ? Mais nous prenons le mot de languedocien dans son
sens le plus large, et, si nos assises se tiennent à Montpellier,
près de la place de la Canourgue, nous y appelons en revan-
che tous les dialectes de cet idiome méridional qui est parlé
aussi bien en Catalogne qu'en Dauphiné, qu'en Provence, que
dans le Limousin. Et ce qui a rendu plus facile cette entente
avec nos poètes modernes, c'est qu'ils se préoccupent avec
un soin extrême de la pureté du langage. Ils ont l'amour et
le respect du doux parler de leurs pères ; et n'en est-ce pas
une preuve que cette patience courageuse avec laquelle le
plus illustre d'entre eux, — j'ai nommé Frédéric Mistral, —
rédige le dictionnaire des dialectes vivants du Midi, tâche im-
mense et délicate, que seul il est capable de mener à bonne
fin.
Tel est I0 programme que notre Société s'est appliquée à
remplir depuis son origine. Il nous a été dicté à la fois par le
sentiment des exigences de la science et par l'ambition de
faire profiter la philologie des ressources que nous ofirait un
milieu privilégié à tous égards. Nous continuerons dans la
même voie, espérant nous acquitter ainsi de la dette de re-
connaissance que nous avons contractée envers ceux qui s'in-
téressent à nos études. Nousresteronsphilologues, et nous res-
terons aussi les amis de vos poètes ; nous leur demanderons
de continuer une association qui nous a été si utile; nous pu-
blierons leurs vers charmants à côté de notre prose de gram-
mairiens, sans rien sacrifier de la rigueur technique de nos
recherches sur l'histoire des langues néo-latines. Je ne sais
quel poëte oriental a dit : a Je ne suis pas la rose, mais j'en ai
respiré le parfum. » Eh bien ! nous avons l'ambition de vouloir
que de la série déjà longue de nos publications, où la part de
la science a été faite si largement, il se dégage toujours un
arôme suave de poésie jeune et vivante.
ET LITTERAIRE 9
Permettez-moi de rassurer, en terminant, ceux qui laissent
percer quelque inquiétude au sujet de ce renouveau de litté-
rature méridionale. Notre vieille et glorieuse unité française
n'a jamais souffert de la diversité des dialectes provinciaux.
En certaines contrées Ton sait deux langues, mais Flamands
et Languedociens, Basques et Bas Bretons, sentent bien qu'ils
ne font qu'un peuple; ils aiment leur parler héréditaire, leurs
coutumes locales, mais chacun répéterait loyalement, et la
main sur le cœur, ces paroles d'un poëte provençal, de Félix
Gras, paroles qui auraient aussi un écho chez les compatriotes
de Ney et de Kléber :
J'aime mon village plus que ton village,
J'aime ma Provence plus que ta province,
J'aime la France plus que tout !
Messieurs,
C'est une Société en deuil qui vous^accueille aujourd'hui.
Noire excellent secrétaire, le bon, le savant, l'aimable Bou-
cherie, nous a été ravi. Quelques heures avant sa mort, il
épuisait le reste de ses forces à préparer cette séance.
Il avait été un des fondateurs de notre Société ; il lui a
donné, on peut le dire, les quatorze dernières années de sa
vie. La plupart de vous le connaissaient et l'aimaient. Son
souvenir sera toujours présent là où se réuniront les amis
d'études pour lesquelles il avait tant fait.
Cette année vraiment cruelle vient de frapper encore un de
nos confrères, qui, lui aussi, nous a donné sa collaboration, en
toute circonstance, avec une abnégation sans réserve: M.Ro-
que-Ferrier a perdu son père, il y a quelques jours, et ne peut
assistera nos fêtes. Vous savez l'intimité fraternelle qui règne
entre nous, et ne serez pas surpris de cette expression publi-
que de la part que nous prenons à la douleur d'un de ceux à
qui nous devons le plus.
Avant de céder ce siège à notre président d'honneur, j'ai à
communiquer à la réunion quelques lettres qui sont de nature
à l'intéresser.
' iiu'^ i, ■■"*^." "" "W
RAPPORT
SUR LE
CONCOURS DE PHILOLOGIE
Mesdames et Messieurs,
Montaigne, dans un passage célèbre, se moque agréable-
ment de ceux qui cherchent si le futur du verbe ]3â»w a dou-
ble X, ou qui cherchent la dérivation des comparatifs xeipov et
jSA-rtov, et des superlatifs yJipidTov et psXTfo-Tov. Ailleurs il pré-
fère hautement, avec le philosophe Zenon, ceux qui sont cu-
rieux d'apprendre les choses à ceux qui n'ont soin que du lan-
gage.
Le charmant auteur des Essais en parle bien à son aise. Cet
aimable causeur, éclairé par un bon sens superficiel, ne paraît
pas se douter que l'étude du langage, malgré les puérilités
dans lesquelles tombent souvent quelques-uns de ses adeptes,
est une science de choses et non pas seulement une curiosité
frivole. Et, néanmoins, l'écrivain si naturel qui souhaitait, ce
sont ces expressions, ne se servir que des mots qui servent
aux halles, à Paris, comprenait l'importance du langage po-
pulaire, car il en usait de préférence aux phrases nouvelles,
aux mots peu connus inventés, disait-il, « par une ambition
scolastique et puérile. »
C'est à l'histoire de ces idiomes populaires, source pure et
fécondante, où doivent se retremper sans cesse les langues
littéraires pour se rajeunir et se raviver, que s'est consacrée
la Société des langues romanes. Dès le début de son existence,
elle a pris pour objet de ses travaux et de ses recherches les
idiomes et les dialectes formés du latin, qui portent tous, comme
le sceau de leur origine commune, ce vieux nom, ce nom signi-
ficatif de langages romans.
Voilà pourquoi, à côté des concours de poésie et de prose,
plus agréables évidemment, mais moins productifs et moins
efficaces peijt-être, ejle a placé des concours de philologie.
CONCOURS PHILOLOGIQUE ET LITTERAIRE 11
A Tétude approfondie des idiomes romans, elle a voulu con-
vier non-seulement les érudits de métier, mais tout le monde.
C'est dans cette pensée que notre regrettable et si regretté
confrère, M. Boucherie, eut rheureuse inspiration de s'adresser
à ceux que leur naissance, leur profession et leur séjour ha-
bituel à la Champagne, mettent en contact plus intime avec le
peuple. La libéralité du Ministre dé l'Instruction publique a
permis de réaliser cette idée féconde, et la Société a pu fon-
der un Concours de philologie uniquement réservé aux insti-
tuteurs et aux institutrices, et leur proposer un prix de trois
cents francs pour la meilleure étude sur le patois d'une loca-
lité déterminée du midi de la France.
Que ce mot français de patois, — mis dans notre programme
à la place des termes plus savants et plus flatteurs de dia-
lectes et de sous-dialectes, — ne révolte pas les amateurs pas-
sionnés de nos vieux idiomes. Les études philologiques ont,
depuis plus de vingt ans, assez réhabilité ces langages locaux,
contemporains, dit Littré ^ du français proprement dit, pour
qu'ils n'aient pas à craindre de reprendre et de porter avec
honneur ce nom — mieux connu du peuple — que nos noms
scientifiques, souvent si peu compris. Il y eut un temps où les
habitants de la Savoie rougissaient du vieux nom de leurs pè-
res et voulaient s'appeler Savoisiens. Ils sont bien revenus de
cette délicatesse et revendiquent aujourd'hui, nous en avons
eu naguère la preuve à Paris, le nom de Savoyards, — c'est-
à-dire le nom consacré par les siècles, le nom national.
L'appel fait aux instituteurs a été entendu, et, malgré le
peu de temps laissé à leur disposition par la date rapprochée
du Concours, de l'Océan aux Alpes, ils nous ont envoyé de
nombreux travaux.
Malheureusement, et cela n'a rien qui nous 'étonne, car la
science philologique est en voie de formation, et ses méthodes
et ses procédés ne sont pas encore vulgarisés ; on n a pas tout
à fait compris partout le sens de notre programme. Nous de-
mandions une étude sur un patois, accompagnée de textes qui
lui auraient servi de pièces justificatives ; on a réuni les tex-
tes, mais l'on a généralement oublié de faire l'étude,
' Littré, Histoire de la langue française, II, 94,
)2 CONCOURS PHILOLOGIQUE
Des collections,— plus ou moins riches, plus ou moins bien
faites, — de chansons, de contes, de proverbes, de devinettes,
de comparaisons populaires et de verbes, voilà tout ce que
nous avons reçu.
Encore même, dans ces recueils, n'a-t-onpas toujours tenu
compte de nos intentions. Nous voulions des textes, c'est-à-
dire des récits, des traditions, des anecdotes, recueillis de la
bouche des anciens ; — parfois il est arrivé qu'on nous a donné
des compositions toutes modernes, traduites le plus souvent
du français. Quelquefois même on a mêlé aux vieux dictons,
aux contes légendaires, des discours, des lazzi, des chansons,
inspirés par la politique ou la controverse contemporaines.
Or la politique et la controverse ont leur raison d'être ; mais
la philologie leur est étrangère; elle ne les connaît et ne s'en
occupe que lorsqu'elles sont passées à l'état de souvenirs et
sont devenues de l'histoire.
Malgré ces lacunes et ces défauts, un certain nombre des
travaux qui nous ont été envoyés méritent cependant une men-
tion élogieuse. Ils ont, au nioins, le grand avantage, au mo-
ment où le français, avec la civilisation et la centralisation,
ses auxiliaires ou ses complices, pénètre et dénature de plus
en plus les langages locaux, de recueillir d'une manière plus ou
moins heureuse ce qui reste encore d'original dans ces vieux
idiomes.
Mentionnons donc honorablement, en suivant Tordre géo-
graphique,
MM. Bazinet, instituteur public, àChampsevinel (Dordogne);
Jean-Anselme Gallon, instituteur, à Osse (Basses-Pyrénées);
Péchon, instituteur en retraite, à Limoux (Aude);
A. Vidal, instituteur, àFraisse (Hérault^;
^ Le manuscrit de M. Vidal De constitue pas, à proprement parler, l'étude
qui avait été demandée aux instituteurs, mais il contient un recueil, à la fois
très-ample et très-curieux, d'énigmes, de comparaisons, de proverbes, de can-
tiques et de contes populaires recueillis sur le plateau de l'Espinouse.
L'idiome de ces textes offre de nombreux exemples de la substitution, assez
rare dans le département de l'Hérault, de IV à VI: mouri, car, mer, fer, pourit,
pour moulï (moulin), cal (il femi), mel (miel), fel (fiel), poM/i7 (joli). Signalons,
au courant de la plume, une inexactitude de traduction : despendre, dans le
proverbe Amie à bendre e à despendre, signifie dépenser et non dépendre.
ET LITTERAIRE 13
Ricard, instituteur en retraite, à Saint-Cannat(Bouches-du-
Rhône);
Jude Lèbre, instituteur en congé, àSaint-Cannat (Bouches-
du-Rhône);
Montagard, instituteur public, à Gadagne (Vaucluse);
Enfin, car les dames ont tenu à honneur de répondre à no-
tre appel,
^ine Pascal, institutrice, à Lépihe (Hautes-Alpes)'.
Notre concours n'a pas seulement abouti à ces collections
d'une utilité incontestable ; il a produit aussi des travaux di-
gnes d^être couronnés. L'un vient de M. Louis Funel, insti-
tuteur adjoint, à Cannes ; l'autre est l'œuvre de M. Silhol, in-
stituteur, ^.u Crès (Hérault).
M. Funel intitule modestement son étude :« Quelques mots
dé grammaire sur les principaux dialectes parlés dans les
Alpes-Maritimes, et surtout sur le dialecte de Sou. »
Il détermine d'abord, en accompagnant cette détermination
d'une carte manuscrite, la géographie dialectale des Alpes Ma-
ritimes. Il examine ensuite les caractères du dialecte de *9ow,
que l'on parle à Boujon*, son village natal; en ébauche à
grands traits la grammaire ; signale les diflPérences qui le dis-
tinguent des autres dialectes voisins ; ajoute un vocabulaire
des mots particuliers à cet idiome local, et termine par un
recueil bien choisi de textes, de chansons, de devinettes et de
proverbes.
M. Funel n'a guère fait qu'esquisser rapidement la gram-
maire du patois de Sou. Toutes ses opinions ne sont pas in-
contestables ; mais il connaît bien son sujet, a des dispositions
philologiques très-prononcées, est déjà familier avec les mé-
thodes scientifiques et procède avec suite. Son mémoire, très-
recommandable par ce qu'il contient déjà et ce qu'il donne
On disait encore, au milieu du XVII siècle, en français :«Je suis à vous, à ven-
dre et à despendre . »
' En accordant ces mentions honorables, la Société entend récompenser
l'effort et le travail, mais non pas accepter la responsabilité des défauts qui
déparent les œuvres qu'elle a cru pouvoir mentionner.
2 Bouyon, canton de Coursegoules, arrondissement de Grasse (Alpes-
Maritimes) .
14 GO^COURS PHILOLOGIQUE
droit d'attendre^ inaugure dignement notre premier Concours
d'instituteurs.
Si le travail de M. Funel semble un peu trop sobre, on ne
saurait adresser le même reproche à la monographie consa-
crée par M. Silhol au patois de Péret\ dans l'arrondissement
de Béziers. L'auteur se représente lui-même par un dessin
à la plume, — car il est calligraphe aussi bien que philolo-
gue, — sous les traits d'un homme du moyen âge, occupé à
écrire sur un bureau ; et il adopte pour devise ce vers de Vol-
taire :a II compilait, compilait, compilait. » M. Silhol a raison
de se peindre ainsi : il regarde, il écoute et il écrit, ramas-
sant avec une pieuse fidélité tout ce qui peut faire connaître
son cher patois et la localité dont ce patois est l'organe. Il
s'occupe d'abord de la prononciation ; puis il trace une carte
pour indiquer la ligne de démarcation entre la langue d'A, que
Ton parle à Péret, et la langue d'0,en usage à Béziers. Vien-
nent après les verbes, suivis d'un recueil abondant de com-
paraisons et de proverbes ; puis ce qu'il appelle l'esprit de
Péret, accompagné de chants, de rondes, de jeux d'enfants,
de contes, de soumetas ; et, au milieu de tout cela, la rose des
vents et les surnoms des cinq doigts de la main. Les noms
propres des choses rustiques, des instruments, des arbres, des
insectes ; quelques notes sur les usages ; enfin des épisodes
d'histoire locale, racontés par le vieux François, terminent cet
ample recueil.
Assurément on pourrait demander à M. Silhol plus de mé-
thode : il écrit au fil de ses souvenirs, et cherche plutôt à tout
dire qu'à dire avec suite. Mais, à tout prendre, son travail
répond aux conditions du Concours, et cette gerbe mal liée,
mais si fournie de documents recueillis sur place, a bien sa
valeur et son charme. Aussi la Société a-t-elle décidé de par-
tager son prix de trois cents francs entre ce travail si abon-
dant et si riche, et l'étude plus sobre et plus scientifique de
M. Funel.
Ces deux mémoires, — placés ex mquo, malgré leurs qualités
et leurs défauts contraires, — montrent ce que l'on peut espérer
de nos instituteurs et de nos institutrices, et quel secours la
• Péret, canton de iMontagnac,
ET LITTERAIRE 15
philolog^ie romane peut attendre d'auxiliaires placés comme
eux à la source même des informations.
A côté du prix réservé spécialement aux maîtres de ren-
seignement primaire, nous en avions proposé deux autres, et
nous n'avons eu pour les décerner que l'embarras du choix.
Un de ces prix était destiné au meilleur travail de philo-
logie romane qui aurait pour base des textes antérieurs au
XV* siècle et appartenant, soit à la langue d'oc, soit à la
langue d'oil.
Quatre mémoires, dont deux imprimés, nous ont été pré-
sentés : deux seulement rentraient dans les conditions du pro-
gramme. De ces deux-là, le meilleur sans contredit est l'œuvre
do M.Canello, professeur à l'Université de Padoue. Il est
écrit en italien et imprimée, et a pour sujet la vie et les œuvres
d'Arnaut Daniel,
Ce troubadour célèbre, né àRibéracen Périgord, florissait
à la fin du XII^ siècle. Contemporain de Richard Cœur-de-
Lion et de Philippe-Auguste, il était l'ami de Bertrand de
Born et du même pays qu'Arnaut de Mareuil. Dante et Pé-
trarque, en lui assignant le premier rang parmi les poëtes
provençaux qui ont chanté l'amour, l'ont immortalisé par ce
glorieux témoignage.
A ce troubadour, dont les deux créateurs de la poésie ita-
lienne ont fait surtout la réputation, il manquait une édition
digne de sa grande renommée: c'est un compatriote de ces
deux grands poëtes qui s'est chargé de l'établir.
La tâche était malaisée, car Arnaut Daniel est singulière-
ment obscur, a Vouloir, dit M. Canello dans sa préface, rendre
clair pour le XIX« siècle un auteur que ses contemporains
proclamaient inintelligible, il y a sept siècles, semble une en-
treprise, non-seulement téméraire, mais tout à fait vaine. »
Mais les choses difficiles ont par cela même un attrait parti-
culier pour certains esprits. M. Canello est de ceux-là; il s'est
mis résolument à l'œuvre, et le succès a couronné ses vail-
lants eôbrts.
Son travail est, en effet, aussi complet que possible. Dans
une introduction savante, il aborde toutes les questions qui se
rattachent à la vie, aux œuvres et à la réputation de Daniel.
On ne saurait dire qu'il parvienne à dissiper tous les nuages
13 CONCOURS PHILOLOGIQUE
mais il montre partout, avec beaucoup de goût littéraire et de
pénétration, une érudition solide et une grande sûreté de cri-
tique.
Après ces préliminaires, il fallait établir le texte. M. Ca-
nello y arrive par une comparaison minutieuse de tous les
manuscrits ; puis, le texte étant constitué, il réunit et pré-
sente toutes les variantes dans des tableaux synoptiques dont
il faut louer la claire ordonnance et la commodité.
L'éditeur de Daniel ne veut pas se séparer de son auteur
sans essayer de le traduire. C'était presque tenter l'impossible,
car Daniel est un de ces poètes qui se jouent avec les diffi-
cultés et mettent leur gloire à s'entourer de savantes ténè-
bres. Il faut savoir gré à M. Canello d'avoir poussé jusqu'au
bout la lutte héroïque engagée avec ce rude jouteur. Sa tra-
duction sera d'un grand secours pour l'intelligence de ce poète'
obscur à dessein.
Un ample et savant commentaire termine dignement cet
important travail. Aucune des difficultés que soulève le texte
des chansons n'y est éludée, et, si le patient commentateur ne
réussit pas toujours à les résoudre, il a du moins Toccasion de
faire briller une érudition littéraire et philologique peu com-
mune.
La Société décerne àM. Canello un prix de cinq cents francs*.
Avec l'ouvrage de cet éminent professeur, elle a reçu un
manuscrit français ayant pour titre la Passion de sainte Ca-
therine, i^oëme du XIII® siècle en dialecte poitevin, par Aumé-
ric/ moine de Saint-Michel. L'auteur de ce travail est M. Tal-
bert, professeur au Prytanée de la Flèche.
Cette édition projetée du poëme poitevin de Sainte Cathe-
rine se compose d'une introduction, du texte, de notes pour
l'éclaircissement de ce texte, enfin d'une étude sur la phoné-
tique et la morphologie.
L'introduction se borne à la description du manuscrit et à
Tindication des ouvrages consultés par l'auteur. Malheureuse-
' M. Canello ne pourra recevoir ce prix ; il vient de périr déplorablemeot
par un accident de voiture. Une année qui voit disparaître presque en même
temps Boucherie et Canello est pour la philologie romane une aunêe bien mal-
heureuse.
£T LITTERAIRE 17
ment cette liste est loin de tout comprendre, et la savante
étude de M. Boucherie sur le Dialecte poitevin au XII I'^ siècle
est presque la seule dont M. Talbert ait eu connaissance. Il y
a trouvé une traduction poitevine des Sermons de Maurice de
SuUj; mais beaucoup d'autres textes poitevins ont été mis au
jour, et il aurait été utile de les étudier et de les comparer.
Le poëme de la Passion de sainte Catherine, , qui comprend
2664 vers de huit syllabes, vient ensuite ; la transcription
paraît fidèle et faite avec soin. Mais Téditeur n'aurait-il pas
été mieux inspiré s'il avait placé ses corrections, — dont plu-
sieurs sont fort contestables,— dans les notes, au lieu de les
introduire, comme il le fait, dans le texte, en rejetant en note
la leçon. du manuscrit?
a
Après un commentaire où l'éditeur justifie ses corrections
et cherche à éclaircir les passages difficiles, il étudie conscien-
cieusement la phonétique et la morphologie de son texte. Ce
travail donne en plus d'un endroit prise à la critique ; mais il
est très-recommandable, ainsi que le glossaire des formes ver-
bales mis à la fin du mémoire.
La Société a jugé l'ouvrage de M. Talbert digne d'une men-
tion très-honorable.
Quant au volume imprimé de M. Conâtans, qui a pour objet
0
le livre de l'Epervier, cartuiaire de la commune de Millau,
dans l'Aveyron, elle regrette qu'il soit en dehors des condi-
tions du Concours. C'est un document intéressant à la fois les
historiens et les philologues: aux uns, il offre de curieux ren-
seignements sur l'administration et le commerce d'une petite
ville au moyen âge ; il met sous les yeux des autres un spéci-
men du langage parlé dans la plus grande partie du Rouergue;
mais, en s'abstenant de joindre à son travail une étude sur
ce dialecte, M. Constans n'est pas rentré dans les termes de
notre programme.
Le troisième prix de la Société était destiné à récompenser
le meilleur travail philologique ayant pour objet un idiome
populaire néo-latin.
Trois mémoires ont attiré particulièrement l'attention de
la Société. L'un a pour auteur M. Leite de Vasconcellos, étu-
diant à l'Ecole de médecine de Porto, et pour sujet le dialecte
de Miranda deDouro,dans la province portugaise de Tras-os-
18 CONCOURS PHILOLOGIQUE
Montes. L'ouvragé est imprimé et rédigé en portugais. Dans
cette monographie très-méthodique, M. Vasconcellos donne
d'abord un rapide aperçu sur les dialectes de la langue portu-
gaise, puis il s'occupe spécialement de Fidiome parlé dans les
environs de Miranda. Il en étudie ïa phonétique et la mor-
phologie, les compare à celles d'autres dialectes hispaniques,
tels que le gaUicien, le léonais, Tasturien, Tandaloux et le ca-
talan ; constate ensuite que la sjntaxe de Miranda ne diffère
pas essentiellement de la syntaxe portugaise, et termine par
une collection de devinettes et de contes populaires, accom-
pagnée d'un court lexique comparatif.
Ce travail un peu succinct est très-bien fait. L'auteur est au
courant de la science, il connaît les bonnes méthodes et les
applique. Si M. Adolphe Coelho, comme le dit M. Vasconcel-
los est l'introducteur de la science du langage en Portugal, il
a tout lieu d'être fier de son œuvre et de son élève.
Le mémoire de M. J.-P. Durand de Gros, qui a pour ob-
jet le dialecte rouergat, n'a pas le plan sévère de la mono-
graphie sur le dialecte de Miranda ; mais, disons-le vite, il n'en
avait pas besoin. L'auteur n'essaye pas encore de synthèse ; il
étudie et constate des phénomènes linguistiques, et cherche à
les expliquer. Aussi bien se contente-t-il de donner à ses re-
cherches ce titre sans prétention: Notes de philologie 7'ouergate.
Des observations pleines de sagacité sur l'étymologie du mot
caù*j au sens de pierre, sur l'existence de doublets provenant,
soit d'une différence dans l'accentuation tonique, soit de la
concurrence de formes contractées et de formes non con-
tractées ; enfin une étude fort originale et très-intéressante
pour un linguiste, sur les noms d'arbres et d'agglomérations
d'arbres de même essence, composent l'ensemble de ce ma-
nuscrit. Ajoutons que ce mémoire continue des travaux an-
térieurs déjà publiés dans notre Bévue.
De ces études, et particulièrement de celle qui concerne les
doublets, M. Durand de Gros tire une hypothèse fort ingé-
nieuse. A son compte, il y eut dans le Rouergue, au temps des
Romains, deux langues latines, ou plutôt deux parlers latins
distincts: l'un, correct et classique, à l'usage de l'aristocratie;
l'autre, irrégulier et barbare, qui servait au peuple, aux sol-
dats, aux paysans. La théorie stMluit par son extrême sim-
ET LITTÉRAIRE 19
plicité ; cepandant si, comme on pourrait le soutenir, les dou-
blets de M. Durand ne sont que des variétés dialectales, la
conclusion serait-elle encore vraie ? Mais qu'on les accepte ou
qu'on les repousse, les idées du savant rouergat sont neuves,
originales, et s'appuient constamment sur des faits certains.
Leur auteur est un philologue instruit, sagace, rompu aux
bonnes méthodes. Il observe, il examine, il cherche et ne vou-
drait rien laisser d'inexpliqué. Peut-être, en continuant cette
enquête, reviendra-t-il lui-même de quelques-unes de ses con-
clusions; mais ce qu'il n'aura jamais à rétracter, ce sont les
résultats acquis par cette investigation patiente, alerte, qui re-
cueille des faits, les classe, les éclaircit les uns par les autres,
et voit seulement dans l'hypothèse une étape sur le chemia de
la vérité.
En comparant ce travail si estimable avec celui de M. de
Vasconcellos, la Société était assez embarrassée pour choisir;
mais la générosité du Conseil municipal de Montpellier, qui
vient d'instituer un prix de trois cents francs pour un mémoire
provenant d'un savant étranger, la met à Taise. Elle décerne
le prix du Conseil à la monographie portugaise, et donne à
M. Durand l'objet d'art annoncé par son programme.
M. Guichard, professeur à l'Ecole normale primaire d'Avi-
gnon, avait aussi présenté une grammaire du patois de Mens,
en Dauphiné ^ L'auteur y fait preuve d'intelligence et d'apti-
tude linguistique; il connaît bien le dialecte qu'il étudie, mais
il n'a pas encore la sûreté de [méthode de M. de Vasconcellos
et l'érudition sagace et pénétrante de M. Durand.
La Société lui accorde une mention très-honorable.
Enfin, Messieurs, il nous est arrivé du fond de la Turquie
d'Asie l'avant-propos et les premières pages d'un dictionnaire
de langue française et de langue d'oc, où les mots de cette
dernière sont classés d'après les dialectes qui paraissent à
l'auteur les trois principaux dialectes: à savoir, le provençal,
le languedocien et le gascon. Nous devons ce travail si consi-
dérable à M. Piat, gérant du consulat français de Bassorah.
Une œuvre d'aussi longue haleine, poursuivie sur les bords du
Chatt-el-Arab, méritait assurément une récompense. Par mal-
* Mens, chef-lieu de canton de l'Isère, arrondissement de Grenoble.
20 CONCOURS PHILOLOGIQUE
heur, elle ne rentrait pas dans le cadre de notre programme ;
mais, le concours de prose ayant laissé libre une médaille de
vermeil, nous nous sommes empressés d'en disposer en faveur
de M. Lucien Piat.
Vous le voyez, Messieurs, notre quatrième Concours phi-
lologique a produit d'heureux résultats. Sans compter une
œuvre qui nous était promise et que Fauteur n'a pas jugée assez
achevée pour nous l'envoyer, nous avons eu à récompenser des
productions distinguées; et les travaux que nous mention-
nons, ceux mêmes que nous passons sous silence, accusent un
progrès continu dans les études de philologie romane. On les
aime de plus en plus, on s'y attache, et ce culte qui s'augmente
sans cesse ne peut manquer de donner naissance à des œuvres
sérieuses. Les encouragements, du reste, partent de haut. A
l'exemple de Dante, les grands poètes se font linguistes ; et
l'auteur deMtrèio, qui nous promet pour cet hiver un nouveau
poème, n'a pas craint de refroidir son inspiration en compo-
sant un dictionnaire provençal.
Notre modeste Société des langues romanes a quelque droit
aussi à ne point se croire étrangère à ce grand mouvement;
et, si le développement de la philologie néo-latine devient une
des gloires de notre siècle, ellepeut sans vanité réclamer une
part de cette gloire. Pourquoi faut-il qu'à ce sentiment de lé-
I2:itime satisfaction viennent se mêler de si amers regrets?
Celui qui a donné à la Société une impulsion si forte vers les
travaux philologiques ; — celui qui, jusqu'aux derniers jours
de sa laborieuse et vaillante existence, a préparé notre Con-
cours, — nous manque au dernier moment pour en constater
le succès. Anatole Boucherie a été le premier à la peine; il
n'est pas, hélas ! à l'honneur.
Mais, s'il n'y est pas de sa personne, il y est encore par son
vivant souvenir. Et, si la Société pour l'étude des langues ro-
manes continue comme par le passé à propager l'amour et
le culte de la philologie, n'aura -t-elle pas rendu à ce cher con-
frère un hommage digne de lui?
Ch. Revili.out.
RAPPORT
SUR LE CONCOURS DE PROSE
Mesdames, Messieurs,
La vue de cette belle salle, dans laquelle nous devons de te-
nir aujourd'hui, grâce à M. le Premier Président de la Cour
d'appel de Montpellier, nos assises littéraires, me rappelle in-
volontairement certains souvenirs de ma profession.
C'est ici que souvent il m'est arrivé de solliciter pour un
accusé le bénéfice des circonstances atténuantes.
Aujourd'hui, c'est pour mon propre compte que je compa-
rais en votre présence et sous des charges bien graves : j'ai à
répondre du Concours de prose.
Lorsque la Société pour Tétude des langues romanes vou-
lut bien me choisir comme rapporteur de ce Concours, je ne
m'attendais ni à parler devant l'auditoire d'élite qui m'entoure,
ni après des maîtres en l'art de bien dire comme ceux que
vous venez d'entendre. Mon ignorance des dangers que je de-
vais affronter sera, je l'espère, la meilleure des circonstances
atténuantes.
Avant d'entrer dans Texamen particulier de chacune des
œuvres qui ont été soumises à la Commission, qu'il me soit
permis d'être l'interprète des regrets de la Société tout en-
tière, pour le nombre restreint de travaux en prose qui lui ont
été transmis.
Sans doute. Messieurs, la poésie doit tenter les natures ar-
dentes, celles-là surtout qui ont l'heureux privilège de s'éclai-
rer aux chaudes clartés du soleil de la Provence ; ce soleil,
(Us-je, qui est devenu l'emblème même du Félibrige.
Sans dcttte la poésie, dans les idiomes riches et flexibles
de ce pays, dans ceux de la Catalogne, de la Gascogne et du
Limousin, revêt une saveur particulière, mais elle demande
aussi à être maniée de main de maître, aujourd'hui surtout
2
it CONCOURS PHILOLOGIQUES
que Ton a de si nombreux termes de comparaison, dans les
œuvres désormais classiques des poètes provençaux, langue-
dociens, catalans, roumains même, en supposant que vous au-
torisiez cetter incursion sur un territoire placé en dehors du
cercle habituel de nos recherches.
Vous vous attendez peut-être à m'entendre citer des noms;
ce serait trop long et trop dangereux à la fois; car, si je par-
lais de Mistral, de Roumanille, d'Aubanel, deTavan et de Milâ
j Fontanals, je courrais risque de décourager des vocations
naissantes, telle ou telle bonne volonté qui hésite peut-être
à s'affirmer. Faudrait-il omettre encore cette gracieuse Car-
men Sylva, qui, sur le trône où la destinée Ta placée, a su
conquérir une autre couronne, celle de la poésie?
. Entre leurs mains, entre celles des poètes que nous comp-
tons parmi nous, la poésie ne doit rien craindre, elle restera la
fille des dieux. Elle fera toujours reconnaître sa noble origine :
.Vera incessu patuit dea.
Mais est-ce à dire que tous ceux qui connaissent et manient
la langue du midi de la France doivent escalader le Pinde ou
boire à la fontaine d'Hippocrène, s'il est permis d'employer
les formules poétiques des XVIP et XVIIP siècles. On naît
poëte, on ne le devient pas, et il y a longtemps que Boileau
nous a dit :
C^est en vain qu*au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l'art des vers atteindre la hauteur.
Seront-ils donc obligés de garder le silence, ceux qui ne
pourront entrer dans la lice et prétendre à la palme du poëte?
Rien ne serait plus injuste, et j'ajouterai plus malheureux,
car
La nature, fertile en esprits excellents,
Sait entre les auteurs partager les talents.
Que de choses charmantes, intéressantes, utiles, ne trouve-
t-on pas dans les écrits en prose des dialectes du Midi, soit
que l'auteur adopte pour sujet de son ouvrage une histoire
locale ou une tradition ; soit qu'il fasse œuvre de pure imagi-
nation en écrivant un roman, un conte, une comédie ; soit
ET LITTERAIRE 23
enfin qu'il emprunte à des langues étrangères Tobjet de son
ti'avail et nous le rende ainsi plus facilement accessible?
Toutes ces œuvres en prose ont l'avantage de nous initier
de plus en plus à la connaissance et aux charmes du dialecte
qu'emploie Técrivain.
Au point de vue philologique, nous y puisons de précieux
renseignements, car le langage en prose est celui de la vie
usuelle, celui qui nous est le plus naturel. Ainsi que M. Jour-
dain, nous faisons tous de la prose sans le savoir.
Restituons-lui donc la place d'honneur qui lui convient,
d'abord comme ancêtre de la poésie, et ensuite comme char-
gée, plus qu'elle, de la garde exacte des traditions d'une lan-
gue.
C'est donc, comme nous le disions en commençant, avec un
vrai regret que nous constatons le petit nombre de pièces de
prose envoyées au concours de cette année, et ce regret serait
plus grand si la qualité de quelques-unes de ces pièces n'était
faite pour dédommager de leur rareté . Vous allez en juger
tout à l'heure.
Ajoutons également avec peine que les prosateurs langue-
dociens se sont montrés, — disons le mot, malgré la solennité
de cette salle, nous sommes en famille, — se sont montrés bien
paresseux.
Dans la métropole scientifique du Languedoc, dans ce pays
qui compte à la tête de ses lettrés Gabriel Azaïs, nous n'aurons
à couronner, sauf un concurrent, que des étrangers. Quand je
dis étrangers, c'est une façon de parler, car c'est précisément
l'honneur de la Société d'accueillir également tous les idiomes
qui dérivent du vieil idiome latin.
Nous n'y avons jamais failli, et chacun de nous pourrait
prendre pour devise, en la modifiant nn peu, cette phrase d'une
comédie deTérence:
Romanus sum, et nihil romani a me alienum puto.
La Société a essayé de reconstituer nos anciennes provinces
au point de vue linguistique.
L'opinion publique, d'abord émue à tort, a ratifié depuis le
choix de ces études*
Nous espérons donc que, si la France, au point de vue de
24 CONCOURS PHILOLOGIQUE
ses intérêts matériels, tend tous les jours à s'unifier davan-
tage pour le plus grand profit de sa force et de sa prospérité,
du moins au point de rue littéraire il n'en sera pas de même.
Nous ne serons point dépossédés de nos dialectes particuliers,
et forcés de dire, comme le Mélibécide Virgile :
Nos patrise fines et dulcia linquimus arva,
Nos patriam fugimus.
Nous conserverons donc, dans chacune de nos provinces,
notre vieux langage, cet écho des temps passés, ce charme du
foyer et des campagnes maternelles, ce recueil des traditions
locales les plus intéressantes.
Et voilà pourquoi il ne nous est pas défendu de plaider la
cause du languedocien, qui ne devait pas rester à l'écart.
N'est-ce pas vous, Monsieur Camille Laforgue, qui avez dit
dans la félibrée tenue au château de Méric : « Une langue qui
)) nous a «donné un nombre sans égal de poëmes et de poésies
» incomparables, un idiome qui nous fait connaître les cou -
)) tûmes et les usages de nos pères depuis tout à Theure plus
» de mille ans, méritera toujours l'attention des érudits? »
Mais, pour que la langue méridionale conserve sa vraie va-
leur, il faut qu'elle reste pure, qu'elle ne fasse pas au français
des emprunts illégitimes, qu'elle n'admette pas de néologismes
compromettants ou hasardés.
Nos dialectes sont assez riches pour qu'on y trouve les
équivalents nécessaires à exprimer une idée, si le mot propre
manque. Bien plus, de l'absence de terme propre, il faut con-
clure que certaines idées ne rentrent pas dans le génie d'une
langue.
Nous signalons en passant cette tendance, à laquelle quel-
ques auteurs sacrifient parfois d'une façon malheureuse. Nous
en avons des exemples dans le concours de cette année, et
nous ne saurions trop insister sur ce point.
C'est dçjà bien assez qtte le français ait été envaJbJ; surtout
depuis quelques années, par une foule de mots étrangers. On
nous dit que le progrès de la science l'exige, qu'il faut une
langue qui réponde à toutes les classifications du savoir con-
temporain. Passons condamnation. Le français, ce fils aîné du
latin, est aujourd'hui majeur: il est juste qu'il puisse s'éman-
ciper, quand la nécessité l'exige.
ET LITTBRAIRB 25
Mais ce qu'il n'est pas possible d'admettre, c'est que peu à
peu on remplace des expressions claires et élégantes par des
mots empruntés à des langues étrangères, et qui sont syno-
nymes la plupart du temps.
C'est là qu'est le danger, et il existe aussi bien pour le fran-
çais que pour les dialectes du Midi. Notre goûter, ce vieux
mot si français, est devenu le lunch^ le luncheon, le fiveo'clock
tea.
Ce que Labruyêre appelait la cour et la ville, ce que depuis
on appelait le monde, est devenu le ktgh Itfe.
Quant aux termes de chasses ou de courses, le savant Jac-
ques du Fouilloux ne s'y reconnaîtrait plus.
On vous dira: à des besoins nouveaux il faut des mots sem-
blables. Ce n'est pas exact pour la plupart des choses. Il faut
avoir le courage de le dire. C'est une autre tendance, et elle
est bien autrement grave, car elle indique un abaissement in-
tellectuel contre lequel il est nécessaire de réagir, car elle s'ap-
pelle positivisme en philosophie, naturalisme en littérature,
réalisme en peinture, argot en philologie. C'est toujours le
même désir d'enlever Tidéal à l'âme humaine, de rabaisser ce
qui est grand, de gâter ce qui est bon, d'altérer ce qui est beau.
Lassés par ces dégénérescences trop fréquentes de la lan-
gue française, est-il étonnant que l'on aime à retourner à ces
idiomes simples, doux à l'oreille, harmonieux, et qui ne lais-
sent pas encore pénétrer chez eux l'étranger ?
Mais que leurs auteurs y prennent garde; qu'ils ne sortent
ni de leur dialecte, ni de leurs attributions. EJles sont d'ail-
leurs assez vastes pour contenter les plus difficiles, et, n'en
déplaise à ses détracteurs, la langue du Midi peut chanter
autre chose que Phyllie, les bergers et les bois.
Il faut cependant reconnaître que c'est dans ce genre qu'elle
excelle.
Je n'en veux pour preuve que l'églogue pastorale intitulée
li Masajan, l'ouvrage classé le premier par la Commission du
Concours de prose. Vous allez voir comme, sur un sujet bien
simple, on peut broder de délicieux ornements. Qu'y a-t-il
donc dans ce récit pour tant nous plaire? M. Louis ^«'unel,
l'auteur trop modeste, ne vous le dira pas[; mais je vais tâcher
de répondre pour lui.
26 CONCOURS PHILOLO0IQUE
Li Masajan sont les habitans des mas, des maisons de cam-
pagne ; le Masajan est le propriétaire campagnard. La scène
est placée dans les Alpes-Maritimes. La vie des Masajan ne
nous est pas racontée d'une façon froide et savante. Non.
Les détails de leurs mœurs, les descriptions locales, coulent
de source et prennent si naturellement place dans le cadre de
rhistoire, qu'il deyient difficile de faire des extraits. Essayons
cependant de vous donner une idée de cette œuvre.
Georges, celui qui raconte remploi de ses vacances après
avoir terminé ses modestes études, est un jeune garçon de
dix-huit ans, tout fier du premier fusil de chasse que vient
de lui acheter son père. Il ne rêve que carnage, mais il n'est
pas heureux dans ses premiers débuts. Le lièvre tant rêvé,
après lequel il a tant soupiré, paraît enfin. Ému, notre héros
fait feu, et deux superbes ratés se font seuls entendre.
Chasseurs, mes frères, que celui d'entre nous à qui n'est
pas arrivé pareil accident lui jette la première pierre I
De désespoir, Georges brise son fusil. Peut-être est-il heu-
reux que ce Nemrod novice ait été un maladroit, car son
malheur éveille en lui le goût de la pêche, genre d'exercice
dans lequel il espère être plus habile. Le lecteur y gagne de
quitter promptement des sentiers un peu battus et de péné-
trer dans un coin moins exploré que les récits de chasse.
Armé d'une bonne ligne du Levant, que son oncle Joseph lui
avait apportée de Toulon, le jeune homme part pour aller pas-
ser quelques jours chez sa tante Catherine, à quelques lieues
du village : « Barcelère à la porto, e, sus lou cop, tanto Cata-
rino siguè aqui. Ero toujour la mémo bono fremo que cou-
nouiciéu^un pauvielhido belèu, em' uno regode mai au front,
vestido d'un coutihoun de demito blanc, raia de blu, et d'un
caraco d'indiano. Tant lèu m'aguè vist, me prenguè la tèsto
e m'embrasse sus li dos gauto e sus la bouco, à la modo de
nôsti mountagno. — Ah vai, asseto-te ; as fam ? Vos manja
qnaucarrèn. Te vau mousé un toupin delah? Que? — Es
pas de refus, tantôt » — On se rend à Tétable. Moureto, la
vache, attachée à la crèche par une chaîne de fer, tourne sa
•
' La langue et Torthographe de M. Funel diffèrent sur quelques points de
celle des félibres d'Avignon.
BT LITTÉRA.IRB 27
grosse tête cornue pour lécher la tante Catherine, qui, assise
sur Tescabeau, presse à pleines mains des pis gonflés de lait
écumant, et Georges se lèche les lèvres, rien qu'à contempler
cette bonne mousse qui monte, monte, monte.
La tante le voit planté devant elle et ne peut s'empêcher de
le traiter de marrt't groumandoun.
Plus tard, Georges veut aller rejoindre son camarade Loui-
set, un garçon un peu plus âgé que lui, pour Taider à arroser
les haricots, et il passe devant un vieux moulin, dont le meu-
nier, qui Favait vu enfant, a peine aie reconnaître. La descrip-
tion de ce site est des plus gracieuses, et le style atteint une
justesse et un ton vraiment poétiques.
Ne vous est-il pas arrivé, à la lecture d'une description
bien faite, d'éprouver comme une sensation de plein air? Le
Poussin, Claude Lorrain, ces merveilleux paysagistes, et, de
.nos jours, Courbet et Corot ne réussissent pas mieux avec
leurs pinceaux à procurer cette impression que certains écri-
vains avec leur plume.
Alphonse Daudet, dans ses Lettres d'un Absent, a parfois des
pages qui produisent l'effet de la réalité.
C'est le sentiment que nous avons éprouvé à la lecture des
Masajan, œuvre facile, attrayante, pleine de saveur et de vie,
dans laquelle l'auteur a su éviter la monotonie, malgré la dif-
ficulté d'un récit qui ne contient aucun incident remarquable»
et qui n'est qu'une suite de tableaux familiers.
Depuis Théocrite, Virgile ou Florian, une idylle ne serait
pas complète sans un peu d'amour. L'arrosage est terminé.
Louiset, après une partie de pêche à la lueur des torches, s'en-
dort, et en rêvant prononce le nom de celle qu'il aime sans es-
poir. C'est Rosine, une jolie âUe qui n'a pas l'air de penser à
lui. Mais Georges est là ; en ami fidèle, il veut le bonheur de
Louiset. Il amène la rencontre des deux amoureux après la
messe du dimanche à Sainte-Marguerite. On s'explique. Rosine
aimait déjà Louiset, et tout finit bientôt par un mariage.
La Société accorde à M. Louis Funel, instituteur, à Cannes,
une médaille d'or.
Après la note douce et poétique, nous trouvons la note gaie,
lou Remèdi, un conte provençal, qui commence comme au bon
vieu:^ temps.
28 CONCOURS PHILOLOGIQUB
Il se trouvait que la fille du roi dépérissait de plus en plus.
Qu^avait-elle? Personne ne le savait. Elle n^était bien nulle
part ; elle n'avait ni sommeil, ni appétit. Le roi se désolait de
voir sa fille perdre ses forces et les roses de son teint. Oa con-
sulte les médecins. On en prend trois, selon Tusage, pour dé-
partager les avis, si deux d'entre eux se trouvaient d'accord,
par hasard (mais cela n'arrive jamais) et pour ne pas manquer
à la règle : le premier est d'avis que la princesse a besoin de
fortifiants ; le second, qu'il faut la purger; le troisième, qu'il
faut la saigner. C'est la scène renouvelée de V Amour médecin
de Molière.
Dans l'impossibilité de concilier les trois opinions, les mé-
decins s'en vont sans rien décider, et la princesse est toujours
malade. Peut-être lui a-t*-on jeté un sort, dit sa vieille nourrice;
mais les conjurations, pas plus que les consultations, n'^ font
rien.
Un vieux ministre depuis longtemps en place, ce qui prouve
bien que nous sommes en plein conte et dans un pajs fabu-
leux ; un vieux ministre, dis-je, conseille au roi de mettre au
concours la guérison de la princesse.
Un jeune homme se présente plein d'assurance, et le roi lui
promet la main de sa fille, s'il réussit.
Vous crojez retomber dans la donnée de Molière, ou dans
le conte de l'Oie d'or des frères Grimm. Erreur l Ce n'est pas en
épousant la jeune fille ou en la faisant rire que le jeune homme
la guérira. C'est en lui servant une sauce, mais une de ces sau-
ces comme Carême et Yatel n'en ont jamais inventé, comme
Brillât-Savarin n'en a jamais décrit.
Cette sauce, jaune comme l'or, ferme, odorante à réveiller
un mort, l'auteur vous en donnera la recette, et, quant à son
nom, vous le trouverez dans ce refrain de Mistral, qui termine
le conte:
Nautre, li bon Prouvençau,
Â.U sufrage universau,
Voutaren pèr Tèli
E faren Vaidli.
Peut-être, Mesdames, ne trouverez-vous pas toutes le re-
mède à votre goût. Tant mieux, car ce sera pour vous un en-
ET LITTERAIRE 29
couragement à mieux veiller sur votre santé, et je vois d'ici
plus d'un mari barbare menacer sa femme de Yaiàli à la pre-
mière indisposition.
Ce petit conte, leste et bien troussé, rachète par ses quali-
tés de stjle, d'élégance et de facilité, par Toriginalité de son
dénoûment, son thème un peu trop connu. Lou Renièdi est
moins long que li Masajan. Est-ce une raison d'espérer bientôt
quelque production plus importante, pouvant mériter à son au-
teur une médaille d'or? C'est donc à la fois à titre de récom-
pense et d'encouragement que la Société accorde à M. Isidore
Lièbre,à Eguilles (Bouches-du-Rhône), une médaille de vermeil.
Jja troisième œuvre qui nous a été soumise est un récit en
catalan, intitulé Recort de l'infantesa (souvenir de l'enfance),
œuvre sérieuse, histoire attachante, qu'il seraittrop long d'ana-
Ijser encore, et que la Société a récompensée d'une médaille
d^argent.
Mais il ne nous est malheureusement pas possible de vous
en faire connaître l'auteur. ,.
Il était dit que, jusque dans les moindres choses, la mort de
notre regretté confrère et ami Boucherie se ferait sentir.
D'autres, mieux que je ne pourrais m'en acquitter moi-même,
vous ont déjà parlé de cette perte douloureuse. Au moment
où le savant secrétaire de notre Société était si prématuré-
ment ravi à l'affection de tous, des hommes dévoués ont re-
cueilli chez lui les pièces envoyées pour ce concours; mais,
dans le trouble où les jetait sa mort, le nom de l'auteur du
Recort de Vinfantesa n'a \\x être retrouvé.
Pour cet inconnu, qui peut-être se trouve dans la salle et
qui apprendra seulement aujourd'hui les causes tristes et pé-
nibles de l'oubli que nous faisons de son nom, je vous demande,
Mesdames et Messieurs, votre applaudissement le plus sym-
pathique *.
La comédie Marien Touinou (Nous marions Antoine), que
nous envoie M. Guichard, professeur à l'École normale d'Avi-
gnon, est écrite dans le dialecte du Dauphiné. Elle renferme
une peinture amusante des péripéties du mariage d'un jeune
' Le pli de fauteur du Recort de l'infantesa a été retrouvé quelques jours
après. Ce travail est l'œuvre de M. Jascinto Laporta, directeur de la Revis tr
literaria, à Barcelone.
30 CONCOURS PHILOLOGIQUE
homme de Mens (Isère). Le langage employé est eelai qui se
parle couramment dans cette commune, et les dictons et locu-
tions qui relèvent la conversation des personnages sont bien
dans le goût usuel. Ce dialecte, bien que trés-voisin du proven-
çal, a des caractères propres.
Saramoun (Salomon) veut marier son fils Antoine à Froisino
(diminutif d'Euphrosjne), et, pour j parvenir, il cause longue,
ment avec Alexandre, le père de la jeune ôlle. La scène où
les deux campagnards énumèrent ce qu'ils se proposent de
donner à leurs enfants est parfaite. Chacun lutte de ruse et
d'habileté, de feinte générosité, pour entraîner l'autre à une
plus grande libéralité, sans desserrer trop lui-même les cor-
dons de sa bourse.
Mais Frosine n'aime pas celui qu'on lui destine. Elle a donné
son cœur àHippoljte, et, comme il y a un dieu pour les amou-
reux, à un moment donné, les parents surprennent Antoine
en train de « batifoler avec une chambrière », comme on disait
au siècle dernier., Le mariage est rompu, et Frosine épousera
Hippolyte. Le bonhomme Alexandre ne peut résister à la vue
de la fortune apportée dans un sac par le père d'Hippoljte.
Cette somme de deux mille cinq cents francs en or, c'est la
vercheira, la dot de sa femme défunte, dot qu'il a conservée
intacte et qui revient à son ûls.
Le caractère d'Alexandre, ce modèle de paysan avare, est
bien rendu. Sans doute, il veut le bonheur de sa allé ;nnais
le consentement, qu'il n'accorde pas à ses supplications, il le
donnera par amour de l'argent.
Nous ne chercherons point dans cet ouvrage une intrigue
compliquée. Nous ne reprocherons pas à l'auteur quelques
scènes un peu trop longues, et surtout celle du commence-
ment, quelques mots un peu grossiers. Le dauphinois, comme
le latin,
dans les mots brave l'honnêteté,
Mais le lecteur français veut être respecté.
Toutefois son œuvre est un échantillon précieux de la langue
du Dauphiné, qui touche par les Hautes-Alpes à la Provence.
Du reste, le nom de M. Guichard n'est pas inconnu parmi nous,
et aux récompenses des autres Concours il ajoutera la mé-
daille d'argent que la Société lui décerne aujourd'hui.
- j
BT LITTERAIRE 31
Vivre à quelques centaines de lieues de Montpellier, habiter
en Turquie d'Asie, parler couramment le persan et oultiver le
provençal, n'est pas le fait de tout le monde.
C'est cependant le cas de M. Piat, gradué de l'École des
langues orientales et gérant du consulat de France à, Basso-
rah, déjà nommé par le rapporteur du Concours de philologie,
11 nous a fait parvenir une traduction du Guh'stan, ou Jardin
des roses, le poëme persan de Sadi.
Cet ouvrage, écrit en provençal et naturellement destiné
à se répandre en Provence, fera plaisir aux habitants de ce
paja, qui ont toujours apprécié les proverbes et les senten-
ces.
Le8 traductions françaises du Gulistan sont relativement
rares. Celle de M. Sémelet, qui remonte à lS34,est trop litté-
rale. C'est presque du français persan, comme l'auteur le re-
connaît tni-méme. Je ne parle pas de celle d'Alëgre en 1704,
qui est incomplète et sans valeur. Seul, M. Defremer; peut
être considéré comme un des meilleurs traducteurs du poëte
Sadi. On n'est pas bien d'accord sur l'époque de la naissance
de cet écrivain. D'après des raisons très- concluante s, M. De-
fremery la place vers l'année 1184 de notre ère, il y après de
sept siècles.
Il s'agit donc d'une œuvre ancienne, curieuse et, ajoutons-
le, classique, en Perse.
Dans notre enfance, quand on nous donnait jadis Lafontaine
ou Racine à apprendre par cœur, ne nous est-il pas arrivé
de souhaiter d'être Chinois ou Persan t Nous n'y aurions rien
gagné, car il n'y a pas de pays où il ne faille exercer sa mé-
moire. Si j'en connaissais un, d'ailleurs, je me garderais de
vous le dire, un de nos enfants n'aurait qu'à noua entendre.
En Chine, on apprend par cœur les préceptes de Khoung-
fou-tseu ; en Perse, le Gulislan.
La forme de cet ouvrage est particulière et mérite d'être
remarquée. Sadt alterne dans ses histoires la prose et la poé-
sie. Les vers sont généralement une sentence qui forme la mo-
rale de l'hiatoire:
« Uno fes que Nouchirevan lou juste èro k la casso, dison,
i'alestiguèron en broucheto uno part de so qu'aviê tua. Lou
pan faute, mandèron un goujat n'en cercà au vilage, e lou
rei recoumandè de lou paga.
32 CONCOITRS PHILOLOGIQUE
» — Perqué, digue, fau ren faire d'ilegau, ni esse Ten causo
de la perdo de Tamèu. — Per tant pau, faguèron, avendriè-ti
daumaje ? »
1 — Lou premié cop que la tiranio se manifesté sus terro,
respondegué, fugue pau de causo ; piei un cadun l'a poun-
deguè, e fin finale es arrivado à noun plus.
» Se dôu jardin dôu pople lou reî trai une broco,
1^ serviteur prendran Taubre desraoina.
Dîns uno mita d'iôn, s'un sôutanfai tranca,
Li soudard passaran milo aucèu à la broco^ . »
Notre programme de Concours excluait les traductions, qui
ne sont en réalité que des versions plus ou moins élégantes.
Mais nous avons considéré que nous devions faire une ex-
ception à la règle pour l'ouvrage de M. Piat, qui a eu Pingé-
nieuse idée de rendre les vers de Sadi par des vers proven-
çaux parfaitement exacts et d'une facture remarquable.
Nous souhaitons tous qu'il nous fasse connaître un jour
l'autre ouvrage de Sadi le Bostân, et, en lui envoyant à tra-
vers l'espace ce vœu et cet éloge mérité, nous sommes heu-
reux de lui apprendre que la Société lui a décerné une mé-
daille d'argent.
M. Aymet, commis principal des postes et télégraphes à
Montpellier, a recueilli à Couiza, département de l'Aude, un
conte populaire intitulé lou Sermoun dal ritou de Cucugnan.
Deux versions de ce charmant récit ont déjà paru : l'une en
avignonnais, dans VArmana prouvençau. Elle est signée d'un
nom trop connu, celui de M. Roumanille, le président de notre
Commission de prose, pour que je puisse i^ien ajouter. L'autre
figure dans les Lettres de mon moulin, d'Alphonse Daudet*. Le
' Plus peut-être que M. Funel, M. Piat se sert d'une orthographe différente
de celle des félibres avignonnais; sa langue contient, enfin, quelques formes
gallicisées qu'il serait sage de faire disparaître. Ainsi, par exemple, le mot ôroM-
cheto aurait pu être ayantageusement remplacé par celui d'estadeij qui existe
à Montpellier, ou celui d*astoun, que mentionne le Dictionnaire d'Honnorat.
^ Il en existe une troisième, insérée dans le Salut public de Lyon, il y a
vingt-cinq ans environ. Un membre de la Société, M. le docteur F. Estre, a
publié enfin, en 18^8, une traduction en vers provençaux du Curât de CucU'
gnan; Strasbourg, Fischbach, 1878, in-li?.
J
ET LITTÉRAIRE 33
sujet n'est donc pas nouveau, mais il y avait intérêt à con-
naître la version qui circule en Languedoc. L'auteur nous
promet, d'ailleurs, d'autres ouvrages. Cette tentative méritait
un encouragement et une récompense. La Société décerne à
M. Ajmet une médaille de bronze.
Enfin nous n'avons pu accorder qu'une mention honorable
à M. Joaquin Batet y Paret, de Barcelone, qui a traduit en ca-
talan Y Art poétique d'Horace. Notre programme ne nous per-
mettait pas de récompenser autrement une simple traduc-
tion en prose, quel que soit, d'ailleurs, son mérite. Les notes
dont l'auteur a fait suivre son ouvrage ne nous ont pas paru
suffisamment importantes ou originales pour nous permettre
de les considérer comme un ouvrage spécial sur Horace.
Nous espérons donc que M. Batet j Paret, qui possède bien
le latin et le catalan, nous donnera un jour la possibilité de
nûeux signaler et son mérite et le mérite d'une œuvre qui lui
soit entièrement personnelle.
Nous voici arrivé au bout de notre course. La conclusion de
ce compte rendu ne sera*t-elle pas d'accord avec ce que je
vous disais en commençant?
C'est qu'il y a un champ large et fécond à exploiter pour la
prose des pays du midi de la France, et qu'il serait dommage
de nous voir privés des moissons que l'on peut y récolter à
chaque nouveau Concours de notre association.
P.-J. Itier.
M. Blanchet de Breoas flt connaître le premier le thème de ce récit aux
lecteurs de la France illustrée {Woyez rArmana prouvençau de iSS9, p. 14).
RAPPORT
SUR LE CONCOURS DE POÉSIE
Mesdames, Messieurs,
Un drame en cinq actes, deux comédies en cinq actes, un
poëme en dix chants^ une saynette en un acte, un recueil
d'une douzaine de contes ou de fables, sans parler des pièces
diverses, dont je ne vous dirai pas le nombre, tel est le bilan
que je me vois forcé de déposer devant vous. Mais rassurez-
vous^; malgré cette effrayante énumération, je serai bref, le
plus bref possible. La présence à cette fête d'un public d'élite,
accoutumé à entendre des voix plus autorisées que la mienne,
et qui, dans sa plus belle moitié surtout, doit être plus sen-
sible aux charmes de la poésie qu'aux austérités de la prose,
m'impose l'obligation de ne pas vous faire écouter trop long-
temps un simple écho, et de vous laisser bientôt applaudir et
couronner les poëtes eux-mêmes.
La ville de Montpellier, héritière d'un passé glorieux dans
les fastes de la science, ajoute, de nos jours, de nouveaux fleu-
rons à sa couronne littéraire, et tend à devenir, de plus en plus,
le centre des études romanes dans le midi de la France. En
faisant mieux connaître la littérature et les coutumes nationa-
les du moyen âge, ces études couronneront l'édiflce historique
que notre siècle a vu s'élever et qui ne sera pas la moindre de
ses gloires.
Vous n'avez pas oublié. Messieurs, la grande et légitime
part faite au théâtre français et provençal, lors des Fêtes la-
tines^ Après avoir applaudi les nobles et patriotiques pensées
de la FiUe de Roland, de notre éminent compatriote M. le vi-
comte Henri de Bornier, dont j'aurais été heureux de saluer ici,
au nom de tous, le talent et la personne, vous avez eu la pri-
me\ir d'une des œuvres les plus mâles et les plus passionnées
de la renaissance provençale. Ai*je besoin de nommer le beau
CONCOURS PHILOLOGIQtJE ET LïTTÉRAIRB 35
drame de Théodore Aubanel, lou Pan dôu pecat, représenté
pour la première fois sur le théâtre de Montpellier le 28 mai
1878, et qui a le mérite, peut-être trop rare, de joindre à des
peintures étincelantes de poésie vraie; humaine, le tableau des
châtiments impitoyables, mais justes, qui frappent Toubli des
devoirs les plus sacrés.
C*est aussi un drame provençal dont nous aurons à vous
entretenir en premier lieu, non point, comme Tœuvre d'Auba-
nel, une étude réaliste et poignante, — je dis réaliste dans le
bon sens du mot, — mais une fiction empruntée à l'histoire
de la célèbre croisade du XIIP siècle. Vous n'attendez pas de
moi une analyse qui serait aussi longue que délicate, car elle
éveillerait des critiques qu'un jugement d'ensemble peut seul
atténuer. On pourrait, en effet, adresser à l'auteur le repro-
che de n'avoir pas fait jouer à son principal personnage, le
prince de Sabran, qui donne son nom à la pièce, le rôle pré-
pondérant auquel il paraît destiné, et de n'avoir pas concen-
tré sur lui l'intérêt, trop divisé de son œuvre. L'auteur a
aussi abusé du monologue, des longs récits de faits déjà con-
nus du spectateur, et il a souvent oublié que le théâtre vit sur-
tout d'action. Ces réserves essentielles formulées, nous loue-
rons avec plaisir la facilité bien connue du poëte, l'abondance
de sa veine lyrique, et nous regretterons de ne pouvoir citer
quelques-unes au moins des scènes remarquables, qui sont
nombreuses. Nous noterons particulièrement le quatrième acte
comme le mieux traité et le plus intéressant. L'action n'y lan*
guit pas ; la scène est animée de personnages qui parlent et
agissent comme il convient. Le caractère de l'héroïne, jusque-
là incertain, se dessine avec une vigueur et une intensité de
passion dignes des plus grands éloges. La Société décerne à
M.Jean Monné (de Marseille), auteur du drame ayant pour
titre Sabrarty sa première médaille de vermeil.
Laissons les horreurs de la guerre et les sacrifices héroï-
ques de l'amour pour suivre un de vos jeunes compatriotes au
bord de la mer. M. Louis Vergne, de Montpellier, a un joli
brin de pinceau au bout de sa plume. Sa Marina nous montre
la Méditerranée sous ses différents aspects, tour à tour calme
et furieuse, éblouissante des refiets azurés du ciel ou troublée
jusqu'en ses profondeurs. Le poëte joue avec elle, tenant â la
36 CONCÎOURS PHILOLOGIQUE
main un rameau que Tonde semble lui demander et quMI dé-
robe à ses caresses. Les vagues Tentourent : effrayé, il aban-
donne le rameau et se réfugie sur un rocher, où il peut philo-
sopher sans trouble et où il trouve cette conclusion heureuse
à ses poétiques descriptions :
Qu'es lou mau sort que nous piveta,
Qu*es lou destin que nous clavela)
Ou nous buta toujour vers lou toumple prefound,
Que nous rend dus à la tendressa^
Teîadres à la ruda caressa
DeTamour passionnât que sans vergougna poun?
Per que traire à la mar foulassa
Lou ramèu qu'à Tersa bonassa
Aviei embé plasé refusât tant de fes,
Mesprisant sa douça lagrema?
Deraandas-vous quanta es la fema
Qu'en calignant un jour voste cor, vous Ta près !
Depuis la mort d'Octavien Bringuier, le dialecte montpel-
liérain avait rarement été mis en œuvre d'une façon aussi
littéraire. Les grâces en sont jeunes, fraîches et naturelles, mal-
gré quelques emprunts au vocabulaire provençal ^ M. Louis
Vergne est un poète d'avenir. S'il veut se rendre tout à fait
maître du dialecte de sa ville natale, il remplira les vœux de
votre CommissiLon, qui lui décerne^ en attendant, sa deuxième
médaille de vermeil.
Avec M. Tabbé Joseph Roux, curé de Saint-Hilaire-Peyrpux
(Corrèze), nous revenons aux souvenirs guerriers de Fépoque
carlovingienne. Le château de Longour, en terre limousine,
e3t en fête. Charlemagne, déjà courbé par Tâge, y est venu ou-
blier son métier de roi, métier amer, — dit le poëte, — déjà.
Après un festin splendide, Charlemagne demanda à son hôte
de lui faire entendre un chanteur. Le Toulousain Godol pa-
raît. Godol, d'abord courtisan de Gaïfre d'Aquitaine, passé à
Charlemagne avec la bonne fortune, — ceci est de tous les
1 Les formes poun et fena, qui devraient être pounk et femna^ en sont un
exemple
s Si nous insistons sur la question de pureté dialectale ^ c'est qu'il y a là^ à
ET LITTÉRAIRE 37
temps, — à part cela homme d'un commerce agréable, et qui
n'a qu'un défaut, celui de boire avec ardeur:
Jauzen, estiers aco ; n'a mas un défaut, tuna.
Godol dit la gloire et les exploits de Charlemagne. Tout
à coup un autre chant sauvage, sorti on ne sait d'où, se fait
entendre. C'est le chant de mort de Regnar Lodbrog, chef des
Scandinaves :
Un autre chan estranh, al sauvatge ressoun!
Charlemanha a pâlit, Charlemanha se leva ;
Ni la lengua per el, ni la chansou n'es nueva.
(( Eh quoi ! les gens du Nord oseraient !» « Abordez,
» dit Rollon à ses gens, qui remontent le cours de la Dor-
» dogne Mais Charlemagne se dresse, immense, et,
» rejetant son manteau, il saisit sa Joyeuse, — ou plutôt sa
nos yeux, un intérêt majeur. Nous ne souhaitons, en effet, et aucun de ceux
qui ont le souci de la langue d'oc et de ses caractères originaux ne doit sou-
haiter, que nos poëtes se laissent entraîner, par esprit d'imitation, par un trop
fidèle souvenir des chefs-d'œuvre consacrés, ou par tout autre motif, à la sup-
pression des dialectes. Chacun de ceux-ci a ses ressources propres, son vo-
cabulaire spécial, sa couleur native, son pittoresque particulier. Fondre ces
nuances éclatantes dans les teintes grises d'un pastiche provençal, ce serait
nuire à la fois aux idiomes ainsi mélangés et au provençal lui-même. La litté-
rature grecque est là pour attester que la variété des dialectes ne nuit pas à
roriginalité de la pensée et n'empêche pas l'éclosion des chefs-d'œuvre. On
pourrait même soutenir que, loin de l'empêcher, elle la favorise puissamment.
S'il est quelques Languedociens qui se servent exclusivement du provençal
des bords du Rhône, parce qu'ils y trouvent beaucoup plus de facilité ou
d'agrément, ces préférences individuelles ne doivent pas être imitées et en-
core moins encouragées ; nous n'hésitons pas à dire que ce choix exclusif vau-
drait encore mieux qu'une fusion volontaire et consciente de dialectes divers.
Les Provençaux, qui tiennent tous, et avec raison, à leurs dialectes respec-
tifs, se gardent de suivre ces exemple^. Marseille, Aix, Forcalquier, Apt, n'ont
pas adopté, que nous sachions, le dialecte arlésien ou avignonnais, et nous ne
voyons pas ce qu'ils y gagneraient. Les Concours n'auraient pas de raison
d'être s'ils ne s'efforçaient de conserver à notre langue ses mérites variés, et
les ressources naturelles de ses différents dialectes. S'opposer, autant que pos-
sible, à l'abâtardissement qui résulterait du mélange des idiomes, sans profit
aucun en quoi que ce soit, nous paraît être l'un des premiers objets de ces
Concours et le but principal de leurs visées multiples.
Cette question demanderait, on le sent, plus de développements. C'est à
peine si nous avons pu en signaler rapidement Tincontestable intérêt ; nous y
reviendrons à la première occasion.
38 CONCOURS PHILOLOaiQUE
)> Triste, à présent et s'écrie : « Charlemagne ! » en brandis-
» sant son épée aurefiet du soleil qui semble Tembraser. . . .
)) Merveilleux effet du geste et du cri I Rollon, ébloui, troublé,
» ne sait plus où il a Tesprit ; et tout cela détale, et tout cela
» décampe : tel, oyant le tonnerre, un banc de cabots s'enfuit.»
Mais, au lieu de se réjouir de ce facile triomphe, Charle-
magne pleure; il pleure des larmes de sang; et à sa fille Emma,
qui s'étonne de ces larmes, le vieil empereur répond ;
Ai razou de gémir e gémirai souven ! !
Si lou Norman pénétra en Fransa, ieu viven,
Couma pacientara quan serai dins la toumba?
Chadun ven far soun fais ad un aubre qui toumba.
Ce poëme se recommande par la correction de la langue,
dont l'auteur prépare le dictionnaire, par l'énergie sauvage
d'un rhythme approprié au sujet, par la vigueur du ton géné-
ral. L'intercalation du chant de Regnar Lodbrog est on ne
peut plus heureuse comme effet -dramatique, mais elle ne laisse
pas au poëme une entière originalité. La Société attribue à
M. Tabbé Joseph Roux une médaille de vermeil.
Nous passons, sans transition, à un recueil de contes et de
fables ayant pour titre : lous Pesèus fariouleis (les Pois sau-
vages). L'auteur est M. Auguste Chastanet, percepteur à Sar-
lat (Dordogne), qui, avec son amusante historiette du Chi-
vau de Batistou^ gagna le prix du genre au Concours de 1878.
Les contes de M. Chastanet se distinguent par les qualités ha-
bituelles de spirituelle finesse et de gouailleuse bonhomie de
leurs aînés. La note rustique est plus accusée, les peintures
sont plus libres, dans cette série que dans les précédentes, et
il faudrait les licences que Molière prenait de son temps sans
effaroucher personne, pour citer le titre du premier de ces
contes, le meilleur à notre avis. M. Chastanet a imité aussi
avec bonheur, c'est-à-dire en les habillant à la mode de son
pays, -- seule raison d'être des imitations, — deux fables de
La Fontaine: les Voleurs et l'Ane et la Grenouille qui veut se
faire aussi grosse que le bœuf. Nous attacherons à ces Pois sau-
vages notre quatrième et dernière médaille de vermeil.
Ce n'est pas une simple fable qu'a imitée M. Antoine Roux,
ancien conseiller général de l'Hérault, à Lunel-Viel, mais une
ET LITTERAIRE 39
comédie tout entière, une comédie en cinq actes. L'effort est
grand et se justifie à merveille, s'il est vrai qu'on puisse châ-
tier les vices en riant, ainsi que l'assure un dicton fort ancien.
On pourrait, en douter, car, malgré Molière, malgré Regnard,
malgré Beaumarchais et tant, d'autres, tous les vices, tous les
ridicules qu'auraient pu tuer ces illustres maîtres, paraissent
encore se porter assez bien. Je n'en veux pour preuve nou-
velle que l'imitation montpelliérainedu yowewr de Regnard, dont
j'ai à vous parler. M. Roux a pu, rien qu'en regardant au-
tour de lui, se persuader aisément qu'une édition populaire du
Joueur, — revue et accommodée aux mœurs du jour, — pour-
rait être de quelque utilité. Nous nous garderons bien de le
détromper; nous lui souhaitons même, s'il peut faire repré-
senter cette comédie, tout le succès que mérite sa laborieuse
et intelligente tentative. Ceites, M. Roux n'a pas rêvé de
faire passer dans son Jougadou l'esprit pétillant, la verve heu-
reuse, le naturel et la finesse de la seule comédie qui puisse
prendre rang immédiatement après les chefs-d'œuvre du pre-
mier de nos auteurs comiques. C'est bien assez qu'il ait pu
substituer aux portraits vivants de Regnard, et dans leurs ca-
dres mêmes, des portraits peints d'après nature, et faire de
cette comédie, d'un esprit très-français, une adaptation lan-
guedocienne qui a sa couleur propre. C'est là, en effet, le prin-
cipal mérite du travail de M. Roux. Ajoutons que la langue en
est simple, facile, non sans charme parfois. Œuvre, en somme,
très-recommmandable, quoiqu'elle ne soit pas entièrement
originale, et à laquelle votre Commission a attribué la pre-
mière médaille d'argent.
Encore une comédie en cinq actes; celle-ci originale, d'un
réalisme brutal et qui semble inconscient. L'auteurparaît nous
dire: J'ai vu, j'ai observé ce qui se passait autour de moi, et
voilà, tel quel, le résultat de mes observations. Nous savions
déjà, et nous n'avons pas été tentés de nous écrier avec le
poëte :
0 mon siècle ! est-il vrai que ce qu'on te voit faire
Se soit vu de tout temps ?. . .
nous savions déjà à quel degré les mœurs peuvent se cor-
rompre et les caractères s'abaisser, lorsque l'amour du lucr«
40 CONCOURS PHILOLOGIQUE
et des richesses acquises par tous les moyens remplace tout
autre sentiment. Cette œuvre, trop vraie en plus d'un passage
et qui ignore les raffinements de la pensée littéraire, en est
une nouvelle et triste preuve. Narcisso, tel est le titre de cette
comédie, et c'est aussi le nom du principal personnage. Il y
a malheureusement quelque inexpérience dramatique dans
cette interprétation d'une donnée qui, pour être vulgaire et
sans grandeur, n'en est pas moins intéressante. Ce qui man-
que aussi à l'auteur, du moins tel qu'il se montre dans sa pièce,
ce sont
ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses ;
c'est un personnage qui soit le porte-voix et le vengeur de la
conscience outragée. Les gendarmes, qui apparaissent à la fin
de la pièce et qui annoncent à son triste héros, en l'arrêtant,
la peine qu'il aura à subir pour ses méfaits, — ce qui est tout
à fait contraire aux habitudes de la gendarmerie, — ne suf-
fisent pas, il s'en faut, à soulager notre indignation. Il y a
bien quelques protestations de l'honneur, dans le courant de la
pièce. La femme et le gendre de Narcisse, — il s'appelle Nigaud,
et il est le bien nommé, — lui font sans doute entendre quelques
dures vérités ; mais ils n'empêchent aucune vilaine action, et
le coupable n'est puni, pour ainsi dire, que dans la coulisse,
au lieu de l'être sur la scène même. Malgré ce défaut capi-
tal, la comédie de Narcisso accuse des qualités sérieuses, tel-
les que l'art difficile de faire parler et mouvoir d'assez nom-
breux personnages, l'invention d'une intrigue où s'agitent,
il est vrai, des passions basses et des intérêts sordides, mais
qui marche sans défaillance, et avec des péripéties naturelles,
vers son dénoûment fatal.
L'auteur, M. Adam Peyrusse, d'Ornaisons, près Villefranche
(Aude), possède parfaitement sa. langue, qui est celle du Nar-
bonnais, et, comme Langlade, de Lansargues; comme Laurès,
de Villeneuve-lez-Béziers ; comme Tavan et bien d'autres, il a
trouvé la poésie sous les mottes de terre que soulève sa char-
rue, au milieu des champs, dans l'air libre et sous le ciel splen-
dide de nos campagnes. La Société lui décerne sa deuxième
médaille d'argent.
ET LITTÉRAIRE
Ont également reçu des médailles d*argent :
M. Auguste Fourès, de Castelnaudary, pour sa pièce lou
Talhaire de peiro de foc (le Tailleur de silex), tableau curieux
de la période préhistorique, dont quelques parties demande-
raient à être mieux éclairées, et oti Ton trouve avec abondance
Fénergie et le pittoresque, dont Fauteur est coutumier;
M. Jean Laurès, de Villeneuve -lez-Béziers, pour sa Douna-
ciéuy étude d'après nature de mœurs villageoises, écrite dans
une bonne langue, claire, rapide, naturelle, et avec un senti-
ment très-personnel ;
M. Charles Bistagne, de Marseille, pour son joli conte li
Vertu au bal mascat, dont le tour spirituel et fin relève encore
la donnée piquante;
M. Marins Girard, de Saint-Rémy, pour son poëme lou Se-
gnour de Vilo- Vieio, plus descriptif que dramatique, malgré
une imitation de la scène des portraits é^Hernani, et où nous
louerons surtout le talent du narrateur;
M. Tabbé Ferrand, professeur au petit séminaire de Bor-
deaux, pour sa pièce : la Cansou dou Roussinoun {la. Chanson du
Rossignol), charmante interprétation d'une légende du Baza-
dais, que Ton trouve aussi en Bourgogne, à Mercurey notam-
ment, et qui est ainsi rapportée par M. Jules Chevrier *: < On
» dit que souvent, à Taube du matin, on trouve des rossi-
» gnols se débattant, au milieu des pampres embaumés, con-
» tre les étreintes des vrilles de la vigne, qui poussent si vite,
» si vite ! que leurs petits pieds fins et délicats sont saisis et
» emprisonnés pendant leur court sommeil. » Dans la légende
du Bazadais, c'est la clématite qui joue le rôle cruel de la vi-
gne à l'égard du joli chanteur.
M. l'abbé Ferrand écrit en maître poëte la langue de son
pays. Il y a, du reste, dans tout le Bordelais, un mouvement
d'études romanes très-marqué. Des almanachs et des jour-
naux populaires sont publiés sur plusieurs points de la Gironde,
des liandes et des Pyrénées. Un écrivain bien connu de ces
contrées, et qui a déjà publié les Proverbes, énigmes et contes
populaires du Béam, M. Lespy, fait imprimer en ce moment
* Dans son beau Vivre ChdlonS'Sur-Saône pittoresque et démoli. Psltïs,
QuantiD, 1883.
4« CONCOURS PHILOLOGIQUE
même, à Montpellier, un Dictionnaire béarnais. Le mouvement
littéraire et scientilique, auquel la Revue des langues romanes a
donné un si grand essor, s'étend de jour en jour davantage,
et il est permis d'espérer qu'il n'y aura plus bientôt un seul
point du vaste domaine de la langue d'oc qui n'ait son lexico-
graphe ou son poëte;
Enfin M. Victor Rettner obtient aussi une médaille d'ar-
gent pour une sextine qu'il intitule Ma viloto, et qui célèbre,
dans la forme rare illustrée par Arnaud Daniel, sa ville natale
de Saint-Pons. Il n'existe, on le sait, que cinq ou six sextines
dans la littérature ancienne, et on n'en connaît pas dans la
littérature moderne. M. Rettner aura donc l'honneur d'avoir
restauré un genre oublié, dans lequel il a su être non-seu-
lement versificateur habile, mais poëte charmant, grâce aux
combinaisons les plus ingénieuses d'expressions, d'images et
de tableaux à la fois exacts et pittoresques*.
Une œuvre d'assez longue haleine, un poëme en dix chants,
mais très-courts, — ce n'est pas un reproche,— et qui a pour
titre la Fia dey carbounié, est dû à la plume facile de M. A.
Virenque, de Lodève (Hérault). Il y a de très-bonnes choses
dans cette histoire des amours honnêtes de l'auteur avec la
fille d'un charbonnier : du naturel, de la grâce, de bons senti-
ments, et pas la moindre noirceur. Toutefois cela manque un
peu d'art et d'arrangement. M. Virenque dispose d'un voca-
bulaire local très-riche, et son œuvre mérite largement, à ce
titre surtout, la médaille de bronze qui lui est donnée.
Une mention très-honorable est accordée à une saynète
villageoise en un acte, de M. PaulGourdou, d'Alzonne (Aude),
qui a pour titre le proverbe : Bal mai gens qu'argent (Il vaut
mieux les gens que l'argent). Les situations de cette petite
pièce ne comportaient peut-être pas autant de développements
que l'auteur s'est plu à leur en donner; mais on peut y rele-
ver de nombreux passages qui se recommandent par de bonnes
qualités de forme et de fond.
Une autre mention honorable est due aussi kVAbare e tous
* M. Rettner oe devait pas survivre lotjgtemps à son chef-d'œuvre: il est
décédé à Montpellier le 21 août 1883, à l'âge de cinquante-cinq ans
ET LITTÉRAIRE 43
Bouleurs, imitation de la fable de La Fontaine l'Avare qui a
perdu son trésor, par M. Victor Maumen, à Saint- Criq- Ville-
neuve (Landes), Tauteur-éditeur de Tun de ces almanachs bor-
delais dont nous parlions tout à Theure, VArmana dous pay-
sans, paraissant depuis plusieurs années, tantôt à Saint-Sever,
tantôt à Bordeaux, tantôt à Mont-de-Marsan.
Il nous reste à parler d'une poésie et d'une traduction fran-
çaises, qui sont en dehors du programme du Concours, mais
que leur mérite et le vœu du jury d'examen m'interdisent de
passer sous silence.
La poésie a pour titre Latium. Elle est d'une énergie rare,
presque farouche, toute pleine d'élan patriotique et d'enthou-
siasme pour ces idées d'union latine que des esprits généreux
et clairvoyants s'efforcent de répandre, laissant à l'avenir, à
défaut du présent, le soin de les justifier. Cette pièce est due
à un professeur italien qui réside à Constantinople et qui dé-
sire garder l'anonyme.
Elle est dédiée au commandeur Vegezzi Ruscalla, consul gé-
néral de Roumanie à Turin, qui, à l'âge de quatre-vingts ans
passés, travaille encore avec la même ardeur qu'au temps de
sa jeunesse. Les études philologiquesn'ont pas cessé de plaire
àl'ancien secrétaire de Raynouard, et il a publié, ily a trés-peu
de temps, un travail extrêmement curieux sur deux ou trois
villages de Vaudois qui existent dans l'Italie méridionale, où
ils ont conserva leur langage alpin, tout en délaissant leurs
croyances particulières.
La traduction est celle d'un fragment de VAtlantida, ce beau
poëme de Verdaguer, le Mistral de la Catalogne. L'épisode
lyrique qui, sous le nom de Chœur d'Iles grecques, forme le
septième chant de V Atlantida, est un pur chef-d'œuvre, im-
prégné de grâce antique, une véritable fleur de poésie éclose
aux feux de l'imagination la plus riche et la mieux douée. Le
traducteur ne pouvait mieux, choisir pour nous faire appécier
les mérites de son travail. Nous savons d'ailleurs que la tra-
duction tout entière du poëme de Verdaguer est remarquable
autant par l'élégance de la forme que par la scrupuleuse fi-
délité avec laquelle son auteur, M. Justin Pépratx, de Perpi-
gan, a rendu la pensée originale du poëte. Les traductions en
Ters sont en général, vous le savez, de belles infidèles; celle-
44 CONCOURS PHILOLOGIQUE
ci sera certainement une exception, et nous devons féliciter
son auteur d'avoir entrepris et mené à bonne fin un travail
difficile, qui permettra aux lecteurs français de jouir des beau-
tés trop peu connues de Tépopée catalane. M. Pépratx a déjà
reçu, du reste, une haute récompense de ses efforts : S. M. la
Reine d'Espagne a bien voulu accepter la dédicace de sa
traduction. La Catalogne ne peut que s'enorgueillir d'un tel
patronage, et la France verra avec joie sa langue nationale
servir à resserrer le lien qui unit les deux nations sœurs.
Ces considérations nous amènent tout naturellement à vous
parler du Concours de poésie catalane, où plusieurs pièces re-
marquables vont se disputer nos prix.
Le même auteur nous a envojé deux poésies également
distinguées : la Pyramida et A la belessa ( A la beauté ). Dans
l'embarras où s'est trouvée votre Commission pour donner
l'avantage à l'une des deux, elle s'est décidée à les classer
ex eBquo et leur a attribué une médaille de vermeil. L'auteur
est M. Arthur Masriera y Colomer, de Barcelone.
Dans la Pyramida^ il passe en revue, avec une grande élé-
vation de pensée et de langage, tous les spectacles grandioses
qu'ont vus les monuments des Pharaons, du haut de leurs qua-
rante siècles géants. Il rend hommage à ce grand Français
qui, non content d'avoir réuni deux mers séparées par l'isthme
de Suez, va encore doter le monde d'une nouvelle route ma-
ritime, et mérite bien le nom d'apôtre du progrès et de la
science que lui décerne le poète. Et terminant par une grande
image, M. Masriera donne aux pyramides la voix de TEgjpte
elle-même, si elle venait à disparaître sous les flots du Nil ou
de la mer, pour dire aux races nouvelles: l'Egypte fut là.
Bien différente est la poésie consacrée A la beauté. Quoi-
qu'on y reconnaisse la main exercée et robuste qui a écrit la
Pyramide, on y trouve surtout de la grâce et de la tendresse.
Ainsi le voulait le sujet, souvent traité, que le poète a su
marquer néanmoins de son empreinte personnelle. L'auteur
décrit la beauté sous toutes ses formes ; il la voit dans les
êtres et les phénomènes de la création, du plus petit au plus
grand. La nature et l'art lui dévoilent leurs chefs-d'œuvre, et
le cœur humain ses trésors de grâce et de sentiments élevés.
Inspiratrice souveraine de la grandeur morale, c'est la beauté
ET LITTERAIRE 45
qui fait les artistes et les héros, et qui, par un effort de Tâme,
nous montre Fincréé:
Que per conort de l'anima nos mostra l'increat.
Un grand souffle poétique anime ces deux pièces, et Ton ne
saurait trop féliciter le poëte qui a su trouver de si gracieuses
et de si fortes images à la fois pour traduire ses pensées et les
inspirations de son cœur.
Le Cant del Poeta est aussi un thème connu, rajeuni par de
nouvelles et originales variations. Le poëte est considéré comme
le dispensateur de la gloire, — c'était Topinion de Malherbe,
— et il appelle à lui tous ceux qui peuvent y prétendre, depuis
les plus illustres jusqu'aux martyrs oubliés ou méconnus de
toutes les grandes causes. Il a des chants pour toutes les ver-
tus, pour toutes les grâces, et volontiers il redirait aux reines
de beauté elles-mêmes:
Vous ne passerez pour belles
Qu'autant que je l'aurai dit.
Cette pièce aux vers faciles, harmonieux, aux pensées no-
bles et très-poétiques, est de M. Hyacinthe Laporta, directeur
de IsiRevista literaria, à Barcelone.
Lo Segle XIX (le XIX* Siècle) est une hymne en Thonneur
des progrès scientifiques de notre époque, et en particulier de
quelques inventions récentes. Ainsi le poëte amoureux q^uitte
son pays ; mais, grâce à la photographie, il emporte l'image de
sa bien-aimée ; grâce au téléphone il converse avec elle ; par
l'étincelle électrique, il apprend un jour qu'elle est mourante:
la vapeur lui permet de la rejoindre promptement; elle vit
encore, il l'entend; mais, ô douleur! sa voix ne frapperait plus
désormais son oreille si le phonographe n'était là pour recueillir
ses dernières paroles et lui permettre d'entendre sa voix éter-
nellement.
C'est M. Joseph Verdu qui a trouvé cette manière originale
de chanter des découvertes scientifiques, qui semblent d'abord
assez rebelles à la poésie.
M. Joseph Blanch y Romani nous berce quelques instants
sous la voile latine, avec sa Darcarola au rhythme gracieux et
musical, et M. Ferrant AguUo Vidal nous renvoie l'écho de
46 CONCOURS PHILOLOGIQUE BT LITTERMRB
los Suspirs de la Mare, qui rappellent ceux de la Coumtesso,
de Mistral.
La Société décerne une médaille d'argent à chacun de ces
poètes: M M. Hyacinthe Laporta, Joseph Verdu, Joseph Blanch
y Romani et Ferrant AguUo Vidal, tous les quatre de Barce-
lone.
Mentionnons honorablement, pour finir, la pièce de M. Jo-
seph Antonio Trias, intitulée Desconhort (Découragement).
Ce n'est pas avec ce sentiment, trop peu viril, que nous ter-
minerons ce compte rendu. Tout nous engage, au contrairei
à espérer les meilleurs résultats de ces assises intellectuel-
les, où accourent en foule les esprits d'élite, les poëtes et les
savants des deux côtés des Alpes et des Pyrénées, et qui mé-
riteront, sans aucun doute, dans l'histoire littéraire de notre
pays, le nom de Grands Jours du Languedoc.
Frédéric Donnadieu.
CHRONIQUE
LE CONCOURS DE KANNÉE 1883
La Société pour Tétude des langues romanes a tenu, le dimanche
de la Pentecôte, dans la grande salle du Palais de justice, gracieu-
sement miss à sa disposition par M. le Premier Président de la Cour
d'appel de Montpellier, la séance publique de son quatrième Concours
philologique et littéraire*. MM. le Préfet de l'Hérault, le Président
du Conseil général, le Maire de la ville de Montpellier, les doyens des
Facultés de droit et de médecine, le doyen de la Faculté des sciences,
le Procureur général, les directeurs de l'Ecole supérieure de pharma-
cie et de l'Ecole d'agriculture, ainsi qu'un grand nombre de magistrats,
de professeurs et de conseillers municipaux, avaient pris place, à deux
heures do l'après-midi, autour des membres du Bureau ; MM. Ferdi-
nand Castets, doyen de la Faculté des lettres et président de la So-
ciété des langues romanes; Frédéric Mistral, grand maître du Féli-
brige ; Arsène Darmesteter, professeur à la Faculté des lettres de
Paris ; Charles Joret, professeur à la Faculté des lettres d'Aix ; Charles
Revillout, rapporteur delà Commission de philologie ; Paul- Jules Itier,
rapporteur de la Commission de prose, et Frédéric Donnadieu, de
Béziers, rapporteur de la Commission de poésie.
La partie féminine de l'auditoire n'était ni la moins nombreuse, ni
la moins dignement représentée.
Il avait été donné rarement à la ville de Montpellier de compter
parmi elle autant do romanistes, de lettrés et de félibres: MM. Camille
Laforgue, président de la Maintenance de Languedoc ; le comte Ray-
mond de Toulouse-Lautrec, président de la Maintenance d'Aquitaine ;
Justin Pépratx, déléguédes poëtes de laCatalogne, qui l'avaient chargé
de lire en leur nom une pièce inédite de Verdaguer, l'auteur deVAtlan-
tida ; Alphonse Tavan, Charles Bistagne et Auguste Marin,de Marseille ;
le baron de Meyronnet Saint-Marc ^, Hippolyte Guillibert et Charles
de Gantelmi-d'Ille, d'Aix-en- Provence; Achille Mir, de Carcassonne;
Noguier, le savant archéologue et numismate biterrois ; les docteurs
Durand (de Gros) et Vincent, de G uéret; Auguste Fourès, deCastelnau-
daryjJean Laurès, de Villeneuve ; Alexandre Langlade, de Lansargues,
* Une première réunion, tenue la veille, à huit heures du soir, dans la
grande salle de la Mairie de Montpellier, avait été consacrée à la réception
des invités de la Société et à la lecture de diverses poésies en langue d'oc.
' J'ai à relever ici une omission de mon travail sur la Roumanie dans la
littérature du midi de la Fra7ice. L'oratorio en sept langues (latin, italien,
espagnol, catalan, roumain, provençal et français), de M. de Meyronnet; la
Race latine, le Chatit des Latins, suivi de notes explicatives et d'un ap-
pendice (Marseille, Olive, 1879; in-8o, 2A pages), contient ^p. V-8 et 19) une
poésie de M. Georges Sion. qui est sûrement le premier texte roumain publié
en Provence. L'appendice est formé de la lettre de M. G. Sion, alors secrétaire
général de la Société académique roumaine (depuis \ Académie roumaine),
ette lettre donne de curieux détails sur la diffusion de l'idiome moldo-vala-
que.
48 CHRONIQUE
Silhol, du Crès ; Adam Peyrusse, d'Omaisons ; Ferdinand Baud et
Louis Bardjde Nimes ; Germain Guichard, de Mens ; Henri Babou, de
Toulouse; le peintre Louis Simil, le docteur Eugène Coste, de Nissan,
etc., s'étaient joints à ceux des membres de la Société qui, le 15 du
mois précédent, avaient, sous la présidence de MM. Gabriel Azaïs,
Rouraanille et Théodore Aubanel, classé les envois de philologie, de
prose et de poésie.
La félibrée annuelle de la Maintenance de Languedoc devait encore,
le lendemain, grossir le nombre des lettrés et des poëtes que la solen-
nité du 13 mai réunissait à Montpellier.
En ouvrant la séance, M. Castets, président, prononça l'allocution
imprimée en tête du présent fascicule . A l'exemple de MM. Revillout
et Boucherie en 1875 et 1879, il signala le caractère littéraire et philo-
logique du Concours de l'année 1883. « C'est une association en deuil
qui vous reçoit aujourd'hui », ajouta-t-il en faisant connaître la perte si
cruelle que les études romanes venaient d'éprouver en la personne de
Boucherie. La mort de F. Roque-Ferrier, survenue le 5 mai, lui donna
l'occasion d'expliquer ensuite l'absence du Secrétaire de la Société et
d'exprimer la part que celle-ci prenait à son deuil.
Il devient d'un usage toujours plus général d'apporter aux félibrées
de Montpellier ou d'envoyer, comme excuse, en cas d'absence, une pu-
blication littéraire ou poétique La Société a eu à remercier son vice-
président honoraire, M Elrnest Monaci, professeur à l'Université de
Rome, d'un magnifique album héliotypique reproduisant les plus anciens
textes des idiomes romans de la France et de l'Italie*; M. Aguilô y
Fuster, bibliothécaire de l'Université de Barcelone , d'une impression
en caractères gothiques et à ornements rouges du Libre del Orde de
Cauayleria de Raymond Lull*; M. William -C. Bonaparte- Wyse, d'un
poëme provençal, Soulèu levant, où le rôle littéraire de Montpellier
est exalté en vers dignes des Parpaioun hlu et des Piado de la Prin-
cesso 3. M. l'abbé Joseph Spéra, professeur à l'abbaye de Cava de' Tir-
reni (Italie), excusait son absence en envoyant un poëme héroïque en
italien, il Conte Verde, qui narre les hauts faits dAmédée VI, comte
de Savoie, mort en 1383 *. M. Spéra a dédié cette oeuvre au Roi et à
la Reine d'Italie, et il a, après eux, réservé ses premiers exemplaires
aux adhérents de ce qu'il appelait inexactement, mais avec beaucoup
de bienveillance, les secondes fêtes latines de Montpellier.
Parmi les envois de nioindre importance, on remarquait un petit
choix manuscrit, dû à M. Besse, directeur de l'Ecole de Rigny, à
Tulle, de contes, de chants et de proverbes populaires en dialecte
limousin de l'arrondissement d'Ussel ; des fables écrites par M. Mar-
celin Caze, en langage d'Argentat (Corrèze)^, localité où la finale fé-
* Cette belle publication fait partie des Facsimili di antichi manoscritti
per uso délie scuole di filologia neolatina, publiés à Rome sous la direction
de M. Monaci.
2 L'édition dont il s'agit appartient à la Blbliotheca d'obrefes singulars del
bon temps de nostra lengua materna, estampades en tetra lemôsina. Bar-
celona, Alvar Verdaguer, in-S".
* Soulèu levant, pouèmo. Lyon, Pitrat, 1883; in-8*. (Extrait de la Revue
lyonnaise.)
* // Conte VerdC, poema eroico. Firenze, Le Monnier, J883; in-i2,
188 pages.
^ Elles ont été détachées d'un journal de Tulle qui a fait connaître récem-
ment l'idiome d'Argentat et son fabuliste.
CHRONIQUE 49
minine est en a, comme dans le montpellîéraîn, le Iodé vois et cer-
taines parties du cévenol et du provençal de la rive languedocienne
du Rhône; deux pièces en roiiergat de Millau (Aveyron): la Léjando
de Sont Ibos et lous Doue Fraires, par M. Fabry '; des vers en langage
de Roujan (Hérault), par M. le vicomte de M argon ; d'Andnze (Gard),
par M. Olivier; de Bessan (Hérault), par M. H. Bousquet, l'auteur de
la Granja de las Fados, et, enfin, quatre études biographiques et litté-
raires, par MM. Paul Mariéton,de Lyon, sur MM.William-C. Bonaparte-
Wyse, Auguste Fourès, l'abbé Joseph Roux et le baron Charles de
Tourtoulon .
L'éloignement, le deuil de leur famille et la solennité de la Pente-
côte, étaient les excupes invoquées par MM. le sénateur V.Alecsandri,
ancien président du Parlement roumain ; le docteur Obédénare, pre-
mier secrétaire de la légation de Roumanie, à Rome ; Manuel Milâ y
Fontanals, J. Rubiô y Ors, Louis Cutchet, Balaguer y Merino, Montser-
ratyArchs, Arabiâ y Solanas, Mathèu y Fornells, de Barcelone ; Jean
Mathis, le poëte rumonsche de l'Engadine ; d'Ancona, professeur à
r Université de Pise; les romanistes allemands Emile Lévy, Karl Bartsch
et Edouard Stengel, en des lettres dont quelques-unes renfermaient
d'intéressantes observations de littérature et de philologie.
Il en était de même de celles que l'on devait à M^^« Alexandrine
Brémond, d'Arles, l'auteur des Blavet de Mount-Majour, M™« Emilie
d'Aguilhon, de Saint-Antonin ( ïarn-et-Garoune ); MM le vicomte
Henri de Bornier. Gabriel Azaïs, secrétaire de la Société archéologique
de Béziers ; Tamizey de Larroque, correspondant de l'Institut ; le vi-
comte de Vallat, ancien ministre plénipotentiaire ; le baron Reille,
député ; Léon de Berluc-Perussis 2, Talbert, professeur au Prytanée
national de la Flèche ; François Vidal, l'un des bibliothécaires de la
ville d'Aix ; Achille Luchaire, professeur à la Faculté des lettres de
Bordeaux; MM. les abbés Joseph Roux, A. Ferrand Douais, Hérétié,
Bonafont et Rieux ; le colonel Scipion Dumas, qui partage ses loisirs
littéraires entre le montpelliérain et le catalan du Roussillon ; Mel-
chior BarthéSjde Saint-Pons ; Louis Funel, Auguste Chastanet, Raoulx,
J'ai signalé pour la première fois, — d'après une indication de M. l'abbé
Joseph Roux et dans mes Enigmes populaires en langue d'oc, — l'existence
de la finale féminine a 'singulier, pluriel et verbes) à Argentat.
* La première de ces pièces a paru d'abord dans VEcho de la Doitrhie,n* du
25 octobre 1869, — c'est le thème de Jarjaio au Paradis, — et la seconde
dans le Millaooi.^ du 5 janvier 1872. M. Fabry a publié de nombreuses fables
rouergates dans ce dernier journal. Il les a constamment signées du pseudo-
nyme de Jean Legros.
^ La mort du sénateur EIzéar Pin n'a pas seulement privé Montpellier de
la présence de M. de Berluc-Perussis, son neveu. Elle a retardé l'impression
d'un album philologique que ce dernier voulait offrir à ses collègues du Lan-
guedoc et de la Provence. Cet album était composé d'un Salut à VOccitanie,
écrit en 1820 par Fortuné Pin. frère du sénateur, et traduit en quarante-neuf
idiomes appartenant à la famille des langues néo-latines. Notre ville y avait
contribué par une version valaque. due à Vl^'e Coutzarida,qui, au nom de la co-
lonie roumaine de Montpellier, offrit en 1882 une couronne de roses de Nice à
M. Alecsandri. Parmi les collaborateurs de M. de Berlue figurent MM. Sardou,
de Nice ; Gonzague de Rey, de Marseille ; Légier de Mesteyme, d'Apt; Aimé
Giron, du Puy-en-Velay; l'abbé Célestin Malignon, le chanoine Emile Savy,
ancien archiprêtre de Bône, et un érudit de Saint-Etienne-en-Forez dont nous
regrettons de ne pas connaître le nom.
50 OHRO»IQUB
de Toulon; Eugène Plauchud, président de V Athénée de Forçai quier;
H. de la Combe, Eugène Tavernier, Marins Girard, Paul Gourdou, Clair
Tisseur, etc.
Sa Ma^e«té la Reine Elisabeth de Eoumanîe, qui avnit passé deux
mois à Sestri-Pononte. près Gènes, et qui y avait reçu les hommages
poétiques de la phipart des féUbrea du midi delà France, qu'elle eut
un moment la pensée de visiter, avait chargé M. le docteur Obédé-
nare, premier secrétaire de la légation de Roumanie, à Rome, de ré-
pondre par le télégramme suivant à la double invitation que lui avaient
adressée le Président de la Société des langues romanes et le Prési-
dent de la Maintenance languedocienne du Félibrige :
Roque-Ferrier, secrétaire de la Société des langues romanes
et du Félibrige, à Montpellier.
Sa Majesté la Reine de Roumanie me charge d'exprimer à la So-
ciété des langues romanes et au Félibrige ses bien vifs regrets de ne
pouvoir se rendre à Montpellier, pour y assister à la célébration des
Jeux floraux de Languedoc.
Obédénarb.
Ce télégramme, qui honore si complètement les deux associations,
fut lu par M. F. Castets, ainsi que les lettres suivantes de M. Gaston
Paris, membre de l'Institut; de Monseigneur de Cabrières, évêquede
Montpellier, et de M. V. Lespy, qui, en ce moment même, fait com-
mencer à l'Imprimerie centrale du Midi la composition d'un Diction-
naire du dialecte béarnais ancien et moderne :
A M, F, Castets, doyen de la Faculté des lettres de Mont-
pellier, président de la Société des langues romanes.
Monsieur le Pri%sident,
En me désignant, à côté de mon illustre ami Frédéric Mistral, pour
présider la séance solennelle et le Concours de 1883, la Société des
langues romanes m'a fait un honneur auquel je suis très-sensible, et
pour lequel je vous prie de lui transmettre tous mes remerciements.
Je suis malheureusement obligé de vous demander d'y joindre mes re-
grets ; mes occupations pressantes et multiples, et surtout mon cours
au Collège de France, m'interdisent absolument de quitter en ce moment
Paris pour plusieurs jours. Mon ami Arsène Darmesteter, qui a pu
s'affranchir, représentera à Montpellier les romanistes de Paris avec
toute l'autorité que lui donnent et sa haute position scientifique et sa
situation de professeur à la Faculté des lettres. Il vous portera Tex-
pre.«sion de notre sympathie pour les efforts de la Société et le tribut
douloureux de nos regrets pour le confrère que vous venez de perdre,
et dont le souvenir restera cher à tous ceux qui ont pu apprécier son
esprit et son cœur.
Agréez, Monsieur le Président, Tassurance de ma considération la
plus distinguée .
Gaston Paris,
membre de Tlnstitut.
CHRONIQUE 51
A Messieurs F. Castets, président de la Société pour l'étude
des langues romanes, et C, Laforgue, président de la Main-
tenance languedocienne du Felihrige,
Messieurs,
Je suis touché et reconnaissant de l'invitation que vous voulez bien
m'adresser pour la réunion et pour le banquet, qui, le 13 et le 14 mai,
rassembleront les félibres de notre région, sous la présidence de
M. Gaston Paris, membre de Tlnstitut, et du célèbfe auteur de Mi-
reille. Si éloigné que je sois, par mes occupations habituelles, des no-
bles et attachantes études auxquelles vous vous êtes consacrés, je ne
laisse pas de les suivre et de m'y intéresser. Je sais, d'ailleurs, que
vous ne vous attachez pas seulement aux côtés littéraires et techniques
de cette résurrection de la vieille langue de nos populations méridio-
nales: vous allez plus loin, et, dans la mesure où vous le pouvez, vous
invitez tous les peuples latins, d'origine et d'idiome, à resserrer leurs
liens et à rajeunir les souvenirs de leur glorieuse histoire. Je me se-
rais donc félicité d'applaudir avec tous mes collègues les lapports qui
vous seront lus demain. J'aurais aimé avoir l'Espagne et l'Italie, re-
présentées par MM. Milâ y Fontanals et Monaci, reconnaître en nous
les traits distinctifs de la grande famille latine ; et, si M. Gaston Paris
prend devant vous la parole avec M. Darmesteter; si Mistral se fait
entendre, si M. de Bornier vous chante quelques strophes dignes de
la Fille de Roland, personne n'aurait pu écouter ces voix de l'érudi-
tion et de la poésie avec plus de sympathie que moi. Mais il me faut
renoncer aux plaisirs délicats que vous vouliez bien m'offrir de par-
tager en aussi docte compagnie. Le jour de la Pentecôte, je dois célé-
brer l'office pontifical à la messe et aux vêpres, je dois aussi prêcher
le sennon d'usage. Dès cinq heures du matin, lundi, je dois reprendre
ma visite pastorale.
Daignez donc. Messieurs les Présidents, agréer mes excuses et mes
regrets, et, si vous le jugez bon, veuillez exprimer à vos illustres hôtes
et à tous vos invités combien il m'est pénible de laisser vide, au mi-
lieu d'eux, la place que votre bienveillance m'avait assignée.
Je suis. Messieurs, avec la plus respectueuse considération, votre
très-humble et très-dévoué serviteur.
F.-M.-A. DE Cabrières,
évoque de Montpellier.
A M. A. Roque- Février,
Car Counfray,
Aci que-m tié la cadene deu tribalh . Nou-m hou james taa greuye
que hoey, puixs que nou-m lèxe escapa ta poude i, dimenye bient,
hesteja dab tant de gayhasentz e oundrats félibres.
A bous, car Counfray, coum a toutz lous autes, de tout coo,
V. Lespy.
Avant de céder la présidence à M. Mistral, M. Castets donna la pa-
role à M. le comte de Toulouse-Lautrec, qui communiqua, au nom de
M. de Berluc-Perussis, un sonnet provençal adressé à S. M. la Reine
52 CHRONIQUE
Elisabeth, pendant sa villégiature en Italie. M. de Toulouse-Lautrec lut
ensuite la réponse en vers français que cette pièce avait value à son
auteur de la part de l'érudite souveraine, qui a signé du pseudonyme
de Carmen Sylva diverses œuvres allemandes et roumaines, et des
Pensées dont la lecture éveille constamment le souvenir des Pensées
de Pascal, de Vauvenargues et de Joubert.
MM. Revillout, Itier et Donnadieu, donnèrent ensuite communica-
tion de leurs rapports sur les œuvres de philologie, de prose et de
poésie. Les Concours des années 1875, 1878 et 1879, avaient large-
ment témoigné de la part que prenaient l'Espagne, l'Italie, la Rou-
manie, la Suisse, l'Amérique latine et leurs divers idiomes, aux recher-
ches inscrites sur les programmes de la Société. La langue portugaise
seule n'avait pas encore fait acte de présence à Montpellier. Aussi ac-
cueillit-on avec une vive sympathie la mention du travail philologique
de M. Leite de Vasconcellos sur l'idiome de Miranda.
Le nom de M. Piat, gérant du Consulat de France à Bassorah (Tur-
quie d'Asie), mentionné deux fois, la première pour un dictionnaire
(les termes de la langue d'oc classés par ordre de racines, la seconde
pour une traduction provençale de Gulïstariy de Saadi, fut non moins
favorablement accueilli que celui de M. de Vasconcellos.
La seconde partie de la séance du 13 mai avait été réservée à la
poésie et à la prose méridionales. M. Louis Vergne fit applaudir sa Ma-
rina ; M. Augier. lou Remèdi, conte provençal de M. Lèbre ; M. Don-
nadieu, la sextine languedocienne que M. Rettner avait composée sur
le modèle d'une pièce similaire d'Arnaut Daniel. A ces lectures
diverses, MM. Martin (de Nimes) et Prax (d'Alzonne) mêlèrent deux
ou trois fois la gaieté des fables de Bigot et du Lutrin de Ladèr
d'Achille Mir. '
M. Mistral leva la séance à cinq heures du soir, après avoir prononcé
quelques paroles provençales que l'on trouvera dans le numéro de sep-
tembre, avec les textes littéraires que le défaut d'espace ne nous a pas
permis de publier en même temps que les rapports de MM. Revillout,
Itier et Donnadieu *,
* La réunion de la Maintenance languedocienne du Félibrige et le banquet
du 14 mai, aiosi que la remise faite aux poëtf's catalans, à Banyuls -sur-Mer,
par M. Pépratx, des prix qui leur avaient été attribués à Montpellier par la
Société des langues romanes, seront l'objet de notes spéciales dans le numéro
de septembre.
L'abondance des matières de la présente chronique nous oblige à retarder
également la publication de la liste des livres donnés à la Bibliothèque de la
Société, la suite des dons faits au Comité (le la souscription BouchenV, et un
compte rendu de la deuxième édition du Lutrin de Laaèr, d'Achille Mir.
Le Gérant responsable : Ernest Hamslin
Dialectes Anciens
SAINTE MARIE MADELEINE
DANS LA LITTÉRATURE PROVENÇALE
il
{Suite)
II
[po 39 po] Aiso es homelia d'Origenes de la Magdalena so-
bre Tevangeli de san Johan : Maria stabat ad mo[numentum fo-
rts plorans]. En aquel temps Maria esta va al moniment foras
plorao .
5 Ausit avem, fraires, Maria al moniment de foras estar ;
ausit [V°] avem Maria plorar. Vejam, si podem, per ques es-
tava, vejam per que plorava. Profieche nos sos estars, profiechi
nos sos plora[r]s. Amors la i fasia estar. Dolors la costrenia
plorar. Estava e regarda[va] tôt entorn, si per aventura vira
10 aquel ques [40] amava. Plorava, car s'ase[8]mava ques aquel
qu'ilh queria en fos portatz. Li dolors era renovellada, car
aquel per la mort del cal avia agut tan gran dolor, aras car
n'era portatz, avia major dolor. Et aquil do]or[s] era majers,
[V**] car non avia neguna consolation. La causa de la pre-
15 mieira dolor fon car Favia perdut vieu ; mais d'aquesta dolor
avia alcuna consolation, car al mens mort lo cujava retener.
Mais aras d'aquesta dolor non si podia consolar, [41] car lo
cors del mort non podia trobar. Paor avia que li amors de
son maistre el sieu piets si refrejes; per que lo queria, per so
20 que, can lo veiria, si escalfes.
Maria era venguda al moniment, portant ab si especias es
oinementz, los cals avia apareillats, [V°] per so ques enaisi
con enans avia oinch los pes del vivent ab oinement precios,
enaisi aras lo cors del mort ab oinement tôt oisces es ab es-
TOMB X DE LA TROISIÈME SÉRIE. — AOUT 1883. 4
54 SAINTE MARIE MADELEINE
peciâs condis, es enaissi con premieiramen als pes de nostre
25 seinor Jesu Crist [42] lagremas avia escampat, aras al moni-
ment lagremas escampes. Avia plorat premieirament e la-
gremas avia escampat per la mort de s'arma, e venia auras
ab lagremas arozar lo moniment per la mort de son maistre.
[V**] Mais car non trobet lo cors el moniment, le trebals del
30 ong[u]entperi, mais lidolors de plorar crée ; defalli a servir qui
non defalli a dolor; defalli cul oises,mais non defalli cuiplores,
per so car aitant mais plorava cant Jesu si luinava. [43] Plo-
rava doux fortment Maria, car dolors era ajustada sobre dolor.
Dosdolors grans portavaen uncorage,lascalsvolia adousar
35 ab lagremas, mais non podia ; e per aiso, tota pausada en do-
lor, defallia de pensa e de cor, e non sabia que [V°] si feses .
Que podia aquist femena aire far sinon plorar, ques avia tan
gran dolor e neguna consolation non trobava ? Sans Peires e
sans Johans eran vengut ab lui al moniment ; mais car non
40 troberon lo cors, tengron lur via. En-[44]-pero Maria estava
al moniment déferas plorant e quais desesperada desesperans.
Peires e Johans agron paor e per aisso non esteran. Maria
non avia paor, car ren non li era vejaire li poges far paor.
Perdut avia son maistre, lo quai [V°] amava tant sengular-
45 mens e tan soletamens que d'el en fora ren non poges amar.
Ren non podia esperar : perdut avia la vida de s'arma, e per
aiso mais volia morir que vieure, car per aventura morens
atrobera [45] cel que vivent trobar non podia, sens lo quai
non podia vieure. Fortz causa es aici can mortz amors. Que
50 podia aire far li mortz en Maria ? Fâcha era aici con morta,
aici con si non sentis ren. Sentons non sentia, vezens non ve-
zia,[V**] ausens non ausia. Ni àncars aqui era on era, car aqui
era tota on sos maistres era, del cal non sabia on si fos.
Queria lo e non lo trobava, e per aisso estava al moniment
55 e plorava, tota plena de lagremas e de miseria. 0 Maria,
[46] cals conçois, cals esperansa, cals cors era a tu, ques es-
tessas sola al moniment, cant li dicipol s'en partian ? Tu ven-
guist enantz ques il, es ab els la torniest, et après els la re-
masist. E per que o fesist ? Sabias mais ques il, amavas plus
60 ques il, [V®] que non temias aici con fasian ill ?
Certamen Maria non sabia ren sinon amar e per son amie
doler, Desnembrat avia temor, desnembrat avia si mesesma,
SAINTE MARIE MADELEINE 55
desnembrat avia tôt cant es, estier cel que sobre tôt cant [es]
amava. E cals [47] meravilla es si aissi s'era desnembrada
65 que neis el non conogues ? S'il si renembres de so qu'el li avia
dig, illi nol quesera [el] moniment; ans s'alegrera del vivente
non plorera car n'era portatz, mais del resucitat si donera
gaug, car [V°] Jésus avia digqu'enaici mo[r]ria e ques al ters
jorn resucitaria. Mais trop grans dolors avia son cor implit,
70 la memoria d'aquestas paraullas n'avia délit, neguns sentimens
en lui non era remasutz, totz conseills en lui era peritz, [48]
tota sa esperansa era defallida, solamen plora[r]s li era re-
masutz. Plorava donx, car plorar podia, e do mens que plo-
rava, enclinet si e regardet el moniment e vi dos angels sesens
75 en vestirs blancs, l'un al cap, l'autre als pes. [V°] E dison li :
0 Femena per que ploras ? w 0 Maria, gran consolation as
trobat e miels t'es près que tu non esperavas, car tu querias
sol un ez as trobat dos, tu querias home ez as trobat angels,
querias mort ez as trobat vi-[49]-vens, e tais que sembla ques
80 aian cura de tu e que sembla que vullan ta dolor asoaviar.
Mais aquest que tu queres sembla que de ta dolor ren non aia
que far, ni sembla que tas lagrimas vuUa veser, car tu l'apelas
[V°] et non ti aus, pregas lo e ren non acabas ab lui, queres
lo e nol trobas, picas a la soa porta e non ti uebre, segues lo
35 e fuh ti. Allas ! E ques es aiso ! Allas ! Can gran mudament !
Allas ! Con es li causa mudada en so contrari 1 E non es [50]
lo aiso Jésus ques es partits de tu ? Et en cal mani[e]ira? Non
sai si ti ama. Sa entras t' amava e ti defendia del phariseu, e
ti escusava dousamen a ta seror. Sa entras ti lausava, quant
90 oinias los sens pes ab enguent, [V°] can los lavavas ab lagre-
mas et ab tos pels los torcavas, La toa dolor asoaviava, tos
peccatz ti perdonava. Sa entras ti queria, e cant non eras
presens, mandava querer per ta seror que venguesas a lui.
« [Lo] maistre^, dis Marta, a tu es [51] vengutz e demanda ti.»
95 Ai can viatz si levet Maria, cant aiso ausi ! Can tost venc e
gitet si als tieus pes, bon Jesu, aisi con avia acostumat ! E
tu cant la vist dolenta, fust piatos, e cant la vist plorar, ti
ploriest. 0 quan piatosamen [V**] consolan la, diisi[s]t: a On
l'aves pausat? » A la fin, per amor d'aquella que mot t'avia
100 amat, son fraire san Lazer resuscitiest, e la dolor de questa
amiga toa en gauhtorniest. Mais, o dous maistre, ques a pueis
56 SAINTS MARIE MADELEINE
peccât coTntra tu aquist discipola tiua? En que [52] a pueis
ofendut la douspr de ton cor aquista amiga tieua, ques enaisi
ti partes de lui? Nos, après aiso, negun autre peccat non
105 avem ausi[t] de lui, sinon que fort matin venc al moniment,
enans que neguns dels fraires, portans onguents [V°] ab ques
oises ton cors; e car non ti trob[et] el moniment, coret e diis
0 a tos dicipols. Aquil vengron e viron o, e pueis ill s'en tor-
neron. Pero aquisti esta e plora. Si aiso es peccats, non po-
110 dem dir qu'il aiso non aia fah; pero si peccats non es, mais
[53] amors ques a de ti [e] desiriers, per que ti partes enaici
de lui e ti escondes, tu ques amas tots cels que ti aman e
que ti laisas trobar a tots aquels que ti queron? Tu as dih :
« leu ami aquels que mi aman, e qui de matin vellara ab [V®]
115 mi trobara mi. » Per que doux aquist femena, ques ùi matin
a tan vellat a tu, non t'a trobat? Per que non consolas [las]
lagrimas ques escampa per te, son seinor, enaissi con con-
solieât las lagrimas las cals escamp[et] per [lo] seu fraire ? Si
tu ra-[54]-mavas aisi con soles, per que lueinas tan son desi-
120 [ri]er? 0 verais maistre e garens fisels,nembri ti de la garentia
que portie[s]t a Maria d avant Marta, soror soa. Tu diisi[s]t :
(i Maria a elegit la melor partida, li cals no li er touta.wVera-
mens Maria a elegit la me-[V°]-ilor part, car a tu elegit; mais
con es vers « li cals no li sera touta », si tu[li] yest to[u]ts ? E si
125 non [li] iest touts, tu li meillers parts, la cal a elegida, per que
plora ni que quer ? Sertament Maria non quer mais ren mais so
ques a elegit, e per aiso non si laisa de [55] plorar ; car so ques
a elegit aras a perdut. Doux tu ques iest garda dels homes, o
tu la part ques a elegida garda as ella, o ieu non sai con sia
130 vers « li cals non li sera touta », si non si entendia que, ja sia
so que tu sias tout[s] d avant los sieus uels, [V®] pero non iest
touts de son cor.
Mais digas nos. Maria, per ques iest torbada? Que queres?
Per que ploras plus? Veti que tu as los a[n]gels; abasti te U
135 vista dels angels ; car per aventura aquest que tu ploras sent
alcuna causa en te per que non [56] ti vol veser. Pausa fi a
la tiua dolor, sia fins a las tieuas lagrimas ; renembri ti que ti
diis es a las autras donas : « Non vulas plorar sobre mi. » El
t'a vedatque non plores, et tu non ti laisas de plorar. Ques es
140 donc so que tu fas ? Paor ai que [V®] ploran Tofendas, aquel
SAINTE MARIB MADELEINE 57
per cui continuamens ploras. Car si el amava las tiuas la-
grimas, non poria tener las siuas lagremas, aisi con autra
ves non las poc tener. Aujas donx aras lo mieu conseil : abasti
ti li vista dels an gels e li consolacions, estai [57] ab els e
145 demanda lur si per aventura sabrian novas d'aquel que tu
queres, e si aquelque tu ploras los a trames per se o per ti,
per so que ti fasan saber la soa resurexion e consolon lo tieu
plor. Car il ti dison : « Femena, que ploras ? Cals es li causa
[V**] de tan gran dolor? Non escondas a nos las tiuas lagre-
150 mas;uebre nos ton coraje, e nos manifestarem ti ton desi-
rier. » Adonx Maria, per trop gran dolor treballada, tota en
autesa de pensa pausada, non podia recebre neguna consola-
cion ni non entendia [58] a negun consolador. Mais denfrasi
penset, disent : Ai dolenta ! cals es aquisti visitacions ? Enoyos
155 mi son tut consolador; greujan mi e non mi consolan ; car ieu
queri lo creator, e greus m'es a veser tota creatura. Non vul
angels veser, non vul ab an-[V°]-gels estar, car il podon ma
dolo[r] croiser e non la podon delir. S'il mi volon ganre con-
tar, e si ieu lur volia a tôt re[s]pondre, paor ai que mais
160 enpaichar[i]an m'amor que non la desenpaicharian. A la fin
ieu non queri angels, mais lo seinor[59] dels angels. Portât
n'an lo mieu seinor;aquel solament queri, solaments el mi pot
consolar. Mais non sai on Taian pausat. Ieu regardi sil poiria
veser, e nol vesi ; ieu volria trobar lo luec on Tan pausat,
165 e nol trop. Lasa ! mesquina! Que farai? [V**] On irai? On es
anats lo mieus amixs? Quist l'ai e lo moniment, e non l'ai tro-
bat ; sonat l'ai, e non m'a respondut. Ai lasa ! dolenta ! On lo
querai? On lo trobarai ? Levarai mi, certa, anarai per tots
los luecs, non darai son als mieus uels, non dara[i'| pausa als
170 [®^1 lïiî^^s pes, entro que trobi*aquel ques ama li mia arma.
Gitas las lagrimas, miei ueil, ploras, non defallas de plorar,
anas, pe mieu, corres e non vulas pausar. Ai lasa ! lasa ! On es
anats le mieus gauhs ? On es esconduda li miua amors ? On
es li miua [V**] dousors ? Per que m'as desamparada, ]j mia
175 saluts? Ai! Cals dolors ni cals engoisas son aquestas non su-
fertablas ! Engoisas me son de totas parts, e non sai que mi
elegisca. S'ieu mi parti del moniment, non sai, lasa! on miten-
ga; non sai [61] on lo mi roquera. Partir mi del moniment
m'es morts ; estar mi al moniment m'es dolors sens sufriment.
58 SAH^TË MÀRIB MADELEINE
180 Pero miels es gardar lo sépulcre del mieu seinor que luînar
s'en, car per aventura, s'ieu m'en luinava plus, cant tornaria,
trobaria que [V®] Taurian emblat o mort. Estarai doux es aissi
morrai,per so ques al mens justal sépulcre del mieu seinor sia
sebelida. 0 quant benaurats sera mos cors, si es sebelits prob
185 del meu maistre! 0 quan ben astruga sera li mia arma, que
can isera del mieu freol de cors, de mantenent poira intrar
el sépulcre del mieu seinor ! Car [62] le mieus cors es aguts
tostens trebal a la mia arma ; mais le sépulcres del mieu
seinor li sera repaus et honors. Aquest doux sépulcre .en ma
190 vida sera ma consolacions, es en ma mort sera mos repaus.
Vivensjosta el remanrai, morens de lui m'aprobenca-[V°]-
rai, ni viva ni morta de lui non mi partirai. Ai ! lasa ! desas-
trada ! per qués ieu adonx non esgardiei ben ? Per ques adonx
non estiei ? Per ques adonx lo cors sieu el moniment perse-
195 veran non gardiei? Certamen ar non mi plorera car Fen an
[63] portât, quMeu o agra vedat, o agra seguits aquels que
l'en an portât. Mais ieu, dolenta I vuelc gardar la lei, e per-
diei lo seinor de la lei ; ieu vuelc obesir a la lei, et aquel al quai
li leis obesiibs non ai gardât ; jasia aiso ques estar ab [V**] lui
200 non fos contra la lei, car li Pasca non si laisa per aquest mort,
ans se renovella ; car aquest morts non laisa los nets, ans lava
los ores, car el sana tots aquels quel tocan et ellumena tots
aquels que s'aprobencan de lui. Mais per que [64] renenbri
ma dolor ? Anada fui e tornada, trobat ai lo moniment ubert,
205 es aquel queri e non ai trobat. Estarai doux es agardarai si
per aventura apareiseria en luec. Mais con estarai sola?Lî
decipol s'en son anat es an mi laisada [V**] plorant; neguns
non apareis qui aia dolor ab mi, neguns non pareis que quera
ab mi mon maistre. Aparegut. s'en son li angel, mais non sai
210 per cal causa son aparegut. S'il mi volguesan consolar, ben
saupran la causa per [65] ques ieu plori. Si dons sabian per
qu'ieu plori, per que mi dison : « Per que ploras? » ni : « Que
queres ? » Demandan o per aiso que mi vedon que non plori ?
Ben lur prec que non m'en amoneston, o si d'autrament o vo-
215 Ion far, ausisan mi. E que [V°] plus ? Ieu non lur obesirai, e
domens que vivi, non mi laisarai de plorar, tro que trobi mon
seinor. Mais que farai con lo pusca trobar? On mi convertirai?
On anarai? Acui demandarai conseil? Oui en demandaria? De
SAINTE MARIE MADELEINE 59
cui aurai conseil? [66] Qui aura merce de mi? Qui mi conso-
20 lara? Qui mi ensenara aquel io cal ama li mia arma? Qui mi
enseinaraon es pausats ni on jas ni si repausa ? Prec vos que
li digas ques ieu languisc d'amor e defalli de dolor, e non es
dolors aitals [V°] cou li mia. Retorna, amie mieu, retorna,
amie dels mieus desiriers ! 0 amables, 0 désirables, rent mi
525 Talegreir de la toapresensa, mostra mi la toa cara, sone li toa
vos[en las mias aureillas, car dousa es li toa vos] e l[i] to[a] cara
sobre bella. Oi, esperansa miua, non mi confondas per lo mieu
aguardamen, mostra mi [67] la toa cara, es abasta a la mia
arma.
^O Domens que Maria aisi plorava es aiso disia ab grân dolor,
giret si tras si e vi Jésus estant, e non "sabia que fos Jésus.
E diis li Jésus : « Femena que ploras ? que queres ?» 0 desirier
de la soa arma, per que li demandas : « Que ploras ? » [V®] ni
per que li demandas : « Que queres ? » Illi, un petit enants,
235 ab SOS uels, ab gran dolor de son cor, avia vist tu, esperansa
soa, pendre en la cros, e demandas li :« Per que ploras ? » Illi,
très jors a^ avia vistas las toas mans, ab las cals soven era
aguda benesida, els [68] tiens pes, los cals avia soven baisats
es ab lagremas avia lavats, vi clavellar ; e tu eras dises : « Que
240 ploras? » Aras sobre tôt si cres que tos cors en sia portats, al
cal veser es oiner, per so ques en cal[que] maneira fos conso-
lada, era venguda, e tu dis[es] : « Que ploras ? [V®] que que-
res ?» Tu sabes que tu solament quer, que tu solamen ama,
per tu totas causas mespresa, e tu dises: « Que queres? dDous
245 maistre,per ques escomoves Tesperit de questa femena? A que
escomoves la soa arma? Tota pent de tu, tota esta en tu, tota
espéra [69] en tu, tota si désespéra de si. En tal maniera ti
quer que ren non quer, ren non pensa mais tu; per aiso per
aventura non ti coinois, car non es en si, mais per amor de tu
250 es foras de si. Per que doncas li dises : « Que ploras ? que que-
res? » Pensa[s ti] qu'illi ti digua: [V*] «Tu plori, tu queri », si
tu premierame[n]s non metes en son cor e non li dises : a Ieu
sui aquel que tu ploras e lo cal queres ? » Pensas ti qu'illi ti
conosca aitant quant tu ti voiras scelar?
255 Es illi, cresens ques el fos ortolans, dis li : « Bel seiner, si tu
Fen as portât, [70] digas m'o, es ieu portarai l'en. » 0 dolor
plena de miseria ! 0 amor plena de meravilla ! Aquista femena,
60 SAINTE MARIE MADELEINE
cuberta de niol de dolor, non vesia lospleal de drechura ques
era matin levais et intrava per las seuas fenestras, le cals per
260 las aureillas [V°] de son cors intrava en la maison de son cor;
mais, car illi languia per amor, per aquest languiment en
aici li uel del sieu cor eran escursit que non vesia aquel que
vesia. Car illi vesia Jesu, e non sabia que fos Jésus. 0 Maria,
que queres Jésus, per [71] que non conoices Jesu ? Veti que
265 Jésus es venguts a tu, es aquel que tu queres ti quer, e tu pen-
sas qu'el sia ortolans.Veritats es so que tu estimas ; enpero tu
en aiso eras, domens que tu en tal maniera creses qu'esta or-
tolans que non coinoiscas [V°] que sia Jesu. Car el es Jésus et
ortolans : car el semena tota bon a semensa en Tort de ta pensa
270 es en los corages dels sieus fisels ; el planta et arosa tôt ben
en las armas dels sans^ es aiso es Jésus que parlla ab tu. Mais,
per aventura, per aquo non lo coinoices car parlla [72] ab tu,
quar tu lo queres mort e non lo coinoisces vivent. Aras en
veritat ai trobat ques aiso es li causa per que si partia de
275 ^"' P^^ ^^® nonti apareisia. Per que ti aparegra aquel que tu
non querias? Tu certa querias so que non era, e non querias
[V*] so ques era. Tu querias Jesu e non querias Jesu. Per aiso,
vesent Jesu, non conoisias Jesu.
0 dous e piatos maistre, non ausi de tôt en tôt escusar
280 aquesta dicipola tiua; non puesc francamen défendre aquesta
eror siua ; si pero errava car aital ti queria cal [73] t'avia
vist e cal t'avia la[is]sat pausar en lo moniment. Ilh avia vist
ton cors mort de la cros avalar et el moniment pausar ; e tan
grans dolors Favia presa de la toa mort que non podia ren es-
285 perar de la toa vida; e tan grans dolors Tavia presa [V**] de
la toa seboutura que ren non podia esperar de la toa resur-
rexion. A la fin, quan Josep pauset ton cors el moniment,
Maria ensems i pauset son esperit, et en tal manier^ lo ajos-
tet ab ton cor ques enant pogra la soa arma partir de son
290 cors vivent que [74] son esperit ti amant del tieu cors mort.
E cant illi queria ton cors, requeria atresi son esperit ; ella on
a perdut ton cors a perdut son esperit. Cals meravilla era si
nonti sabia, que non avia esperit ab que ti pogessaber? Rent
li donx son esperit, ques a en si tos [V°] cors, e demante-
295 nent recobrara son cor e laisara sa eror. Mais con erava
ques ena[i]si per amor tieu si dolia et enaisi ti amava? Certa
Sainte marie madeleine 6I
si erava, sens dobte die car ilii non cresia dobtar, et aquest
erar[s] non movia d'eror, mais d'amor e de dolor. Donx, mise-
ricordios e [75] drechuriers juges, li amors qnes a en ti el
300 dolors ques a per amor de ti Tescuson a ti. Si erava de ti, non
regardes a [Feror de] la femena, mais a Tamor de ta dicipola,
li cals non per eror, mais per amor e per dolor, plora e ti dis:
« Seiner, si tu Ten as portât, digas [V®] me on Tas pausat, es
ieu portarai Fen. » 0 quan saviamens non sap, e quan savia-
305 men sab,e quan saviament erra ! Als angels diis :((Porta[t] Fen
an e non sai on Fan pausat ; » e non lur diis pas : « Portât Fen
aves e pausat »; car li angel non o avian pas [76] fah. Mais
a tu diis: « Si tu Fen as portât ni on Fas pausat »; car tu o
avias fah. Als angels non diis :« Digas mi», car de tôt dire non
310 podian so que de tu era fah. Pero a tu diis : a Digas mi », car
ben pogist dire so que pogist far ; car tu o avias de tu [V**] tôt
aiso fah. Mais que vol dire, bon Jesu, per que Maria tan so-
ven torn' a questa paraula : « On Faves pausat ? » Car illi avia
dih primieramen als apostols : « Non sai on Faian pausat»,
315 aquo meseis dis aïs a[n]gels, aco meseis diis a tu de tu: a On
Fas pausat? » [77] Mot es dousa aquesti paraula en son cor,
ques enaissi aonda en la soa boca. Certa, dous maistre, aisso
fa li toa dousors ; aiso fa illi per la toa amor, car membra li
que tu disist aiso meseis de son fraire : a On Faves pausat? »
320 Pueis qu'illi ausi aquesta paraula [V°] de la toa boca, con-
servet la diligentment en son cor es es si delichada en la toa
paraula. 0 quant ama ta persona que tant ama ta paraula, e
cant désira veser la toa cara ques ab tan gran desirier re-
conta ta paraula, e cant volen-[78]-tiers baia tos pes que tan
325 volontiers dis tas paraulas ! Ques es aiso, bos Jesu, qu'illi dis
de tu : « Jeu Fem portarai? » Josep ac paor e non auset ton
cors penre, si non de nueh es ab licencia de Pillât. Maria non
agarda nueh ni a paor de ren ; mais ardidaraen promet al
seinor: a Jeu Fen portarai. d [V°] 0 Maria, si le cors de Jesu
330 fos pausat[s] en lo palais del princep del[s] Jusieus, la ont sans
Peires si calfava, que feseras? « Ieu, dis ella, Fen portarai. »
E si li serventa que sonet san Peir3 ti disces ren, que feras?
« Jeu Fen portarai. »
0 meravillos ardiment de femena! [79] 0 femena e non fe-
335 mena! Negun luec non gara, ren non met davant, sens tota
62 SÀINTB MARIE MADELEINE
paor, ans ardidamens promet : a Digas mi on Taves pausat, es
ieu l'en portarai. » 0 femena, grans es li tieus ardimens, grans
es li toa fes. Donx, bons [V®] Jesu, seiners nostres, per que
t'es desnenbratde dire : « Siafah aisi con tu vols! » e « : Filla,
340 aias confisansa, li tia fes t'a fâcha salva ? » Es ti desnenbrat
d'aver misericordia, bel s[ein]er Dieus ? Per que non li dises
donx on ti sias pausats, per so ques illi ti porti sobre son cors
e ti [80] manifesti a tos dicipols ? Non vullas, bons maistres,
plus alongar son desirier, que très jorns t'a espérât e non a
345 de que sadoUe la soa arma afamada, si tu non li donas lo tieu
cors, manifestant ti a lui, e de las brigas de lui pusca inplir
lo cofin de son co-[V**]-rage. Si donx non vols que defalia en
la via, refrega e conforta las entras de la soa arma ab la dousor
del tieu cors e de la toa sabor ; car tu iest pans vieus ques as
350 en tu tôt dalech e tota suavitat de sabor ; car non poira lon-
gamens retenir la vida de son [81] cors, si tu tost non ti ma_
nifestas a lui, vida de la soa arma.
Adonx li diis Jésus : « Maria !» es adonx illi giret si e respon-
det li : o Maistre ! » Adonx li dis Jésus :« Non mi vulas tocar î »
355 en que dona as entendre ques illi lo vole embrasar. 0 muda-
ment de la drecha [V°] del Altisme ! Tornats es lo dois en
gran alegrier,las lagremas de dolorson mudadas en lagremas
d'amor. Pueis que Maria ausi: «Maria! » conoc qu'es aquel
que l'apellava era sos maistres; adonx revieudec lo sieus es-
360 perits, le sieus sents li retornet ; [82] e domens que Jésus vole
ajostar as aquestas paraulas, non o poc Maria pacient[ment]
escoutar,mas per sobras degauh rompet las paraulas, disent :
a Maistre ! » Non li era vejaire ques âges obs la paraula, car
aviatrobat laveraia paraula; plus utils [V**] causa li semblava
365 tocar la paraula que si ausis autras paraulas. 0 amors forts
e non suffrens ! Non li abastava veser Jesu e parllar ab lui, si
non lo toques. Sabia Maria que vertuts isia de lui e sanava
tots aquels quel tocavan. 0 piatos seiner e dous maistre,
[83] quant bons iest as aquels ques an cor drechurier e can
370 8u[aus] as aquels que ti aman! 0 can bonaurat son aquil que
ti queron ab semple cor I E can ben astruc aquil ques an lur
esperansa en te ! Veritats es sens tôt dubte que tu amas tots
cels que t'aman [V**] e negun temps non laisas cels que en
ti an lur esperansa. Veti ques aquisti amiga tiua simplament ti
SAINTE MARIE MÂDBLBINE 63
375 queria e verament t'a trobat ; esperava en tu e non Tas desan-
parada ; ans a mais consegut que non esperava.
Segam, fraires, Tamor d'aquesta femena, per [84] so que
nos prena aisi con as ella près. Plore cascun[s] e quera Jesu,
car el non si celet a la pecairis quel queria. Apren, homs pe-
380 caires, de la femena pecairis, a la cal foron perdonat sei pec-
cat, plorar lo luinament de Dieu e desirar la soa presencia.
Apren de Maria [V°] amar Jesu es esperar Jesu e querer lo ;
apreo per amor de lui tôt trebail sofrir, negun' autra conso-
lacion non voler mais de Jesu, tôt' autra causa per amor de
385 lui despreisar. Apren a quere Jesu en lo moniment de ton cor,
osta la peira del moniment, so es a saber : tota [85] duresa
de ton cor gieta e tota autra cobesesa, e enserca diligent-
men si poiras trobar Jesu ; e si non lo podes trobar, estai de
foras e plora, sil poiras veser en los autres, e pregua Jesu
390 Crist, nostre seinor, ques el deini intrar a tu es en tu habitar;
e per so que per erguel non [V*] lo partas de tu, humilia ti,
enclina ti en lo monime[n]t ques es en tu, e si veses angels, so
es a saber desiriers celestials, e per aquels non podes ancars
aver Jesu, non ti tengas per pagat, ans plora e quier Jesu tro
395 que l'atrobes ; e si per aventura ti apareise'[86]-ra en al-
cuna maneira, non vulas de tu presumir, aisi con si tu lo co-
noisias, mais enterva li e prega lo que li plasa con si monstri
a tu ; car ieu ti promet certanament, [si] ab veraia fe estas al
moniment de ton cor, si ploran queres Jesu [V**] e persévéras
400 en quere lo, si ab humilitat ti enclinas, si per eisemple de
Maria non re[ce]bes autra consola[ci]on de Jesu, de lui en fo-
ras, per la soa révélation tu lo trobaras el conoiseras, en tal
maneira que non sera obs que tul queras nil demandes als
al très. [Sed tu magis indicabis eum nuncians aliis : quia vidiDo-
405 minum et hec dixit mihi, Cui est honor et gloria cum Pâtre et
Spiritu Sancto in secula seculorum. Amen.
Explicit omelia Origenis de beatissima Maria Magdalena de-
vota valde,
Deo gratias.]
(A suivre.)
Dialectes Modernes
LA. BISCO
COUMÈDI PROUVENÇALO EN DOUS ATE E EN VERS
ATE SEGOUND
SCENO PREMIERO
GecilOy Flourineto
(Flourineto porto souto lou bras un ourjbu que met sus lou banc)
CECILO
Acô pourra jaraai intra dins moun idèio,
Qu'Estève ansin de iéu ague fa sa risèio ! . . .
Pamens, de la façoun que me Tas afourti,
Deve lou crèire. . . Oh! pièi, n'en prendrai moun parti. . .
Iéu qu'aviéu alesti déjà ma raubo blanco ! . . .
Fau jamai dire : « Es miéu », d'un aucèu sus la branco. .
As estrifa moun cor plen dôu tienne, o marrit!. . .
LE DÉPIT
COMÉDIE PROVENÇALE EN DEUX ACTES ET EN VER»
ACTE SECOND
SCÈNE PREMIÈRE
Cécile, Florinette
{Florinette porte sous le bras une cruche qu'elle dépose sur le banc)
CÉCILE
Cela ne pourra jamais entrer dans mon esprit, — qu'Estève de moi
ait ainsi fait sa risée ! . . . — Pourtant, à la façon dont tu me Tas cer-
tifié,— je dois le croire. . . Oh! du reste, j'en prendrai mon parti....
— Moi, qui avais déjà préparé ma robe blanche [de fiancée]! — Il ne
faut jamais dire : « Il est à moi », d'un oiseau sur la branche. . . . —
Tu as déchiré mon cœur rempli du tien, 6 méchant ! . . ,
LA BISGO 65
FLOURINETO
Teisas-vous ; se passavo, a.usirié vôsti crid.
CECILO
Dire qu'ai tant ploura pèr décida moun paire ,
Qu'ai begu tant d'afrount ! . . . Pèr quau ? pèr un troumpaire.
Mai tène ma venjanço